“Dé-trumpiser” Trump au risque de se “trumpiser”...

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“Dé-trumpiser” Trump au risque de se “trumpiser”...

... En effet, puisque le ministre allemand des affaires étrangères emploie le terme de “trumpisation” pour qualifier l’évolution des affaires internationales, il semble que l’on soit ainsi autorisé à utiliser la racine “trump” pour diverses extensions grammaticales. – “trumpiser” aussi bien que “dé-trumpiser” et “dé-trumpisation” (quand c’est possible) aussi bien que “trumpisation”. La démarche la plus révélatrice à cet égard est la tentative que certains de ses collaborateurs font, dans certaines occasions, pour “dé-trumpiser” le président en tentant de rattraper ses audaces si indifférentes à la vérité, tout en ne paraissant pas manquer du respect qu’on a coutume de montrer vis-à-vis du président. Il y a longtemps qu’on ne peut plus guère parler de “coup” contre Trump, de “complot”, de manœuvre pour une mise en accusation, etc., – même si tout cela subsiste par habitude évidemment, – car l’on en est aux réparations au jour le jour des dégâts causés par le rythme de la trumpisation qui affecte tous les acteurs.

C’est donc la “dé-trumpisation” de Trump, qui ne peut être que temporaire l’on s’en doute, qui est requise pour qualifier l’intervention de James Mad Dog Mattis (il affirme que ce surnom a été inventé par les médias, qu’il ne l’a jamais porté), ancien général et chef d’état-major du Corps des Marines, devenu secrétaire à la défense. Le 28 juin, donc, Mattis a fait une déclaration qu’on devrait juger “sensationnelle” en temps normal et dans des conditions normales ; mais sommes-nous dans de telles conditions et dans des temps pareils ? Poser la question...

• Mattis affirme donc qu’il n’est pas question de laisser la situation entre les USA et la Russie dégénérer en Syrie, qu’au contraire les deux pays coopèrent parfaitement dans l’art nouveau de la “dé-conflictuation”. Dans TheDuran.com, Adam Garrie décrit ainsi l’intervention de Mattis qui, non seulement affirme le principe et l’opération de la dé-conflictuation entre USA et Syrie, mais en plus la détaille en insistant qu’elle se fait à tous les niveaux, y compris entre les deux ministres des affaires étrangères ; et tout cela, en dépit du fait que les Russes ont affirmé avoir “coupé” la ligne de dé-conflictuation avec les USA à la suite de la destruction d’un Su-22 syrien par un F/A-18 de l’US Navy, et que le président vient d’annoncer que les Syriens d’Assad préparent une attaque chimique :

« In spite of the fact that Russia has cancelled the direct line to the United States known as The Memorandum on the Prevention of Incidents and Ensuring Air Safety, Mattis said that the United States has “a very active deconfliction line” with Russia and that furthermore, the US does not seek to “get drawn into a fight” in Syria.

He stated, “So we just refuse to get drawn into a fight there in the Syria civil war”. Mattis continued, “We deconflict with the Russians; it’s a very active deconfliction line. It’s on several levels, from the chairman of the Joint Chiefs and the secretary of state with their counterparts in Moscow, General Gerasimov and Minister Lavrov”. »

• Tant pis, donc, si les Russes ont coupé la ligne de dé-conflictuation, Mattis a besoin absolument d’une situation contraire pour substantiver l’affirmation que tout va bien entre les Russes et les USA en Syrie. Pour ce qu’on sait pour les quelques heures qui ont précédé, et sans préjuger de ce qui se passera dans les quelques heures qui viennent, on fait l’hypothèse que les Russes ne voudront pas démentir directement et d’une façon trop sonore leur ami Mattis qui apporte un élément d’ordre dans cet océan de désordre.

Ce qui importe d’abord, c’est d’observer l’extraordinaire chaos de déclarations contradictoires des membres de la même administration ; situation désormais courante, certes, mais singulièrement remarquable à l’occasion de cette séquence. Il s’agit d’observer combien l’intervention de Mattis, personnage pourtant prétendument belliciste ultra-dur, vient en contradiction sur le fond des déclarations de la Maison-Blanche et de l’ambassadrice US à l’ONU qui en sont déjà à battre les tambours de guerre contre la Syrie, mais aussi contre la Russie et l’Iran, en riposte à une attaque qui n’a pas encore eu lieu et dont le Pentagone ne semble pas très bien comprendre d’où vient la connaissance des préparatifs de cette prétendue attaque... Par conséquent, nous fait remarquer Garrie à propos des déclarations de Mattis :

« These remarks represent a stark departure from those issued by Sean Spicer and Nikki Haley yesterday [26 June]. Haley in particular said that the US would hold both Russia and Iran responsible for a chemical attack by Syria which the American side said is being prepared, this in spite of the fact that the OPCW has said that the Syrian government and its armed forces do not have any chemical weapons.

