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2279Peut-être les attentats de Paris sont-ils une guerre, ou l ‘épisode d’une guerre, mais ils sont d’abord une crise nouvelle dans une crise déjà bien en place, qui tient elle-même sa place dans la crise européenne, elle-même partie intégrante de la Grande Crise Générale d’effondrement du Système. Le “tourbillon crisique” est aussi comme une poupée russe, – si l’on peut dire à propos de la Pologne, puisqu’il s’agit de la Pologne.
Le nouveau gouvernement polonais issu des élections de la fin octobre et qui doit entrer en fonction ces jours-ci est, on le sait, de forte tendance nationaliste (victoire du PiS de Jaroslaw Kaczynski). Cela implique des orientations radicales, dont certaines peuvent paraître contradictoires. Dans l’ère du Grand Désordre qui est la nôtre, cela n’a rien pour étonner. Mais pour l’instant, nous allons nous concentrer sur l’immédiat, qui est l’effet des attentats de Paris sur le gouvernement, dans tous les cas sur un de ses ministres qui est chargé des affaires européennes. Pour lui, ces attentats donnent un formidable argument à l’orientation du nouveau gouvernement, anti-européenne, ennemie de l’arrangement européen pour accueillir les migrants-réfugiés et partisan de la fermeture des frontières. Sputnik-français rapporte cette réaction ce 14 novembre 2015, moins d’un jour après ces attentats...
« Après les attentats de Paris, la Pologne ne croit pas qu'il soit politiquement possible de respecter les accords européens de relocalisation des immigrés, a déclaré samedi Konrad Szymanski, futur responsable aux Affaires européennes dans le gouvernement en cours de formation à Varsovie. “Les décisions, que nous avons critiquées, du Conseil européen sur la relocalisation des réfugiés et immigrés vers tous les pays de l'UE ont toujours force de droit européen. (Mais) après les événements tragiques de Paris, nous ne voyons pas la possibilité politique de les respecter”, a déclaré M. Szymanski sur le site internet de droite ‘wPolityce.pl.’
» “Les attaques dans la capitale française prouvent l’importance de la révision particulière de la politique européenne face à la crise migratoire, a noté M. Szymanski. “Les attaques se sont déroulées dans le contexte de cette crise et des bombardements des positions de l’Etat islamique par l’aviation française”, a-t-il précisé. »
Cette réaction n’est donc pas étonnante par rapport à ce qu’on sait du nouveau gouvernement polonais qui va entrer en fonction, mais elle est nette, tranchante et extrêmement rapide, – en fait, rapide parce que les évènements (attentats de Paris) vont si vite. Or, cette circonstance ajoute à une analyse extrêmement intéressante faite par le journaliste libéral Ziemowit Szczerek, – ennemi juré du PiS de Jaroslaw Kaczynski qui l’a emporté fin octobre. Szczerek, qui est parfaitement informé des sentiments antirusses du PiS, notamment de Kaczynski,lequel a toujours affirmé, sans guère de preuves, que son frère jumeau, alors président, était mort dans un accident provoqué par les Russes de son avion avant son atterrissage en Russie, estime que, finalement et pourtant, ce gouvernement est la meilleure chose qui puisse arriver à la Russie contre laquelle la Pologne a déjà une attitude très hostile depuis le début de la crise ukrainienne.
En bon libéral pro-occidentaliste, Ziemowit Szczerek accuse le PiS d’être un parti nationaliste et rétrograde, avec des tendances autoritaires, sans aucune culture démocratique et incapable d’en acquérir la moindre parcelle. (Il place d’ailleurs la plupart des autres pays de l’ex-Europe de l’Est communiste dans le même sac ; effectivement, on peut admettre que tous ces pays ont bien du mal à ingurgiter et digérer le modèle démocratique de l’Europe de Bruxelles, et qu’ils s’en tiennent à des formules pseudo-démocratiques où triomphent les anciens apparatchiks communistes et les oligarques roulant sur l’or escroqué de toutes les façons possibles … Mais il est également probable qu’il aurait du mal à nous convaincre que ce modèle bruxellois à la gloire du bloc-BAO mérite beaucoup d’efforts et de peine pour qu’on arrive à l’adopter et à s’y insérer, vu l’état avancé de sa dissolution et de sa pourriture politique ... Alors, tout le monde dos-à-dos !)
Ainsi, l’antirussisme du PiS et de son président est-il vu par Ziemowit Szczerek comme une agitation gesticulatoires aux effets assez secondaires, voire comme une gêne vis-à-vis de l’OTAN qui peut éroder gravement les liens de la Pologne avec cette digne organisation. (Tristesse de Szczerek.) Par contre, le pire à attendre est bien la dégradation des relations de la Pologne avec l’UE de Bruxelles, et c’est là que l’arrivée au pouvoir du PiS est peut-être un atout important pour Moscou, – le tout pouvant se terminer, selon lui (Szczerek) comme une quasi-embrassade entre Polonais et Russes...
