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2232Hillary Clinton semblait avoir une voie presque assurée devant elle après le Super Tuesday, avec un certain effacement de Sanders tandis que la camp républicain se déchirant entre Trump et anti-Trump attirait sur lui toute l’attention du système de la communication. C’était la situation il y a, disons, quatre-cinq jours, car les choses vont si vite avec ce binôme de l’accélération de l’Histoire et de la contraction du Temps qu’il faut compter en jours pour découvrir et commenter des situations nouvelles. Depuis samedi, on a pu voir que Sanders l’avait emporté dans trois primaires (Nebraska,Kansas et Maine), tandis que Cruz obtenait de bons résultats, montrant qu’il a acquis un rythme qui remet en question la supériorité jusqu’alors indiscutée de Trump. (Rubio, lui, promet que cela va aller mieux bientôt pour lui, ce qui est son exercice dialectique et souriant favori jusqu’ici.) Parce que nous sommes dans une situation de crise paranoïaque aigue de l’establishment, cette évolution, au lieu de cimenter un front anti-Trump, réveille les craintes du même establishment également entretenues à l’encontre du sénateur Cruz, qui est très peu aimé des neocons ; ainsi s’accroit, si besoin est, la confusion régnant dans le monde politique washingtonien.
Nous parlons des primaires aux USA, au cas où il faudrait le préciser ; lesquelles deviennent techniquement d’une incroyable complication pour un jugement européen moyen... Ces complications ont certes toujours existé ; d’habitude, elles ne rendent pas trop difficile l’appréciation qu’on a de la phase des primaires des présidentielles US parce que les affrontements suivent les lignes conventionnelles et les domaines connus, comme dans un jeu aux règles éprouvées, et que n’existe en aucune façon l’atmosphère d’insurrection actuelle qui rend chaque péripétie si important. Aujourd’hui, ces complications rendent d’autant plus délicate la nécessité où l’on se trouve, parce que la partie est d’une importance absolument capitale, de suivre au plus près les événements.
Quoi qu’il en soit mais tout de même selon la logique de ce que nous avons exposé, Hillary Clinton redevient un cas intéressant, c’est-à-dire politique et incertain, puisque sa supériorité électorale apparaît comme pouvant être remise en cause tandis que sa position dans l’affaire dite emailgate ne cesse de se fragiliser en même temps que sont mises en cause ses capacités de “femme d’État”. Un employé du département d’État s’est vu accorder l’immunité (c’est-à-dire sa non-inculpation si ce qu’il révèle l’impliquait) en échange de son témoignage ; les spécialistes ne cessent de détailler les diverses formes de violation de la loi pratiquées par l’ex-secrétaire d’État, y compris avec la remise à jour de vilaines affaires passées qui n’ajoutent pas la grandeur d’âme de la candidate. Plus que jamais flottent des rumeurs selon lesquelles l’atmosphère au sein du FBI est incroyablement tendue, au bord de la révolte si aucune inculpation n’est lancée contre elle ; face à ces rumeurs, HRC, elle, rit aux éclats selon la formule hallucinée qu’on lui connaît.
Jamais un candidat favori (une dame favorite pour l’élection) ne s’est trouvée avancer vers la perspective de son élection avec, autour d’elle et derrière elle, autant de casseroles. Cela conduit la réflexion que nous eûmes très récemment avec une de nos sources sur la question des élections présidentielles, de savoir s’il n’existerait pas une option alternative à une élection de Trump, encore plus destructrice pour le Système ; et ce serait alors, justement, l’élection de Hillary Clinton. Cette politicienne chevronnée, qui a servi dans nos réflexions de modèle pour ce comportement désormais dominant dans la politique que nous avons nommé affectivisme, présente nombre des caractères qui font la matrice d’une présidence catastrophique du fait des circonstances politiques dès son démarrage.
