Elire Macron ou Le Pen

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Elire Macron ou Le Pen

Le débat présidentiel du 3 mai n'a pas réussi à clarifier les points forts des deux projets en concurrence, c'est encore peu de le dire.

Au-delà de l'occasion manquée, il reste indispensable d'y voir plus clair afin de décider en connaissance de cause. Macron et Le Pen défendent chacun des visions et des projets différents, mais ils s'entendent chacun à en dissimuler les risques.

Quelles que soient les analyses, quels que soient les points de vue, tous s'accordent semble-t-il sur ce fait que le débat du second tour de la présidentielle a été fort décevant, et n'a sans doute guère aidé les électeurs à préciser leur opinion des projets en jeu et des personnalités qui les portent.

Cet échec à éclairer les enjeux rend encore plus nécessaire d'éclairer les risques de chacune des options proposées. Car s'il y a bien un point sur lequel Emmanuel Macron et Marine Le Pen s'entendent, c'est pour dissimuler les risques qu'ils prévoient de faire prendre au pays, et chacun échoue par ailleurs à attaquer efficacement son adversaire sur ce sujet.

Les erreurs dans le débat

On ne citera pas les imprécisions et petits arrangements avec la vérité, comme Marine Le Pen prétendant qu'Emmanuel Macron aurait décidé la vente de SFR à Patrick Drahi alors qu'il n'a fait que la débloquer en donnant son accord ou que le montant de la participation nette de la France à l'UE serait de 9 milliards d'euros annuels alors qu'il était de 5,5 milliards en 2015. Ou comme Emmanuel Macron prétendant n'avoir rien eu à faire avec la cession de SFR au milliardaire si puissant dans les médias - alors qu'il l'a autorisée - ou faisant semblant de lutter contre la GPA alors qu'approuver en France l'adoption des enfants qui en sont issus revient à une autorisation particulièrement hypocrite, limitée au cas où la mère porteuse est étrangère. Ces imprécisions plus ou moins brouillonnes ou intéressées étaient légion, de part et d'autre.

Mais voici des erreurs - pour parler poliment - tellement massives qu'elles ne peuvent être passées sous silence :

Emmanuel Macron :

• L'euro ne ferait pas de mal à l'économie française - quand les inconvénients de l'existence de la monnaie unique n'ont jamais été autant débattus, un prix Nobel d'économie comme Joseph Stiglitz s'interrogeant « Il faudra peut-être abandonner l'euro pour sauver le projet européen » et remarquant que "si l'Europe ne parvient pas à sortir de la crise, c'est avant tout à cause de la monnaie unique", et quand le décrochage de l'économie française en terme de compétitivité extérieure et de solde commercial date très visiblement de juste après le passage à l'euro

• Tous les autres pays européens auraient moins de chômage que la France - alors que l'Italie, sans parler de l'Espagne, suite à l'application forcée du genre de recettes économiques ordo-libérales promues par l'Union européenne, et que Macron propose de mettre en place en France plus profondément que Hollande ne l'a jamais fait, ont vu leur chômage exploser. Les jeunes Italiens subissent un taux de chômage presque de 40%, et jusqu'à 50% pour les jeunes Espagnols, quand les jeunes Français subissent le taux déjà dramatique de 25% de chômage

• Le chômage en France serait moindre que dans les années 90 - alors qu'il dépasse allègrement aujourd'hui les 6 millions toutes catégories confondues rien qu'en métropole, contre environ 4 millions en 1996

Marine Le Pen :

• La monnaie commune qui existait avant l'euro (ECU) aurait été utilisée par les entreprises - en réalité elle l'était très peu, il ne s'agissait que d'une unité de compte internationale, utilisée ni dans la vie courante, ni pour les échanges internationaux. S'il devenait une telle monnaie commune, l'euro perdrait pratiquement tout intérêt pour les entreprises, qui utiliseraient les monnaies nationales, nouveaux franc, mark, lire etc. Il est permis de penser qu'il serait plus simple d'accepter tout simplement de laisser l'euro disparaître, plutôt que d'en conserver un reliquat inutile.