« As far as Poland's relations with the EU are concerned, Szczerek suggests that infantile political clashes are likely to increase, since the PiS "does not like it when its activities are constrained, whereas the entire basis of the [EU power structure] is about various kinds of authorities interacting to monitor one another's activities.” “Even worse,” in the journalist's view, “is the fact that Kaczynski is very beneficial for Russia. Moscow could not have imagined a more favorable scenario. After all, if Putin wants to weaken NATO and the EU, on the basis of the Western Europe – Central Europe [fault line], it's not possible to hit them with anything better than Jaroslaw Kaczynski and his team.”
» Szczerek notes that this even “includes the tantrums, the howling and screaming at every perceived Russian provocation, positioning their own faces under the spit as it flies through the air, and then rolling around in the dirt as they cry about their humiliation. They provoke and incite, and then rip the hair out of their own heads, while the West looks on, horrified, thinking ‘God, there is nothing with this insane bunch that we can possibly agree on.’”
» As far as relations with Russia are concerned, Szczerek notes that Kaczynski is “not looking for real decisions and compromises, but only look to provoke Russia, to get Moscow to play along, counting on God knows what: on a nuclear catastrophe perhaps…After all, the PiS is not counting on Russia turning into a pro-Western democracy which seeks to cooperate with the West. Kaczynski treats even Germany, a country which has experienced a tremendous transformation and become the most responsible country in Europe, with disdain.” According to the liberal journalist, things could end up even worse as far as Poland's pro-EU trajectory is concerned, with Szczerek noting that there may come a day “when it will be said that we have more in common with Moscow than we do with Brussels,” given the two countries’ perceived similar values, outlooks, views on international affairs, etc. The journalist points to the non-traditional, ‘pro-Russian’ orientation of anti-liberal, anti-Brussels politicians like Janusz Korwin-Mikke as the “first signs” of such a possible sea change. »
Ces “élucubrations” de Szczerek (ainsi apparurent-elles à certains “européistes” convaincus et russophobes invétérés) prennent de la substance à la lumière des attentats de Pais et de la réaction du nouveau ministre des affaires européennes. Dans cette occurrence, de qui les Polonais sont-ils les plus proches ? De “Kiev-la-folle”, qui finit par lasser tout le monde mais qui est plus pro-UE que jamais, ou de la Russie qui veut mettre toute la gomme pour attaquer Daesh, rétablir un gouvernement syrien fort (Assad éventuellement, parce qu’il est là, mais l’important est la légitimité d’un tel gouvernement) et, par conséquent, œuvrer dans le sens de bloquer le flot des migrants-réfugiés ?
Dans tous les cas, on peut d’ores et déjà constater les premiers effets psychologiques sérieux des attentats de Paris concernent beaucoup moins une guerre mondiale, d’ailleurs déjà en cours selon le Pape-stratège François, que l’unité de l’Europe, déjà dans une crise profonde. La “Guerre contre la Terreur” ? “Nous sommes en guerre” ? Qui a jamais prétendu que, la Terreur existant, on ne pouvait faire autrement qu’être en guerre contre elle, – ce qui conduit à la question de savoir qui installe la Terreur et pourquoi et comment ? Ce qui conduit à la question de savoir à qui profite la “guerre contre la Terreur“ dont on ne sait pas très bien, ou bien dont on sait très bien qui en fut l’origine, à l’origine ? Après tout, on portrait se rappeler que l’ancien secrétaire d’État le général Haig, en fin de matinée, le 11 septembre 2001, déclara solennellement : « We are at war. » Cela fait déjà quatorze ans, et les résultats ne sont pas brillantissimes.
Par contre, certes, les effets de cet “acte de guerre” incontestable que constituent les attentats de Paris sur la situation crisique européenne, voilà qui nous paraît absolument capital. Lorsque le Journal dde.crisis évoquait, ce matin, cette perspective, nous sommes à peu près sûr, non absolument sûr que l’auteur pensait beaucoup plus à la situation européenne qu’à la guerre contre Daesh, même si l’un n’exclut pas l’autre, – mais parce qu’il importe de garder à l’esprit une véritable classification de l’importance réelle des évènements...
« Ce n’est rien par rapport à la profondeur du choc dans les psychologies. Nous avons désormais à nous attendre aux effets de cette profondeur du choc sur tout le dispositif de notre monde, sur tout le Système... [...] On ne subit pas un choc pareil sans qu’un ébranlement, une réplique comme l’on dit des phénomènes sismiques, ne se fasse sentir à un moment ou l’autre dans le terme des semaines et des mois qui viennent, d’une puissance et d’un sens qu’on ne peut imaginer. »
Mis en ligne le 14 novembre 2015 à 18H09