Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
1382Au niveau de la communication, il semble que Washington D.C., dit “D.C.-la-folle” ait l’intention de suivre, vis-à-vis de la Californie, le modèle d’autorité, sinon d’autoritarisme, qu’offre l’attitude du gouvernement central espagnol vis-à-vis de la Catalogne. Le sujet est différent mais l’esprit est proche.
Le gouverneur de Californie, le démocrate Jerry Brown, vient de signer plusieurs lois (une dizaine) concernant la situation des migrants illégaux résidant en Californie vis-à-vis des actions des forces fédérales. Toujours attentif au progrès de choses, WSWS.org nous donne un texte, ce 9 octobre 2017, où il tente de débrouiller l’imbroglio juridique qui se met en place, d’abord avec la signature des lois SB54 (la plus importante), AB291, AB450, SB29, etc. Nous n’allons certainement pas suivre les traces de WSWS.org, qui nous explique les divers aspects de ces lois et les interconnexions et interactions existant entre elles. Il importe de savoir que ces lois portent donc sur les migrants illégaux et les interventions que l’autorité fédérale, dans le chef de l’administration ad hoc chargée de l’application des lois fédérales sur l’immigration et les frontières, l’ICE (Immigration and Customs Enforcement), serait amenée à faire.
Brown n’a pas signé des lois insurrectionnelles, mais des lois très calibrées pour obtenir un certain effet général tout en faisant en sorte que chacune de ces lois ne peut en apparaître comme la cause suffisante. Venimeux, notre site trotskiste préféré parce que pur et dur nous trace un rapide portrait des pratiques de Jerry Brown au travers de ces lois, où il envisage des arrangements budgétaires avec D.C. sur des points bien précis, et un portrait rejoignant ce que le site estime être les pratiques habituelles des démocrates, valant bien celles des républicains...
« The reality is that SB54 is a largely cosmetic measure, enacted by the Democratic-controlled state legislature in response to lobbying by agribusiness, the garment industry, Silicon Valley, and other business groups that are large-scale exploiters of immigrant labor.
» While accompanied by rhetoric aimed at currying favor with the state’s large Hispanic and Asian population, the bill was heavily watered down in negotiations with Governor Brown, also a Democrat, who insisted that there be no limitation on ICE agents having access to prisoners held in state and local jails, or on cooperation with ICE by jail and prison officials. [...]
» While California Democrats have sought to posture as sympathetic to undocumented immigrants, there is no fundamental difference between the two big-business parties carrying out mass repression of immigrants. »
...Mais lorsqu’on rapproche les différentes lois, on finit tout de même par obtenir une situation conflictuelle entre l’État de Californie et ICE, notamment par les diverses mesures indirectes de restriction, voire d’interdiction, que la Californie ordonne à ses forces du maintien de l’ordre en rapport avec ICE. Par exemple, les lois interdisent le partage de renseignement et la mise à disposition de lieux de détention sur place pour des migrants illégaux qui seraient arrêtés par ICE. L’analyse résume ainsi la situation potentielle, qui est définie dans le texte comme la possibilité d’un “conflit direct entre le plus grand État de l’Union et le gouvernement fédéral” :
« SB29 restricts state and local government from contracting with ICE to provide detention facilities, effectively barring the use of local jails and state prisons for detained immigrants. It was this bill that provoked Homan’s threat that ICE would ship detained immigrants to other states.
» While the Democratic Party has no such intentions, the passage of SB54 and its companion laws could yet spark a direct conflict between the largest US state and the federal government. The Trump administration seems determined to provoke such a conflict, in part to appeal to its fascistic base. »
On lit qu’il est fait mention dans cet extrait d’une intervention d’un certain Homan. Il s’agit de Tom Homan, faisant fonction de directeur de l’ICE, qui a diffusé vendredi une déclaration commentant pour ses services les nouvelles lois qui viennent d’être signées par le gouverneur Brown. Cette déclaration est qualifiée par WSWS.org d’“extraordinaire” en ce sens qu’elle interprète l’ensemble des lois signées par Brown, avec leurs interconnexions et leurs interactions, comme“un assaut direct lancé contre l’autorité fédérale...”
« The language of the statement issued by Homan is extraordinary, treating legislation enacted by the California state government, approved by huge majorities in both the Assembly and the State Senate, and applying only to the activities of state and local government agencies, as though it were an assault on federal authority.