Ceci étant rappelé, il est temps de parler des risques.

1 - Modèle social

Emmanuel Macron donne la priorité à l'application des règles et de la politique économique commune de l'UE sur la préservation du modèle social français - et ne s'en cache d'ailleurs pas vraiment.

Du fait du transfert de la souveraineté monétaire et de la souveraineté budgétaire à Bruxelles et Francfort, la seule UE pratiquement possible est la version libérale-austéritaire actuelle : obligations d'austérité et de compétitivité par baisse du salaire direct sur la feuille de paie comme indirect les charges qui financent la protection sociale, obligation de libre-échange avec le traité CETA précurseur voire cheval de Troie d'une relance du TAFTA, obligation de privatisations des services publics forcées par les directives européennes, etc.

Un rappel est indispensable, une "leçon de choses" concernant le modèle social promu par l'Union européenne, avec le cas particulier du Port du Pirée en Grèce, où les souhaits non seulement ni même d'abord des investisseurs chinois mais aussi et en premier lieu de la Troïka Commission - BCE - FMI ont été appliqués.

La gestion de l'embarcadère n° 2 du port du Pirée a été cédée en 2008 à l'entreprise chinoise Cosco pour 35 ans et un montant de 3,4 milliards d'euros. Depuis, l'accès à l'embarcadère n° 2 est restreint. "Personne ne sait ce qui s'y passe. Si les Chinois importent des produits illégaux ou des armes, on ne sait rien", confie Giorgos Gogos, secrétaire général de l'Union des dockers. La presse grecque et internationale n'est pas la bienvenue et la compagnie Cosco communique très peu sur ses activités ou ses projets de développement.

"Ils emploient des immigrés clandestins sans papiers, sans assurance, et personne ne les contrôle. Ils travaillent les dimanches, fêtes et jours fériés et ne respectent plus le droit du travail grec. Pour la première fois, c'est la loi chinoise qui s'impose.

Quant au quotidien de la vie sous ce régime :

Remplacement des dockers syndiqués par du personnel sans statut et payé moitié moins, non-respect des accords collectifs, baisse des pensions de retraite, défaut de formation professionnelle, temps de pause réduit, licenciement d’ouvriers protestant contre l’insécurité au travail, réduction des équipes de portiqueurs de neuf à quatre personnes, heures supplémentaires sans majoration : le terminal Cosco fonctionne désormais avec deux cent soixante-dix permanents, dont sept Chinois, auxquels s’ajoutent plusieurs centaines de travailleurs intérimaires, souvent mal formés, recrutés auprès d’un sous-traitant qui les prévient par SMS quelques heures avant l’embauche au gré des besoins du jour. Les syndicats ? « N’en parlons pas, tranche M. Fu. Il vaut mieux ne pas aller trop loin dans ce domaine (…). Je vous l’ai dit, nos employés sont heureux. »

La motivation de cette transformation du modèle social pour plier devant les desiderata de l'UE est assez claire :

Suivant l'économiste Alain Cotta, "François Hollande, fils spirituel de Jacques Delors, (est) si viscéralement  attaché à l’euro qu’il (ira) jusqu’à  sacrifier le dernier centime de la politique  sociale française  pour en  assurer  la  survie."

Il va de soi qu'Emmanuel Macron est quant à lui en grande partie le fils spirituel de François Hollande - fils ambitieux, décidé à aller beaucoup plus loin que son père. Son éventuelle élection lui serait un blanc-seing pour gouverner par ordonnances. Macron ne s’est pas caché des méthodes qu’il comptait appliquer, et c'est lui qui est arrivé en tête du premier tour. Il n’a pas dit « la finance est mon adversaire », pour se rétracter au lendemain de l’élection. Il a annoncé la couleur.