La réflexion de notre source, bonne connaisseuse des affaires washingtonienne, est bien qu’“avec tant d’affaires douteuses autour d’elle, Clinton serait dès son entrée en fonction une cible rêvée pour tous les chasseurs de tête rêvant de l’impliquer dans une crise constitutionnelle majeure”. Elle se trouverait devant un pays en proie au plus profond désarroi, dans une atmosphère révolutionnaire, avec même un parti démocrate très profondément divisé, toutes choses qui seraient répercutées au Congrès et devraient immédiatement se transformer en des tentatives de mises en cause légales.
Ce point de vue mérite d’être explicité. La situation de ces présidentielles US de 2016 est un peu une sorte de parallèle ou un écho mimétique de celle des élections de 2008, mais avec une contradiction fondamentale dans le contenu : les USA sont en pleine crise en 2016 comme en 2008, mais la crise est complètement différente. En 2008, cette crise (celle du secteur financier) éclatait face au pouvoir, extérieurement au pouvoir, impliquant de facto une certaine unité du pouvoir face à elle, d’autant plus que sa puissance spectaculaire semblait monopoliser tout le potentiel crisique et faire qu’il n’y avait effectivement plus qu’une seule crise.
En 2016, la crise affectant les USA dans ce temps des élections présidentielles est la crise de ces élections elles-mêmes, du processus électoral, du pouvoir qui y est impliqué, de l’électorat qui est là, paraît-il pour faire la décision ; et tout cela se passe dans un environnement caractérisé par une situation crisique totale au niveau mondiale, sinon une situation qu’on pourrait qualifier tant son rôle est actif de situation “crisique totalitaire” ; aucun domaine, aucune activité, aucune affaire en cours qui ne soit affectée par sa propre crise, ou par les effets d’une crise plus large qui le concerne. Cela est dire que l’espèce de pseudo- (très pseudo-) “unité nationale” qui sembla se manifester autour de l’élection d’Obama en 2008-2009 ne se retrouverait sans doute pas avec l’élection de 2016, et certainement pas dans le cas de l’option de l’élection d’Hillary Clinton, — le cas le moins probable d'un rassemblement national autour du nouveau président.
Par conséquent, l’on peut effectivement considérer avec sérieux l’idée selon laquelle une élection d’Hillary Clinton attirerait aussitôt une crise au sein du pouvoir, entre les diverses factions et fractions. L’hypothèses d’actions légales aussitôt entreprises (ou poursuivies) contre la nouvelle présidente doit également, selon la même logique, être considérée très sérieusement. D’un point de vue antiSystème, la réflexion prend alors tout son sens : au lieu d’être la crise antiSystème elle-même, comme elle semble l’être si l’on suit le parcours de Trump, l’élection présidentielle devient la préparation à la crise antiSystème si l’on suit le parcours d’Hillary, l’élection de cette dernière étant le début de l’épisode paroxystique.
L’argument exposé ici est que cette crise serait, avec Hillary, encore plus violente parce qu’elle est une figure symbolique incroyablement représentative du Système, c’est-à-dire qu’elle figurerait le Système exposé à toutes les attaques possibles. En effet, ce qu’a montré le parcours d’Hillary Clinton jusqu’ici, c’est qu’elle possède une base classique de soutien, constituée de réseaux, de formations d’intérêt et de militance classique, de fractions de certaines minorités qui ont bien de la peine à comprendre ce qu’est leur véritable intérêt au sein des USA, mais qu’elle a aussi une extraordinaire capacité à susciter contre elle des rancunes, des haines, de l’agressivité, etc. Enfin, sa position privilégiée au sein de l’establishment entache tous ses actes électoraux du soupçon systématique (fondé ou non c’est selon) de fraude et de corruption, rendant extrêmement difficile l’établissement d’une légitimité quelconque en cas de “victoire” (les guillemets mesurant la façon dont sa trajectoire électorale serait considérée). Le plus remarquable à cet égard, de l’impopularité d’Hillary Clinton à l’intérieur de ce qui devrait être considéré comme sa popularité de candidate favorite, c’est l’opinion très largement majoritaire (le pourcentage de 80% est avancé) de partisans de Sanders qui affirment qu’ils voteraient pour Trump si leur candidat favori était battu et si l’on allait vers un affrontement Clinton-Trump.