» Homan threatens to penalize the undocumented population of the state, estimated at 2.3 million people, for the state government’s action by carrying out far more sweeping enforcement actions against California residents. »
Sachant que la Californie s’est déclarée “État-sanctuaire” refusant la politique d’immigration de l’administration Trump, on a là un tableau typique et remarquable de potentialités explosives créées par l’élection de Trump avec toutes ses conséquences. Il y a deux ingrédients dont il faut bien savoir qu’ils n’ont aucune grandeur alors que les conséquences de cette sorte de conflit, aux USA, pourraient, elle, ne pas manquer de grandeur. Il s’agit de l’ingrédient de la politique électorale et celui de l’affrontement entre les démocrates les plus à gauche et ce qu’on nomme “trumpisme” ; c’est-à-dire que ces deux ingrédients se nomment plus courtement, et d’une façon plus claire pour mieux correspondre au climat qui s’est transmuté en crise profonde aux USA depuis 2015-2016 : démagogie sociétale et populiste d’une part, haine sans retour d’autre part.
• Du côté du gouverneur Brown, politicien roué jusqu’à la moelle et progressiste-sociétal aussi vieux qu’un Mathusalem postmoderne : déjà très-jeune “opérationnel” au début des années 1970, avec une ligne politique épousant habilement toutes les grandes lignes des révoltés des années 1960, il a quitté puis retrouvé la politique quarante ans plus tard en ajoutant la cause des migrants (on reste sociétal) dans son carquois. Les migrants, c’est-à-dire essentiellement les immigrants venus du Mexique et éventuellement d’autres pays hispaniques ; c’est-à-dire la cause des chicanos, y compris bien entendu les “légaux” devenus citoyens US et qui forment désormais la plus forte minorité de l’État, devant les Blancs, ou Caucasiens-Américains comme l’on dit Hispaniques-Américains.
Il s’agit donc pour lui, le gouverneur Brown, de pousser à fond le concept de “sanctuaire”. Cela implique le refus de la politique migratoire de Trump, c’est-à-dire d’un pan important de la politique fédérale. Mais il ne peut le faire frontalement, parce qu’il est démocrate, qu’il fait partie de l’establishment, et qu’il ne peut prendre une posture qui serait vite identifiée à une attitude de rébellion, de type sécessionniste au train où vont les choses. Brown procède donc par un entrelacs de loi dont aucune ne peut être exactement qualifiée d’anti-fédérale mais dont la résultante s’avère fort proche d’être anti-fédérale.
• Dans tous les cas, c’est comme cela que les interprète le nommé Homan, qui dirige l’ICE en attendant qu’un directeur soit nommé et/ou approuvé par diverses instances. Sa bureaucratie, celle de l’ICE, ne peut manquer de comprendre que ce que lui prépare la Californie, c’est un piège où ses agents vont rencontrer les plus grandes difficultés pour réaliser leur mission. Homan prend donc une posture furieuse, pas nécessairement par idéologie mais parce qu’aucune bureaucratie au monde n’apprécie que des corps étrangers à sa logique viennent se mettre en travers de sa route.
Le seul moyen d’appuyer sa cause, c’est pour Homan de crier à une agression contre le pouvoir fédéral, ce qui revient dans les circonstances présentes à idéologiser le conflit en agitant le spectre de l’insurrection anti-fédérale (donc, sécessionniste). Par ailleurs et en cela, il ne fait que mettre à nu, volontairement ou pas qu’importe, l’attitude réelle du gouverneur Brown. C’est dire qu’effectivement il y a là-dedans une potentialité explosive d’affrontement qui peut déboucher sur le conflit politique fédérateur (!) de toutes les insatisfactions, de toutes les démagogies et de toutes les haines.
La scène continue donc à se meubler de tous les ingrédients nécessaires à un conflit majeur. Cela se passe entre la Californie et l’administration Trump, mais cela reçoit le soutien, dans tout le pays, d’éléments extrêmement actifs d’un côté comme de l’autre. La “sanctuarisation’” est un mouvement puissant qu’on retrouve dans nombre d’États et de villes, et qui s’appuie, plus que sur l’amour pour les migrants, d’abord sur la démagogie et sur la haine que suscite Trump. La question de l’immigration illégale est la poutre-maîtresse de la politique intérieure populiste du candidat Trump, une des causes majeures de son élection, et sans doute le seul volet politique qui ait plus ou moins survécu à l’immense désordre-chaos que nous a amené Trump. Si le gouverneur Brown et son équipe (où l’on trouve beaucoup de Chicanos) veulent maintenir leur position politique, il leur faut tenir sur cette question de la “sanctuarisation” ; si Trump veut être réélu en 2020, il doit au moins tenir, parmi toutes ses promesses électorales déjà trahies, sur la politique de l’immigration. Chacun est donc prêt à ne rien céder.
Miis en ligne le 9 octobre 2017 à 16H42