Il y a 3 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.
26651er juillet 2016 – Divers évènements, et les interprétations qui vont avec sans aucun doute, contribuent de plus en plus, d’une façon objective dans le sens où le candidat US n’est pour rien dans cette dynamique, à de plus en plus structurer et institutionnaliser Donald Trump comme candidat antiSystème. Cette dynamique est remarquable dans la mesure où elle n’est pas contrôlée, où elle ne constitue pas selon notre estimation une poussée tactique concertée (des adversaires de Trump), ni une poussée tactique du candidat lui-même, mais qu’elle peut imposer une réalité stratégique que personne n’aura spécifiquement recherchée en tant que telle, – le candidat antiSystème affirmé et quasiment institutionnalisé, – pour la campagne présidentielle dans sa phase finale. Il y a là des évènements sans réelle coordination qui produisent d’eux-mêmes une logique spécifique et installe une situation à mesure, elle aussi extrêmement spécifique.
• Le premier de ces évènements vient, ô surprise, du président français Hollande. De son interview dans Les Echos du 29 juin, pour l’essentiel consacré à la situation politique et sociale en France, à ses réalisations sinon à sa “réussite” (d’où la réaction des commentateurs qu’il s’agit de sa première intervention pour la campane 2017 où il semble estimer qu’il sera candidat), nous extrayons essentiellement les passages qu’il a consacrés à la candidature de Donald Trump aux USA. Non seulement, Hollande a condamné Trump au travers de critiques précises et, dirait-on, sans retour, mais en plus il s’est chaudement prononcé pour Hillary Clinton. Une telle incursion à ce point si avancé du processus de l'élection présidentielle d’un pays étranger, – et quel pays, certes, – est complètement étranger à la tradition française, à la tradition gaulliste de respect de la souveraineté ; c’est dire combien nous sommes dans un autre univers, une autre réalité que celle où l’on parlait de ces choses et on en tenait compte.
L’intervention a été notée aux USA (voir le Washington Examiner, le 30 juin : « French President Francois Hollande endorsed Hillary Clinton, claiming that Donald Trump would only ”complicate relations between Europe and the U.S.” “The best thing the Democrats can do is to get Hillary Clinton elected,” Hollande said in in a French newspaper article published Thursday, as he warned of Trump’s isolationist rhetoric. »). En français (RT-France), cela donne notamment ceci, sans nécessité de s’attarder au développement :
« Le chef de l'Etat français, traditionnellement discret sur les questions de politiques intérieures et électorales d'un pays étranger, s'est livré cette-fois ci dans les Echos à une mise en garde claire et nette à propos de l'élection du magnat new-yorkais gagnait l'élection présidentielle américaine de 2016. Le président François Hollande estime qu'une victoire du candidat républicain Donald Trump à la présidentielle américaine “compliquerait les rapports entre l'Europe et les Etats-Unis”. Un scénario tout à fait plausible selon François Hollande, arguant que “ceux qui affirment que Donald Trump ne peut pas être le prochain président des Etats-Unis sont les mêmes qui prétendaient que le Brexit ne serait jamais voté”.
» Le Président de la République en a aussi profité pour comparer l’ascension de Donald Trump et la montée de l'extrême droite : “ses slogans diffèrent peu de ceux de l'extrême droite en Europe et en France : peur de la déferlante migratoire, stigmatisation de l’islam, mise en cause de la démocratie représentative, dénonciation des élites... alors même que Donald Trump, par sa fortune en est l’incarnation la plus évidente”.
» “Le meilleur service que peuvent rendre les démocrates, c'est de faire élire Hillary Clinton” affirme en revanche le chef de l'Etat français... »
• Un point statistique important est que, pour la première fois, le résultat d’un sondage national d’un institut de grand prestige, Rasmussen, donne Trump nettement vainqueur contre Hillary Clinton, par 44% d’intentions de vote contre 39%, après plusieurs semaines où Trump fut mené, souvent par une marge importante. La question posée par les sondeurs est de savoir s’il s’agit d’un “accident”, un résultat conjoncturel, ou de la marque d’une nouvelle norme pour Trump qui, jusqu’ici, était fixé autour de 40% des voix et même un peu moins. La question des sondages autour des deux candidats probables est extrêmement incertaine à cause des caractères si particuliers de cette campagne, de la distance et de l’antagonisme qui séparent les deux candidats, de la formidable pénétration de communication de l’élection auprès du public (tout cela sans précédent depuis de très nombreuses élections, voire complètement inédit). Ces divers caractères rendent en effet le public très impliqué, très insaisissable dans ses évolutions et ses réactions.