Il s’agit donc d’une spéculation de plus, dans une situation qui bouge si vite, qui est d’une si grande activité crisique, qu’elle invite constamment à étudier de nouvelles spéculations (sans que les spéculations précédentes, comme celle autour de Trump, ne soit caduques en aucune façon). Pour alimenter cette spéculation, il nous a semblé intéressant de mettre en ligne un article du 3 mars 2016 emprunté, une fois de plus, à nos confrères du Sakerfrancophone, et concernant cette fois un texte (adaptation en français) de Michael Krieger du 25 février, qui reprend lui-même des extraits d’un texte de Nathan J. Robinson.
Le paradoxe de cette citation par rapport à notre développement ci-dessus, c’est que ce texte défend l’inéluctabilité de la victoire de Trump s’il est opposé à Clinton, ou « Pourquoi Hillary Clinton ne peut pas battre Donald Trump ». Cela n’a aucune importance : importe ici le portrait qui est tracé d’Hillary Clinton, qui vaudra, qu’elle soit battue ou élue, mais qui vaudra encore plus pour notre propos si elle est élue.
Nous gardons également la note du site Sakerfrancophone, qui explique sa position concernant Trump, et que nous pourrions aussi bien reprendre dans ses grandes lignes à notre compte tant il rencontre le bon sens et identifie les vrais enjeux (Système, antiSystème, etc.). La stupidité et la bassesse des jugements conventionnels, européens et parisiens, concernant Trump c'est-à-dire envoyant Trump aux enfers, – quel que soit le personnage, – ressortent de l’habituelle pensée encapsulée, livrée en slogans prêts à être éructés sur l’instant. Ils ne méritent aucune analyse puisqu'ils consistituent rien d'autre que des récrémentss courants de la pensée (c'est-à-dire des excréments destinés à être réutilisés).
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Ce matin, je lis un article fantastique de Nathan J. Robinson dans Current Affairs, intitulé À moins que les démocrates ne nomment Sanders, une nomination de Trump signifie une présidence Trump. Il y a quelques mois, j’aurais été en désaccord avec cette affirmation, mais aujourd’hui, je pense que c’est tout à fait exact.
Une chose sur laquelle les supporters de Clinton restent dans le déni complet – en plus du fait que la plupart des Américains, qui ne s’identifient pas comme démocrates, la jugent quelque part entre indigne de confiance et pénalement justiciable – est qu’un nombre important de partisans de Sanders ne vont jamais voter pour Hillary. Oubliez le fait que j’en connais quelques-uns personnellement, j’ai remarqué plusieurs interviews avec des électeurs qui proclament que Sanders est leur premier choix mais que Trump est leur deuxième. Est-ce qu’ils ne font que le dire ou le pensent-ils ? Je crois que beaucoup le pensent vraiment.
L’article de M. Robinson est une plongée profonde et brillante dans ce que la réalité d’un match Trump contre Clinton pourrait être, et pas ce que les besogneux désemparés à Washington voudraient voir advenir. Il en ressort de façon convaincante que la seule personne qui pourrait résister à Trump et le vaincre en novembre est Bernie Sanders. Je suis d’accord.
Alors sans plus tarder, voici quelques extraits :
« Instinctivement, Hillary Clinton a longtemps semblé de loin la plus éligible des deux candidats démocrates. Elle a, après tout, une expérience, elle est pragmatique, modérée, alors que Sanders est un socialiste juif du Vermont, âgé, délirant et brassant de l’air. Clinton est tout simplement plus proche du grand public américain, donc elle est plus attrayante pour une partie plus large des électeurs. Les militants de Sanders ont pris l’habitude d’entendre la complainte sourde, «J’aime Bernie, mais je ne pense pas qu’il puisse gagner». Et avec l’expérience des élections américaines typiques précédentes, ce serait tout à fait exact.
» Mais on est loin d’être dans une élection américaine typique. Et récemment, tout ce qui concerne les spéculations sur l’éligibilité a changé, en raison d’un fait simple : Donald Trump est susceptible d’être le candidat républicain à la présidence. Compte tenu de cette réalité, chaque question stratégique démocratique doit fonctionner non pas sur la base d’une éligibilité abstraite contre un candidat hypothétique, mais d’une éligibilité spécifique contre le candidat républicain réel, Donald Trump.
