Conseil de The Donald aux “cousins” : Brexit

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Conseil de The Donald aux “cousins” : Brexit

Cette fois, on pourrait, si l’on avait le goût de la simple équité chronologique, ne pas reprocher à Trump de n’en faire qu’à sa tête et de faire gaffe sur gaffe, d’une façon grossière qui montre son “amateurisme complet et son manque total d’expérience” en matière de politique extérieure, notamment comparé à la prodigieuse “compétence” de sa probable rivale. (Laquelle pourrait se voir interrogée sous peu par le FBI concernant sa “compétence” dans la maniement des emails top-secret.) C’est-à-dire qu’on ne devrait pas reprocher à The Donald de s’ingérer dans les affaires intérieures d’un pays qu’on dit souverain, – le Royaume-Uni en l’occurrence, – en disant son avis selon lequel il serait de l’intérêt des Britanniques qu’ils choisissent de voter en faveur du Brexit. Après tout, à la mi-avril, le président Obama est spécialement venu à Londres pour lire dans une conférence de presse lire un texte écrit par le Foreign office pour exiger simplement que les Britanniques votent contre le Brexit, sinon gare... En tout cela, pour le cas Obama, en juste respect de la souveraineté nationale britannique, puisqu’il paraît que c’est de cela qu’il s’agit.

Voici donc ce que Trump a dit, à Fox.News, selon  le rapport qu’en fait BBC.News, le 7 mai 2016... « The UK would be “better off without” the European Union, US presidential hopeful Donald Trump has said. He told Fox News the migration crisis had been a “horrible thing for Europe” and blamed the EU for driving it. The Republican said he was not making a “recommendation” but his “feeling” was that the UK should vote to sever ties with the EU in its 23 June referendum. [...]

» Mr Trump, who has emerged as the Republican presumptive nominee for the US presidency, told Fox News: “I think the migration has been a horrible thing for Europe, a lot of that was pushed by the EU. I would say [the UK] are better off without [the EU], personally, but I'm not making that as a recommendation, just my feeling.” “I know Great Britain very well, I know the country very well, I have a lot of investments there.” He added: “I want them to make their own decision.” »

Trump a une position singulière au Royaume-Uni, à la suite d’une controverse qui y a éclaté en décembre dernier. Une pétition hostile signée par plus d’un million de personnes avait été transmise au Parlement, pour un débat à ce propos, à la suite de sa proposition d’instituer une interdiction temporaire faite aux musulmans d’entrer aux USA. Le Premier ministre Cameron avait lui-même jugé ces propos (de Trump) absolument condamnables, et l’on avait assisté à un déchaînement de la presse-Système contre Trump. BBC.News rappelle cela mais ajoute que, depuis mercredi et la nomination officieuse de Trump comme candidat républicain, Cameron a précisé ses propos, dans le sens de l’apaisement bien entendu. Cette promenade sémantique permet d’apprécier combien les plus grands de ce monde, au sein du Système, ont très mal apprécié la candidature Trump avant d’être confrontés à l’évidence. (Nous voulons dire par là que si l’on avait considéré Trump comme un candidat “sérieux” en décembre, les Britanniques n’auraient pas fait ce remue-ménage, et Cameron ces déclarations. Tout ce petit monde commence à comprendre que Donald Trump pourrait bien être le prochain président des États-Unis.)

« In December [Trump] caused controversy after calling for a temporary ban on Muslims entering the US which fuelled a debate over whether he should be allowed entry to the UK. More than half a million people backed a petition calling for the billionaire property tycoon to be barred for his comments, triggering a debate in the Commons.

» At the time, Prime Minister David Cameron said the comments were “divisive, stupid and wrong”, and on Thursday he said his view had not changed but added the presidential hopeful deserved respect. Mr Cameron said: “Knowing the gruelling nature of the primaries, what you have to go through to go on and represent your party in a general election – anyone who makes it through that deserves our respect”. But he added: “What I said about Muslims, I wouldn't change that view. I'm very clear that the policy idea that was put forward was wrong, it is wrong, and it will remain wrong.” »

