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660816 mars 2015 – Ce Glossaire.dde-crisis reprend le texte de dde.crisis du 10 janvier 2012. Les conditions de cette politique de “reprise” des textes de divers numéros de dde.crisis sont explicitées dans le texte du 28 novembre 2014 dans cette rubrique.
Cette livraison de dde.crisis tentait de développer une thèse, prenant très fortement en compte selon notre habitude la dimension psychologique, selon laquelle les évènements du monde, essentiellement dans la période moderniste et surtout avec le “déchaînement de la Matière”, sont directement en rapport, selon des formes complexes de cause-à-effet, avec la pathologie de la maniaco-dépression. De ce fait, cette affection devient, sous cette influence, l’état normal de la psychologie humaine individuelle et collective face à la crise.
Dans cette démarche, le principe même de notre hypothèse est de prendre la référence de la maniaco-dépression et d’en inverser les termes selon la gravité qui est prêtée habituellement aux épisodes (maniaque et dépressif). Là aussi, nous retrouvons notre compagnon habituel de la phase crisique (ultime) postmoderne de la crise de la modernité : l’inversion. L’hypothèse est conduite dans le champ de l’“opérationnalisation”, c’est-à-dire appliquée dans notre histoire crisique contemporaine, essentiellement à partir du tournant de 1996 (JO d’Atlanta) puis du 11 septembre 2001, puis de la crise financière de l’automne 2008, jusqu’aux événements les plus récents (“printemps arabe”, mouvement Occupy, ultime limite chronologique pour ce texte qui est du début 2012)...
Notre intention ultime n’était pas de “psychanalyser” une époque mais, au contraire, à partir de symptômes qui font le miel de la psychanalyse, de déterminer la place de la psychologie dans cette époque, – place centrale, sans aucun doute, – d’y relever les poussées d’inversion qui conduisent nombre de sapiens à la psychologie trop faible pour résister à se précipiter dans les rets du Système, c’est-à-dire dans la plus extrême proximité du Mal. Selon cette perspective, le phénomène de la maniaco-dépression du monde constitue la clef explicative de l’“opérationnalisation” du Mal s’exprimant par la modernité, c’est-à-dire le fondement opérationnel de notre crise, et aussi la mesure eschatologique fondamentale de cette crise.
Le texte est suivi d’une partie spécifique dite “Notes du temps présent”, qui constitue notre appréciation critique minimale de ce texte de janvier 2012, en fonction des événements qui se sont déroulés depuis et, surtout, de l’évolution de notre pensée à cet égard. Cette intervention est présentée de cette façon dans le texte référencé ci-dessus :
«Le texte sera retranscrit d’une façon générale tel qu’il fut écrit et publié à son époque (sauf pour une coquille traînant ici ou là, voire une maladresse formelle d’écriture qui demande réparation). Par contre, il y aura une sorte de “commentaire” venu du “temps présent”, – car la pensée évolue et la contraction du temps nourrit d’autant plus cette évolution, – sous la forme de notes sur tel ou tel point de détail, sur tel ou tel sens d’un jugement, montrant effectivement cette évolution et observant la façon dont cette évolution s’est faite. Il s’agit d’une “actualisation” dans le sens le plus large possible, puisqu’il s’agit aussi et surtout d’une volonté de poursuivre, d’élargir, d’enrichir, de transmuter éventuellement les différents concepts exposés, commentés et documentés. On ne se trouve donc nullement dans le cas systématique d’une reprise d’archives telles quelles, mais d’une reprise d’archives en relation directe avec les événements courants (de notre temps présent), et surtout en relation serrée avec l’évolution de la pensée depuis la publication de ces textes.»
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Nous allons développer une tentative d’explication de la situation actuelle et de la crise évidemment eschatologique qui la caractérise en nous référant à deux facteurs essentiellement: d’une part la psychologie, d’autre part ce que nous considérons comme la principale maladie de la psychologie, – l’essence même de la maladie, ou l’essence du mal de la psychologie, – qui est la maniaco-dépression. (On verra pourquoi, plus loin, nous la catégorisons comme la “principale” maladie de la psychologie.)
Nous avons déjà souvent cité le docteur psychiatre américain Beard, identifiant en 1879 la neurasthénie comme “le mal américain” ou, dit autrement, ce que nous pourrions désigner comme “le mal de la modernité”. A la lumière des plus récents événements et de l’évolution de l’interprétation que nous en faisons, nous serions tentés plutôt de choisir la maniaco-dépression comme “mal de la modernité”. Pourtant, la maniaco-dépression, qui est une maladie ancienne, n’est pas spécifiquement liée aux conditions de vie de la modernité, au contraire de la neurasthénie, ou “fatigue nerveuse”... («La nervosité américaine est le produit de la civilisation américaine. [...] [N]ous ne pouvons pas avoir la civilisation et tout le reste ; dans notre marche en avant, nous perdons de vue, et perdons en effet, la région que nous avons traverse.»)
Justement, ce qui nous intéresse comme identification du “mal de la modernité”, c’est justement ce qui n’est pas lié à la modernité, pour mettre en évidence combien la modernité est pour nous une crise bien différente de la crise d’une époque, d’un temps, d’une technique, d’une circonstance; combien la modernité est, pour nous, le terme irrémédiable de la crise fondamentale de notre civilisation devenue contre-civilisation... Dans ce cadre, la maniaco-dépression, selon son appellation classique, nous paraît être un “modèle” adéquat pour conduire notre enquête sur ce qui nous apparaît sans aucun doute comme une pathologie, non pas d’une civilisation, mais de “la” civilisation en général, là où nous l’avons conduite, comme terme qui se voudrait ultime pour ce qui est du sens du développement de notre espèce, – bref, ce qui serait la pathologie finale résultant de notre chute, – si l’on accepte, comme nous y sommes inclinés, la théorie cyclique de la Tradition. Nous parlons bien de la maniaco-dépression et nullement de ce qu’elle est devenue, au travers de son nouveau nom d’“affection bipolaire”, selon une expression plus “scientifique” que nous n’affectionnons guère dans son énoncé, dans le sens où elle tend à neutraliser les caractères essentiels, et qui nous importent essentiellement, de la maniaco-dépression.