Voici les résultats essentiels de Rasmussen, avec quelques observations (le 30 juin) : « The tables have turned in this week’s White House Watch. After trailing Hillary Clinton by five points for the prior two weeks, Donald Trump has now taken a four-point lead. The latest Rasmussen Reports national telephone and online survey of Likely U.S. Voters finds Trump with 43% of the vote, while Clinton earns 39%. Twelve percent (12%) still like another candidate, and five percent (5%) are undecided. (To see survey question wording, click here.)
» Last week at this time, it was Clinton 44%, Trump 39%. This is Trump’s highest level of support in Rasmussen Reports’ matchups with Clinton since last October. His support has been hovering around the 40% mark since April, but it remains to be seen whether he’s just having a good week or this actually represents a real move forward among voters.
» Trump now earns 75% support among his fellow Republicans and picks up 14% of the Democratic vote. Seventy-six percent (76%) of Democrats like Clinton, as do 10% of GOP voters. Both candidates face a sizable number of potential defections because of unhappiness with them in their own parties. »
• Deux remarques qui s’enchaînent dans le texte de présentation de Rasmussen nous apparaissent très intéressantes. La première mesure le nombre de personnes interrogées qui sont satisfaites et insatisfaites du travail de président d’Obama, qui se reportent sur l’un et l’autre candidats. Les pourcentages sont presque unanimes dans un sens ou dans l’autre, au-delà des répartitions par partis des gens favorables et défavorables à Obama, si bien qu’on pourrait avancer l’interprétation que, plus que représentant un choix partisan (démocrate pro-Obama et républicain anti-Obama), on a là affaire à un choix entre pro-Système (pro-Obama) et antiSystème (anti-Obama). Dans ce cas, la seconde remarque devient une conséquence de la première, alors qu’elle ne l’est peut-être pas dans l’intention de l’auteure...
« Eighty-nine percent (89%) of voters who Strongly Approve of the job Obama is doing choose Clinton. Trump has 86% support among those who Strongly Disapprove of the president’s job performance.
» Events in recent weeks suggest that Trump is already running a third-party candidacy against the establishments of both the Democratic and Republican parties. »
L’article référencé sur l’interprétation de Trump “concourant comme candidat indépendant” plutôt que comme candidat républicain, qui date du 23 juin, s’appuie sur le fait, bien réel celui-là, selon lequel nombre si pas la plupart des dirigeants républicains, même certains qui se sont engagés à soutenir le candidat républicain, développent beaucoup plus de critiques à l’encontre de Trump qu’à l’encontre de Clinton, voire qui montrent parfois des faveurs incontestables pour Clinton. On a ainsi le paradoxe du probable candidat républicain qui serait soutenu de facto par son parti, mais qui serait en fait désavoué au niveau individuel par les dirigeants de ce parti au profit de sa concurrente. On a alors, clairement cette fois, une situation où Trump est non seulement considéré comme “candidat indépendant”, mais essentiellement comme “candidat indépendant” parce qu’anti-establishment (antiSystème). (Encore n’est-on pas assuré, comme le signale l’article, que le parti républicain ne déciderait pas, au dernier moment, la désignation d’un autre candidat, contre tout le processus des primaires, dans un véritable “coup d’État” au niveau du parti. On verra.)
« Events in recent weeks suggest that Donald Trump is already running a third-party candidacy. While he’s captured enough delegates to win the Republican nomination through the party’s primary process, there’s reportedly a renewed effort afoot by some close to Mitt Romney to change the rules and steal the nomination from Trump at next month’s GOP national convention.
» At the same time, some Republican leaders, most notably House Speaker Paul Ryan, seem more critical of Trump than of his Democratic rival Hillary Clinton, even as they insist that they support the nominee. George Will, one of America’s senior conservative pundits and a longtime reliable supporter of Republican presidential candidates, just this week urged major donors not to give to Trump’s campaign to ensure the GOP nominee loses in November. »
Le point qui nous intéresse ici, au-delà des paradoxes républicains, est bien entendu la formation de facto, c’est-à-dire d’une façon informelle, d’un front anti-Trump constitué des représentants de l’establishment/du Système, et parlant en tant que tels, avec des arguments qui représentent sans aucun doute le Système lui-même. Là-dessus, la chronologie elle-même est instructive : malgré ses victoires, malgré la dynamique qu’il développe, malgré la soumission apparente des instances du parti républicain à l’une ou l’autre occasion, l’opposition du Système à Trump reste toujours aussi forte, et même tend à se durcir. Ce n’est pas pour dire ici que les chances de Trump s’amenuisent, s’il nous venait un instant de discuter sérieusement de ses chances, mais bien qu’il existe une force supérieure qui enferme l’establishment dans son attitude, éventuellement même contre ses intérêts, comme ce pourrait être le cas pour le parti républicain.