» Such remarks were not only deeply worrying but surreal. Russia has condemned the US for such remarks and cautioned America against any infringements to Syria’s sovereignty and its right to self defence. »

• L’on peut continuer sans fin à dévider la succession des contradictions à l’intérieur de l’administration Trump, et souvent chez les mêmes acteurs, ou bien certains décident de se taire pendant une-deux semaines pour retirer le pied de cette cacophonie. Quoi qu’il en soit, l’ambassadrice des USA à l’ONU est venue avant-hier à Washington, devant le Congrès, pour affirmer contre Mattis qui venait de dire le contraire concernant la situation en Syrie, qu’il importait qu’Assad fût renversé pour que la Syrie débarrassée d’un même élan de Daesh et du “boucher sanglant“ puisse entrer dans l’ère du bonheur. (Notez que Mercouris nous informe entretemps que ce que dit Haley à l’ONU n’a aucune importance, qu’elle compte pour rien, “pour du beurre” dans l’administration des affaires ; certes, on peut se demander : si elle compte si peu, pourquoi l’avoir placée à cette fonction si importante ? Drôle de question, par les temps qui courent.) Et Garrie de poursuivre de son côté...

« Nikki Haley told the US Congress’ House Foreign Affairs Committee, “You can’t have Assad in power with the healthy Syria. A post-ISIS Syria doesn’t mean all goes back to where it should be happy and good again”. Haley’s trite remarks contradict official US State Department policy which as recently as the 22nd of June indicated that regime change in Syria is not something the US considers a realistic option. [...]

» One therefore is witnessing a highly decorated retired US General saying something entirely different to the US Ambassador to the United Nations, a woman who has no previous experience in foreign policy or military affairs. It is tempting to believe that Mattis is the more responsible voice, but given the confusion of the Trump administration, it is difficult to say this with absolute certainty. America’s highest ranking diplomatic, Secretary of State Rex Tillerson has been eerily silent for much of the week. »

• Pour autant, il n’empêche que le même Mattis a, selon Daily Caller relayant AP et sans doute d’autres, effectué entretemps une pirouette dialectique qui le replace en ligne avec son président concernant cette annonce qui était en préparation, en expliquant triomphalement que, grâce à l’avertissement du président, il semble bien que cette attaque chimique qu’on préparait mais qui n’avait pas eu lieu n’aura finalement pas lieu... A tout hasard, et pour préparer d’autres alertes où l’on annoncerait de nouvelles attaques en préparation pour conclure victorieusement qu’elles n’auront pas lieu, Mattis nous confie qu’il croit bien que les Syriens d’Assad ont du chimique caché un peu partout. Le général a la foi du charbonnier.

« “They didn’t [launch a chemical attack]. It appears they took the warning seriously,” Mattis told reporters aboard a U.S. military aircraft destined for Belgium. [...] Mattis also revealed Wednesday that he believes Syria has chemical weapons in many different areas around the country beyond the Shayrat Airbase, where April’s chemical attack was launched. “I think that Assad’s chemical program goes far beyond one airfield,” Mattis said according to the Associated Press. »

• Les commentaires qui accompagnent cet épisode de “l’attaque-qu’on- préparait-et-qui-n’a-finalement-pas-eu-lieu-parce-qu’on-l’a-dénonçée” n’ont plus rien à voir, ni avec la situation en Syrie, ni avec la politique US en Syrie, ni même avec la politique tout court. On en est à chercher des définitions acceptables pour cette occupation nouvelle qui ne concerne pour ce cas que l’administration Trump elle-même, qu’on verrait comme une sorte de jeu de “ballon-prisonnier” où joueurs et “prisonniers” de chaque camp se mélangent les uns aux autres tandis que le ballon, qui contient la dernière fiction en vogue, semble propulsé de lui-même, allant de l’un à l’autre en même temps que sa fiction évolue. Lorsque l’analyste Kamal Alam écrit pour terminer son commentaire « Il y a beaucoup de friction entre la Maison-Blanche, le Pentagone, la CIA et le département d’État pour déterminer ce qu’il faut faire en Syrie », on aurait tendance à lire aussi bien “fiction” à la place de “friction” (There is a lot of friction [of fiction] between the White House, the Pentagon, the CIA and the State Department to what to do with Syria »)

