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254206 janvier 2015 – Par ailleurs sur ce site, il sera traité un jour prochain, sans doute même demain, de la question “des peurs”, notamment du point de vue de leur utilisation dans les politiques et de leur effet dans le “contrôle social”, à partir de quelques notes d’un entretien avec le Dr. Altheide, invité d’une émission de radio du réseau Sputnik, dite Brave New World, présenté par John Harrison le 1er janvier 2016. Le Dr. David Altheide est homme de savoir, sociologue nationalement et internationalement connu, Professeur-Régent Emérite à l’école de transformation sociale et de justice sociale, au Collège des Arts et Sciences libérales de l’université de l’Arizona, etc. Je laisse de côté, – pour l'exposé du sujet dans tous les cas, – tout ce qui est dit sur “les peurs”, qui est traité par ailleurs, et je ne fais que reprendre le dernier paragraphe du compte-rendu. Voici la chose, avec, souligné en gras, le passage qui m’intéresse particulièrement...
« Les médias sociaux constituent une forme visuelle de communication qui ne nécessite pas de faits. Cette visualisation, qui devient souvent une trivialisation, est une méthode qui a été maintenant adoptée par [les médias-Système], en fait il y a même désormais une attitude générale des médias US selon laquelle les faits n’existent plus, selon le Dr. Altheide. A la place, nous avons des opinions, et même les preuves scientifiques sont aussi considérées comme des opinions. Avoir une conversation dans un monde si complètement installé dans la peur est devenue très difficile. »
Il va sans dire que, sur le fond du propos, je me retrouve complètement sur cette idée que “les faits n’existent plus”, et ce phénomène affecte même “les preuves scientifiques”, qui ne relèvent plus du domaine du “constat du réel”, tout cela pouvant se représenter effectivement en l’élargissant par l’affirmation que la “réalité (objective) n’existe plus”. C’est justement la thèse qui sert de fondement au Glossaire.dde sur « Situation-de-vérité & Vérité », thèse qui s’est élaborée sur des constats, depuis 2000-2001, qui sont autant de “constats de faits” selon lesquels la réalité disparaît, et donc les faits effectivement comme dit le Dr. Altheide. Mais on lit aussi que le même Dr. Altheide attribue cette “disparition des faits” au “mode de visualisation” “qui ne nécessite pas de faits” des médias sociaux, dont il nie par ailleurs l’importance d’influence en affirmant plus haut dans le texte cité qu’ils n’ont pas entamé la domination des grands médias (presse-Système pour l’essentiel, si vous voulez) parce qu’ils travaillent essentiellement à un niveau local et régional.
Il apparaît aussitôt évident que, sur cette question des causes, le bon Docteur et moi nous divergeons. Ce qu’il dit des “médias sociaux” ne semble pas concerner la véritable “presse alternative” de l’internet, dont dedefensa.org qui serait plutôt pingre en fait de visualisation, et qui a besoin de faits, même et surtout si c’est pour dire qu’il n’y en a plus. Quant à la disparition de la réalité, je l’attribue au champ beaucoup plus vaste que la seule “visualisation” de la toute-puissance du système de la communication avec ses effets sur les pouvoirs-Système comme sur la riposte antiSystème. En ce sens, il est vrai qu’il n’y a plus “que des opinions” si l’on prend ce terme strictement comme un parti-pris, sauf qu’il faut, pour mon compte toujours, à la fois préciser et élargir le champ de la chose : certes, “il n’y a plus que des opinions” parce qu’il n’y en a plus que deux qui comptent vraiment, entre les pro-Système et les antiSystème. (Cette affirmation est moins simple qu’elle n’y paraît, car ces deux “opinions” fondamentales dépendent de la façon dont on les opérationnalise et du caractère relatif, notamment de “l’opinion” de l’antiSystème : des pro-Système peuvent être antiSystème sans le savoir et des antiSystème se révéler pro-Système en affirmant, de très bonne foi, être des antiSystème.) Aller au-delà dans les nuances infinies des deux “opinions” a peu d’importance et nous fait sortir de la netteté féconde de la situation bipolaire, sauf si cette exploration renforce l’“opinion”, disons de “faits-subjectifs”.
