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216722 juin 2017 – ... La réponse enthousiaste à la première partie de la question-titre est “oui, oui, oui, mille fois oui”. Les aventures de Macron & Bayrou se poursuivent, comme sur un circuit de rallye tourmenté, avec le départ-surprise du second suivant celui de ses archers du Modem. Cela venait après un fabuleux score de non-participation et l’annonce d’une hyper-majorité de quasi-450 sièges le 12 juin, pour se trouver avec un score ultra-fabuleux de non-participation (effectivement, 63% comme l’observe un juste-lecteur) et une majorité absolue effondrée à à peine plus de 300 sièges.
La politique établit tous les records possibles, y compris celui de la vitesse et de la maestria de l’émergence-surprise d’un nouveau jeune homme d’État et la déstructuration éclair et massive de la réputation de l’infrastructure sur laquelle il installe sa nouvelle gloire. Le nouveau président préside à toutes les nouveautés possibles, y compris, dès le début, comme on vous donnerait la cerise avant le gâteau, celle de faire de son début de quinquennat une forme nouvelle de grande politique, dite “bordel-compatible”.
J’entends quelques commentateurs qui continuent à pérorer sans s’étonner, imperturbablement, à propos de l’habileté de se président qui a réussi à provoquer une fracture chez les LR entre “bordel-compatibles” et les autres, jusqu’à ce bruit-sornette qui a couru pendant quelques heures, qui m’a absolument stupéfié et tétanisé, qu’on pourrait reprendre cette vieille moule pourrie de Raffarin pour lui fourguer un maroquin (type particulier de Maghrébin) ; heureusement, ce n’était qu’un maroquin-sornette... Mais aussi, très remarquablement, j’en entends l’un ou l’autre, pourtant franchement presseSystème (LCI), se demander si l’on n’a pas inventé le tourbillon politique de la folie qui ne s’arrête jamais.
On me dira, et l’on n’aura pas tort, qu’il s’agit d’ajustements inévitables, que tout est comme ça dans société aujourd’hui, où la communication règle tout, où le plus petit filet d’eau entraîne la dévastation d’une déferlante, où le pouvoir s’avère aussi “fluide“ que la société elle-même. C’est l’essence de la plaidoirie de Bayrou, qui a été fort convenable, digne, très droit dans ses bottes et tellement Béarnais qu’on croirait voir un Gascon. A tout cela, je répondrais, et je n’aurais pas tort non plus, qu’à un tel raz-de-marée jupitérien, une telle tempête follement extraordinaire qu’ont été le surgissement, la victoire et l’installation de Macron, devraient répondre d’impeccables circonstances d’installation du pouvoir ainsi adoubé. Si l’on est un Prince devenu Roi, de telles circonstances comme celles que j’ai décrites succinctement (Serge Federbusch en donne une bonne description plus détaillée dans Delanopolis et FigaroVox) sont impossibles, qui permettent à l’insortable Marine de nous expliquer avec sa verve légendaire que “maintenant qu’il n’a plus besoin de Bayrou, il le jette comme un torchon”.
... Bref, l’on est plutôt confirmé dans les impressions négatives, acceptées a priori je le reconnais aisément, que j’entretenais et continue à entretenir en partie à l’encontre de Macron. Mais j’ai bien dit, également, que j’étais « En attente », n’est-ce pas ?
En effet, à la deuxième partie de la question du titre, c’est également “oui, oui, oui, mille fois oui”, et là c’est une toute autre affaire. Déjà, la question s’était posée, prudemment mais avec une approche favorable lors du sommet de Versailles entre le Président-Soleil et le Président-Le-Grand … La réponse hypothétiquement et prudemment favorable se renforce diablement avec deux interventions. D’une part le ministre des affaires étrangères français Le Drian rencontrant Lavrov à Moscou, rencontre très discrète au départ, qui se conclut manifestement par une réelle entente autant sur les principes des relations que sur l’épineuse question syrienne. Tout à l’air de baigner au point où des experts parlent d’une quasi révolution copernicienne, et Lavrov est invité à Paris dès que son agenda le permettra pour continuer à causer avec Le Drian.
Et puis il y a cette interview de Macron, qui officialise certains principes concrets d’une sorte de NPE française (Nouvelle Politique Étrangère française, NPE par analogie sympathique avec la Nouvelle Politique Économique [la NEP] de Lénine-1922). Point principal : la France abandonne l’exigence de l’élimination d’Assad de la direction suprême syrienne, avec ce corollaire de l’importance primordiale pour la France de développer la lutte contre le terrorisme, notamment et pas loin d’être essentiellement, en coopération avec la Russie. (Il ne m’étonnerait pas que les Français élaborent avec les Russes un accord direct de “dé-conflictuation”, sans passer par les USA ; comme il ne m’étonnerait pas plus que les bruits d’un rétablissement des relations diplomatiques normales entre la France et la Syrie d’Assad soient fondés.) Alexandre Mercouris lui-même prend la plume pour marquer l’importance de l’événement.