Du côté de Marine Le Pen, le risque principal est qu'elle propose une mesure au financement pour le moins peu clair, la retraite à 60 ans après 40 années de cotisation. Cette baisse de l'âge de la retraite serait en contradiction frontale :

• avec le fait historique - et positif ! - de l'allongement non seulement de l'espérance de vie, mais de l'espérance de vie en bonne santé, notamment depuis 1981 lorsque l'âge de la retraite fut ramené de 65 à 60 ans - le ratio du nombre des actifs aux retraités diminuerait de manière sensible

• avec la natalité française certes presque suffisante pour renouveler les générations, mais pas pour faire remonter ce ratio actifs / retraités.

Certes une politique de compétitivité extérieure avec une nouvelle monnaie nationale et de relance économique, que propose Le Pen, pourrait diminuer drastiquement le chômage, mais ce n'est pas comme si les comptes du système de retraite par répartition pouvaient facilement supporter une charge supplémentaire.

2 - Economie et emploi

Emmanuel Macron : L'application décidée en Italie et en Espagne de la politique austéritaire-libérale de l'UE - l'expression consacrée dans ce cas est "réformes courageuses" - a eu les résultats suivants :

• Extension du domaine du chômage, touchant en particulier la jeunesse, avec pour conséquence l’émigration d’une partie de la jeunesse à la recherche désespérée d'un emploi

• Extension de la pauvreté, des millions de personnes devenant des "travailleurs pauvres", c'est-à-dire vivant sous le seuil de pauvreté même avec un emploi à temps plein

• Augmentation de la dette nationale exprimée en part du PIB

• Vente au privé voire à l'étranger - souvent vente à l'encan - de beaucoup de services publics et fleurons industriels

L'adage veut que l'homme ordinaire apprend de ses propres erreurs, tandis que le sage apprend de celles des autres. Il y a tout lieu de croire que ce qui a échoué de manière tellement spectaculaire en Italie et en Espagne échouerait tout aussi douloureusement en France.

Marine Le Pen quant à elle, appliquant une politique de relance économique - qu'un pays comme la Chine a organisé ces dernières années à échelle gargantuesque, avec des résultats positifs mais pendant les premières années seulement - et de compétitivité extérieure par ajustement de la monnaie à l'économie, aurait sans doute des résultats positifs sur l'économie, donc l'emploi et les comptes publics. Cependant, après les quelques premières années, elle devrait faire évoluer sa politique économique afin de l'équilibrer - une politique de relance ne peut durer indéfiniment.

3 - Démocratie

Emmanuel Macron propose d'aller vers davantage de fédéralisme dans l'Union européenne, c'est-à-dire davantage de transferts de souveraineté de Paris – où la démocratie s'applique à plein avec élection du président et de l'Assemblée – vers Bruxelles où c'est une technocratie qui est au pouvoir, non une démocratie.

Marine Le Pen propose de reprendre le contrôle de la politique budgétaire et monétaire de la France à Bruxelles, donc de le placer sous contrôle démocratique, en même temps que de rendre au Parlement le pouvoir de faire les lois, la Commission européenne en étant donc privé. Le contrôle du peuple sur leurs élus et la politique du pays serait renforcé par une extension du champ du référendum, comme en Suisse, la représentativité du Parlement par l'introduction de la proportionnelle avec prime au parti arrivé en tête, comme en Italie.

4 - Crises financières

Emmanuel Macron approuve et entend maintenir le Mécanisme de Résolution Unique européen, suivant lequel les banques menacées de faillite feront successivement appel à leurs actionnaires, ainsi qu'à leurs créanciers obligataires et à leurs déposants détenant plus de 100.000 €. Ce MRU laisse en place la source première des menaces pesant sur le système financier, la si rémunératrice activité frénétique des banques, y compris les plus grandes banques françaises, sur les marchés les plus spéculatifs et les plus dangereux.