En effet, je ne crois pas qu’il faut prendre cette idée non comme la disparition des faits au profit des opinions, mais comme la transformation des faits, à cause de l’effondrement de la réalité, en “faits-subjectifs”, selon une expression forgée pour la cause et qui a une allure d’oxymore, de contradiction, etc. Il s’agit de “faits” dont vous vous saisissez pour renforcer votre camps, en les appréciant d’une façon subjective naturellement, – mais d’une subjectivité que je décrète ex nihilo, pour mon compte comme chacun devrait le faire pour le sien, vertueuse ou faussaire selon qu’on est dans un camp (antiSystème) ou l’autre (Système).
En effet, pour moi il n’est pas question de laisser la vertu des camps à la discrétion d’un jugement “objectif” dont on sait qu’il n’existe plus. De ce point de vue, le Docteur Altheide n’a pas tort, “tout est opinion” dans le chef des uns et des autres, et je m’en arrange tout en rapellant que c’est le Système qui en a voulu ainsi, par ses outrances et ses excès insupportables. Ainsi est-il vrai, selon ce que j’estime être la Vérité elle-même, que je choisis les faits en fonction de leur potentiel à être utilisé comme objet de démonstration de l’infamie du Système, et donc objet d’influencer dans ce sens en démontrant en permanence l’infamie en question. J’ignore si j’ai le Bien, et éventuellement Dieu de mon côté, mais je sais aussi sûrement que mon âme est poétique que je ne peux avoir le Mal en lui-même de mon côté puisque le Système est nécessairement enfanté par le Mal et qu’il est le Mal lui-même ; par conséquent, ne cherchez pas chez moi des troubles de conscience par rapport à un domaine d’une pseudo-“objectivité” que je transgresserais. Au reste, les autres, ceux du Système font comme moi puisqu’il se saisisse d’un fait (la destruction du vol MH17 au-dessus de l’Ukraine) et décrètent aussitôt que c’est une infamie poutinienne. La différence entre eux et moi, c’est qu’eux ils avancent d’une façon infiniment grossière en croyant vraiment que le fait qu’ils ont transformé en “fait-subjectif” sujet à leur opinion est en réalité (!) un “fait objectif” ; ce n’est pas un avantage mais une sottise venue de psychologies atrophiées à force de faiblesse dans le domaine de la perception, qui vous balancent vraiment des vessies pour des lanternes en croyant qu’il s’agit vraiment de lanternes... Pour mon compte, pour le cas du MH17, si je ne m’étais fait une ferme religion sur l’innocence russe, notamment parce que cette destruction n’avait aucun sens sinon que des désavantages pour la Russie, si le cas avait été très incertain, je n’en aurais guère parlé jusqu’à ce que je trouvasse un coin par où attaquer le Système (et éventuellement les Russes, spécifiquement pour s’être si maladroitement offerts en cible au Système). Mais qu’on se rassure aussitôt, parce que cette subjectivité évidente de parti-pris, qui a de toutes les façons la vertu de la Résistance, finit assez proche de la vertu de l’objectivité (la Vérité) parce que le Système est tellement omniprésent, et sa sottise aussi grande que sa surpuissance, qu’à peu près tous les faits peuvent devenir “faits-subjectifs” antiSystème parfaitement utilisables contre le Système sous le moindre regard un peu acéré, et que ce serait plutôt le temps qui me manquerait à cet égard.
