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1769Le Monde nous confiait une confidence d’une “source diplomatique” à l’UE, assez laconique dans sa brièveté, mais aussi très significative de l’épuisement du personnel-Système, un épuisement qui nourrit un désenchantement avec une petite musique où il y a presque du désespoir par simple disparition de cette denrée qu’on appelle l’espoir, devenue introuvable au sein de ces vaillants phalanges: « “Ce qu’il faut retenir, c’est qu’on a juste une crise de plus à gérer”, déplorait une source diplomatique bruxelloise, mercredi. » Cette remarque est typique des technocrates de base, surtout les technocrates de la bureaucratie européenne qui a établi en la matière une sorte d’archétype : une crise de plus ce n’est pas une aggravation de la situation, une modification des choses, une conception bouleversée, la nécessité d’une révision des appréciations, la mise en cause des fondements, une “crise de plus” c’est une “gestion” de plus... L’UE est totalement étrangère à la moindre pensée conceptuelle, à la moindre analyse politico-historique ; c’est une sorte de Danton de la postmodernité, elle fait de l’opérationnel, encore de l’opérationnel, toujours de l’opérationnel, même quand elle a la tête plantée dans des latrines bouchées par ses propres excès et autres excédents divers et avariés.
La plupart des divers articles de fond de la presse-Système européenne, française particulièrement, comme diverses déclarations plus ou moins officielles de l’UE (certaines du type propre à susciter notre compassion, comme ceci : “Monsieur Juncker a fait part de sa tristesse”, et l’on imagine Juncker pleurant des larmes de bière), ne nous apportent rien de particulièrement exaltant pour la cause qu’ils défendent tous. Il est vrai qu'ils sont aussi exaltants que leur cause. Ils sont littéralement inhibant pour tout ce qui concerne la saga européenne.
Le référendum d’initiative populaire en Hollande, dont le résultat a été parfaitement calibré comme si le peuple pensait avec une excellente mathématique (participation de juste au-dessus de 30% [32%], donc assez pour légaliser le vote), avec les résultats qui vont bien (62% de non à l’accord d’association de l’Ukraine avec l’UE), est un coup qui peut être considéré en langage de boxe à la fois comme un direct et comme un uppercut. C’est-à-dire qu’il semblait partir selon une seule ligne et qu’il atteint plusieurs objectifs, certains directement, certains indirectement. C’est désormais l’habitude : il y a tant de crises en cours qu’un coup calculé pour laisser votre marque dans l’une d’elles entraîne des dégâts collatéraux dans quelques autres ; il arrive d’ailleurs que le “collatéral” est à terme plus destructif que l’objectif principal. Dans ces temps crisiques, tout est possible, même le pire pour le Système.
Voici quelques extraits particulièrement geignards de Markus Becker, du Spiegel (en français selon Sputnik-français du 7 avril), décrivant le champ de ruines qu’est devenu l’UE grâce à l’activité des entrepreneurs (dirigeants-UE/dirigeants-Système) qui semblent travailler avec des plans conçus par un architecte faisant partie de la fameuse école déconstructiviste, selon la technique dite “de la construction par la déconstruction” : « En plus de la crise des réfugiés, du conflit avec la Russie et du drame encore non-résolu autour de la dette grecque, nous avons donc un nouveau problème: les Néerlandais se sont prononcés contre l'accord d'association avec l'Ukraine. [...] Il ne s'agit pas de n'importe quel accord de libre-échange, mais de celui qui avait provoqué un soulèvement populaire en Ukraine en novembre 2013. Le fait que les Néerlandais se soient clairement prononcés contre cet accord est hautement symbolique. [...] [Le résultat est la victoire] non seulement du président russe Vladimir Poutine, mais aussi de tous ceux qui voudraient voir l'UE se dissoudre le plus rapidement possible... [C’est] une double gifle pour l'UE. [...] Il témoigne du fait que l'UE est actuellement très impopulaire aux Pays-Bas, considérés il y a encore quelques années comme l'un des États les plus pro-européens. Qui plus est, il montre que 70% de la population ne s'intéresse pas à cette question européenne très importante, ou estiment que leur voix n'a aucun poids. La responsabilité de cette situation incombe à l'UE et au gouvernement néerlandais... »
Lorsque la “source diplomatique” citée plus haut par l’honorable Le Monde-de-référence dit sur un ton épuisé « qu’on a juste une crise de plus à gérer », cela signifie qu’on a un truc démocratique de plus à étouffer, à détourner, à dissoudre, à pervertir, etc., comme ils ont fait avec les référendums de 2005 (en France et en Hollande justement), avec le traité de Lisbonne, avec les votes danois et autres... Cela ne sera pas facile parce que cette démarche est de plus en plus ardue à conduire à mesure de l’accumulation des crises, et donc des “trucs démocratiques” à liquider, parce que le travail de liquidation entraîne de plus en plus par ses effets des crises supplémentaires en dégâts collatéaux.