Il doit être entendu et bien clairement compris et accepté que nous n’avons aucunement l’intention d’envisager la maniaco-dépression d’un point de vue médical classique. Ce point de vue ne nous intéresse en aucune façon, dans la mesure où il tend continuellement à se replier sur la chimie, sur la matière organique la plus grossière, pour éviter toute question qui risquerait de compliquer la problématique de la chose en la projetant hors des bornes de la soi-disant “hygiène mentale”. De même, cette démarche conduit nécessairement à attirer vers le bas une situation qui affecte l’âme et l’esprit.
Il nous importe donc absolument d’éviter le labyrinthe des définitions et identifications d’une maladie à laquelle, manifestement, la “science moderne” (la médecine du monde occidentaliste et moderniste) ne comprend rien pour l’essentiel de la chose, – c’est-à-dire son essence même. Par contre, pour notre propos, il nous importe d’indiquer qu’il existe une touche personnelle dans notre démarche qui est de proposer une maladie humaine et individuelle comme modèle de la crise fondamentale de l’univers que nous traversons aujourd’hui. Disons que “nous avons connu et connaissons” de manière personnelle et intime la maniaco-dépression dans sa puissance comme source de souffrance et de désarroi, dans ses effets sur les relations et les sentiments entre des êtres proches, sur leurs jugements, sur leurs âmes même, dans sa capacité de subversion du monde au travers de la psychologie torturée. (1) Nous introduisons une dimension personnelle qui n’est nullement anecdotique mais qui, au contraire, prétend rapprocher de ce que nous nommons “l’intuition haute”, c’est-à-dire l’intuition comme inspiratrice de la pensée, comme maîtresse de la raison elle-même en la protégeant de son travers infâme de [l’hybris].
D’autre part, loin de donner à notre propos un aspect émotionnel, cette “touche personnelle” permet au contraire de comprendre combien l’émotion n’est qu’un facteur extrêmement relatif et malléable dans une circonstance qui touche si profondément aux fondements de l’âme humaine d’une part, aux fondements structurels de l’univers d’autre part, – si l’on accepte notre hypothèse en forme d’analogie. L’émotion n’est pas un facteur indifférent, elle n’est pas un facteur informe et sans signification; elle n’est pas un facteur, disons, “sentimental” dans le sens caricatural et informe du mot que l’on comprend bien... Elle est un facteur qu’on pourrait plutôt comparer à un détonateur ou à un incitateur, qui pousse vers l’exploration et la compréhension de certaines énigmes fondamentales. Comment est-il possible qu’une affection de la sorte puisse déranger si fondamentalement des engagements de l’âme qu’on croirait absolument assurés? De quelle puissance s’agit-il en vérité, que la puissance de cette affection qu’est la maniaco-dépression? Le sentiment n’est pas, dans ce cas, un facteur indifférent, d’autant qu’il gouverne bien plus que nous le croyons, certains de nos jugements et de nos choix fondamentaux.
Un autre aspect important de ce “modèle” de la maniaco-dépression que nous allons utiliser comme moyen d’interprétation de la crise du monde concerne la notion, existante dans la pathologie que nous citons, de l’enchaînement des épisodes dépressifs et maniaques. Dans l’analogie offerte pour notre crise, aucun de ces épisodes ne se clôt complètement pour laisser la place à l’autre après un intervalle de “normalité”; ils sont tous deux plus ou moins actifs et en état d’activité potentielle parallèlement, certes jusqu’à des intensités parfois extraordinairement éloignés mais sans jamais la rupture entre ce qui est actif et ce qui est complètement inerte. Cette remarque hypothétique concerne la projection illustrative et symbolique que nous voudrions faire, à partir de la pathologie de la psychologie humaine, vers une situation hypothétique de notre monde au moment de sa crise fondamentale. Nous croyons que nous parviendrons à mieux rendre compte des caractères de cette crise, et à approcher une conception qui donne à la psychologie, au niveau collectif d’un monde et d’une crise, une place absolument essentielle. En agissant de la sorte (en maintenant ensemble les caractères dépressif et maniaque), nous saisissons en effet ce qui nous paraît être la substance même de la crise, qui est de disposer de tous les facteurs de sa pathologie fondamentale, au même moment, par conséquent disposant des outils capables de susciter un événement fondamental, sans que son orientation soit assurément bonne ou mauvaise.
Cette façon de procéder dans l’analyse lancée pour substantiver l’hypothèse qui nous guide permet de justifier notre approche générale de la crise qui est d’observer que son issue catastrophique n’est nullement assurée, ou, mieux encore, qu’une issue catastrophique de la situation présente n’est pas nécessairement une catastrophe pure et simple mais peut être une purge gigantesque nécessaire avant une hypothétique renaissance. Ainsi sommes-nous confrontés à des perspectives extrêmes, mélangeant le pire et le meilleur, où le pire peut dissimuler le meilleur ou en être le géniteur inattendu. En assimilant dépression et épisode maniaque comme des affections parallèles, nous rendons compte en effet de la véritable manifestation du désordre de cette civilisation, qui est non seulement son absence de sens mais son absence de conscience de la nécessité d’un sens. La maladie, par sa forme de désordre pur, duplique le désordre du monde et fait réaliser, parce qu’elle est une pathologie, que le désordre du monde est lui-même une pathologie. (2)
Ainsi l’affection individuelle acquiert-elle, par un simple effort d’extension de l’interprétation, une dimension collective. Cette dimension collective, par le problème qu’elle soulève, – le désordre du monde dans sa crise terminale et la catastrophe terminale comme éventuelle voie de résurrection, – est nécessairement une introduction de cette crise terminale dans le domaine de la métaphysique. Le lien est ainsi fermement établi entre l’individu et la crise du monde, et entre la crise du monde et la dimension métaphysique dont cette crise doit être investie pour découvrir l’essence de ce qui lui succédera. C’est une “eschatologisation” de la crise de la civilisation, mais dans le sens de restituer un sens à cette crise.