L’épisode a de l’intérêt au moins à deux titres. Le premier est sans aucun doute, encore plus que le soutien de Trump pour le Brexit, le fait que Trump soutient le Brexit essentiellement à cause de la question des réfugiés dont il juge que la crise actuelle est essentiellement due à l’UE, et non aux pays de l’UE. Il a d’ailleurs marqué d’une façon significative que sa position n’était en rien une intrusion dans la souveraineté britannique en précisant, à propos de sa déclaration, qu’il s’agissait d’un sentiment ou d’un avis (feeling) et nullement d’une recommandation (recommendation) ; ce faisant, il se démarque de l’intervention beaucoup plus intrusive d’Obama, qui était effectivement une “recommandation”, dite d’ailleurs sur un ton comminatoire, extrêmement offensant pour qui est soucieux de sa propre souveraineté. Il a insisté là-dessus (“Je veux qu’ils [les Britanniques] prennent leur propre décision”), rencontrant la logique de son intervention de politique étrangère où il a opposé la vertu des États-nation, et donc le caractère inviolable de la souveraineté, à l’aspect dissolvant de la globalisation dont l’UE est évidemment un représentant.

Cette prudence de langage de Trump, qui signifie qu’il est passé dans son discours en mode pré-présidentiel, où l’on mesure l’aspect polémique de ses déclarations, montre au moins une chose : cette prudence et cette mesure ne modifient nullement son jugement extrêmement marqué concernant l’immigration et les effets qu’elle cause. Deux jours plus tôt, il avait fait une déclaration encore plus nette à ce propos en affirmant que la vague migratoire actuelle en Europe (ici désignée “a horrible thing for Europe”) était en train de “détruire les pays européens”. On peut donc estimer qu’un Trump devenu président conservera cette position sur l’immigration, et qu’il l’a d’ores et déjà étendue à la situation européenne. Il ne sera pas un spectateur passif ou indifférent à cet événement européen, mais au contraire, un “spectateur engagé”, d’ailleurs comme les présidents US ont coutume de l’être pour les affaires européennes, mais cette fois contre l’UE et en faveur des courants souverainistes européens.

Le deuxième aspect intéressant, c’est la déclaration de Cameron (qui précèdait ce que Trump a dit à Fox.News). Le Premier ministre britannique bat en retraite sur le jugement qui avait été de facto émis sur Trump en décembre 2015, parce qu’il faut ménager l’avenir, mais confirme son jugement sur la position de Trump sur l’immigration. Cela implique de sérieux heurts entre UK et USA si Trump est élu président, – et si, bien sûr, Cameron est toujours Premier ministre, car une victoire du Brexit conduirait aussitôt à sa démission et à son remplacement par Boris Johnson, beaucoup plus proche des idées de Trump. Mais entretemps bien sûr, si l’on retient cette dernière hypothèse, bien des choses se seront passées car un vote du Brexit (la véritable campagne commence aujourd’hui, après l’épisode de l’élection du maire de Londres, pour la première fois un musulman [d’origine pakistanaise]) conduirait à un profond bouleversement en Europe. Sans doute les uns et les autres utiliseront la prise de position de Trump durant la campagne, et notamment ses affirmations, contredisant Obama qui menaça le Royaume-Unis d’être bon dernier pour le TTIP si le Brexit l’emporte ; Trump, qui est également hostile au TTIP, a déclaré qu’en tout état de cause, s’il était élu, le commerce entre USA et UK ne serait en rien ralenti, bien au contraire... D’ailleurs, s’il est élu, que restera-t-il du TTIP ? C’est une affaire au moins aussi incertaine à cette lumière que la politique US vis-à-vis de la vague migratoire en Europe.

Bref et sans beaucoup de surprise, on voit combien tous ces problèmes sont liés entre eux (Trump, Brexit, vague migratoire, UE, TTIP, etc.). Cela confirme bien que nous sommes arrivés à l’état de chaos, comme précédemment décrit. Toutes les crises sont “posées sur la table” comme on étale son jeu, toutes les crises sont interconnectées sinon intimement mêlées avec des effets sans nombre entre elles, tous les grands acteurs sont en crise, la Crise Générale du Système est parvenu à sa composition maximale, universelle et globalisée, c’est-à-dire avec tous les composants disponibles que fournit cette contre-civilisation en état de dissolution et d’effondrement accéléré. Nous sommes bien désormais au-delà du désordre, effectivement dans un état de chaos où les différents soubresauts comprennent des perspectives où l’on trouve désormais, à côté de l’aspect catastrophique qui était la seule illustration du désordre, certains aspect de rupture contenant des éléments de recomposition, sinon de renaissance.

 

Mis en ligne le 7 mai 2016 à 06H32