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2866Certes, il s’agit, dans le chef du texte que nous présentions ci-dessous, de SputnikNews en français (Spoutnik, le 12 septembre 2018)... Aussitôt, il est recommandé de s’écrier “FakeNews !” après avoir fait le signe religieux des droitsdel’homme-LGTBQ (sorte de signe de croix “postmodernisé”) et vomi conformément aux consignes. Ces ablutions et devoirs de convenance accomplis, il nous est loisible de passer aux choses sérieuses.
Le texte que publie le réseau russe est une analyse technique de ce que pourrait être un affrontement limité, une sorte de “duel” en Syrie, dans le cas qui paraît aujourd’hui assez envisageable où le parti de l’américanisme interviendrait dans le cadre de l’offensive d’Iblid et attaquerait notamment et spécifiquement des cibles russes. L’intérêt du texte est de détailler le système de défense antiaérienne russe, avec sa structure, sa coordination, ses capacités, etc., en s’en tenant strictement aux aspects techniques et à l’hypothèse très encadrée d’une attaque classique (quoique supposée “lourde” sinon “massive”) de missiles de croisière mer-sol/air-sol de type Tomahawk et assimilés. Cette hypothèse nous paraît tout à fait plausible malgré le jugement de certains que la précédente attaque a été, suivant les sources officielles russes très précises et documentées, un grave revers avec la destruction de 71 missiles sur 105 tirés.
Il faut en effet avoir à l’esprit que, pour la partie US, tous les missiles ont atteint leurs objectifs, et il nous paraît assuré que cette version, – complètement improbable et pure fantasy même si l’on n’accepte pas le chiffre de 71 destructions, – est celle qui est acceptée à Washington à partir d’un certain échelon et de certains services. Notre hypothèse est que cette version “officielle” des militaires est une narrative consciemment construite par des gens qui connaissent à peu près la réalité des pertes jusqu’au moment où elle passe un sas de crédit au-delà des spécialistes et de certains chefs, et devient la “vérité officielle” et acceptée comme telle disons “en toute bonne foi”. Cela vaut évidemment pour les dirigeants politiques totalement incultes dans la matière des réalités militaires, et notamment pour ceux-là même (neocons et ultra-faucons) qui “conseillent”, c’est-à-dire le manipulent, un président (Trump) complètement désinformé, – et d’ailleurs assez peu intéressé par la vérité stricte des choses d’une part, complètement ignorant des choses de la stratégie et de la technologie militaire d’autre part.
Nous pensons en effet que les Bolton, Haley & Cie eux-mêmes croient vraiment à cette supériorité écrasante de la machine de guerre US, à partir de laquelle ils construisent leurs schémas d’agression en fonction de leurs illusions dominatrices et déstructurantes. Cette désinformation est sciemment entretenue par la bureaucratie du Pentagone selon une tendance irrésistible, et peut-être même par une partie du Pentagone pour tout le Pentagone, pour maintenir le statut, le prestige, l’indispensabilité et les budgets de l’American War Machine. Le risque est minime puisque l’attaque, et son échec éventuel entraînant les mensonges, n’affecte en rien la sécurité nationale des États-Unis et dépend de la seule machinerie de la communication.
Ce texte est ainsi d’un intérêt évident mais il est limité du fait de la problématique choisie. Il n’aborde aucunement les questions politiques fondamentales, au travers des interrogations techniques et tactiques qui détermineraient (notamment) un engagement russe. En effet, pour que toute la machinerie de la défense aérienne décrite ici fonctionne comme elle est décrite, il faut que la décision politique de l’activer ait été prise. Cela laisse nombre de questions d’une importance vitale ouvertes, selon la question générale qui est de savoir si les Russes ont acquis ou non la certitude de l’inéluctabilité d’un engagement direct avec les USA.
La première de ces questions est celle de l’engagement du côté russe. A partir de quel moment les Russes seront-ils assurés que les tirs visent des objectifs russes (ou ne les visent pas) ? (Avec la sous-question de savoir si les Russes ont décidé ou non d’intervenir même si l’attaque “massive” n’attaque que les Syriens, dans la mesure où il s’agit pour les USA de contrecarrer une offensive qui est aux yeux des Russes vitale pour liquider l’essentiel de ce qui reste des forces terroristes et imposer un terme à la guerre en Syrie.) Cette question joue-t-elle un rôle important dans l’efficacité de la défense aérienne russe ? Pour être pleinement efficace, la défense aérienne russe doit-elle intervenir dès le début de l’attaque, alors que, peut-être, les cibles (russes ou non) ne sont pas encore déterminées ? D’autre part, on voit combien l’analyse technique fait une part importante à la flotte et situe “l’engagement” aussi bien sur le théâtre méditerranéen qu’en Syrie même, ce qui élargit considérablement le champ stratégique, sollicite une décision rapide côté russe et grandit d’autant la dimension politique de la décision d’intervention. Dans ces diverses considérations, la décision politique dépend effectivement en partie non négligeable de considérations techniques et tactiques.