C'est la séparation des banques de dépôt des banques spéculatrices qui serait la véritable protection - le programme du candidat à la présidence François Hollande en parlait, il ne faut pas appliqué après son élection, ce à quoi son conseiller puis ministre de l'Economie Emmanuel Macron n'est pas nécessairement étranger. Le candidat Macron entend poursuivre dans la même direction.

Marine Le Pen propose de "privilégier l'économie réelle face à la finance spéculative". Ici, quoique l'idée de principe soit naturellement la bonne, le risque est l'imprécision de la méthode qui serait suivie.

D'autre part, la méthode qu'elle propose pour sortir de l'euro, c'est-à-dire une négociation d'au moins plusieurs mois suivie d'un référendum, aussi défendable qu'elle puisse être sur le plan de la bonne gestion des relations internationales comme de la démocratie, pourrait ne pas être applicable en pratique. C'est qu'à partir du moment où la sortie future d'un pays central de l'euro serait annoncée, les anticipations des marchés financiers pourraient forcer la sortie sous quelques jours, parce que beaucoup de détenteurs de compte dans des pays dont la future monnaie devrait baisser par rapport au mark tenterait de transférer leurs avoirs dans une banque allemande ou encore hollandaise. Ces flux, s'ils étaient massifs, ne pourraient être freinés ni compensés, et forceraient plusieurs pays à sortir immédiatement de l'union monétaire, c'est-à-dire à détacher leur monnaie de l'euro lequel prendrait tout naturellement le nom de "mark" et deviendrait la seule monnaie nationale de l'Allemagne.

Le moment où la question est posée de savoir si l'euro peut être maintenu, sa destruction commence

Une présidente Le Pen pourrait très rapidement avoir à gérer une sortie sans délai de la monnaie unique - de même que les partenaires de la France, avant tout Italie et Espagne. Si les fonctions de président de la République sont précisément définies pour pouvoir faire face efficacement à des crises impromptues ou appliquer des changements politiques ou internationaux drastiques - Marine Le Pen aurait donc dans cette hypothèse tous les leviers nécessaires à sa disposition - il n'est pas certain que la candidate du FN s'y soit déjà préparée.

5 - Intégration et migrations de masse

Emmanuel Macron a pu donner l'impression de favoriser davantage un modèle multiculturaliste que le modèle républicain d'intégration et d'assimilation. Il resterait à vérifier si cette impression se confirmerait s'il était élu président.

D'autre part, il a ouvertement approuvé la politique de la chancelière allemande en 2015 d'accepter l'immigration en masse d'environ 1,2 million de personnes en une seule année. Décision dont le ministre allemand des affaires étrangères Sigmar Gabriel signalait récemment qu'elle coûte entre 30 et 40 milliards d'euros annuellement à l'Allemagne. Quelle serait la réaction d'un président Macron en cas de nouvelles migrations de masse ? Il vaut la peine de rappeler que dès aujourd'hui

l'Europe cherche à repousser une nouvelle crise des réfugiés. Le nombre des migrants traversant la Méditerranée a sensiblement augmenté depuis le début de l'année. Les dirigeants européens craignent que la situation ne continue à se détériorer. Bruxelles n'a cependant pas encore réussi à se mettre d'accord sur une solution

Marine Le Pen souhaite favoriser l'assimilation des immigrés récents avec plusieurs mesures :

• Diminuer le chômage de masse qui touche tous les Français, mais en particulier les immigrés récents

• Interdire la double nationalité non européenne, dans l'espoir d'inciter à un changement plus rapide des loyautés

• Freiner drastiquement la nouvelle immigration, donnant au corps social français le temps nécessaire pour s'assimiler les nouveaux venus

Cependant, l'image négative attachée par beaucoup au Front National pourrait créer une forte inquiétude parmi les Français les plus récents. Il appartiendrait à une éventuelle présidente Le Pen de les dissiper, ce qui lui serait une difficulté supplémentaire.