Notre hypothèse fondamentale pour la compréhension de la crise terminale, existentielle et eschatologique que nous connaissons est que, du point de vue du sapiens qui entend occuper le centre de la scène du monde, la force principale (positive ou négative c’est selon) est la psychologie et non la pensée elle-même. Nous sommes dans un monde où la raison humaine, déjà pervertie par plusieurs siècles d’une situation subversive du monde, se trouve confrontée à des forces d’une puissance extraordinaire, – les deux composants du Système, le système du technologisme et le système de la communication, – qui introduisent un chaos de faits, d’informations et d’influences interdisant tout espoir à cette raison subvertie qu’elle puisse susciter une pensée juste et vraie déterminée selon l’habituelle démarche de la chose. (3) La psychologie, par contre, est en soi une capacité de perception du monde sans le filtre de la pensée, qui reste capable dans ce chaos général de percevoir faits et informations bruts ; c’est-à-dire que, si la psychologie peut bien sûr percevoir la tromperie et la mystification sans s’aviser de ces caractères et donc se faire le véhicule inconscient de cette tromperie et de cette mystification, – mais la raison, aujourd’hui, ne fait pas mieux [puisqu’elle fait pire], – elle est aussi capable de percevoir des vérités qui échappent au travail de déformation du Système. Le grand défi est, bien entendu, de distinguer ces vérités du reste; il n’empêche, et c’est l’essentiel, que cette possibilité-là existe.
L’émergence de la psychologie comme canal essentiel et surtout comme canal autonome (sans intervention de la raison humaine) de notre perception du monde est une conséquence, non d’un choix intérieur, non d’une nécessité organique ou spirituelle, mais bien d’une occurrence technique. C’est le développement de “notre” Système qui conduit à cette mise en évidence de la psychologie. Mystificateur par nature, “persifleur”, intoxicateur, désinformateur et virtualiste, le Système a choisi de parfaire son empire sur la raison humaine par la communication. Ce développement a conduit au système de la communication, dont on connaît les spécificités étranges, presque d’autonomie. Le système de la communication agit essentiellement par le canal de la psychologie. C’est lui qui a suscité cette importance fondamentale de la psychologie, en transformant sa fonction de réceptacle passif de la perception du monde, en une fonction plus active, plus complexe, et qui s’est révélée être, par rapport au Système, à double tranchant. Le caractère de Janus du système de la communication, sur lequel nous nous sommes souvent arrêtés, a nourri l’ambiguïté, du point de vue du Système, de la perception du monde par notre psychologie dans l’époque postmoderniste où triomphe le système de la communication. Ainsi trouve-t-on exposée une de nos prémisses menant au constat de la proximité extraordinaire de caractères individuels et collectifs, par le biais de la psychologie, et débouchons-nous sur la question des pathologies.
Cette quasi-substitution de la psychologie, à la place d’une raison subvertie par la subversion initiale (le “persiflage” du XVIIIème siècle), par le “déchaînement de la Matière” installant enfin le Système tel que nous l’identifions, constitue une sorte d’automatisme organique renvoyant au comportement habituel, d’une part ; mais également une ruse sublime, dont on peut deviner la racine métaphysique, d’autre part. En quelque sorte, c’est notre sauvegarde, ceci qui interdit que nous soyons tout entier sous l’“empire de la raison”, – de la raison subvertie par la Matière, donc nous-mêmes prisonniers de la Matière.
De ce fait, l’accès n’est pas complètement fermé à ce qui représente la sauvegarde de l’esprit, ce qui peut le sauver de l’anéantissement en tant qu’esprit dans la Chute. Puisqu’elle ne distingue pas entre la tromperie et la vérité, la psychologie peut aussi bien permettre l’accès à notre esprit de ce que nous nommons l’“intuition haute”; si ce n’était le cas, si la raison avait charge exclusive de la chose, la subversion qui la caractérise et sa soumission au Système interdisant l’accès à l’esprit de toute “intuition haute” en tant que telle, elle condamnerait le phénomène de l’intuition comme une aberration, ou le subvertirait à sa façon en en faisant un “accident” utile parfois mais toujours folklorique d’un domaine sous l’empire d’elle-même (la raison subvertie, donc le Système). Effectivement, la raison, à cause de sa subversion même, a cette attitude réductionniste devant l’“intuition haute” mais elle ne contrôle pas l’entièreté du phénomène; le rôle de la psychologie tel qu’on l’a vu fait que l’esprit peut parfois s’ouvrir à l’intuition haute et l’imposer en tant que telle à sa raison, – régénérer sa propre raison, ce qu’on pourrait désigner, en se référant à la vraie raison, celle d’avant la subversion de la modernité, comme “faire entendre raison à la raison”... Ajoutons, ou rappelons plutôt que ce rôle mécanique mais central de la psychologie suppléant à la raison subvertie pour permettre à l’esprit de “faire entendre raison à la raison”, est possible grâce à la puissance du système de la communication avec ses effets sur la psychologie, qui peuvent être bénéfique lorsque ce Janus nous présente sa face vertueuse.
C’est dans ce contexte si singulier qu’il faut envisager l’hypothèse de la maniaco-dépression, et envisager l’utilisation des épisodes différents d’une façon très inhabituelle. L’épisode dépressif qui peut toucher la psychologie, alors que l’épisode maniaque continue à emporter les raisons subverties par le Système lui-même dans un tel épisode, permet d’introduire une couleur lugubre dans le jugement sur l’état du monde (en phase maniaque). La psychologie dépressive, si elle parvient à ne pas être paralysée par l’aspect purement pathologique, si elle parvient à susciter une réaction vitale d’inspiration métaphysique, alimente l’esprit dans un jugement crépusculaire absolument justifié sur l’état du monde et encourage d’autant à en appeler à l’intuition haute en tant que telle pour se forger une vision, une appréciation, une sublimité qui permettent de transformer cette vision critique intuitive en une pensée structurée, en une référence acceptée et consciente à la perception métaphysique de la situation du monde.
