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2509Les trois monstrueux traités de libre-échange qui constituent une attaque directe, globalisée, contre les dernières structures de l’ordre ancien, – l’ordre où il y avait encore un ordre, quelque corrompu qu’il fut, et il l’était ! – ces trois monstruosités rencontrent de très sérieuses difficultés. On peut désormais envisager la possibilité extrêmement sérieuse d’un effondrement de ces trois attaques qui se voulaient quasiment décisives pour l’instauration d’un Grand Désordre Mondial (GDM, mieux illustratif que NOM pour “Nouvel Ordre Mondial”), cela comme une sorte d’“organisation ordonnée du désordre” garantissant, dans l’esprit de tel ou tel théoricien hystérique, la pérennité de l’idéologie-dd&e comme on devrait commencer à la nommer, – l’idéologie diabolique déconstruction-dissolution-entropisation.
• Il y a plusieurs signes, décisions, évolutions, etc., qui vont dans ce sens. La plus importante à notre sens, à cause du potentiel de désordre interne et d’affrontement sauvage, auto-paralysant et autodestructeur, concerne le “centre” de l’opérationnalité du Système qu’est la direction générale de Washington D.C. La démission du Speaker John Boehner est en effet un coup terrible porté à la formule d’arrangement à laquelle était parvenu l’ensemble Congrès-Obama, à cause de la connivence entre le républicain Boehner, qui tenait une Chambre en général hostile à Obama, et Obama lui-même. Boehner a démissionné (départ le 30 octobre) simplement parce qu’il ne tenait plus ses “troupes”, les républicains où l’aile ultra-droite est de plus en plus active. Cette aile républicaine ultra-droite, honnie aussi bien par la bonne conscience progressiste que par une part importante des antiSystème qui ne voient pas les impératifs d’une tactique globale contre le Système, a un programme critiquable, ultraréactionnaire ; mais surtout, elles est contre Obama jusqu’à la mort, viscéralement, par complet affectivisme ; elle est contre tout ce qu’Obama veut réaliser, elle est pour tout ce qui peut être nuisible à Obama, par véritable réflexe de haine. Ce n’est pas particulièrement estimable comme comportement mais c’est efficace comme situation dans une bataille où seul le résultat compte ; et, pour notre cas, elle est contre les traités TPP, TTIP et TiSA puisqu’Obama est pour à en mourir, considérant que c’est là sa dernière chance de laisser sa marque dans l’infamie de la politique-Système... David Swanson résume cette situation de quelques mots dans le Washington’s Blog du 29 septembre 2015, en précisant que le nouveau Speaker rempaçant Boehner aura pour mandat : soutenir tout, absolument tout ce qui peut faire mal à Obama, alors que le premier traité (le TTP), s’il ne s’effondre pas d’ici là, devrait être présenté au Congrès en février 2016, en pleine furie électorale, avec 90 jours pour voter pour ou contre...
« That little smoke-filled room where our despair and paranoia incline us to imagine a small number of evil people run the world clearly forgot to keep an eye on the Republican Party. A popular movement has struggled to stop such looming disasters as the NAFTA-on-steroids Trans-Pacific Partnership (TPP), but the ouster of John Boehner as Speaker of the House puts stopping anything into play. While scholarly studies deem the U.S. government to be an oligarchy, based on whom it actually serves, petty partisan squabbling just might come riding to the rescue of democracy — accidentally of course.
» Boehner wasn’t insufficiently right-wing for the other Republicans in the House of Representatives, he was just insufficiently obstinate and insufficiently anti-Obama. The new Speaker’s mandate will be to oppose to the death anything Obama supports. Obama could publicly throw himself behind keeping Guantanamo open, and the place would be shut by Thursday. »
• D’un point de vue politique général, la situation est très loin d’être brillante pour les traités, c’est-à-dire qu’elles est proche d’une situation d’effondrement. Actuellement se tient le round de négociation final du TPP à Atlanta et les nouvelles sont moins que bonnes, avec l’annonce la semaine dernière que l’Uruguay a quitté les négociations, et que ce pays pourrait être suivi par d’autres. D’autre part, le Corporate Power lui-même est de plus en plus divisé, notamment parce que, avec le TTP, la Chine est exclue de l’accord et donc soumise à des conditions commerciales beaucoup plus difficiles alors qu’un nombre grandissant de groupes multinationaux font commerce avec la Chine et ne veulent pas d’une législation qui décourage aussi fortement ce commerce... Robert Kuttner, co-fondateur et co-éditeur de The American Prospect, résume la situation générale du point de vue US, après avoir observé les différents mouvements de contestation, aussi bien d’un nombre important de gouvernements que de divers organismes sociaux de rassemblement contre les traités...