6 - Indépendance

Emmanuel Macron est une personnalité neuve en politique, l'accession au second tour de la présidentielle d'un politicien qui s'est lancé depuis moins d'un an est sans précédent aucun. Qu'en est-il de son indépendance, à la fois vis-à-vis des intérêts privés et des intérêts d'Etats étrangers ?

Les soutiens de Macron incluent évidemment les citoyens qui se sont engagés dans En Marche! mais - évitons la naïveté - ne s'y limitent pas. Financements surtout initiaux, lancement médiatique... qui l'a soutenu, qui a-t-il convaincu de l'aider à se lancer voire de le soutenir dans la durée ? Et – il s'agit bien de laisser la naïveté au vestiaire – en échange de quoi ?

Emmanuel Macron obtenait dès le début de son aventure les soutiens des "Français de l’étranger" dans les cités de la finance à Londres et à New-York. François Bayrou, qui ne l'avait pas encore rejoint, le désignait comme le candidat « des forces de l’argent ». Quelles contreparties a-t-il du promettre ?

Il convient de rappeler que lorsqu'on parle de "système" - mot remarquablement imprécis - on fait en général référence au complexe institutions européennes / banques / oligarques, avec les médias qu’ils contrôlent. Au passage que si la France n'est que 39ème au classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters Sans Frontières c'est avant tout parce que :

le paysage médiatique français est largement constitué de groupes dont les propriétaires ont d’autres intérêts que leur attachement au journalisme. Cette situation entraîne des conflits qui font peser une menace sur l'indépendance éditoriale

Du côté de Marine Le Pen, c'est le prêt accordé par une banque contrôlée par la Russie pour le financement des élections cantonales et européennes qui a fait naître des soupçons. La banque en question ne faisait certes que jouer le même rôle que celui des banques françaises qui prêtent sans se faire prier aux autres candidats, comptant sur le remboursement des frais de campagne aux partis ayant obtenu plus de 5% des suffrages, et le FN s'était d'abord adressé aux banques françaises. Cependant, le caractère autocratique du régime politique russe créait un malaise, et il ne fait guère de doute que si Moscou a soutenu Le Pen, c'est parce qu'elle souhaite mettre fin à la guerre économique menée par l'UE contre la Russie, en sortant du régime des sanctions.

7 - Relations internationales

Emmanuel Macron veut continuer voire intensifier la logique de l'Union européenne, laquelle a généré dans les dix dernières années de nouvelles discordes et oppositions entre nations, autour de la question de l'euro comme plus généralement en conséquence du transfert de parts importantes des souverainetés nationales à Bruxelles :

• Insulter les Latins et autres Européens du sud en les traitant de paresseux et de voleurs, ce que même des eurocrates se permettent maintenant, quand ce n'est pas de "cochons" ("PIGS" sigle anglais pour Portugal, Italie, Grèce et Espagne... les intéressés apprécieront) était impensable il y a une décennie

• On n'insultait pas non plus les Allemands en les traitant de "nazis", ce que des journaux en Grèce, en Italie et en Pologne ne se privent pas de faire à chaque moment d'irritation

• On ne reprochait pas aux Européens du Centre les gouvernements qu'ils se choisissent

• Ne parlons pas des sentiments anti-Russes à l'ouest, de la propagande anti-européenne dans les médias d'Etat en Russie

• Quant à la direction que menacent de prendre les sentiments réciproques entre Britanniques et Continentaux, elle est suffisamment claire

Selon Emmanuel Macron, la décision de sortie de l’Union européenne du Royaume-Uni était « un crime ». Avec un tel état d'esprit, il y a fort à parier qu'un président Macron contribuerait à éloigner davantage encore les populations européennes les unes des autres.