Cette intervention essentielle de la psychologie dans le cadre d’une pathologie de type maniaco-dépressif devenu un phénomène collectif caractérise, à notre sens, l’épisode essentiel de la naissance directe (à partir de racines plus lointaines) de la crise actuelle. Il s’agit de l’épisode, essentiellement français mais d’une influence directe et quasiment déterminante sur le reste du monde (c’est-à-dire sur l’Europe, pour notre civilisation), de la séquence XVIIIème siècle-Révolution française, et de sa participation centrale, extrêmement active, au phénomène de ce que nous nommons “le déchaînement de la Matière”, comme matrice directe et irrésistible de la crise actuelle après la transmutation du phénomène en ce que nous nommons le Système.
(Effectivement, dans cette séquence, la dynamique du “déchaînement de la Matière” est essentiellement assurée, selon nous, par la Révolution française, préparée par le XVIIIème siècle. Les deux autres “révolutions”, dont nous estimons qu’elles ont joué un rôle équivalent pour le développement de la crise, – la révolution américaniste et la révolution du choix de la thermodynamique, – ne donneront leur effets que secondairement du point de vue chronologique, mais avec une puissance décuplée par rapport à la Révolution française.)
Selon cette interprétation, nous envisageons l’épisode que nous avons déjà longuement détaillé de l’intervention du “persiflage” au XVIIIème siècle, comme moyen d’affaiblir et de subvertir les psychologies, comme un épisode maniaque où la psychologie est effectivement saisie d’une fausse exaltation représentée par cette activité qui veut paraître comme une libération de l’esprit par l’affirmation de son autonomie nihiliste et de la déstructuration des principes de hiérarchie et de légitimité. La fausse exaltation, appuyée sur une fausse réalité créée par l’aspect maniaque de la psychologie ainsi affaiblie, a pour effet de détruire un ordre et une harmonie, ou, dans tous les cas, d’achever leur destruction déjà entreprise par d’autres moyens plus conventionnels durant les deux siècles précédents.
Le facteur essentiel à considérer est que la Révolution française [avec] le déchaînement de la Matière qu’elle représente, la matière la plus symbolique étant l’acier coupant de «la guillotine permanente», prend en fait le relais de l’épisode maniaque, et devient épisode maniaque elle-même, qu’elle maîtrise à son profit. Le déchaînement de la matière transfigure l’épisode maniaque, le transmute à son avantage, en inventant un univers peuplé de nécessaires entreprises radicales, habitées d’Idées fondamentalement chaotiques et révolutionnaires; l’univers créé par l’épisode maniaque, promet d’autres univers, progressistes, exaltés, d’accomplissement du destin de l’humanité, qui continueraient nécessairement l’exaltation maniaque. L’épopée napoléonienne aura de ces accents. (4)
L’historien Guglielmo Ferrero avait baptisé la période entre 1789 et 1814 (Congrès de Vienne), le temps de “la Grande Peur”. On peut ainsi considérer qu’une période dépressive s’est ouverte, parallèlement à l’épisode maniaque déjà engagé et transmuté par le “déchaînement de la Matière” en l’esquisse de la conquête du monde, par transformation en un nouveau monde. Il y a chevauchement [de la période maniaque et de la période dépressive], avec des rapports entre elles mais nullement des liens obligés de cause à effet.
Ainsi, “la Grande Peur” selon Ferrero, suscitée par l’épisode maniaque, allait évoluer de son côté en une dépression profonde qui allait susciter, pour se sauver d’elle-même et ainsi vaincre l’épisode maniaque, une réaction que Ferrero attribue fondamentalement au Français Talleyrand, notamment avec la rencontre, que Ferrero érige en symbole de cette réaction sublime, entre Talleyrand et le tsar Alexandre Ier, le 30 mars 1814, à Paris. Il en sortit une proclamation sur la paix en Europe proposant des orientations basées sur le principe fondamental de la légitimité, notamment sur la souveraineté et l’identité, cela dans la perspective de la défaite de Napoléon, et cela évitant le risque du basculement du monde civilisé dans un désordre sanglant et pire que ce qui avait précédé.
Ferrero décrit, parfaitement à notre sens, Talleyrand durant l’hiver 1813-1814, dans une sorte d’“assignation à résidence” plus ou moins dorée à Paris, déserté de tous, abandonné, laissé à la solitude de la disgrâce et à la menace de mesures plus coercitives contre lui, lui-même plongé dans une profonde dépression comme s’il vivait celle, collective, qu’on a décrite plus haut. «Mais en s’identifiant de plus en plus avec l’agonie de l’Europe dévastée par la peur et la force, il cherchait obstinément au fond de sa solitude les moyens de son salut personnel dans le salut commun. Pendant l’hiver 1813-1814, pendant ce sombre hiver où l’Empire, blessé à mort, terrifie et secoue le monde par ses derniers cris de fureur, il s’enfonce dans une longue, solitaire et profonde méditation, qui le conduit jusqu’aux racines de la grande peur. Cette méditation a sauvé le monde alors…»
Il s’agit de la situation archétypique d’un personnage de haute intuition, rencontrant, dans son drame personnel, le drame collectif, et trouvant alors la force de résoudre le drame collectif en résolvant le sien propre. Il y a là un transfert fécond de l’épisode dépressif de l’Histoire elle-même à l’individu d’exception, et l’individu, par la puissance à lui donnée par l’intuition haute, trouvant l’énergie de transformer l’aspect de l’entropie menaçante de l’épisode en un aspect structurant et salvateur. Dans ce cas, la dépression est salvatrice, car on trouve dans son immobilité figée le matériel pour (re)construire des structures actives et fécondes. Tout cela fut transmuté en une politique d’où devait sortir l’ordre européen nouveau du Congrès de Vienne. La psychologie dévastée retrouve sa puissance et, appuyée sur la dépression transmutée, abat l’épisode maniaque. Cela ne dura que jusqu’en 1848, avec l’ouverture d’un nouvel épisode maniaque, essentiellement du fait de la Prusse évoluant vers l’empire allemand...
