Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
1647Trump à Paris avec Macron parlant “entre amis”, Melania super-chic qui ne pouvait manquer de déchaîner l’enthousiasme bien-parisien jusqu’à rappeler Jackie K. en 1961 (“Bonjour, je suis le type qui accompagne Jackie Kennedy”, phrase fameuse de pince-sans-rire de JFK à sa conférence de presse parisienne de ce voyage parisien d’antan et en grandes pompes). Pourtant, Macron sortait tout droit d’un sommet avec l’Allemande Merkel où d’importantes décisions communes avaient été prises, mais manifestement l’inégalité de la perception entre les deux rencontres ne faisait aucun doute. Aujourd’hui, la communication règne et c’est elle qui règle la perception à partir de quoi l’on en déduit les politiques, à partir de quoi les dirigeants politiques développent leurs politiques qui leur sont ainsi imposées.
WSWS.org ne manque pas de s’intéresser à cet événement et d’en mettre en évidence les étrangetés, les paradoxes, les contrepieds même, voire les contradictions, – mais tout cela, en apparence peut-être, parce que les options des uns et des autres auparavant étaient loin d’être évidentes. Là aussi, il y avait les jeux de perception ; lorsque la communication règne, les lignes politiques sont aussi fluides que les lignes d’eau d’une rivière torrentueuse... Dixit-WSWS.org dans un article consacré à l’événement :
« L’invitation de Trump marque un tournant de la politique étrangère de Macron, mettant en évidence la profonde instabilité des relations entre les puissances impérialistes de l’OTAN. Après un quart de siècle de guerres impérialistes et d’une crise économique très profonde, cela depuis la dissolution de l’URSS de 1991, [...] l’OTAN, fondée sur une hostilité collective à l’URSS, est secouée de tous côtés par des rivalités qui menacent de se transformer en conflits ouverts, sinon en guerres pures et simples.
» Durant sa campagne présidentielle, Macron réagit au Brexit et à l’élection de Trump en se rapprochant de l’Allemagne. Son premier voyage hors de France [...] fut pour Berlin, pour tenter de relancer le “moteur” de l’axe franco-allemand qui est la principale force motrice de l(‘UE. Ce geste semblait aligner Macron sur Merkel dans le conflit de cette dernière avec Trump, qui avait dénoncé l’Allemagne et même menacé d’engager une guerre commerciale en bloquant ses exportations vers les USA.
» Pourtant, quelques jours après le sommet du G20 du Hambourg des 7-8 juillet Trump est de retour en Europe cette semaine, cette fois pour célébrer avec Macron le centenaire d’une guerre contre l’Allemagne. Hier, Macron et Trump ont observé un silence extraordinaire sur l’Allemagne. Ce silence était d’autant plus significatif que Macron venait juste d’une rencontre du conseil des ministres franco-allemands qui avait eu lieu justement le matin à Paris, à la fin duquel Merkel et Macron tinrent une conférence de presse commune pour annoncer différentes incitatives communes importantes. »
La rencontre (Trump-Macron) amena également comme un symbole important la mise en évidence de convergences entre Macron et Trump qui les placent à la fois, – dans la perception qu’on en a par rapport aux diverses agitations en cours, – comme des anti-globalistes du genre que Merkel n’apprécie guère. On note, sans surprise parce qu’on le savait mais d’une façon justement symbolique si importante pour la perception de la chose, leur accord pour une certaine régulation du commerce en général qui a comme des échos de protectionnisme, et leur accord pour poursuivre en Syrie sans une seconde exiger le départ d’Assad qui est depuis plusieurs années, lui aussi symboliquement, une bête noire des globalistes. Tout cela s’accorde assez bien avec les rencontres Macron-Poutine et Trump-Poutine, sans que les rapports Poutine-Merkel actuellement assez plats et sans joie rattrapent en quoi que ce soit l’orientation générale ainsi perçue, – de tonalité anti-globaliste, répétons-le.
(Pour donner une bonne mesure de la confusion des choses, de l’accélération extraordinaire des prises de position, de l’instabilité non moins surprenante des lignes qu’on croyait immuables, il y a cette attaque dont le Financial Times se fait l’écho d’une sortie anti-Bannon, anti-Trump indirectement, de la part d’un homme très proche du Pape François. L’on s’insurge ainsi contre la position anti-islamiste de la politique de Trump alors qu’il resterait pour un pape standard beaucoup à faire pour la protection des chrétiens des régions de l’Islam en pleine effervescence. Cela conduit Tyler Durden, de ZeroHedge.com, à faire ce simple commentaire : « Cela ne surprendra pas ceux qui jugent que le Pape François est très fortement impliqué dans le projet du Nouvel Ordre Mondial... » On est globaliste ou on ne l’est pas, et donc partisan du brassage des populations que les événements chaotiques ici ou là au Moyen-Orient produisent au nom de la croisade anti-Assad, ce brassage que François ne peut s’empêcher de juger admirable et quasiment œcuménique, sous les applaudissements de Merkel.)