Désormais se pose clairement la possibilité d’un tournant important, d’une NPE française. Certains craignent-ils une ruse ? Pour quoi faire ? S’il ne lui trouve pas une valeur intrinsèque indiscutable, Macron a tout à perdre à simuler un tel changement tactique de politique, et notamment l’érosion du soutien monde de la communication-Système, des médias, de la culture, des forces sociétales. Personnellement, je pencherais d’abord pour l’explication du séisme de Washington D.C. : l’impossibilité pour les alliés du bloc-BAO de poursuivre avec les USA conduit à chercher une autre alliance importante, et celle de la Russie devient alors évidente. La beauté de la chose est alors que Macron deviendrait, pour les Russes, ce qu’ils (les Russes) avaient espéré que Trump serait avant de déchanter devant le bordel paralysé et impuissant de Washington D.C. Ils ne perdraient pas au change, car, pour ce qui est de l’efficacité des liens, entre le Président-Soleil et le “bordel paralysé et impuissant de Washington D.C.” on n’hésite pas une seconde.
Ce point-là, ce n’est pas rien. Pour moi, aujourd’hui la politique russe d’une nation est un des points fondamentaux de sa politique étrangère, ce qui lui donne une orientation fondamentale. Si Macron tient, non seulement ce qu’il promet mais ce qu’il a d’ores et déjà entamé, c’est un aspect fondamental de la politique générale de la France qui est mis en cause ; quelque chose qui tend à nous dégager du cloaque extraordinaire où nous a enfermés les politiques de Sarko (à partir de 2009) et de Hollande (du premier au dernier jour, indigence et aveuglement complets).
Ainsi Macron est-il plus que jamais une énigme par rapport à la façon dont il nous avait été présenté, dont il s’était présenté lui-même, et dont je l’avais moi-même appréhendé sans une ombre d’hésitation. Mais comme l’on sait, la seule référence inébranlable qui me tient c’est la destruction du système (“Delenda Est Systemum”), et sur tout le reste je suis d’une agilité constante et je peux changer de position aussi vite que la plus folle des girouettes ; cela, j’en suis assuré fermement, sans être une girouette au sens péjoratif de l’expression, car c’est la vertu même que d’être une girouette quand l’axe ferme et intangible autour duquel elle tourne se trouve être l’engagement absolu de l’antiSystème.
Reste (suite) que Macron reste une énigme, qu’il l’est même de plus en plus. De ce constat m’est venue l’idée d’introduire un texte de WSWS.org (ah mon Dieu, on va finir par croire que je suis un trotskiste manqué, comme un acte manqué), qui est une étude sur les hommes et les organisations qui ont marqué la vie de Macron, qui l’ont influencé. J’imagine que tout cela a été dit ici et là, à diverses occasions ou diverses formes, dans la presseSystème et chez les antiSystème. Mais pour moi, c’est assez nouveau, et certaines choses m’étaient inconnues, d’où mon intérêt pour ce texte et mon idée de vous le faire partager dans ce Journal-dde.crisis alors qu’il devrait faire normalement un Ouverture Libre.
Bien sûr, il y a les habituelles et très nombreuses connexions et fréquentations du beau monde libéral et socialo-libéral, les pieds-nickelés Attali-Bergé-Minc, les organisations transatlantiques d’influence US (Young Leaders, etc.), et tout cela sans surprise ni, à mon sens, véritable signification fondamentale. (Après tout, moi-même, j’ai été fiché par les potes de l’ambassade US de Washington comme une recrue terriblement potentielle.) Il y a les approximations abusives : laisser penser que Emmanuel Mounier était pétainiste dans le sens diabolique qu’on affectionne aujourd’hui parce qu’il a écrit des articles pro-Vichy jusqu’en 1941 avant de passer à la résistance et d’être arrêté par les Allemands est évidemment excessif et ressort de la peur du loup-garou pour les petits enfants. Par contre, je l’avoue, apprendre qu’outre Rocard, Macron a comme référence Jean-Pierre Chevènement, avec qui il continue à entretenir des liens (le pauvre Chevènement qui fut nommé par Hollande envoyé spécial pour les relations de la France avec la Russie et qui ne fut jamais écouté jusqu’à un point où l’on ne daignait même plus répondre à ses notes et à ses interventions) ; qu’il (Macron) a croisé dans son parcours, par ses liens avec le MRC des maurassiens ou des monarchistes devenus souverainistes, comme un Paul-Marie Couteaux, – tout cela, autant de découvertes intéressantes pour moi, et pardonnez-moi si cela était de notoriété publique, je ne suis plus Parisien depuis des lunes et j'ai pour les dessous de la politique française des basses-eaux un intérêt assez moyen.