La seconde de ces questions concerne la suite de l’engagement, quelles que soient les conditions de cet engagement : y aura-t-il une escalade ou en restera-t-on là ? C’est-à-dire : en restera-t-on à cette notion d’un duel entre les deux où le terme est à peu près délimité ou bien passera-t-on à la notion d’un “affrontement” qui, par nature, ne nous dit pas le terme ? Quelles que soient les conditions de l’engagement, y compris avec des narrative complètement contradictoires, il reste que le sujet principal de l’engagement est la “bataille d’Iblid”.
Quelle que soit l’issue de l’engagement (du “duel”), il apparaît hautement probable, – à moins d’un état de guerre complet qui rendrait toutes ces supputations obsolètes, – que cette bataille sera toujours en cours. Se posera alors la question pour les deux acteurs russe et US, s’il y a eu confrontation, de la suite à donner en fonction de l’évolution de la bataille. C’est là que se pose la grande question de l’escalade qui repose sur ce fait théorique largement identifié durant la Guerre froide qu’aucune de ces deux puissances ne peut accepter une humiliation alors qu’elle possède des armements de plus grande capacité qui lui permettent de riposter, – logique d’escalade évidente dont le terme est évidemment le nucléaire.
Selon les divers problèmes abordés dans ces deux questions se trouve une troisième question qui est celle du “front intérieur”. Quelles peuvent être les réactions devant la perspective d’une extension du conflit et d’une “escalade” dans les divers centres de pouvoir et dans l’opinion publique ? De ce point de vue, et même si l’opinion publique russe n’a jamais été enthousiaste pour l’expédition de Syrie, la situation aux USA paraîtrait beaucoup plus tendue, incertaine, fragile... Les tensions internes sont considérables en général à “D.C.-la-folle”, et elles pourraient prendre une autre orientation particulièrement entre la clique neoconqui veut à tout prix un conflit avec la Russie, et une opinion publique jusqu’ici indifférente mais qui, vu son état de défiance et d’hostilité à l’encontre de Washington, et son état général très dépressif, serait probablement conduit à manifester une opposition à un engagement prolongé. On retrouve ici le cas d’école soigneusement occulté mais bien réel de l’épisode d’août-septembre 2013 où la perspective d’une attaque massive contre la Syrie déclencha une réaction populaire que le Congrès exprima en un brutal refus de soutien d’une telle aventure, avec un Obama à la dérive et sauvé in extremis (par Poutine !)... PhG écrivait ainsi, rappelant l’épisode à l’occasion d’une situation assez proche quoique moins intense, au début de l’année :
« Il y a un précédent, celui de l’attaque contre la Syrie d’août-septembre 2013. Tant de monde en ont oublié les véritables circonstances, se contentant d’affirmer qu’Obama avait lancé la menace d’une attaque, avait hésité puis avait reculé. La réalité de cette séquence est que l’attaque décidée après et malgré un vote défavorable de la Chambre des Communes de Londres sur la participation britannique, Obama confia la décision au Congrès : soudain, l’on constata l’effritement accéléré du soutien populaire jusqu’alors acquis à l'attaque, ce que les parlementaires, sollicités par les flots épistolaires de leurs électeurs, traduisirent en intentions de vote de plus en plus défavorables jusqu’à une déroute institutionnelle catastrophique d’où Obama fut sauvé in extremis par l’intervention de... Poutine. (Voir les textes sur ce site, à propos de cette séquence : le 27 août 2013, le 29 août 2013, le 02 septembre 2013, le 06 septembre 2013, le 10 septembre 2013, le 12 septembre 2013.)
» Ce phénomène n’a jamais été vraiment analysé, il a même été prestement déformé puis enterré comme “la mémoire” fait aujourd’hui avec les faits historiques, puis oublié par la direction politique et la communication-Système comme beaucoup trop déstabilisant pour la politiqueSystème pour qu’on puisse seulement en avoir un écho lointain... »
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Les médias américains, se référant à des sources de Washington, affirment que le président américain Donald Trump étudie l'éventualité d'un bombardement contre les forces russes et iraniennes en Syrie si le président syrien Bachar al-Assad utilisait l'arme chimique dans la province d'Idleb.
La principale force de frappe des Américains dans la région est constituée des missiles de croisière Tomahawk mer-sol, qui ont déjà servi dans l'attaque contre l'aérodrome d'al-Chaayrate en avril 2017 et contre d'autres sites syriens en avril 2018. Le résultat laissait à désirer, mais le président Trump a ensuite déclaré à plusieurs reprises que la nouvelle attaque serait «bien plus sérieuse» et que les militaires syriens pourraient ne pas être la seule cible. Le contingent russe en Méditerranée serait-il en mesure de contrer une attaque massive de Tomahawk?