Ainsi est-il particulièrement inapproprié de juger la présence de Trump à Paris, disons “inappropriée” selon les habituelles et classiques lignes de considération transatlantique, – notamment “la vassalisation” aux USA, selon le thème anti-Trump développé par les Insoumis, Mélenchon en tête qu’on a connu décidément mieux inspiré. On espère qu’il sait, Mélenchon, la position qu’occupe actuellement Trump à Washington D.C. et la situation qu’on y trouve, et qu’il est d’une argumentation un peu pauvre de parler de la “vassalisation” à un pouvoir dont personne ne sait plus rien, ni qui le détient, ni où il se trouve, ni s’il existe encore, mais dont la seule chose assurée que l’on sache est qu’il n’est dans tous les cas nullement dans les mains du président des États-Unis... Enfin, s’il fallait s’en tenir au symbole du discrédit et de la diffamation, on préfèrerait se faire accuser d’être le “vassal” d’un président sans pouvoir et complètement isolé à Washington plutôt que le “vassal” (pardon, “la vassale”) du Deep State qui veut jusqu’à la folie complète la peau de Donald Trump. La haine anti-Trump du Deep State a atteint un tel degré, une telle intensité, que quoi qu’il fasse, Trump (missiles de croisière contre la Syrie, menaces contre la Corée du Nord, etc.), il est irrécupérable, rebelle, impardonnable, cible désignée pour tout sniper de bonne volonté, – antiSystème quoi, – et encore, “à l’insu de son plein gré”, les pires...
... Bref, si l’on veut la faire courte et imagée, l’on dira qu’aujourd’hui, la mauvaise humeur et la dureté de Merkel vis-à-vis de Trump ne signifient en rien une révolte contre l’hégémonie US mais exactement le contraire, c’est-à-dire une bonne et stricte obéissance aux conseils du Deep State. C’est bien le sénateur McCain puis l’ancien directeur du renseignement national James Clapper qui sont allés en Australie, début juin, dire, l’un après l’autre, qu’un bon allié des USA, aligné sur les USA comme il doit l’être, doit aujourd’hui complètement tourner le dos au président Trump, bras d’honneur compris, et attendre paisiblement sa chute qui ne saurait tarder.
On peut vaguement espérer que Macron sait tout cela, – ce qui est à peu près aussi évident que dans le cas désolant de Mélenchon, – mais quoi qu’il en soit tout se passe comme s’il le savait. Il reste en effet que jouer la “carte Trump” aujourd’hui, c’est, au risque de se faire accuser d’interférences dans les affaires intérieures de Washington D.C., jouer contre le Deep State, c’est-à-dire contre la politiqueSystème, c’est-à-dire contre l’hégémonisme US, c’est-à-dire contre le Système.
Observer cela, ce n’est tresser des couronnes ni à l’un ni à l’autre, ni annoncer de nouvelles alliances, ni prévoir quoi que ce soit puisque tout, absolument tout aujourd’hui est imprévisible. Les seules choses assurées, ce sont les effets de la perception immédiate qui constituent les seuls faits marquants se produisant effectivement dans une réalité qui n’existe plus, la seule vérité-de-situation à apparaître. Aujourd’hui, le couple Macron-Trump à Paris a eu comme effets, sans qu’aucun acteur n’en soit avisé qu’importe, d’affaiblir la position de Merkel en Europe, d’affaiblir les liens entre la France et l’Allemagne au profit de l’image de la souveraineté française, de renforcer l’hostilité du Washington D.C. classique à l’encontre de Macron et de la France, bref de faire de celui que tout le monde (including nous-mêmes) désignait avec les meilleurs arguments du monde comme l’élu du parti globaliste français un inconscient qui ne cesse d’emprunter des voies anti-globalistes.
Ainsi soit-il et restons-en là, car demain est un autre jour avec de nouveaux événements surprenants, de nouvelles positions imprévues et inattendues... Car, comme dirait peut-être notre bon Pape François s’il consulte encore son missel, “les voies du Seigneur sont impénétrables”, – mais “impénétrables” à ce point, même ce pape si singulier ne s’en doutait pas.
Mis en ligne le 14 juillet 2017 à 17H15