Les anciens disaient de la dépression qu’elle était «la matière qui est dans l’âme mise en avant aux dépens de la spiritualité de l’âme». Selon notre conception, qui justifie [notre] approche psychologique de la crise de la modernité, cette modernité, décisivement propulsée par l’épisode déclencheur du “déchaînement de la Matière”’ (1776-1825), a inversé cela. Cette conception justifie le constat médical, [selon] l’approche telle que l’énonce un psychiatre de la neurasthénie comme le Dr. Beard. Désormais, l’âme [n’est plus menacée par les effets du coup de force de la matière mais] par l’acceptation de la tromperie [dissimulant le coup de force de la matière], après avoir été épuisée par elle (exemple du “persiflage”). (5) Cette vérité s’est renforcée jusqu’à l’inversion absolue avec la pression machiniste jusqu’à l’ivresse du système du technologisme, et avec l’action constante, obsédante, contraignante du système de la communication dans sa phase offensive. (L’aspect de “Janus” du système de la communication, si souvent signalé par nous, n’intervient qu’à partir de l’entrée en activité extrême de la crise générale d’effondrement de notre contre-civilisation, lorsque apparaissent des instruments pouvant véhiculer des attaques de type système antiSystème, tel l’Internet.)
Par contre, cette approche nous conduit à observer la nécessité d’établir un rapport extrêmement serré et complexe entre dépression et épisode maniaque, contrairement au schéma que suggère la médecine occidentale qui en reste à l’explication chimique des phénomènes. C’est-à-dire que la psychologie elle-même, à côté de la pathologie qu’est la chose, [devient] elle-même maniaco-dépression, et qu’alors cette perception conduit à bouleverser la véritable place et les véritables significations de chaque type d’épisode. Il s’agit d’une conception absolument dynamique de la psychologie, aussi bien individuelle qu’historique, et dans ses rapports entre les deux (le cas de Talleyrand), et non plus d’une conception statique. Il ne s’agit pas de plaider qu’une situation a remplacé l’autre, mais que la modernité a imposé cette nouvelle situation.
Cette approche doit nous servir de modèle pour renforcer avec l’aspect psychologique que nous tenons pour essentiel la révision complète de l’histoire de la modernité, telle que nous la proposons. Ainsi, la Grande Dépression, considérée comme une calamité pour l’Amérique et pour l’histoire du XXème siècle en général, apparaît en vérité, selon notre approche qui est le point de vue métahistorique, [comme] un évènement de sauvegarde en portant un premier coup terrible au capitalisme américaniste et, surtout, à la psychologie américaniste triomphante, dans une phase maniaque exacerbée dans les années 1920[. S]eul le caractère dépressif de l’époque permet cela, parce qu’il introduit un malaise psychologique à mesure de la catastrophe que décrit cette mise à nu d’une partie du Système qui active l’“opérationnalité” de la modernité.
Ce qu’il importe d’observer, c’est que la modernité, essentiellement à partir de la rupture du “déchaînement de la Matière” qui lui donne tout son sens, a modifié le rythme et le sens des évènements psychologiques, – et, par conséquent, le rythme et le sens de ses caractères extrêmes qui peuvent devenir des pathologies. Avant le “déchaînement de la Matière” et, plus largement d’un point de vue chronologique, avant la modernité, existait un état plus stable, notamment pour la psychologie. Les conceptions admises, notamment concernant la dépression, étaient alors entièrement fondées. La modernité introduit le rythme, le mouvement, c’est-à-dire le changement permanent, et le changement permanent de plus en plus en forme d’obsession compulsive parce que le but général du changement jusqu’à l’inversion de l’essence du monde tarde à se réaliser alors qu’il s’agit là du but ultime et du but de sauvegarde de la modernité. Si ce but n’est pas atteint, la modernité meurt d’elle-même, et plus elle croit approcher de ce but, plus l’essence du monde résiste à ses consignes d’inversion, plus l’obsession compulsive s’accentue. En termes psychologiques, cette attitude se traduit par cette agitation permanente, par l’affirmation d’un univers de faux semblant, par un simulacre de vérité qui demande un mouvement constant pour l’empêcher de se dissiper comme font les illusions. Ce sont les caractères mêmes d’une phase maniaque.
Ainsi dirions-nous qu’à la lumière et sous la pression de la modernité, l’épisode maniaque, qui est tromperie pure, inversion de la vérité, simulacre du monde, constitue effectivement la démarche centrale de cette modernité. C’est dans ce cas que se manifeste le plus précisément le Mal, comme si l’individu, ou l’époque, était complètement possédé par le Mal (sans en être pour autant, ni la source, ni même la substance). Et le Mal se manifeste sous son vrai visage, qui est simulation du contraire de lui-même, inversion de la vérité du monde, tandis que le mouvement marqué par l’obsession compulsive, par sa pression permanente et désordonnée, empêche la pensée, notamment sous la forme de la raison, de se rassembler, de se retrouver et de s’ouvrir à l’intuition haute.
On comprend que, dans ces conditions, effectivement, l’épisode dépressif signifie une sorte de défense paradoxale; la dépression extrait la psychologie de l’épisode maniaque; elle lui impose la lourde charge d’effectivement sentir tout le poids de la matière qui est dans l’âme, mais elle permet aussi de se dégager du tourbillon maniaque, ménageant ainsi une chance de retrouver une certaine stabilité structurée. En quelque sorte, la dépression permet de retrouver la vérité du monde, et comment cette vérité elle-même objet des attaques qu’on a détaillées a conduit nécessairement la psychologie à la dépression. Il s’agit alors de dépasser les aspects négatifs de la dépression pour, en s’appuyant sur ce en quoi ces aspects rendent compte de la vérité du monde, monter une défense puis une contre-attaque contre l’illusion maniaque qu’est la modernité. Comme on le comprend, tous ces phénomènes évoluent parallèlement, et la psychologie doit évoluer entre l’un et l’autre selon ce qu’elle peut, pour se sauver elle-même, d’elle-même.
...Bien entendu, toutes ces considérations à l’aide de la référence maniaco-dépressive impliquent évidemment des épisodes exogènes, notamment ce que la médecine occidentale nomme “la dépression exogène”. Il n’est pas nécessairement d’une audace insupportable, malgré la concentration de la médecine sur la chimie interne, d’envisager que les affections maniaco-dépressives humaines individuelles, particulièrement dans notre époque de si forte pression du système de la communication, n’aient pas une part importante qui soit d’origine exogène.