« Both [treaties] are on the verge of collapse from their own contradictory goals and incoherent logic... [...] Time is not on the Administration's side, given that Republicans are less and less likely to give Obama a big win as the next election approaches. And as Obama becomes more of a lame duck, Democrats, who don't like the deal, are less likely to support him out of partisan loyalty. Congress gets 90 days to review it, and unless there is a miracle in the next round of talks at Atlanta, opponents of the deal will be saved by the clock. »
Il faut ajouter qu’en Europe, la situation n’est pas meilleure pour le TTIP. Le fait est qu’un front commun de facto s’est formé entre la France et l’Allemagne, non pas contre mais dans tous les cas extrêmement réticent vis-à-vis de la position US dans les négociations, pouvant aller jusqu’à une menace de retrait au moins temporaire des négociations. La France a une position d’autant plus dure que la chose semble avoir l’autorisation d’Angela Merkel, en position difficile et soucieuse de retrouver un soutien du public, – et en Allemagne, il y a seulement 39% du public qui soutient le TTIP. Les sujets de controverse sont nombreux, allant de la question de la cour d’arbitrage, de la rigidité de la position US (Obama est dos au mur avec le Congrès dans les dispositions qu’on a vues), voire du secret et de l’opacité des négociations qui irritent jusqu’au gouvernement lui-même (le secrétaire d’État au Commerce extérieur, Matthias Fekl, au journal Sud-Ouest : « Les négociations du traité transatlantique se déroulent dans un “manque total de transparence”, et une “grande opacité”, ce qui pose un “problème démocratique” »). Cette indignation du gouvernement français pour la forme des négociations est sincèrement touchante et émouvante... Euractiv.fr (en français) et CommonDreams.org, tous deux le 28 septembre, résument cette détestable situation européenne (pour le TTIP).
• Pendant ce temps, la pression populaire, qui porte une large part du mérite d’avoir déclenché cette révolte contre les traités-infâmes, ne se dément pas, au travers de deux associations constituées selon le principe des réseaux sociaux, Stop TTIP en Europe et Flush the TPP aux USA. La première a organisé, on le sait, une grande campagne de recueil de signatures pour déposer au plus tard le 6 octobre une ICE (Initiative Citoyenne Européenne) qui donne à cette association le droit de présenter officiellement ses doléances, avec obligation faite à la Commission Européenne d’y répondre. Son but actuel est de dépasser, d’ici le 6 octobre les trois millions de signature (elle est à ce jour, à cette heure 2,940,916 [2,939,355 à 7H00 ce matin], – et si vous n’avez pas signé, faites-le). Du côté US, Flush the TPP est extrêmement active, actuellement à Atlanta en marge des négociations soi-disant ultimes du TTP. Flush the TPP donne le 29 septembre les dernières informations des nombreux avatars du TPP et du reste, mais surtout annonce un programme d’action rythmé par divers rassemblements et manifestations, et terminé par une semaine à Washington D.C. les 14-18 novembre pour des actions « that will turn the tables to stop TPP, TTIP, and TiSA once and for all! ». Le texte cité ici commence par ces quelques paragraphes, qui témoignent à la fois de la vigueur de la bataille, de l’influence acquise par les mouvements sociaux, et par-dessus tout de l’enjeu de la bataille...
« “First they ignore you,
» “then they laugh at you,
» “then they fight you,
» “then you win.” Mahatma Gandhi.
» This famous statement by Gandhi depicts the struggle between oppressed peoples fighting for liberation and their oppressors, vehemently working to uphold the status quo. Victory comes not because the oppressor suddenly has a moral epiphany, but because they are forced down by a growing movement. This is what happened yesterday when Shell announced that it will be abandoning its plans for arctic drilling. No one would have thought this was possible two weeks ago!