... D’où l’intérêt incontestable d’un autre commentateur, Marwa Osman, qui emploie pour décrire cette séquence diplomatico-militaro-fantasmagorique de l’administration face à la Syrie, où chacun se trouve opposé à son collègue, des mots tels que “charade” et “oracles” : « Il s’agit d’une charade, – et cette charade n’est pas drôle ni spectaculaire, elle a été trop loin. Ils se sont arrangés pour se mettre eux-mêmes dans un trou dont ils essaient désormais de sortir. Cela a commencé par des tweets de soi-disant fuites venues du Pentagone avec la Maison-Blanche disant qu’elle était préoccupée parce qu’une certaine attaque chimique était sur le point d’être déclenchée. Nous travaillons avec des oracles … Nous travaillons avec des gens qui imaginent des choses, puis qui les croient, puis qui les propagent comme autant de mensonges que le public est sommé de croire. »

• Interviewé par RT sur l’épisode de“l’attaque-qu’on- préparait-et-qui-n’a-finalement-pas-eu-lieu-parce-qu’on-l’a-dénonçée”, l’ancien diplomate US Jim Jafras ne trouve également que des termes bien éloignés de la diplomatie pour décrire la chose, en même temps que l’atmosphère à l’intérieur de l’administration, aussi bien qu’à Washington D.C. en général. Le désordre pharamineux existant à l’intérieur de l’administration n’est nullement utilisé par les adversaires de Trump pour établir quelque avantage que ce soit. Dans certains cas, les ennemis de Trump sont eux-mêmes dans un désordre considérable (voir CNN, bien entendu). Le désordre ne semble plus la conséquence de telle ou telle position, de telle ou telle habileté ou de telle ou telle maladresse, mais bien une sorte de pandémie qui a saisi tous les points de force du système de l’américanisme dans son pouvoir, à Washington D.C.

RT: « Nikki Haley said the lives of “many innocent men, women, and childre” may have been saved by Donald Trump's warning against Syria. Is that true, do you think? »

Jim Jatras: « It is pretty bizarre. Let’s remember that the threat from Spicer, he said that they did ‘another attack’ referring to the attack in Idlib in April. Remember, this came just after the publication, a very detailed article by Seymour M. Hersh essentially debunking that attack, showing that there was no attack by the Syrian government. Now we have Mattis and Ambassador Nikki Haley essentially claiming credit for the non-occurrence of an event that was unlikely to have occurred in the first place, itself supposedly a repeat of an earlier event that didn’t happen either. It is very strange. It makes you wonder if this was some kind of a big, what we call a Kabuki dance, a big show to make them look tough and effective maybe in advance of Trump’s meeting with Putin at the G20. »

RT: « Does this show division behind the scenes?

Jim Jatras: « I think they are trying to glass it over. They can’t really afford to backtrack and say “we were wrong about something.” But there was an interesting article in the American Conservative about how Secretary Mattis and Secretary Tillerson have been spending a lot of time cleaning up Jared Kushner’s mess in the Middle East and maybe that has something to do with it. Maybe that has something to do with it. Maybe there are divisions within that this threat from Spicer, the White House was ill-advised, Mattis knew that it was ill-advised and they are trying to find some way to paper things over. It’s really hard to tell without knowing what the inside communications are. »

RT: « We are seeing accusations being made without any proof being provided. This seems to be a growing trend.

Jim Jatras: « It is. And remember as we saw with Idlib, there was no proof presented... Remember, the counter-strike against the Shayrat airbase ordered by President Trump occurred within 72 hours of the supposed attack – no proof needed. And even after the fact, nobody ever wants to go back and say what really happened here. »

RT: « What do you think is the position at the moment for the so-called regime change?

Jim Jatras: « I think the establishment here in Washington that has been very opposed to Trump in general, is still committed to regime change. I think they see that agenda falling apart and that is why they do things: you get things like, for example, shooting down of the Syrian Sukhoi, the Israeli strikes against Syrian forces near the Golan. I think it is dawning on a lot of people that have been for six years trying to overthrow this government in Syria that that is not going to happen, that there are strategic consequences to that, and they don’t want to see those consequences and they are getting desperate. »

 

Mis en ligne le 30 juin 2017 à 12H00