Le résultat, pour Trump, c’est une incontestable institutionnalisation comme candidat antiSystème, quelles que soient ou seraient ses intentions à cet égard. C’est sans aucun doute le point qui nous intéresse ici, et même le seul point qui doive nous intéresser...
Le discours des zombies-Système contre les antiSystème est nécessairement sophistique parce qu’ils (les zombies-Système) ne distinguent pas précisément, – il ne faut point trop leur en demander, – qu’il s’agit d’une telle bataille (Système versus antiSystème) où la logique courante et l’argutie de communication développées d’habitude au sein de la bulle-Système n’ont plus aucune pertinence et ont souvent, jusqu’à l’avoir systématiquement au plus la situation se précise, comme caractère principal sinon exclusif d’être contre-productif. Alors abondent les contradictions, absurdités de type-sophistique.
Revenons à Hollande, car lorsqu’un président à 12% condamne un candidat à la présidence à 44%, c’est qu’il y a une anguille certainement plaisante sous roche... Dire, comme il (Hollande) le fait, que Trump pratique la « dénonciation des élites... alors même que [...], par sa fortune [il] en est l’incarnation la plus évidente” », c’est une contradiction par rapport à son jugement, qui met à nu une incompréhension de l’évolution de la politique. Si Trump fait vraiment partie des élites et le reste, c’est-à-dire un zombie-Système faisant partie de l’élite-Système, c’est que sa “dénonciation des élites” est une manœuvre de démagogie, tout comme ses autres argument populistes, et alors à ce moment-là pourquoi un représentant de l’élite-Système serait-il un danger pour ces élites-Système ? On sait bien, selon une telle analyse, que Trump trahirait ses électeurs et ne tiendrait aucune de ses promesses... Selon ce passage, on comprendrait que Trump mentirait (démagogie) et qu’il serait “un des nôtres” (à nous élites-zombies-Système) une fois élu : Hollande devrait savoir cela et être rassuré, puisqu’il a lui-même pratiqué la méthode (« Je suis l’ennemi de la finance »).
Du coup, son intervention de condamnation sans appel de Trump et jusqu’à prendre position pour Clinton, d’une façon si inhabituelle sinon impensable pour un président français digne de son rang lorsqu’il y avait encore un rang à tenir, cette intervention devient illogique, contre-productive. Alors, il faut la prendre pour du comptant en jugeant que celui qui l'a faite ne s'est pas aperçu de la contradiction, et que d'ailleurs il est justifié de croire qu'il s'en fout. On découvre qu’elle contribue, dans la pleine compréhension de ces propos officiels, s’il s’agit vraiment d’une condamnation et puisqu’il s’agit vraiment d’une condamnation, à institutionnaliser Trump comme antiSystème même. (En d’autres mots : “Puisqu’il fait si peur aux élites-Système alors qu’il en est, alors c’est qu’il est un transfuge, et l’on sait que les transfuges sont les plus terribles face à leurs anciens maîtres et ce traître au Système devient effectivement un véritable et dévastateur antiSystème.”)
A partir de cet exemple si bien “de chez nous” (de ce que nous sommes devenus) et si significatif, – Hollande n’a pu faire cela, dans sa couardise courante, sans l’accord de ses principaux tuteurs, Merkel et Obama, – on a donc une bonne mesure, tangible, significative, de la peur-panique, justifiée ou pas qu’importe, que Trump inspire aux vraies élites-Système. La peur-panique étant généralement assez mauvaise conseillère, l’on comprend également combien ces attaques tendent à faire de Trump, de plus en plus, un antiSystème absolument décidé et décisif. Si l’on se réfère alors aux différents résultats et remarques de Rasmussen vus plus haut, en plus de la logique décelée chez Hollande, on en conclut en effet que cette peur-panique du Système qui les pousse tous contribue avec une force inattendue, 1) à ancrer définitivement Trump dans sa fonction d’antiSystème jusqu’à en faire un véritable antiSystème ; et 2) plus encore, à l’institutionnaliser, à l’adouber officiellement comme candidat antiSystème...
C’est une manœuvre particulièrement intéressante (pas pour les zombies-Système qui, agissant comme autant de zombies, ne mesurent rien des effets de leurs démarches). L’adoubement, l’institutionnalisation reviennent à créer véritablement puis à reconnaître officiellement dans un même élan qu’il existe un “parti” antiSystème et que c’est bien lui qui est partie prenante dans la bataille en cours. Cette logique qui institutionnalise l’adversaire en le haussant, donc en lui donnant un prestige incontestable et une validité officielle, vaut ici pour Trump, comme elle a valu hier pour le Brexit, et l’intervention d’Obama à Londres, dans une même démarche d’ingérence dans une souveraineté étrangère qui a eu comme résultat paradoxal d’institutionnaliser ce même parti du Brexit en un adversaire absolument acceptable (même si parce qu’ éminemment dangereux, mais ceci expliquant cela, et ceci renforçant cela).
