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2093La chronique de James Howard Kunstler semble parfois se répéter parce que la situation qu’elle décrit, – une chronique de la vie politique et publique aux USA, – n’est qu’une accélération qui paraît sans fin de la même pathologie qui s’est emparée depuis deux-trois ans de Washington, devenue dans notre jargon attendri “D.C.-la-folle”. Le texte que Kunstler publie ce 27 juillet ne déroge pas à cette règle de la visite épisodique à l’asile, et il est cette fois du meilleur cru tant on sent chez cet auteur talentueux bouillonner la fureur, la mépris et le dégoût devant cet effondrement de l’esprit public, du bon sens, de la raison. Ainsi nous a-t-il paru opportun d’en publier une traduction-adaptation, en tentant de retrouver la verve de l’auteur parce qu’il faut ce talent pour rendre compte de l’intensité de ce climat de folie.
Aujourd’hui, dans tout jugement que l’on porte sur les affaires du monde, et outre les répétitions des descriptions de cette situation chaque jour plus folle, il faut avoir à l’esprit, comme constituant essentiel de ce jugement, cet état de chose, cet état de l’esprit régnant aux USA, au cœur du pouvoir de cette puissance. Il ne suffit pas d’affirmer que la puissance des USA s’effondre, que les USA s’effacent, etc., car c’est ne dire qu’une partie de cet événement, et à notre avis la moins importante.
En plein effondrement, certes, les USA gardent partout des positions militaires et d’influence, et également le pouvoir assez mal compréhensibles sans références d’au-delà de la raison d’exercer sur nombre d’autres acteurs une fascination désormais morbide, dont l’origine se trouve bien résumée dans l’expression usée jusqu’à la corde, puant le simulacre moisi, et pourtant toujours active d’“American Dream”. Pour cette raison, les agitations de démence maniaques, l’hybris monstrueux, les hallucinations du simulacre que chacun agite aux yeux de chacun dans le petit monde grouillant de “D.C.-la-folle”, constituent autant de chocs déstabilisateurs qui frappent le monde entier, directement et indirectement, parce que le monde entier est sous l’empire d’un Système en décomposition dont les USA sont le principal bras opérationnel.
Pour rendre compte de l’état des choses et des esprits dans l’asile, Kunstler n’a plus que l’invective ironique et rageuse. Il n’y a effectivement plus rien d’autre qui puisse en rendre un compte-rendu acceptable, et il faut beaucoup de talent pour ne pas tomber dans la répétition sommaire ou dans la vaine vulgarité. Kunstler a ce talent. Quelques-uns de ses textes devraient être glissés dans les notes que les experts et conseillers donnent à leurs ministres avant une rencontre avec les soi-disant représentants du pouvoir US... Malheureusement, écrivant cela, nous découvrons aussitôt les limites de cette suggestion : la folie de “D.C.-la-folle” est contagieuse et, dans bien des cas, nos excellences ont leur façon à elles, – servilité et American Dream obligent, – d’être d’une humeur caractérielle assez équivalente, mais souvent dans un autre style, à celle de leurs interlocuteurs et inspirateurs washingtoniens.
Ce que nous décrivons a bien les allures d’une impasse. Ce n’est d’ailleurs en rien une surprise, nous savons depuis un certain temps que les événements commandent, que l’autorité qui les dirige n’est pas de ce monde, et que nous ne pouvons faire autre chose que laisser faire. Au reste, dernière remarque courante mais pleine de satisfaction : ces pauvres hères, qui ont tous leur façon d’être servile, à tous les étages y compris au plus haut, ne reçoivent que ce qu’ils méritent en toute justice... « Les dieux rendent fous ceux qu’ils veulent perdre », écrivait un nommé Sophocle. Le moins qu’on puisse dire est qu’ils sont diablement, – si l’on ose dire, – à la tâche, et avec la main lourde. Ils savent, les dieux, que ces crétins infiniment multiples et incroyablement divers méritent une folie de première catégorie, conduite jusqu’à son terme, une folie qui les rende plus fous que fou, dans la catégorie postmoderne qui restera dans l’histoire du monde pour avoir inventé, mis au point, en complet état de marche, hors d’atteinte de toute tentative chimique d’apaisement et exercice suranné d’exorcisme, une catégorie de folie atteignant l’état de perfection de la chose.
Kunstler a encore de belles chroniques devant lui, car nous sommes très profondément persuadés que ce qui se passe est du genre inéluctable jusqu’au terme final de l’effondrement, sans rapport causal avec un Trump par exemple, – lequel n’est qu’un des produits, ou un des symptômes de cette folie, ce qui rend complètement vain d’attendre un “retour à la normale” après Trump, – cet espoir étant un autre signe de folie, si l’on veut. En attendant lisez cette rubrique-ci de Kunstler, publiée originellement sur son site le 27 juillet 2018.