Marine Le Pen quant à elle défend le modèle de "l'Europe des Patries" suivant l'expression du Général de Gaulle, qui mènerait justement à apaiser ces tensions puisque chaque pays serait libre de gérer ses affaires comme il l'entend, tout en coopérant avec les autres à chaque fois qu'il l'estimerait utile.

Cependant, son image très dégradée en Allemagne lui serait une difficulté au moins initiale en cas d'élection. Elle aurait à bien faire comprendre outre-Rhin que vouloir contrôler sa monnaie et ses lois n'implique en aucun cas que la France ne voudrait plus coopérer avec l'Allemagne sur les sujets d'intérêt commun - regagner l'opinion en particulier allemande serait un défi.

8 - Personnalité

Emmanuel Macron, peu connu du grand public jusqu'à il y a un an, est en grande partie un mystère. Sa personnalité profonde est peu connue, et le masque qu'il semble porter en permanence, encore plus que d'autres hommes politiques, n'arrange rien.

L'aspect juvénile voire enthousiaste peut à la fois susciter la sympathie et l'inquiétude, même chez ses partisans tel le journal de gauche allemand Die Zeit résumant le second tour de la présidentielle 

« Tous les espoirs reposent sur Peter Pan »

Le mépris qu'il a plusieurs fois laissé échapper envers bien des Français est beaucoup moins sympathique - employées supposées être "illettrées", ouvriers en polo qui auraient besoin de "travailler pour se payer un costard". Vu l'aide qu'il a reçue dès 2016 pour son lancement médiatique, il est aussi apparu comme un "produit marketing", en somme le candidat "souple et solide à la fois" que raillaient les Inconnus il y a déjà... vingt-quatre ans.

Enfin, un certain caractère abscons de plusieurs de ses discours, et un abus de la technique consistant à noter le public sous les généralités ou les chiffres pour dégager une impression de compétence fait décidément penser au Trissotin de Molière.

Le Temps, journal suisse, parlait encore de « la dérangeante ambiguïté d’Emmanuel Macron »

Le personnage offre un physique lisse au point d’être insipide, parfait mais sans charme ni expressivité. Son regard, même lorsqu’il s’enflamme, est d’une étrange vacuité, au point que le spectateur ressent un malaise indéfinissable. Il y a aussi chez lui cet art bien commercial de ne fâcher personne afin d’élargir son bassin de chalandise. Du coup, comme l’ont remarqué les commentateurs, il est d’accord avec tout le monde au risque de se contredire sans états d’âme. En toutes choses, il énonce des principes consensuels, mais jamais les moyens de leur réalisation. Sous prétexte qu’il est jeune, il prétend que ses idées sont originales alors qu’il n’en est rien.

Souhaitons en tout cas, pour lui-même comme pour la France - s'il devait être élu président - que le profil psychologique d'Emmanuel Macron établi par le professeur Adriano Segatori, psychiatre et psychothérapeute italien, pêche par excès. Ce praticien va en effet jusqu'à analyser le candidat d'En Marche comme un psychopathe au sens clinique du terme

Le développement d'Emmanuel Macron s'est bloqué prématurément en pleine adolescence à cause d'une opération de séduction à la fois psychique et physique (...) l'idée d'omnipotence propre à chaque enfant a été ultérieurement encouragée (...) il semble pathologiquement normal, mais nous sommes en plein narcissisme (...) parfaitement définissable comme psychopathe (...) les crises d'hystérie de Macron au moment où l'admiration pâlit et souligne les faiblesses de son identité (...) Emmanuel Macron, comme tous les psychopathes, est particulièrement dangereux.

La dernière fois que la France a eu à sa tête un psychopathe était au début du XVème siècle, c'était Charles VI le Fol, dont le règne déboucha sur la guerre civile, l'invasion étrangère (Azincourt) et le traité de Troyes livrant le pays au roi d'Angleterre.