Sur ces considérations concernant l’opérationnalité du phénomène, l’évènement nommé 9/11 occupe une place évidemment essentielle. Il se produit sur un terrain psychologique fertile ; après un épisode dépressif sévère, entre 1991 et 1996, l’Amérique est brutalement précipitée dans un épisode maniaque à l’occasion des Jeux Olympiques d’Atlanta (juillet 1996). La puissance du phénomène, en 1996, est considérable quoiqu’elle ait été rarement notée, et elle n’est pas loin d’équivaloir en dynamique maniaque de caractère exogène, à celle de l’attaque 9/11. (6) L’attaque du 11 septembre 2001, elle, frappe directement l’équilibre de la psychologie de la direction politique du système de l’américanisme. De ce point de vue, l’épisode maniaque est proche de la folie et enferme cette direction dans une schizophrénie convulsive dont elle n’est plus sortie. L’élection d’Obama et ce qui s’ensuit a montré la vanité d’attribuer au seul Bush ce brutal basculement pathologique.
Nous irons jusqu’à l’hypothèse qu’il y eut à cette occasion, avec 9/11, de même qu’on fit l’hypothèse (Justin Raimondo) que cette attaque constituait un “trou dans la continuité de l’espace-temps”, une rupture extraordinaire de fusion psychologique dans un épisode maniaque d’une puissance insensée entre le Système et son personnel politique et de direction générale. A l’automne 2002, recevant l’ambassadeur de France qui quittait son poste, le vice-président Cheney lui confiait : «Vous autres, Européens, vous n’imaginez pas l’ampleur de l’effet qu’a produit sur nous l’attaque du 11 septembre, elle a changé notre psychologie...» Littéralement, la direction politique au service du Système, principalement américaniste mais avec les renforcements habituels, devint un foyer constant d’une psychologie maniaque poussée jusqu’à la schizophrénie hallucinatoire. La politique qui en résulta, qui se poursuivit sans aucun changement notable avec Obama, fut baptisée par Harlan K. Ullman “politique de l’idéologie et de l’instinct”. L’expression permet d’entendre sans aucune hésitation qu’une matière à la fois organique et prétendument “spirituelle”, – mais l’organique gouvernant le spirituel et le déformant à mesure, à cause de la bassesse du sujet et des sujets de la chose, – gouvernait désormais la politique par le biais d’une courroie de transmission dénommée “idéologie”.
Ce qu’il faut distinguer essentiellement, c’est la brièveté des épisodes maniaques dans la population elle-même, –pour suivre le cas US qui est exemplaire, – par contraste avec l’enracinement du même dans la population de l’establishment et de la direction politique. Il y eut un épisode maniaque populaire lors des Jeux Olympiques de 1996 à Atlanta («ll n’y a pas d’olympisme ici, tout juste une kermesse états-unienne, ahurissante d’indécence», écrivit Le Monde le 28 juillet 1996), mais ensuite un apaisement. Par contre, cette jubilation maniaque se poursuivit et s’accentua dans la direction politique, notamment marquée par l’hypothèse évoquée par Alan Greenspan le 10 juin 1998 devant le Congrès qu’il était possible, «en un sens, que [notre économie] ait dépassé l’histoire...» (7)
Ce fut cette direction politique, spécifiquement, qui réagit à 9/11 dans le sens maniaque. L’effet de l’attaque, qui démontrait la vulnérabilité des USA, le désordre de ses structures, fut [effectivement] de provoquer une production extraordinaire d’[hybris] comme l’on dirait de la production organique d’une masse imposante d’adrénaline... Cette réaction provoqua des distorsions psychologiques graves, entraînant la création d’un univers fictif relevant [en effet] de la mégalomanie, allant jusqu’aux épisodes bien connus de déclarations sur le fait que les USA désormais créait l’histoire à leur guise («We’re an empire now, and when we act, we create our own reality»). (8) Nous baptisâmes cette réaction “virtualisme” pour désigner l’“opérationnalité” de la chose, et il est évident que ce terme concerne l’activité maniaque en soi. C’est dire qu’il n’y aucune machination, aucune fabrication faussaire, – même s’il y eut complot, et alors ce serait un complot accomplissant effectivement un dessein métahistorique qui conduirait “l’Empire” à sa perte, – ce qui est manifestement la voie suivie avec un entêtement, également, absolument maniaque depuis plus d’une décennie. Il y eut donc bien, dans les directions politiques au service du Système (les autres suivant Washington, en rang d’oignons), un épisode maniaque qui dure encore.
La réaction populaire fut, elle, très différente, dans cet épisode à partir de 9/11. Il y eut, favorisée par le Système qui n’a jamais imaginé autre chose que la contrainte pour la population et qui jugea que la pression de la terreur pouvait faire l’affaire, des épisodes variés de flux et de reflux dépressifs. Les poussées de patriotisme, toujours très symboliques aux USA et sans rapport avec une conscience collective, nationale et historique, qui n’existe pas, représentaient des attitudes défensives devant ce qui était faussement présenté comme une menace existentielle. Il n’y eut aucun moment de ces épisodes maniaques comme celui des JO d’Atlanta, et la rupture entre la population et la direction générale du Système ne cessa de se creuser derrière des apparences faussaires d’unanimisme. C’est dans cette agitation dépressive nullement issue de la seule pathologie interne de la psychologie, mais puissamment renforcée par des facteurs exogènes, que le sentiment général de la population se transforma, avec comme voie vers une tentative de guérison un antagonisme de plus en plus affirmée contre une direction-Système emportée par sa mégalomanie.
On peut dire que les évènements eux-mêmes ont mis en évidence l’inversion qui s’est faite dans l’utilité et l’usage des épisodes différents de la maniaco-dépression. La crise commencée avec l’effondrement financier de l’automne 2008 a reçu le nom de Grande Récession ; bien que l’analogie fut dans tous les esprits, on n’employa pas l’expression de Grande Dépression. Il s’agissait au fond, pour les directions du Système, de repousser le spectre de la mort du Système que fut la Grande Dépression.. Ainsi l’expression échoit-elle, comme un signe du destin, à l’évolution psychologique de la population.
