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232324 novembre 2015 – On fait le point, en attendant d’en savoir quelque chose de sérieux ? En un sens, avec mon Journal dde.crisis, je suis un peu là pour ça, dans les moments délicats, disons comme contribution exceptionnelle aux évènements au cours soudain précipité ... Ici, en Belgique, sorte de brave pays-ectoplasme ayant accouché d’un monstre nommé-UE, nous sommes en alerte “niveau 4”, le plus haut niveau d’alerte possible. (On parle de “niveau 0” ou de “niveau-1” en premier, je ne sais plus, puis -2, -3, etc. c’est-à-dire -4, – bref, vous aurez compris que “We Are at War”. Les US, eux, partent du bas :DefCon [Defense Condition] -5, -4, -3, -2, et à DefCon-1, c’est la grande spéciale dernière, la super-nucléaire-stratégique.) Les supermarchés sont à peine fréquentés, les écoles sont fermées (mais demains elles rouvrent), les métros roulent à peine, les trains c’est tout juste, un grand nombre de magasins (plus de la moitié, à vue de nez) sont volets baissés, les badauds ne badaudent plus guère et l’on se croirait dans une semaine des quatre dimanches dans l’entre-deux fêtes de fin d’année ; seuls quelques flocons de neige, enfreignant les consignes du Premier ministre qui a fière allure, ont bravé les consignes et se sont mis à tomber … Pas beaucoup, mais juste assez pour éveiller les soupçons : la neige serait-elle dissidente et refuserait-elle l’effort de guerre qui consiste à s’immobiliser net et sur place ?
Depuis vendredi, la Belgique est sur le pied de guerre et tout le monde n’a que ce mot à la bouche : “guerre”, “guerre”, “guerre”. Les gens un peu sains d’esprit qui ont assisté au dernier Conseil européen (post-11/13) ont noté la stupéfaction des dignes participants de la chose lorsque Mogherini, disons pour cette fois la courageuse, la vaillante Mogherini, s’est levée pour dire “Non, nous ne sommes pas en guerre”. Elle a répété trois fois la même phrase puis, constatant qu’elle ne recueillait comme réactions que l’ahurissement généralisée de ces visages qui, depuis au moins la Libye et certainement l’Ukraine, ne songent qu’à ce mot (“guerre”, “guerre”, “guerre”), elle s’est rassise, découragée. La courageuse, la vaillante Mogherini, – je la salue, pour une fois.
Mais tout cela n’est rien lorsque nous vient la nouvelle du Soukhoi Su-24 russe abattu par les Turcs. Le commentaire de Poutine après avoir reçu les condoléances du roi Abdoullah II de Jordanie qu’il accueillait à Sotchi, – condoléances pour le vol 9628 et pour le Su-24, – sont sans complications ni précautions sémantiques : « Turkey backstabbed Russia by downing the Russian warplane and acted as accomplices of the terrorists. » (“La Turquie a frappé la Russie dans le dos en abattant un avion de combat russe et a agi comme complice des terroristes”). Ce sont des paroles extrêmement claires et fermes sur lesquelles il est difficile de revenir, qui tranchent avec la prudence habituelle de Poutine et des Russes dans les premiers instants suivant un incident de cette sorte (“attendons de connaître les circonstances exactes”, etc.). Ce sont des paroles qui annoncent que la Russie n’en restera pas là, et qui confirment, à mon sens en parlant d’abord de la psychologie qui règle tout, avec la quincaillerie qui suit, « que la Russie est sur le pied de guerre ».
Des échos que je reçois indirectement de gens, ou bien dit-on “sources”, dans des positions situées à des bons emplacements dans le système de la communication, rapportent les chuchotements selon lesquels, dans son palais hollywoodien et pré-ottoman, le Calife Erdogan a de plus en plus “un peu perdu la boule”... Ou bien, disons “la bulle”, qu’il aurait plutôt confectionné puisqu’il semble vivre dans sa bulle à lui, comme font les gens de Washington selon le constat que le brave Robert Parry, complètement effaré, ne cesse de documenter. Erdogan n’a peut-être pas tout à fait sa bulle lorsqu’il traite Poutine comme il traite les Européens de l’UE (il vient les voir dans quelques jours), par-dessus l’épaule, pour exiger un certains nombre de €milliards de plus pour tourner un tout petit peu le robinet du flot des réfugiés passant en Grèce. En convoquant l’OTAN comme il l’a fait (à peu près à cette heure, à l’heure où j’écris ces lignes), d’une façon particulièrement cavalière et insultante pour les Russes, sans avoir sérieusement parlé avec eux après la destruction du Su-24, peut-être a-t-il dans l’idée de torpiller les visites entreprenantes de notre président-poire à Washington puis à Moscou et tous ces bruits d’alliance avec la Russie ?
Ici, c’est-à-dire à Bruxelles où tout se passe, dans tous les cas je parle plutôt de l’UE, l’incident du Su-24 est considéré avec une certaine légèreté sinon de la bonhomie, un peu comme tout lorsqu’il s’agit de pertes russes, comme pour le vol 9628 : “Oh, c’est pas grave, on ne va pas en faire un drame, – A la guerre comme à la guerre, hein ?”. J’ai l’impression un peu insistante qu’ils n’ont pas vraiment raison, dans leur réaction. Il n’est nullement assuré que les troubles de Syrie qui ont un peu apaisé ceux d’Ukraine, ou plutôt les ont fait passer au second plan, ne relancent pas la crise européenne, par l’Ukraine à nouveau ou par ailleurs ; d’autant que les Russes n’ont pas vraiment apprécié qu’à l’heure de l’“union nationale” étendu au domaine des lambeaux de civilisation qu’il nous reste, et tout cela avec la Russie que d'aucuns considèrent presque comme une alliée, on ait décidé de maintenir les sanctions. J’ai l’impression que s’il y avait une relance de la tension en Europe, l’humeur russe serait notablement différente.
Tout de même, il devient de plus en plus difficile de trouver des scénarios plus complexes que ceux que nous proposent les évènements qui mettent en scène ce qui semble la folie de ces temps, et qui construisent peut-être une vérité-du-monde qui pourrait bien nous surprendre. Si tel lecteur fait remarquer que le titre d’un autre article (« L’époque la plus dangereuse de tous les temps ? ») ne répond pas à la logique la plus impeccable, il me semble assuré, à moi, qu’elle répond à la fois à la perception et à la psychologie de notre temps... Mais je ne vous en dis pas plus. Je n’ai fait, pour cette occasion rapide, que servir de bouche-trou pour suppléer aux autres rubriques à l’occasion des évènements du jour, puisque j’avais un moment pour le faire. Attendons la suite, qui devrait normalement succéder à ce qui la précède et que j’ai tenté de décrire au gré de la plume...
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