» Ici, un match avec Clinton est susceptible d’être un désastre électoral absolu, alors qu’une candidature Sanders représente une bien meilleure chance. Chacune des faiblesses (considérables) de Clinton correspond à chacun des points forts de Trump, alors que chacune des (quelques) faiblesses de Trump correspond à chacun des points forts de Sanders. D’un point de vue purement pragmatique, le pari de Clinton contre Trump est une position suicidaire désastreuse.
» Ses partisans insistent sur le fait qu’elle a déjà été éprouvée contre toutes les attaques qui peuvent être menées contre elle. Mais ce n’est pas le cas ; elle n’a jamais été soumise de plein fouet aux attaques qui viennent lors d’une élection présidentielle générale. Bernie Sanders a ignoré la plus grande part des crasses des tabloïd, en les traitant comme une distraction sensationnaliste par rapport aux vrais problèmes («Assez avec les emails maudits !») Mais pour Donald Trump, ces distractions sensationnalistes sont tout le match. Il va tenter de la crucifier. Et il est très, très probable qu’il réussira.
» Ce style de campagne fait d’Hillary Clinton, l’adversaire de rêve pour Donald Trump. Elle lui donne une quantité infinie de matière première à utiliser. Les e-mails, Benghazi, Whitewater, l’Irak, le scandale Lewinsky, le ChinaGate, le Travelgate, les dossiers du cabinet d’avocats manquants, Jeffrey Epstein, Kissinger, Marc Rich, Haïti, les erreurs fiscales de la Fondation Clinton, les conflits d’intérêts de la Fondation Clinton, «Nous étions fauchés quand nous avons quitté la Maison blanche« , Goldman Sachs … Il y a assez de casseroles accrochées à Hillary Clinton pour aider Donald Trump pour six élections.
» Même un militant doué vivrait des moments très difficile pour parer ces attaques sans fin de Trump. Même le meilleur défenseur serait dans l’impossibilité d’attirer l’attention vers les réelles questions de fond , et passerait tout son temps sur la défensive. Mais Hillary Clinton n’est ni la meilleure militante, ni même douée. En fait, c’est une militante extrêmement mauvaise. Elle peut être un décideur qualifié, mais sur les sentiers d’une campagne, elle fait des faux pas constamment et ne réalise que les choses ont mal tourné que quand il est trop tard.
» Tout le monde le sait. Même parmi les membres du parti démocrate, elle est connue comme «maladroite et peu inspirée sur une estrade», traînant «les casseroles de Bill [son mari], sans le charisme de Bill». Le New York Magazine a décrit son «incapacité à démontrer les compétences politiques les plus élémentaires, et encore moins celles apprises à Toastmasters ou au Dale Carnegie». L’année dernière, la Maison blanche a été prise de panique par son niveau d’incompétence électorale, ses prises de décision douteuses, et son penchant pour prendre des raccourcis louches. Plus récemment, en notant la remontée de Sanders dans les sondages, Jennifer Rubin du Washington Post a dit qu’elle était une «candidate pourrie» dont les attaques contre Sanders n’avaient aucun sens, et qu’ «à un moment donné, vous ne pouvez plus blâmer l’humeur nationale ou une équipe de campagne incompétente ou un adversaire brillant pour expliquer les malheurs de la campagne d’Hillary Clinton». Pourtant, dans une course contre Trump, Hillary serait handicapée non seulement par ses faibles compétences de campagne, mais par le fait qu’elle aura une humeur nationale aigrie, une équipe de campagne faible, et un brillant adversaire.
» Chaque démocrate devrait prendre un certain temps, examiner sans passion les antécédents de Clinton lors de ses campagnes électorales. Étudier comment la campagne de 2008 a été gérée, et comment celle-ci lui a glissé des mains. Évaluer ses forces et ses faiblesses avec aussi peu de parti pris ou de préjugés que possible. Ensuite imaginer la course contre Trump, et réfléchir à la façon dont elle va se dérouler.
