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376212 avril 2017 – C’est sans doute un événement politique unique qu’a accompli Donald Trump, le président inattendu et qui ne cesse de prendre notre attente à contrepied, avec sa décision d’intervention contre la Syrie. Il faut lire le très long article, extrêmement fouillé, du Saker US, ce 11 avril 2017. Pour lui, Trump a trahi ceux qui l’avaient porté à la présidence, et dans un acte absurde puisqu’il n’écarte nullement la haine profonde de ses adversaires pendant de nombreux mois qui brusquement l’applaudissent pour la séquence sans céder en rien sur leur sentiment profond, tout en perdant brutalement la confiance de sa base populiste et anti-interventionniste.
« Le pire de son soudain revirement est qu’en trahissant les gens à droite et à gauche, Trump a montré que vous ne pouvez plus lui faire confiance et qu’il vous laissera tomber sans hésitation quelles que soient les circonstances [s’il le juge intéressant et avantageux]... »
A aucun moment, le Saker ne met en cause sa sincérité durant la campagne présidentielle. Simplement, observe-t-il, quand il jugea, Trump, que la pression exercée sur lui par son “opposition” (neocons & Deep State, les usual suspects), avec tous les effets induits, devenait un prix trop élevé pour lui, il changea brusquement d’orientation... Voilà “la trahison de Trump”. Peut-on dire pour autant qu’il a changé de camp ? Justement non, et c’est bien là que sont le fait le plus remarquable et, pour certains dont je serais tenté d'être, le danger le plus grave, – car en fait, ce que nous apprend principalement l’épisode, c’est que Trump n’a pas de “camp”, pas d’engagement, pas d’orientation. (Le Saker dit, selon une autre approche plus crue et abrupte, qu’il est « totalement sans caractère,... avec l’éthique et la morale d’une prostituée de parking pour poids lourd »)
Il y a aussi un élément personnel dans sa décision d’intervenir, sur lequel on a déjà dit quelques mots et qui se confirme, notamment au travers de ce qui a été dit de l’influence de la fille de Trump, Ivanka, sur la décision de son père (confidences du frère d'Ivanka, Marc). C’est ce côté de l'exclamation, après avoir vu quelques photos des victimes, de ces “beautiful babies of God” sauvagement meurtris et assassinés par les gaz, cet espèce d’affectivisme mou, complètement émotionnel, qui se traduit pourtant par une impulsivité incontrôlable et qui elle-même ne contrôle rien des causes de cette émotion, et qui aussitôt ordonne l’action... Cette attitude qui, si l’on y réfléchit, existait déjà et était remarquable et remarquablement efficace lorsqu’il s’agissait de tweets semblant être mis au service d’une cause rencontrant la démarche antiSystème, mais qui provoque l’effet inverse (toujours d’un point de vue antiSystème) lorsqu’on se trouve dans la crise syrienne et qu’on se précipite pour tirer des missiles de croisière Tomahawk dans les circonstances qu’on sait, – tweets pour Tomahawk, si l’on veut :
« On se trouve alors devant la perspective d’un caractère incapable de résister à la sensiblerie la plus primaire, versant dans un affectivisme totalement inconscient et, à la différence de l’affectivisme (le postmoderne) que nous définissons avec une orientation idéologique affirmée (postmoderne justement), complètement soumis à des changements d’orientation complètement imprévisibles)… »
Trump a d’ailleurs confirmé cette attitude hier, dans une interview au New York Post, lorsqu’il dit
« Mais lorsque vous voyez ces gosses choqués jusqu’à en mourir, vous voyez leurs poumons en train de brûler, vous savez que vous devez le frapper pour le punir, et le frapper fort... ».
(Dans “le frapper”, bien sûr, “le” désigne Assad puisque c’est Assad le coupable, – “who else ?”, qui d’autre puisque c’est lui nécessairement le coupable avant que quoi que ce soit n’ait été apprécié ? Qui d’autre puisque personne d’autre, c’est connu, personne hormis Assad n’utilise des gaz, tout cela est archi-prouvé... “Assad est pire que Hitler puisque Hitler lui-même n’utilisait pas de gaz” a dit le porte-parole Sean Spicer, avant de réaliser son horrible horreur et, revenant sur CNN pour s’excuser auprès de toutes les victimes de l’Holocauste, a affirmé que son président n’avait qu’un but, qui était de “déstabiliser le Moyen-Orient”, – curieuse façon de réparer une gaffe par une autre... L’administration Trump suit la voie tracée par son président, ou les zigzags de l’émotion primaire côtoient les flips-flops de l’absence d’instruction sérieuse et de coordination, – ou bien, plus simplement, d’avis différents [Tillerson et Nikki Halley]...)