Du point de vue de la couverture aérienne, la situation des militaires russes en Syrie est plutôt bonne. Un réseau complexe de défense antiaérienne a été déployé à la base aérienne de Hmeimim à Lattaquié. La périphérie lointaine est protégée par les S-400. Le deuxième échelon est constitué par les systèmes navals S-300 Fort installés sur les croiseurs lance-missiles Maréchal Oustinov et Variag, qui se remplacent par rotation pour patrouiller dans l'est de la Méditerranée, ainsi que par les missiles sol-air Bouk-M2E. En troisième ligne sont placés des systèmes antiaériens syriens S-125 Petchora-2M, et enfin, en quatrième ligne, des canons antiaériens russes Pantsir-S1 protégeant l'aérodrome et les positions des S-400. De plus, à tout moment, les équipages en état d'alerte des chasseurs Su-30SM et Su-35 sont prêts à se joindre à la défense contre une attaque aérienne. Tout cet armement tisse une «toile» et fonctionne en coordination. En cas de menace, toute la défense aérienne serait en branle-bas de combat — des S-400 aux unités dotées de lance-roquettes sol-air portatifs.
De plus, les militaires russes organisent régulièrement des exercices pour renforcer l'interaction entre les unités en mer, au sol et dans les airs. Ainsi, fin août, la flottille de la mer Caspienne, en liaison tactique avec l'aviation et la défense antiaérienne côtière, a travaillé la manœuvre surnommée “Le Mur” visant à contrer une attaque massive de missiles de croisière.
«La structure particulière des navires, des avions de reconnaissance et de chasse en liaison avec le radar côtier transhorizon Podsolnoukh et les systèmes antiaériens Bouk-M3 a permis d'accroître significativement la distance de détection de cibles volant à basse altitude. Notamment des missiles de croisière», a déclaré aux journalistes Vadim Astafiev, porte-parole du District militaire Sud.
Selon l'expert Vladimir Korovine, du Centre d'études militaro-politiques auprès de l'Institut des relations internationales de Moscou (MGIMO), dans le cadre de cette tactique les navires de guerre, l'aviation et la défense antiaérienne côtière agissent dans le même champ informationnel — ils échangent les données et se transmettent la désignation d'objectif.
«Il faut savoir que l'éventuel ennemi sait parfaitement combien nous avons de systèmes antiaériens sur cet axe, et a depuis longtemps tracé sur la carte le rayon de leur portée. Dans notre réalité actuelle, la destruction garantie d'un missile de croisière nécessite au moins deux antimissiles. Le nombre de munitions du camp qui se défend doit être au moins deux fois plus important que le nombre de missiles de croisière de l'attaquant», explique Vladimir Korovine.
D'après l'expert, la coopération étroite des forces de la marine, de l'armée de l'air et de l'armée de terre réglera ce problème, du moins partiellement. En ajoutant aux systèmes antiaériens des missiles air-air de l'aviation tactique, l'artillerie antiaérienne à grande cadence de tir de la marine, les systèmes antiaériens et les dispositifs de guerre électronique des unités côtières, alors la domination numérique des moyens offensifs de l'ennemi éventuel disparaît.
«Quand tous les moyens de défense antiaérienne se trouvent dans la même formation et travaillent de manière coordonnée dans l'espace et dans le temps, un tel «mur» est très efficace. Les derniers exercices ont prouvé que nous pouvions efficacement faire face aux menaces dans les grands bassins. A mon avis, on assiste à une situation de duel en Syrie. Aucune partie ne possède l'avantage sur l'autre. Nous ne sommes pas en Irak en 1991 ni en Yougoslavie en 1999. L'ennemi éventuel ne dispose pas de supériorité décisive. C'est la seule chose qui les retient», souligne Vladimir Korovine.
L'expert rappelle que la coalition menée par les USA a tiré 105 missiles de croisière contre la Syrie en avril 2018. Selon le ministère russe de la Défense, la défense antiaérienne a intercepté 71 Tomahawk. Bien évidemment, les Américains ont déclaré que tous leurs missiles avaient atteint leur cible. Cependant, aucun média n'a découvert de résultat d'impact — que ce soit russes, syriens ou occidentaux.
«Sous nos yeux se prépare un duel, poursuit Vladimir Korovine. Les deux camps ignorent quoi faire. Si les Américains attaquaien et que les Russes et les Syriens abattaient tous leurs missiles ou la majeure partie d'entre eux, ce serait un échec total pour les USA. Dans ce cas, des acheteurs de tout le Moyen-Orient se tourneraient vers la Russie pour acheter ses systèmes antiaériens. Mais si l'ABM syrien et russe ne remplissait pas sa mission, il faudrait s'attendre à la situation inverse.»
Auparavant, le ministère russe de la Défense avait réagi aux déplacements de la marine et de l'aviation américaine en pointant l'intention de Washington de profiter de la mise en scène d'une attaque chimique par les terroristes. Selon le ministère, cette provocation est préparée actuellement avec la participation active des services secrets britanniques. Les militaires russes connaissent même l'endroit précis où il est prévu d'organiser ce spectacle: une frappe avec des munitions chimiques devrait être prochainement lancée contre la commune de Kafr Zita dans la province syrienne d'Idleb, où sont arrivés des spécialistes étrangers anglophones.
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