» Il est facile de voir que Trump a tous les atouts. Parce que la primaire républicaine sera terminée, il pourra s’attaquer à elle à la fois de la droite et de la gauche comme il lui plaira. Comme le candidat qui s’opposa violemment à la guerre en Irak dans le débat républicain, il pourra narguer Clinton pour son soutien. Il va la dépeindre comme un membre de l’establishment politique corrompu, et en offrira même la preuve: «Eh bien, je sais que vous pouvez acheter les politiciens, parce que j’ai acheté la sénatrice Clinton. Je lui ai donné de l’argent, elle est venue à mon mariage.» Il pourra démontrer qu’Hillary Clinton peut être achetée, mais pas lui, et qu’il est donc capable d’exercer la charge suprême. Il sera également difficile de s’en défendre pour Hillary, car cela semble être en partie vrai. Tout refus ressemble à un mensonge, ce qui rend la situation d’Hillary encore pire. Et puis, quand elle tombera dans ses pièges, il va se moquer d’elle pour son incompétence.
» Des accusations de misogynie contre Trump ne fonctionneront pas. Il va remplir la presse avec des allégations de viol et de harcèlement à l’encontre de Bill Clinton et le rôle d’Hillary qui a discrédité les victimes (quelque chose qui fait que même Lena Dunham est profondément mal à l’aise.) Il pourra toujours rappeler aux gens qu’Hillary Clinton s’en est pris à Monica Lewinsky la traitant de «jouet narcissique fêlé». En outre, étant donné que Trump n’est pas un fanatique contre le planning familial – étant même le seul prêt à se battre pour la santé des femmes dans une salle pleine de Républicains – il sera difficile pour Clinton de le dépeindre comme l’habituel macho de droite anti-féministe.
» Trump va capitaliser sur sa réputation comme un révélateur de vérités, et utiliser avec vice les changements soudains de position de Clinton (par exemple, son revirement sur le mariage gay, et le populisme économique affiché pendant sa bataille contre Sanders) et sa réputation de malhonnêteté. On peut déjà imaginer le monologue :
» “Elle ment tellement. Tout ce qu’elle dit est un mensonge. Je n’ai jamais vu de ma vie quelqu’un qui ait tellement menti. Permettez-moi de vous dire trois de ses mensonges. Elle a inventé une histoire sur la façon dont elle a esquivé des tirs de snipers ! Cela n’a jamais existé. Elle l’a inventée ! Comment pouvez vous oublier une chose pareille ? Elle a dit qu’elle a été prénommée d’après Sir Edmund Hillary, le gars qui a gravi le mont Everest. Il n’avait même pas fait sa fameuse ascension quand elle est née ! Mensonge total ! Elle a menti sur les e-mails, bien sûr, comme nous le savons tous, et elle va probablement être inculpée pour ça. Vous savez, elle a dit qu’il y avait des armes de destruction massive en Irak ! C’était un mensonge ! Des milliers de soldats américains sont morts à cause d’elle. Non seulement elle ment, mais ses mensonges tuent des gens. Voilà quatre mensonges, j’ai dit que je t’en donnerais trois. Vous ne pouvez même plus les compter. Allez sur PolitiFact, voyez combien de mensonges elle a à son actif. Il vous faut une heure pour les lire tous ! Ils lui ont demandé des explications, elle ne dit même pas qu’elle n’a pas menti. Ils le lui ont demandé directement, et elle a dit qu’elle essaie généralement de dire la vérité ! Ooooh, elle tente ! Allons donc ! C’est quelqu’un dont chaque mot qui sort de sa bouche est un mensonge. Personne ne lui fait confiance. Consultez les sondages, personne ne lui fait confiance. C’est une prodigieuse menteuse.”
» Trump va la rouler, la retourner et la harponner. Il ne la lâchera pas. Et parce que Clinton a vraiment menti, a effectivement voté pour la guerre en Irak, est réellement hyper-agréable avec Wall Street, et a réellement changé de positions par opportunisme, tout ce qu’elle peut faire est de s’enferrer encore plus dans des dénégations plus invraisemblables, qui vont encore enhardir Trump. Elle n’a de fait aucune arme offensive à sa disposition, étant donné que toute critique légitime sur le passé de Trump (positions politiques contradictoires, transactions financières douteuses, modèle de tromperie) est également applicable à Clinton, et il sait comment faire pour que ces choses glissent sur lui, alors qu’elle ne sait pas.