» We are in a similar fight against massive corporate “trade” deals like the TransPacific Partnership (TPP), TransAtlantic Trade and Investment Partnership (TTIP), and the Trade in Services Agreement (TiSA). In the TPP fight, we were ignored by politicians and the corporate media for years. We kept building the movement and when they could no longer avoid us, they started to mock us, making ludicrous assertions about past “free” trade deals and the TPP which we easily refuted. Now, they are fighting tooth and nail against us, just to keep these deals alive. »
... Comme ces négociations se déroulent dans le plus grand secret, pour le bien de l’humanité ont conclu Washington et Bruxelles, on est soumis au régime des surprises quand surgissent les nouvelles ... Surprise, surprise, les surprises sont plutôt détestables (pour eux) alors que le sentiment général était que rien ne pouvait arrêter la machine ; surprise de l’équation surpuissance-effondrement où plus grande est la surpuissance, plus proche est l’autodestruction.
Le climat général est vraiment proche de l’effondrement général de tout ce système de traités. A la constante poussée populaire, remarquablement organisée en Europe et aux USA, s’ajoutent désormais, à ciel ouvert, les désaccord entre nations, les désaccords au sein du Corporate Power et les effets des désaccords politiques internes qui se greffent sur une vendetta mortelle nourrie d’une haine inextinguible entre les deux ailes du “parti unique” du Système, à Washington D.C., plus précisément entre républicains de la Chambre et Obama. C’est une bien étrange situation, c’est presque une révolte générale pas loin du “non-c’est-une-révolution-Sire”, mais aussi bien sinon plus au sein du Système lui-même que chez les antiSystème, contre cette colossale initiative venue au départ, d’une façon qui semblait logique et inéluctable, du Système lui-même pour établir l’ère du Grand Désordre Mondial. Ainsi observe-t-on que le désordre général voulu par le Système lui-même et partout vanté (y compris chez tant d’antiSystème) comme sa ruse suprême et son arme absolue, pourrait foutre cul par-dessus tête le projet d’un ordre général organisant le Grand Désordre Mondial destiné à achever l’idéologie-dd&e de la destruction du monde par le Système : à force d’inversion, on finit par se mordre la queue jusqu’au sang ... Après cela, nous aurons, nous, beaucoup de difficultés à répudier notre équation maîtresse surpuissance-autodestruction, car jamais la surpuissance du Système n’a produit autant de poussées et d’initiatives toutes à tendance autodestructrice pour le Système.
Or, il ne faut pas se leurrer... Autant ce projet des traités-infâmes a été lancé comme l’initiative ultime achevant ce qui est perçu comme la maîtrise du monde-désordre par le Système (concept infiniment discutable, mais passons pour l’instant), autant l’effondrement désormais possible du projet constituerait un coup si terrible porté au Système qu’on ne sait s’il ne faudrait pas y voir quelque chose qui serait proche de l’estocade. Si cette affaire (les traités) échoue, tous les relais-Système seront secoués jusqu’au tréfonds, que ce soit l’Europe, avec les pays qui tiennent cette entité (Allemagne-France, à la fois maîtres et prisonniers de l’Europe), dont les directions-Système sont déjà sur la corde raide ; que ce soit les USA, avec leur pouvoir central plongé dans une crise abyssale qui est d’ores et déjà exacerbée autour de ces traités ; et tout ce monde, percé par ailleurs de flèches multiples représentant autant de catastrophes crisiques, la situation ukrainienne, la situation syrienne et moyenne-orientale, la situation des migrations de masse suscitées par les propres actions du Système, la situation économique comme celle du système financier, – etc., et suite sans fin...
La rapidité de la dégradation de la situation des traités est également remarquable. Cela montre bien que cette question est effectivement désormais devenue une crise de plus et s’inscrit dans l’infrastructure crisique générale caractérisant les relations internationales ; si elle parvient à maturité, si effectivement les traités se trouvent menacés directement d’effondrement, cette crise entrera dans le “tourbillon crisique” qui anime les diverses confrontations des crises et accentue réciproquement leur gravité. C’est alors que de constructif du point de vue du Système et de son entreprise dd&e, les traités deviendront un facteur de plus de l’affrontement général et entreront dans le mécanisme général de la grande Crise d’effondrement du Système. Certes, on doit être convaincus principalement de ce fait que cette affaire ne peut être réduite au stade d’une tentative, et tentative sans conséquence s'il y a échec ; s’ils ne réussissent pas, les traités deviennent nécessairement, par les conséquences de l’échec, une arme nouvelle de destruction du Système.
Mis en ligne le 30 septembre 2015 à 10H53
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