Marine Le Pen a certes une image pour le moins controversée, elle est cependant beaucoup plus connue des Français. S'il lui est généralement reconnu le courage, la détermination et la conviction, le soupçon de brutalité est mis en avant, et enfin et surtout elle n'a pu à ce jour malgré ses efforts dissiper complètement l'image de xénophobie attachée par la majorité à son père Jean-Marie Le Pen. Si elle a répété en toute occasion qu'elle en appelait aux Français "de toute origine", une partie importante des Français ne sont pas prêts à la croire sur parole, du seul fait qu'elle est la fille de son père - même éloignée de lui politiquement parlant.

9 - Guerre

Le risque de guerre étrangère n'est pas souvent discuté. Il est pourtant évidemment à étudier s'agissant de l'élection du chef des Armées. Or, les relations internationales sont clairement sur une mauvaise pente et ceci à l'échelle mondiale - Syrie, Ukraine, Corée du Nord, mer de Chine du Sud, Yémen - et le risque qu'une guerre à grande échelle éclate d'ici cinq ans ne doit pas être négligé - à la vérité on en parle bien trop peu.

Emmanuel Macron s'est déclaré favorable à une intervention militaire en Syrie. Il est favorable à la poursuite de la guerre économique entre UE et Russie - politique des sanctions. S'il est élu, la question d'une synergie avec le nouveau bellicisme américain démontré par Donald Trump se posera.

Il souhaite continuer à intégrer la France dans l'OTAN, ce qui peut causer des inquiétudes sur le maintien de la paix en Europe. On n'a pas assez noté que l'OTAN pratique dans ses exercices le scénario de l'occupation d'une région russophone, à preuve cette annonce d'emploi en Allemagne pour la préparation d'exercices de l'OTAN. On embauche des russophones pour jouer le rôle de civils dans des jeux de rôle pour l'entraînement des forces américaines et d'autres pays de l'OTAN.

Les participants seront payés à la journée. Ils joueront des rôles de civils dans des villages construits pour l'occasion, et auront à interagir avec les soldats des forces d'intervention OTAN

Il se pourrait bien que le scénario préparé soit tout simplement une intervention militaire de l'OTAN en Ukraine.

Macron se présente comme le "candidat progressiste". Tony Blair est lui aussi une référence, comme icône progressiste. C’est d’ailleurs l’homme qui suivra sans hésiter George Bush pour envahir l’Irak et y causer plus d’un million de morts.

D’éventuelles voire probables crises internationales pourraient être l'occasion pour la France se mettre à la remorque des tendances les plus bellicistes d’outre-Atlantique. Un président Macron aurait-il le bon sens de tenir la France à l'écart ?

Notons enfin que lorsque François Hollande a commencé son mandat, la guerre civile en Syrie n'était qu'un petit sujet, on n'avait pas encore entendu parler de l'Etat Islamique et il y avait encore moins eu aucune guerre civile en Ukraine. D'ici cinq ans, il est pratiquement certain que le président de la République aura à faire face à des surprises désagréables de ce genre, à des endroits et selon des modalités totalement imprévisibles.

Marine Le Pen de son côté a annoncé considérer le djihadisme comme le seul ennemi de la France. Elle souhaite rapprocher les politiques étrangères française et russe, reconnaître le gouvernement syrien comme seule alternative réaliste à la dissolution du pays aux mains des djihadistes. Opposante à la guerre de Libye en 2011, elle a refusé à cette occasion d'impliquer militairement la France dans les affaires d'un autre pays.

Sa politique semble prendre l'Afrique comme point focal, avec annonce d'un soutien renforcé aux gouvernements africains dans leur lutte contre la subversion djihadiste.

Voter Macron ?

Une partie des électeurs d'Emmanuel Macron le choisit par conviction. Pour la majorité, c'est cependant un choix par défaut, et à voir quels Français le soutiennent davantage, la conclusion est immanquable.