Cet “affectivisme mou”, cette sensibilité émotionnelle incontrôlée, me conduisent pour mon compte à décrire, en la personne de Trump, un personnage typique de l’entertainment, de la communication-fun, de la téléréalité. C’est ce personnage dont Michael Moore nous disait, et j’avoue que j’aurais plus que jamais tendance à le croire comme on le comprendrait aisément, qu’il s’était engagé dans cette course à la présidence d’abord pour une querelle à propos d’une émission de télévision qu’il produisait, pour s’apercevoir à sa grande surprise qu’il enflammait le pays. Ce détail de “Trump à l’origine” nous ramène à la téléréalité, et à Trump comme étant une créature puissante et admirable du monde de la téléréalité. Je trouve que ce rappel, et de la personnalité de Trump qui vient à l’esprit à cette lumière, correspondent assez bien au comportement général de Trump. Ce n’est pas qu’il n’est pas sérieux, qu’ils ne prennent pas au sérieux les affaires du monde (voyez l’émotion), c’est bien qu’il est d’un autre monde... Dans ce cas, la “trahison” n’en est pas une, parce que c’est un événement, ou un choix, de la sorte qui n’a pas cours dans le monde de la téléréalité ; on n’y connaît rien de cette sorte justement, ni l’honneur, ni l’infamie, ni la parole donnée, ni la trahison par conséquent, mais simplement les agitations de l’émotion et les attitudes individualistes, et puis bien sûr les obligations de l’apparence du scénario d’une part, les nécessités de l’audience et du prime time d’autre part.
Eh bien, il faut le reconnaître en revenant à ce qui fut suggéré plus haut, tout cela nous allait fort bien durant la campagne USA-2016, dès lors que l’audience était de son côté (du côté de Trump), qu’il faisait du prime time formidablement avec ses positions populistes et antiSystème. A ce moment, certes, il était effectivement et réellement antiSystème, et il allait dans ce sens. Aujourd’hui les paramètres du spectacle ont changé, et l’émotion, l’individualisme font le reste. Le personnage, lui, reste toujours le même : sans doute sommes-nous dans le temps de la tragédie qui vient, mais sans doute Trump s’en fiche-t-il comme de son premier direct, car pour lui c’est la “tragédie-bouffe”. Bref, comme on dit fort vulgairement, il ne va pas se pomper l’air à se faire bombarder par le Système et tous ses relais durant sa présidence, alors en avant pour un bombardement de la Syrie.
Là-dessus, c’est vrai qu’il n’est nullement assuré qu’il veuille continuer (je veux dire, pour la Syrie). Au contraire, il dit sans rire au New York Post : “Mais nous n’avons pas changé de politique” [par rapport à... Par rapport à quoi et à quand ? A ses discours de la campagne USA-2016 ? Mystère and boule de gomme...] D’ailleurs, ajoute-t-il, “nous n’avons nullement l’intention d’aller en Syrie” (sous-entendu : de conquérir la Syrie), “We’re not going into Syria, OK ?”. Non, actuellement, ce serait plutôt la Corée du Nord, on pourrait y faire un assez joli prime time après tout, et ces connards du WashPo et du Times applaudiraient sûrement, non ? OK ?
Voilà où nous en sommes. La “trahison de Trump” est consommée, mais on ne va pas en faire tout un foin, et d’ailleurs ce n’est pas vraiment une “trahison”, et d’ailleurs on pourrait bien revenir dessus, par exemple aider à réparer les hangars cassés... Ou bien, taper à nouveau si un nouveau false flag (Poutine en annonce plusieurs) nous en donne l’occasion, l’émotion et la mission...
Mais il y a les autres ... Les Syriens, vous, nous, les Russes, etc. L’avis des Russes sur les USA aujourd’hui, après l’automne de l’espoir où ils crurent, comme nous tous, qu’ils tenaient avec Trump une occasion de sortir du labyrinthe parcouru d’impasses que constituaient le dialogue avec Obama, cet avis est que décidément il est impossible d’avoir quelque accord que ce soit avec les USA. Ce pays est “not-agreement-capable”, c’est-à-dire incapables de passer et de tenir un accord, ce qui correspond finalement à la définition d’un “failed state” (un État en faillite).
« For example, the Russians have often said that the Kiev regime is “not-agreement-capable”, and that makes sense considering that the Nazi occupied Ukraine is essentially a failed state. But to say that a nuclear world superpower is “not-agreement-capable” is a terrible and extreme diagnostic. It basically means that the Americans have gone crazy and lost the very ability to make any kind of deal. Again, a government which breaks its promises or tries to deceive but who, at least in theory, remains capable of sticking to an agreement would not be described as “not-agreement-capable”. That expression is only used to describe an entity which does not even have the skillset needed to negotiate and stick to an agreement in its political toolkit. This is an absolutely devastating diagnostic. »
Un “diagnostic dévastateur” est-il dit et nous allons devoir vivre pendant cinq ans avec ce qui paraît bien être une pathologie de la postmodernité, allant dans tous les sens, lançant ses bras et ses jambes dans tous les sens. La “trahison de Trump” n’est pas vraiment méchante, ni volontaire, ni calculée ; ni même (j’en suis presque sûr, de simple conviction par rapport à toutes ces conditions) exécutée essentiellement sur les ordres décisifs des diverses forces de l’ombre que l’on convoque régulièrement pour cette sorte de procès, même s’il y a eu bien entendu cette intervention. Non, c’est comme ça, il faut faire avec, et l’on verra bien ce que demain nous réserve... A chaque jour suffit son émission de téléréalité.
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