C’est en effet à partir de 2008 que l’évolution incertaine de la population, déjà marquée par la défaite des républicains aux élections de novembre 2007 et caractérisée par des épisodes chaotiques au gré des évènements catastrophiques (l’Irak, l’ouragan Katrina), entra dans une phase dépressive marquée. On peut considérer l’élection d’Obama, et notamment l’explosion d’enthousiasme hystérique de la nuit suivant l’élection, comme une réaction maniaque isolée saluant l’espoir d’un dirigeant politique perçu comme partageant la même orientation psychologique. Nous avions déjà caractérisé, en son temps, cette élection comme celle du candidat perçu par le public comme ayant une complète et juste perception de la crise, c’est-à-dire la perception d’une crise marquée par le désarroi et la dégradation des conditions sociales de la population. On sait ce qu’il advint d’Obama, un destin qui ne mérite même pas d’être rappelé. (9)
En attendant, la psychologie populaire suivit sa pente naturelle, vers la dépression. Les résultats ont été d’une telle force à partir de l’élection partielle du Massachusetts (20 janvier 2010) qui vit une inattendue défaite démocrate et agit comme un catalyseur, que l’on peut effectivement retenir le terme et parler d’une sorte de “Grande Dépression” de la psychologie de l’américanisme, en même temps que dans le reste de l’ensemble américaniste-occidentaliste. Ce qui importe alors n’est certainement pas les changements politiques, les révoltes violentes, les “révolutions” au sens où l’on entend la chose dans l’histoire des XIXème et XXème siècles; ce qui importe, c’est la diffusion universelle de ce sentiment dépressif de la psychologie, dans des conditions dynamiques telles que ce seul sentiment suffit à constituer une base critique puissante, offensive, accusatrice du Système et de ses séides qui continuaient et continuent à être emportés dans le courant maniaque [marquant] sa psychologie jusqu’à un extrême irréversible depuis 9/11. C’est cette fonction surprenante de base pour une réaction et une contre-attaque d’un état psychologique d’habitude caractérisé par la paralysie dépressive qui est remarquable. L’évènement marque les changements, véritablement révolutionnaires ceux-là, du fonctionnement et de l’orientation de la psychologie, la puissance de son action, des effets de son action, etc. La Grande Dépression depuis 2008 est, psychologiquement, un double inversé de la première Grande Dépression des années 1930.
Les divers mouvements de contestation qu’on a connus depuis 2009, et particulièrement en 2011, constituent un excellent exemple d’une réaction dépressive transcendée. Il s’agit des mouvements type Tea Party, “indignés”, “printemps arabe”, Occupy... Tous ces mouvements ont des caractères assez similaires qui ont souvent surpris : des structures souvent informes ou pas de structures du tout, l’absence de hiérarchie, l’absence de revendications, des affirmations souvent passives (occupations de lieux publics, principalement). Nous avons déjà beaucoup insisté sur ces caractères (voir dde.crisis du 10 mars 2011 pour le “printemps arabe” ou du 10 novembre 2011 pour le mouvement Occupy). (10) Peu nous importe ici les comportements individuels, ceux de certains groupes, certains affrontements inévitables, il reste que la ligne de conduite de ces grands mouvements collectifs reste du type passif correspondant à l’épisode dépressif, justifié amplement par ailleurs par les diverses situations qui les ont engendrés. Simplement, il y a transmutation de cette passivité impuissante du type dépressif classique en une passivité créatrice, paradoxalement “activiste”, qui donne des effets importants en suscitant des réactions désordonnées des éléments-Système en phase constamment maniaque.
Il s’agit bien d’une même pathologie “binaire” qui se sépare en deux dans les moments paroxystiques, et qui nourrit une opposition active où la partie dépressive parvient le plus souvent à faire évoluer la situation à son avantage. Là encore, il ne faut pas s’en tenir aux faits partiels, ni même aux situations temporaires, mais bien considérer l’évolution psychologique fondamentale. La partie dépressive sort souvent régénérée de ces affrontements, avec la sensation, justifiée à notre sens, d’avoir gagné du terrain. (11) La partie maniaque, au contraire, tirée vers la réalité par la réaction de la partie dépressive, est confrontée à une situation qui ne répond en rien à l’image qu’elle s’en fait dans son agitation maniaque. Sa réaction correspond effectivement à ce qu’on observe dans les pathologies maniaco-dépressives: le refus de la réalité de la psychologie durant l’épisode maniaque, même si cette réalité se présente comme extrêmement dangereuse et pressante pour elle. C’est alors le refus de toute leçon, de même que la psychologie maniaque refuse tout enseignement de la réalité, à cause de ce qu’on peut et même qu’on doit qualifier d’une véritable haine de cette réalité, dont on comprend aisément, en élargissant le propos à la référence métaphysique, qu’elle correspond à la haine de la vérité.
Cette façon d’analyser les conflits et les tensions actuelles, qui ne sont plus du tout explicables par des notions d’intérêt, de regroupements politiques ou géopolitiques, voire idéologiques, voire religieux, etc., a l’avantage de rendre compte d’une situation absolument inédite dans l’Histoire. Il s’agit d’une situation, née de notre fameux “déchaînement de la Matière”, qui s’est imposée essentiellement à cause de la puissance des deux sous-systèmes du Système que nous avons souvent définis, et dont nous avons souvent examiné les effets, – le système du technologisme et, essentiellement du fait de son action sur la psychologie, le système de la communication.
On devrait distinguer nos intentions dans cette tentative d’interprétation d’une époque et d’une crise que nous jugeons centrale et décisive. Il s’agit du contraire d’une psychanalyse, puisque nous partons de la description de toutes les causes fondamentales, souvent dissimulées et profondes, des racines centrales du mal et de leurs symptômes parfaitement identifiées, – exactement ce que recherche la psychanalyse d’habitude, – pour aboutir à identifier la pathologie de la psychologie qui exprime le mieux cette situation, – exactement ce qui est d’habitude connu et conduit à la psychanalyse. A partir de cette identification, on peut mieux comprendre le fondement du fonctionnement des divers acteurs humains de la période, dans le déroulement d’une séquence historique dont nous estimons que, dans sa partie essentielle qui est métahistorique, ces acteurs n’ont que des rôles de figurants. (Selon la parole hautaine de Joseph de Maistre : «Il n’y a en ce monde que des usufruits et la propriété est à Dieu.») En d’autres mots, la pathologie maniaco-dépressive serait un des relais choisis par les forces supérieures en action pour déterminer et orienter le comportement du sapiens, dans ces périodes fondamentales de crise, pour introduire des évènements nouveaux et inattendus, hors du rapport habituel de cause à effet terrestre. (Maistre encore : «Communément, nous voyons une suite d’effets produits par les mêmes causes; mais, à certaines époques, nous voyons des actions suspendues, des causes paralysées et des effets nouveaux.»)