Voici un autre exemple. Si Hillary tente d’attaquer Trump sur ses commentaires au sujet des Mexicains et des musulmans, Trump peut rétorquer précisément sur la façon dont elle a traité les Noirs des centre-villes, les qualifiant de “super prédateurs”.
La démographie ne va pas non plus être aussi favorable à Clinton qu’elle le pense. Le populisme de Trump aura une résonance énorme parmi la classe ouvrière blanche dans tous les États, rouges ou bleus ; il pourrait même lui faire perdre le vote noir. Et Trump a déjà prouvé que la prédiction qu’il allait s’aliéner les évangélistes, à cause de sa vulgarité et de son auto-divinisation, était fausse. Les démocrates répètent avec insistance leur conviction qu’une candidature de Trump va inciter les libéraux à se rendre aux urnes comme jamais auparavant. Mais sans enthousiasme particulier pour la candidature de Clinton, il est plausible qu’un grand nombre de ces gens vont trouver les deux options si désagréables qu’ils resteront finalement à la maison.
Oui, de nombreux partisans de Sanders ne voteront jamais pour Hillary. En fait, beaucoup vont voter pour Trump.
Les diverses méthodes d’attaque de Trump seraient instantanément beaucoup moins efficaces dans une course contre Sanders. Toutes les accusations les plus personnelles (manque de fiabilité, corruption, niveau d’hypocrisie) seraient beaucoup plus difficiles à crédibiliser. La riche histoire des relations d’affaires douteuses n’existe pas. Aucun des trafics sordides sur lesquels Trump pourrait s’appuyer ne touche Bernie. Les ficelles habituelles de Trump s’attaquant à la personne seraient beaucoup moins évidentes. Sanders est un gars assez transparent ; il aime le filet de la sécurité sociale, il n’aime pas l’oligarchie, c’est un bourreau de travail qui prend parfois une pause pour jouer au basket et c’est à peu près tout ce qu’il y a à dire. Voilà qui contraste avec la liste mentionnée ci-dessus des friandises juteuse concernant Clinton.
Trump ne pourra pas faire autant le clown lors d’un débat avec Sanders, pour la simple raison que Sanders est obnubilé et oriente toutes les conversations sur le sort des pauvres de l’Amérique dans le cadre du système économique actuel. Si Trump raconte des blagues, cela va tomber à plat et serait perçu comme rabaisser les pauvres, pas une très bonne idée donc pour un milliardaire, ancien de l’Ivy League face à un fonctionnaire de la classe ouvrière et vétéran du mouvement des droits civiques. Au lieu de cela, Trump sera contraint de faire ce qu’Hillary Clinton a été forcée de faire au cours de la primaire, à savoir se faire passer autant que possible pour Bernie Sanders. Pour Trump, être sérieux et arrêter son cirque sera dévastateur pour son charisme inégalable.
Trump est un parasite ayant soif d’attention, et ces créatures ne sont puissantes que lorsque qu’on leur cède et qu’on leur prête attention. Clinton sera forcé de prêter attention à Trump à cause de l’évocation constante de ses scandales. Elle va tenter d’aller au devant de lui. Elle va, en d’autres termes, nourrir le troll. Sanders, en revanche, va presque certainement se comporter comme si Trump n’était même pas là. Il est peu probable qu’il tombe dans les pièges de Trump, parce que Sanders ne se soucie même pas d’écouter tout ce qui ne parle pas de sauver la sécurité sociale ou la classe moyenne en voie de disparition. Il va presque certainement sembler ignorer qui est Trump. Les publicités de Sanders seront semblables à celles qu’il a utilisées pendant les primaires, mettant en vedette des images édifiantes de l’Amérique, les sentiments ambitieux sur ce que nous pouvons être ensemble, et des témoignages émouvants d’Américains ordinaires. Mettre une telle dignité authentique et de tels bons sentiments face à la course à la bouffonnerie de Trump sera finalement comme verser de l’eau sur la méchante sorcière. Hillary Clinton ne peut pas le faire ; avec elle, la campagne va inévitablement rouler dans le caniveau, et l’imparable menace d’un Trump qu’on ne peut faire taire, va continuer à croître, toujours plus grande.