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La folie politique qui sévit aux États-Unis ne fait qu'empirer, sans aucune fin en vue. Mercredi, le sénateur Ed Markey (D-Mass), a fait l'étonnante déclaration sur CNN que “le peuple américain voulait une confrontation, pas une conversation”, entre les présidents Trump et Poutine à Helsinki.
Vraiment ? Nous voulions un combat à mort et tout ce que nous avons eu, c'était un bavardage minable ? La prochaine fois, peut-être que M. Trump devrait apporter une batte de base-ball pour bien faire comprendre à son “partenaire” comment il faut penser, – une technique de négociation populaire au bon temps de la construction new-yorkaise à l'époque de M. Trump. Il y a certaines personnes avec lesquelles vous ne pouvez pas discuter civilement, en particulier la bête humaine engendrée par l'enfer qui a personnellement préparé et dirigé l'ingérence de la Russie dans notre élection et a volé une victoire certaine à la présidente-désignée Hillary. (Je le sais parce que le New York Times et le Washington Post l'ont dit.)
Un autre motif d’étonnement habituel : dans son témoignage devant le Comité des Relations Extérieures du Sénat cette semaine, le Secrétaire d'État Mike Pompeo a déclaré que les États-Unis ne reconnaîtraient pas la Crimée comme faisant partie de la Russie et exigeraient le retour de la région en Ukraine. Sans trop s’attarder à la chose, on dira que M. Pompeo est en train de pisser dans un violon. La Russie n'abandonnera pas sa grand base navale en mer chaude, pas plus que les États-Unis ne restitueront leurs installations navales de San Diego qui reviennent historiquement au Mexique puisqu’elles sont situées en Californie. Mr. Pompeo le sait bien. Il en est de même pour les imbéciles du comité sénatorial, qui ont apparemment oublié que les responsables de notre gouvernement ont fomenté le coup d'État ukrainien de 2014 qui a incité la Russie à annexer la Crimée et ses ressources militaires.
Combien d’entre vous ne ressentent pas comme moi à la fois dégoût et mépris pour les deux côtés du spectre politique américain ! Les nouvelles, chaque heure du jour et de la nuit, révèlent une nation incapable de penser, incapable de distinguer la réalité de la fantaisie, avide de dissimuler et de mentir absolument de tout, se jetant avec avidité sur toute opération de racket visant à harceler ses propres citoyens, ignorant complètement et abruptement les vrais problèmes qui vont nous conduire dans un nouvel âge des ténèbres.
Dans l’ensemble et juste pour le moment courant, je suis plus exaspéré par le côté représenté par le parti démocrate, les soi-disant “progressistes”, ou encore “la Résistance”, parce qu'ils sont responsables de la politisation du FBI avant, pendant et après les élections de 2016 et que c’est un acte funeste de déstructuration institutionnelle d’une agence qui a le pouvoir de détruire les vies et les carrières des citoyens américains. Le produit de cette corruption est une hystérie fabriquée, extrêmement dangereuse, incitant à l’hostilité et à l'agression contre une autre nation pouvant mener à une guerre dont l'humanité ne se remettra pas.
Personne dans ce groupe d’agents de ce FBI de voyous et leurs complices du ministère de la Justice n’a eu à répondre de tout ce désordre meurtrier, en particulier ceux dont les méfaits ont été identifiés en détail par l'inspection générale du DOJ. Suis-je le seul dans ce pays à me demander pourquoi ils n'ont pas été convoqués devant un grand jury ? C'est généralement ainsi que fonctionne la justice selon ses règles, lorsque des preuves d'inconduite criminelle sont révélées et qu'une enquête formelle doit déterminer si des actes d'accusation sont justifiés. On pourrait penser que le New York Timesou le WashPos’inéresseraient à demander au sous-procureur général Rod Rosenstein pourquoi il n'a pas assigné un procureur fédéral pour faire passer ces cas dans de grands jurys. Qu’est-ce qu’il attend ? Qu’est-ce qu’attendent les journaux ?
M. Trump semble complètement marcher sur la sa tête dans tout ce désordre. La bureaucratie permanente de Washington, ses complices lobbyistes de K Street et les médias sont déterminés à l’arracher comme un vieux chicot pourri du poste central du Deep Statepour qu’ils puissent revenir à leur routine, à savoir dépouiller ce qui est subsiste dans la nation qui n’a pas encore été pillé. M. Trump n'a pas les compétences rhétoriques les plus rudimentaires pour défendre sa légitimité de se trouver au faite du pouvoir, et de toute évidence ses ennemis nient qu’il y ait quelque chose de légitime dans ce cas désespéré, en particulier sa présence au cœur de leur marécage putride et pourri.
Personne ne peut dire où tout cela nous conduit mais si nous ne tombons pas dans une version originale de la Troisième Guerre mondiale avant Noël, je prévois un nettoyage de la maison américain qui fera apparaître la Révolution française comme une simple colique d’une petite nuit agitée.
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