(On notera, sans s’en étonner une seconde, qu’Obama lui-même, est désormais en mode-turbo de dénonciation de Trump, non seulement sur la scène intérieure où il est assez normalement admis qu’il le fasse, mais aussi sur la scène extérieure. Est-il particulièrement finaud, de la part d’un homme dont vante la finesse paraît-il, de parler conjointement aux citoyens américains et aux Canadiens, et à partir d’Ottawa encore, d’une affaire intérieure qu’est l’élection présidentielle US, en même temps d’ailleurs que du Brexit, qui est également une affaire intérieure d’un pays-tiers ? Ainsi, le 29 juin, devant rien de moins que le Parlement canadien à Ottawa : « President Obama urged Canadians and Americans on Wednesday to resist the politics of fear and isolationism behind the Brexit vote and Donald Trump's nomination, which he said threaten inclusion, equality and tolerance... »)
D’autre part, et au vu et su de tout cela, l’élément qui nous paraît important dans cette séquence est la disparition des frontières, des souverainetés, de la non-ingérence, etc. On peut certes s’en indigner, mais il n’y a pas que cela. Il y a que ces affaires (Trump et les présidentielles US, mais aussi le Brexit puisqu’Obama y renvient) deviennent des “grandes causes” internationales, dépassant les frontières et ne dépendant plus des souverainetés des uns et des autres. (On s’en consolera facilement en ayant à l’esprit ce qu’il reste du principe de souveraineté.) Au nom de quoi se fait une telle institutionnalisation sur le plan transnational ? Encore une fois, la logique puissante des situations et des propos, et surtout des évènements qui y poussent, nous conduit à la même formule Système versus antiSystème.
Au vu et au su (bis) de l’ampleur transnationale de ces manœuvres, on observe ainsi un mouvement général de dénonciation de l’antiSystème dans le chef des zombies-Système, qui conduit, par réaction contradictoire réclamée par l’institutionnalisation et l’adoubement, à un regroupement transnational et international de l’antiSystème. Ainsi est-il en train de se créer, sous la poussée du Système qui s’agite immodérément et sans guère de prudence dans le sens de sa peur-panique, ce qu’on pourrait opportunément nommer à l’exemple d’autres mouvements dont notre mémoire doit encore avoir le souvenir, une “Internationale-antiSystème”.
Notre propos a toujours été qu’il fallait absolument déterminer qui est l’“ennemi principal” et en faire, puisqu’il ne peut s’agir pour notre compte que du Système, l’“Ennemi exclusif”. Il se pourrait bien que le Système, en désignant lui-même son propre “Ennemi principal/exclusif”, conduise décisivement ceux qui cherchent un rôle antiSystème à se réunir face à leur “Ennemi principal/exclusif” qui se serait ainsi désigné de lui-même. (Celui qui vous désigne comme son “Ennemi principal/exclusif”, s’institue lui-même comme votre “Ennemi principal/exclusif”.)
On comprend également, dans ce cas qui dépasse toutes les problématiques stratégiques, sociales, politiques, idéologiques, etc., que nous importe fort moyennement le fait de savoir, par exemple et pour en rester au sujet principal de cette analyse, quelle politique ferait Trump s’il était élu. Une fois la bataille institutionnalisée entre Système et antiSystème, on ne peut plus raisonner selon les termes habituels des affrontements de cette sorte qui, jusqu’ici, et pour au moins les deux siècles deniers, se sont toujours déroules à l’intérieur du Système et donc en fin de compte selon les règles du Système. On ne peut raisonner désormais qu’en termes de nuisance maximale qu’un antiSystème peut introduire dans les processus du Système parce que l’unique but concevable de l’antiSystème ne peut être que la destruction du Système. L’essentiel, si Trump est élu, n’est pas sa politique, mais bien le désordre devenu chaos qu’il va introduire dans la situation politique des USA, et donc du bloc-BAO. Bien sûr, on pourrait dire la même chose du Brexit à son échelle, pour le plus récent événement disponible, et pour les autres évènements à venir dans les semaines et mois qui viennent. L’essentiel est que, se plaçant selon la logique Système versus antiSystème, ce qu’il y a d’antiSystème en eux s’insèrent dans la logique évoquée et trouvent leur place dans l’“Internationale-antiSystème”.
Forum — Charger les commentaires