Bien sûr, les Américains sont toujours nerveux sur le socialisme. Mais ils sont moins nerveux qu’ils ont pu l’être, et Bernie fait du bon travail en dépeignant le socialisme comme étant à peine plus que des congés payés familiaux et des congés maladie (une proposition discutable, mais on est à côté de la question.) Ses politiques sont populaires et résonnent avec le sentiment national actuel. C’est risqué, certes. Mais le père fouettard de l’Union soviétique a disparu depuis longtemps, et tout le monde est appelé socialiste ces derniers temps, peu importe leur politique. Il est possible que les électeurs hésitants détestent le socialisme plus qu’ils ne détestent Hillary Clinton, mais dans ces temps de mécontentement économique, on ne devrait probablement pas parier là-dessus.
Mais même si cela était exact de dire que Sanders était en train de perdre (au lieu de perdre progressivement de moins en moins), cela devrait seulement motiver tous les démocrates à travailler plus dur pour s’assurer qu’il soit nommé. Le soutien à Sanders devrait augmenter en proportion directe de la peur de Trump. Et si Trump est le candidat, Hillary Clinton devrait sortir de la course et apporter chaque once de son énergie au soutien de Sanders. Si cela ne se produit pas, les conséquences d’une présidence Trump qui en résulteraient pour les musulmans et les immigrés mexicains seraient pleinement de la responsabilité de Clinton et du Parti démocrate. Laisser un candidat qui ne peut pas gagner, ou qui représente un pari à très haut risque, c’est jouer imprudemment avec la vie de millions de personnes. Tant de choses dépendent de voir Trump battu ; une défaite de principe ne signifiera rien pour les déportés, ou pour ceux qui seront malmenés par les milices de Trump ou exécuté avec des balles trempées dans du sang de porc.
“Trump contre Clinton” apparaîtra pour la plupart des Américains comme un choix entre quelque chose de nouveau et de risqué, et quelque chose de vieux et de corrompu. En 2016, qui pensez-vous que le public va choisir ?
Si les démocrates nomment bêtement Hillary Clinton, ils seront les seuls à blâmer pour une présidence Trump.
(Traduit par Hervé, vérifié par jj, relu par Diane pour le Saker Francophone)
Le Sakerfrancophone ne poursuit pas une mission de promotion de Donald Trump mais suit avec attention les éléments de la campagne US d'un point de vue anti-système. Les balles trempées dans le sang de porc et sans doute à destination des musulmans rappellent les heures les plus sombres de notre histoire, une diabolisation de bas étage, hors de toute proportion réelle, indiquant la panique qui commence à grimper dans l'establishment à Washington.
Trump est tout seul, et face à une administration et à des chambres hostiles, on ne peut que lui demander d'arrêter la folle course de la globalisation. Il devrait juste pouvoir ouvrir sérieusement les enquêtes fédérales pour mettre au jour les secrets les plus inavouables du régime US. Mais un Sanders pourrait potentiellement tout aussi bien faire l'affaire. Si cela peut en plus permettre aux Syriens de souffler après cinq ans de guerre, plus personnes ne pouvant se prévaloir du soutien de l'armée US trop occupée à nettoyer les écuries d'Augias, on pourra toujours remercier le prochain président anti-Système US.
Sinon juste pour savoir, qui a écouté Trump ? Disons plus de dix secondes, disons même un débat entier.
Pas moi. Je me suis contenté de suivre la diabolisation dont il fait preuve, un peu pris dans l'ambiance du Trump bashing. Alors voici un article de quelqu'un qui a pris le temps. Je vous laisse juge. « Un éléphant, ça trump, ça trump… Un éléphant, ça trump énormément »
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