Que toutes ces précisions soient rassemblées dans un texte d’origine externe à l’habituelle jacasserie parisienne, avec l’habituelle et impitoyable philtre trotskiste où il faut savoir séparer résolument le bon grain de l’ivraie, permet de disposer d’un outil qui est, lui, assez inhabituel tout en découvrant des aspects pour moi inattendus. L’énigme-Macron se confirme comme une véritable énigme et nullement comme “énigme de circonstance”, et donc mon jugement de plus en plus suspendu, de plus en ouvert à toutes les possibilités....
(Donc ceci, à partir du site WSWS.org, le 20 juin 2017, sous le titre que je ne reprends pas ici de « Quelles personnalités politiques ont favorisé l'ascension d'Emmanuel Macron? »)
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Emmanuel Macron nous a été présenté par les médias depuis le lancement de son mouvement En Marche comme un météore politique, qui parce qu‘il avait bon cœur, voulait le bien des Français. Mais lui et son mouvement sont les produits politiques de l’évolution sur des décennies d’un Parti socialiste constitué avec la participation active de la soi-disant “gauche non communiste” et de la pseudo-gauche petite-bourgeoise en général.
Une des influences politiques déterminantes de Macron a été Michel Rocard, ex-chef du Parti socialiste unifié (PSU) qui, formé par divers ex-trotskystes, ex-staliniens, et catholiques sociaux, est passé avec armes et bagages en 1974 au PS de François Mitterrand. Il devint un des principaux dirigeants de ce parti jusqu‘à sa mort en 2016. Il fut premier ministre de François Mitterrand de 1988 à 1991.
Le PSU, en partie créé et soutenu par des renégats du trotskysme comme le groupe Socialisme ou barbarie fut une des composantes majeures de la “Deuxième Gauche”, des formations dont la mission était la critique du stalinisme par la droite et la lutte contre le trotskysme. Lors du premier meeting d‘En Marche, Macron a rendu un hommage vibrant à Rocard, dont la veuve était une invitée d‘honneur.
Macron a aussi entretenu des liens avec le mouvement “souverainiste de gauche” MRC (Mouvement républicain et citoyen) de Jean-Pierre Chevènement. En 1998, il participa à l'université d’été de ce parti. Cette organisation servit de pont entre le PS et le FN pour fournir des dirigeants au parti d’extrême-droite comme Florian Philippot. Le MRC a aussi compté dans son mouvement des royalistes proches ou membres de l'action française comme Paul-Marie Coûteaux ou Denis About, ancien secrétaire général adjoint de cette organisation héritière des Camelots du roi. Macron et Chevènement entretiennent toujours des relations.
Une protection politique essentielle de Macron a été Jean-Pierre Jouyet, devenu un de ses proches. Membre du PS, il a été de plusieurs gouvernements PS, sous Jacques Delors en 1991 et Lionel Jospin en 1997, puis conservateurs sous Francois Fillon durant le mandat de Nicolas Sarkozy. Il y a joué un rôle important dans les rapports de la France avec l’Union européenne. Il est marié à Brigitte Taittinger, membre du clan politico-financier du même nom, dont le grand-père, Pierre Taittinger, fut pétainiste et président du Conseil municipal de Paris sous l’Occupation.
Jouyet est engagé dans l’Aspen Institute, l’un des plus influents cercles de réflexion aux Etats Unis. Il en présida jusqu’en 2013 la section française créée par le politicien conservateur Raymond Barre et en est aujourd’hui le président d’honneur. Laurent Wauquiez, Jérôme Guedj, Olivier Ferrand, Cécile Duflot, Najat Vallaud-Belkacem, Jean-Vincent Placé sont les membres les plus connus des promotions depuis 2006 de Aspen qui forme des “leaders politiques professionnels”.
Emmanuel Macron a débuté en 2004 à sa sortie de l’ENA dans le cabinet de Jean-Pierre Jouyet. Jouyet a recommandé Macron pour entrer dans la Commission pour la libération de la croissance française, commanditée par Sarkozy en 2007 et dirigée par Jacques Attali, un autre élément important de la carrière de Macron. Dans cette commission se retrouvent socialistes et libéraux (la plupart sont aujourd’hui des soutiens de Macron). Attali a été durant des décennies un des conseillers les plus écoutés de Mitterrand. Il a fait Macron rapporteur de cette commission où furent développées les politiques d’attaque de la classe ouvrière mises en œuvre sous Sarkozy et Hollande et maintenant par son propre gouvernement.