Le référendum hollandais lui-même est un aboutissement à cet égard, le fruit d’un dégât collatéral, et donc une démonstration par l’évidence. Après tout, les Hollandais ont voté sur ce qui était à l’origine (novembre 2013) un accord présenté par l’UE comme un ultimatum au président ukrainien Ianoukovitch, cela entraînant un refus, puis une sorte d’insurrection (marque déposée Maidan-BHL) plus ou moins orientée à Kiev, puis un coup d’État type CIA-Nuland en Ukraine, puis un conflit, qui reste latent avec une partition de fait du pays, en même temps que la récupération de la Crimée par la Russie … Et en conséquence indirecte, une tension maximale établie avec la Russie, l’effondrement de l’Ukraine, la réaction russe avec une réaffirmation de sa puissance (Syrie) et ainsi de suite : enchaînement crisique transformé en tourbillon crisique à partir d’un diktat complètement irresponsable et sans préparation ni mandat européen sérieux, lancé par une délégation de l’UE et un commissaire particulièrement vindicatif comme une opération d’annexion, et entraînant une série de crises qui a frappé principalement l’UE de toutes les façons. En trois ans, le résultat est à apprécier, presque comme un modèle du genre dans le genre bâclage, torchonnage, bousillage, cochonnage et salopage.
D’un autre côté, il y a cet artefact archaïque et d’un autre temps qu’est la popularité de l’UE. La manœuvre probable d’étouffement du référendum ( le couple le plus swingant de l’UE, les audacieux Hollande-Merkel, a déjà annoncé qu’il posait son fringant et commun postérieur dessus, c’est-à-dire démocratiquement) va très largement dynamiser, si besoin était, le mouvement eurosceptique hollandais qui va rapidement se transformer en mouvement pour le retrait de l’UE, – comment dirait-on ? “Hollexit” ? “Nexit” ou “Nedexit” ? – à l’image du Brexit britannique. Les Hollandais et les Britanniques ont toujours été très proches et cette proximité de l’extension du style-“exit” montre bien que les grandes amitiés européennes subsistent ; non seulement elles subsistent, mais elles sont en train de vraiment faire l’Europe (ou de faire la vraie Europe), parce qu’avec des gaillards comme les Français, les Hongrois, peut-être bien jusqu’aux Allemands eux-mêmes (catégorie-Bavarois) et tant d’autres, le mouvement-“exit” est en train de constituer, à lui tout seul, une véritable Europe...
... L’on passerait ainsi de l’Europe-UE à l’“Europexit” et des eurosceptiques aux “eurosexit”, –très sexy, tout cela. De ce fait, on pourrait très bien concevoir, – et comment ! – que le phénomène exit ne serait plus conjoncturel (exclusion ou retrait d’un État-membre) mais bien structurel (construction d’une Europe faite des États-membre ayant quitté ou voulant quitter l’UE pour s’organiser à leur[s] façon[s]). Nous jugeons que l’idée a bien des séductions et tout pour faire son chemin dans le désordre-devenu-chaos. L’“Europexit” pourrait alors dire qu’elle fait aussi bien que les USA-Trump.
Dans un texte qui détaille bien les tenants et les aboutissants de l’affaire hollandaise, Gilbert Doctorow, Coordinateur Européens de l’American Committee for East West Accord, donne ce détail très intéressant comme exemple des agitations en cours : « Les signes se multiplient que le consensus UE sur une politique étrangère inspirée par Angela Merkel se rapproche de son effondrement. En Allemagne même, ses détracteurs deviennent de plus en plus audacieux. Au début de cette semaine, les journaux allemands titraient sur l’invitation faite par l’ancien chancelier Helmut Kohl du Premier ministre hongrois Viktor Orban de venir lui rendre visite chez lui, la semaine prochaine. » (Bonne illustration et explication du référendum hollandais, on trouve sur ConsortiumNews, le 7 avril, le texte de Gilbert Doctorow [les non-Européens, quand il s’occupe sérieusement des affaires européens, sont plus intéressants que les commentateurs européens autorisés, les commentateurs-Système].)
Le référendum hollandais a montré enfin et surtout que le virus-exit, anti-UE, etc., n’est pas limité aux pays de la périphérie, que ce soit les plus pauvres couverts de l’opprobre facile d’être des “profiteurs”, que ce soit les plus particularistes comme les Britanniques ou des pays de l’ex-Europe de l’Est. La Hollande est un pays-fondateur, un des “six” de l’origine. Pour la deuxième fois (après le référendum de juin 2005), mais cette fois dans des conditions dramatiques où il était vraiment question dans la psychologie des votants de l’adhésion à l’UE parce que tout vote à propos de l’UE en ce moment implique cette extension logique, pour la première fois un des pays-fondateurs se prononce indirectement contre l’Europe. Cette interprétation n’est nullement sollicitée. Elle est par conséquent fondamentale et mesure combien la dissolution de l’Europe est à un stade avancé... “Une crise de plus à gérer” : si elle y songeait vraiment, la “source diplomatique” du Monde, au lieu de ne songer qu’à la gestion, s’apercevrait qu’il s’agit de sa survie, et qu’à cet égard l’acte de la “gestion” ne suffit plus, ou bien alors s’agit-il de la “gestion” de son propre enterrement.
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