Emmanuel Macron est fort chez les retraités (50 %), les cadres (52 %) et les catégories de revenus aisés (70 %). Il ne séduit pas les chômeurs (29 %), les employés (25 %) et les catégories de revenus modestes (27 %). L'exact inverse de Marine Le Pen, forte chez les chômeurs (38 %), les employés (44 %) et les catégories de revenus modestes (40 %) alors qu'elle n'attire pas les retraités (22 %), les cadres (15 %) ni les catégories de revenus aisés (15 %)

Le vote Macron, c'est-à-dire le plus souvent la résignation à Macron est plus forte chez les Français les mieux protégés. 

C'est ainsi que les retraités le choisissent en majorité - le système de retraite français tient encore en effet - de même que les cadres - largement protégés du chômage - et les plus aisés - qui vivent souvent dans des zones du territoire où la pauvreté et la délinquance ne sont pas encore trop visibles.

A l'inverse, les chômeurs soutiennent Le Pen davantage que la moyenne, de même que les jeunes - plus vulnérables au chômage - et les plus modestes, lesquels sont aux premières loges pour voir et subir les conséquences de l'extension de la pauvreté comme de l'insécurité. Le vote Le Pen est plus fort chez les Français qui connaissent le mieux les conséquences de la politique générale suivie par le pays depuis deux décennies - parce qu'ils les subissent au premier chef. On peut aussi remarquer que si cela avait dépendu des gendarmes et des policiers, Marine Le Pen aurait été élue présidente dès le premier tour !

Faut-il rappeler encore l'adage : "l'homme ordinaire apprend de ses propres erreurs, tandis que le sage apprend de celles des autres" ? Les Français les mieux protégés - pour l'instant - devraient-ils apprendre de ce que subissent les autres, et comprendre que le même sort pourrait finalement les menacer ?

Voter Le Pen ? 

Une partie des électeurs de Le Pen la choisit par conviction. Une partie peut aussi voter pour elle par rage "anti-système", c'est-à-dire des personnes qui ont bien compris que la direction suivie par la France depuis vingt ans et plus est très néfaste, qu'elle pourrait bientôt devenir désastreuse - mais qui en restent justement à la colère. L'élection d'un président ne devrait-elle pas avant tout être basée sur la conviction qu'un candidat est non seulement différent, mais meilleur que l'alternative de continuer comme avant ?

Ronger son frein ?

La question principale est aujourd'hui à quoi les Français sont-ils prêts ?

S'agira-t-il dimanche 7 mai de "faire le gros dos", de ne pas changer la direction que suit le pays, de faire confiance aux mêmes politiques - avec un visage différent - ce qui aurait au moins le bénéfice de ne pas provoquer de trop grand bouleversement du moins à très court terme.

S'agira-t-il de choisir de changer, de "faire une sortie sous le feu" - en espérant s'éviter cinq années supplémentaires de déclin, et les risques sociaux, économiques, financiers voire guerriers qui en découleraient.

La France « qui va bien » - et qui a suivi Macron, ou au premier tour Fillon – doit-elle apprendre de celle qui connaît déjà la réalité de la mondialisation sauvage, de l’européisme et de leurs conséquences, afin de préserver le pays, et elle-même ? Ou bien la France « qui souffre déjà » - doit-elle prendre son mal en patience, afin que les bénéfices de la mondialisation sauvage et de l'Union européenne apparaissent enfin - très bientôt on l'espère ?

La France va choisir de faire la part du feu, de sacrifier quelque chose qu'elle chérit, afin de sauver ce qui apparaît comme plus essentiel. Choisira-t-elle de sacrifier son modèle social afin de préserver l'UE telle qu'elle est, ou de bouleverser l'UE afin de préserver son modèle social ?

Encore un tour de manège ?

Réponse dimanche 7 mai.

Alexis Toulet

 

Note

Article mis également en ligne sur Le Noeud Gordien, le 5 mai 2017.