En 2007, Macron rejoint aussi Les Gracques, un groupe d’anciens patrons et de hauts fonctionnaires dont Jean-Pierre Jouyet est l’animateur. Cette association tentait d’organiser une alliance entre le Parti socialiste et les centristes Royal-Bayrou pour les élections présidentielles.
D‘autres influences ou protections importantes de Macron ont été le lobbyiste Alain Minc ; Serge Weinberg, l‘actuel PDG de Sanofi, lié par sa femme à la Banque Lazare où elle s’occupe des fusions acquisitions ; ou encore Francois Henrot, un banquier d‘affaire au parcours similaire à Macron et bras droit de David de Rothschild à la banque d’affaires Rothschild. Henrot est aussi membre de la French American Foundation fondée par Gerald Ford et Valéry Giscard d‘Estaing.
De cette fondation sont sortis des politiciens connus, conservateurs comme Alain Juppé, Valérie Pécresse, Nathalie Kosciusko Morizet et du PS comme François Hollande, Pierre Moscovici, Arnaud Montebourg, Marisol Touraine, Najat Vallaut-Belkacem, Bruno Leroux; des représentants des médias comme Laurent Joffrin (Liberation, Nouvel Obs), Denis Olivennes (Europe 1, Paris-Match, JDD), Erik Izraelewicz (Le Monde); ou encore des politiciens-financiers comme Matthieu Pigasse (Banque Lazare). Et du côté américain, Bill et Hillary Clinton.
En 2012, Emmanuel Macron devient Young Leader de la French-American Foundation, dont Philippe Manière (le directeur de l’Institut Montaigne où Macron a fondé En Marche) et Alain Minc (trésorier de la Fondation Saint-Simon, prédécesseur de la fondation Montaigne) sont administrateurs. Cette année-là, sous l’impulsion de Jouyet, Macron devient secrétaire général adjoint de la présidence de la République auprès de François Hollande, puis ministre de l’Économie en 2014.
Un autre mentor décisif de Macron a été le richissime rocardien Henry Hermand. Hermand a été membre de la revue social-catholique Esprit dans les années 1950, dirigeant régional du PSU dans les années 1970, directeur du quotidien pro-PS Le Matin dans les années 1980. Henry Hermand a fait fortune dans la création de supermarchés. Hermand dira plus tard que Macron ne prenait jamais une décision importante sans le consulter.
Toutes ces figures sont au cœur de l’aristocratie financière. Une de leurs principales activités, comme celle de leur entourage et celle de Macron à la Banque Rothschild, étant les fusions-acquisitions, c’est à dire le dépeçage de sociétés pour en récupérer les parts les plus juteuses en vue de faire monter les cours de la bourse et produisant à chaque fois le licenciement de centaines ou de milliers de salariés.
Attali, Jouyet, Minc, Hermand, Henrot, Weinberg sont tous engagés dans les think tanks et autres fondations comme les Fondations Jaurès et Montaigne, Terra Nova, la National Endowment for Democracy (NED), la French-American Foundation ou encore l‘Aspen Institute—où se côtoient, souvent dans la même personne, responsables du PS, politiciens conservateurs, hauts responsables de l‘Etat de droite comme “de gauche”, patronat, haute finance, et intérêts l‘impérialistes. Ce sont là les figures qui ont fait Macron.
Le Monde écrit : « Chez les Jouyet, les soirs d’élections, on trouve toujours une moitié de convives pour fêter la victoire au champagne rosé Taittinger. Et ce talent du couple Jouyet de mêler, dans leur vaste appartement du 16e arrondissement de Paris, rue Raynouard, l’establishment français au complet : patrons, diplomates, banquiers, politiques, François Fillon comme Manuel Valls ou Emmanuel Macron, François Pinault et Serge Weinberg, droite et gauche mêlées et confondues, sans que jamais – “miracle !”, s’amuse François Hollande – personne ne quitte la table ou ne claque la porte. Chez les Jouyet, les soirs d’élections, que la gauche ou la droite l’emporte... »
Non moins parlants sont les mânes philosophiques de Macron. Celui-ci a souvent réitéré l‘influence exercée sur lui par le philosophe Paul Ricœur, dont il a été l’assistant. Ricœur a été un adepte du personnalisme d’Emmanuel Mounier, collaborateur de la revue Esprit dans les années 1930 et par la suite auteur d’articles de propagande pour le régime de Vichy.
Le magazine Esprit a joué un rôle clé, aux années 1970, dans la promotion du PS et la dénonciation du marxisme en tant que “totalitarisme“, qu'ils menaient en chœur avec les ex-trotskystes antimarxistes du groupe Socialisme ou Barbarie tels que Cornélius Castoriadis et Claude Lefort.
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