La preuve en est, – de notre vertu à nous antiSystème, – que nous sommes les seuls capables de débusquer dans ces “faits-subjectifs” tels que nous les envisageons et les traitons les vérité-de situation qui nous rapprochent de la Vérité. (Cela devrait nous faire, à cet égard, nous réjouir de la liquidation de la réalité qui était, dans une époque où le système de la communication était déjà omniprésent, toujours un peu, beaucoup, passionnément manipulée par les dynamiques qui s’opposaient.) Là-dessus, la dernière phrase du Dr. Altheide devient lumineuse pour mon compte, car il nous dévoile d’un seul coup l’un des Mystères les mieux choyés du Système, qui est la peur intérieure à lui-même : « Avoir une conversation dans un monde si complètement installé dans la peur est devenue très difficile. »
De quel monde parle-t-il ? Pas de celui de l’antiSystème, qui est le mien, où règnent le franc-parler et l’ouverture partagée des esprits au plus profond de leurs recherches et de leurs angoisses, où les erreurs et les parti-pris peuvent être dénoncés par de franches empoignades et aller jusqu’à des ruptures sans craindre le lynch des employés du Système et la “diabolisation” de plus en plus paralysante. Alors, le Dr. Altheide parle du sien sans doute, et peut-être avec le regret d’y être installé, qui est celui du Système, où chacun vit dans la peur de dire ou de faire quelque chose qui ne soit pas conforme à la ligne-Système, où chacun réfrène son premier élan, dissimule sa réflexion sur cet élan, écarte les conclusions qu’il en tire et cherche désespérément quelle est la posture ou le bon mot (la “vanne” qui ne “dérape” pas) que recommande le conformisme-Système pour ce cas précisément. On voit souvent cela à la TV où les talk-shows sont devenus les postmodernes Tribunaux de du Peuple de la République-Laïque-Une-et-Plurielle, où chaque personnalité d’importance et de dérision est invitée à dérouler le catéchisme du Système, tandis que l’interrogateur lui-même se sent envahi par la peur d’avoir trop mal tourné cette question, de n’avoir pas relevé telle entorse au catéchisme, de n’avoir pas dit un mot de la condition féminine, de l’islamophobie, des droits-de-l’homme, des réfugiés, du “boucher Assad”, que sais-je...
Pour eux, les “faits n’existent plus”, certes, remplacés par les faits-Système, selon la consigne-Système, la “feuille de route”-Système, et tout cela si complexe, si tordu, si ennemi de l’harmonie, de l’équilibre et de l’ordre, que chaque phrase prononcée est une torture pour celui qui l’a prononcée comme pour celui qui l’entend ; parce que l’un et l’autre n’ont à l’esprit que cette obligation de se conformer au Système, à la pensée-Système ; parce que l’un et l’autre ne craignent rien tant que d’être soudain l’objet de la diatribe d’un Accusateur Public, comme devait l’être chaque député siégeant à la Convention en 1794, peu avant Thermidor, et même après d’ailleurs ; chacun devant le Temps suspendu, leur peur guettant le chuintement terrible et mécanique de la lame de la guillotine glissant vers ce cou qui lui est offert, s’exclamant devant la barbarie de Daesh et de ses coutumes épouvantables.
Nous, si je puis dire un peu pompeusement, nous cherchons la Vérité et l’angoisse accompagne chacun de nos pas, chacun de nos actes. Eux, ils cherchent surtout à ne rien trouver, paralysés par la peur que cette trouvaille pourrait découvrir une vérité-de-situation qui leur hurlerait l’infamie du Système auquel ils se sont soumis, paralysés par la peur de ne plus pouvoir simuler sincèrement qu’ils croient à ce qu’ils disent. Ce spectacle des contrastes de ce temps terrible et extraordinaire a remplacé très-avantageusement la réalité. Les conversations ne sont plus possibles parce que le Système ne supporte plus de ces sortes d’échange, qu’il a lui-même proclamé ouverte l’épreuve finale, l’antagonisme sans retour. Cette perspective ne me déplaît pas car ce masque tombé du Système doit se révéler comme une vérité-de-situation d’une telle puissance qu’elle donnera l’espoir d’une proximité plus grande de la Vérité ; le masque tombé du Système écarte un obstacle, qui pourrait paraître du genre “ultime” ou s’en rapprocher, qui masque encore la Vérité.
Note
(*) Bien vu... Rajout nécessairement sous forme de mise à jour : le texte annoncé est édité ce 7 janvier 2016.
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