Dans ce cadre très général, on a donc pu adopter une approche ésotérique et symbolique, en se référant aux caractéristiques de la pathologie, pour disposer ainsi d’une analyse de l’évolution de l’époque décrite en se référant au facteur que nous jugeons essentiel de la psychologie, prise sur un plan collectif qui influence décisivement les psychologies individuelles. A partir des conditions générales existantes, on a pu déterminer, dans le cadre de la pathologie maniaco-dépressive qui décrit parfaitement l’époque tourmenté de la modernité et rompt avec une certaine stabilité psychologique collective qui a précédé, que l’épisode maniaque pourrait être perçu comme un épisode de “possession” correspondant à une sorte de “pacte faustien” où l’énergie décuplée et l’optimisme apparent de l’exubérance maniaque se paient de l’utilisation dans un sens déstructurant et dissolvant de ces capacités.
Dans ce cadre général, la pathologie ne nous sert, à nous, que de forme transitoire; un “outil”, un moyen fourni par le Système lui-même (maniaco-dépression, maladie de la modernité) pour servir l’impulsion des courants métahistoriques et faire voler en éclats les structures où nous contraint le Système ... Tout cela, évidemment, n’est possible que parce que nous vivons une période exceptionnelle, où les concepts habituels de la raison, encore plus lorsqu’elle est subvertie, n’ont plus cours.
Cette démarche d’interprétation de la situation de crise ultime où nous nous trouvons dans le temps présent par la pathologie de la psychologie (la maniaco-dépression) nous conduit à observer combien ce schéma implique l’appréciation de la plus grande proximité possible du Mal. On observera que cette idée s’accorde avec notre perception de l’épisode métahistorique de la modernité, tel que nous l’avons rappelé plus haut, où la phase maniaque qu’a constitué l’évolution psychologique au XVIIIème siècle, conduit au “déchaînement de la Matière” de la fin du siècle, avec la Révolution française.
On rappellera la position que nous avions défendue (dde.crisis du 10 septembre 2010) (12) dans notre démarche d’identification du Mal, comme étant la Matière en tant que déstructuration et dissolution absolues, équivalent en termes physiques à l’“entropisation”. La référence que nous citions était celle de Plotin (Traité 51 des Enneades), qui détermine la présence du Mal en l’homme selon les faiblesses de l’homme, ditto selon sa proximité de la Matière: «Car on pourrait dès lors arriver à une notion du mal comme ce qui est non-mesure par rapport à la mesure, sans limite par rapport à la limite, absence de forme par rapport à ce qui produit la forme et déficience permanente par rapport à ce qui est suffisant en soi, toujours indéterminé, stable en aucun façon, affecté de toutes manières, insatiable, indigence totale. Et ces choses ne sont pas des accidents qui lui adviennent, mais elles constituent son essence en quelque sorte, et quelle que soit la partie de lui que tu pourrais voir, il est toutes ces choses. Mais les autres, ceux qui participeraient de lui et s’y assimileraient, deviennent mauvais, n’étant pas mauvais en soi.»
Par conséquent, il nous semble logique de considérer qu’une “pathologie”, qui est une manifestation d’une faiblesse du corps comme de l’esprit, soit effectivement une interprétation tout à fait convenable et juste pour décrire la proximité du Mal de l’homme; plus précisément, une pathologie de la psychologie, affectant ainsi la spécificité humaine par où transitent les courants d’influence essentiels pour l’esprit, précisément aujourd’hui où la raison subvertie ne peut plus tenir son rôle central d’acceptation de ses courants ou de défense contre eux en raison de sa faiblesse; plus précisément encore, la maniaco-dépression, dans la mesure où cette pathologie offre deux épisodes d’elle-même dont on a vu que l’un est l’archétype même de l’exacerbation de toutes les faiblesses de la tromperie et de l’illusion, ruses essentielles du Mal, et l’autre une réaction certes dépressive mais également de soudaine lucidité sur le mécanisme pervers de l’épisode maniaque, contre cet épisode maniaque. On voit combien cette pathologie est définie, dans notre interprétation, en termes métaphysiques et non plus en termes médicaux, et combien il est par conséquent justifié de lui accorder l’importance universelle que nous proposons.
Notre démarche consiste donc en une interprétation psychologique, et “médicale” pour son caractère illustratif et réaliste, du conflit métaphysique fondamental selon notre appréciation. Il s’agit moins de la position du sapiens dans le [pseudo-]conflit entre le Bien et le Mal que de la bataille permanente qui caractérise la question de notre proximité plus ou moins grande du Mal. Cette approche métaphysique est nécessaire parce qu’elle caractérise absolument l’époque actuelle, qui est le terme de la modernité, où tout se contracte effectivement dans cette question de la proximité du Mal, dans la mesure où le Mal s’est installé au cœur de notre civilisation, ainsi devenue contre-civilisation, sous la forme de ce que nous nommons d’une façon réaliste “le Système”.
L’interprétation que nous proposons de la maniaco-dépression est alors à la fois une explication de cette proximité exceptionnelle du Mal engendrant la catastrophe de la contre-civilisation, dans la bassesse de l’esprit et de tous les comportements de sapiens, et une explication d’une réaction contre cela, comme nous l’avons laissée entendre; comment les courants métahistoriques, utilisant cette pathologie de la psychologie en en faisant une opportunité, la retournent contre elle-même, c’est-à-dire contre le Système et le Mal... D’habitude, la dépression qui suit l’épisode maniaque, qui enchaîne sur lui, qui est lié à lui, entérine la défaite de la psychologie du fait de l’illusion maniaque, et son rapprochement décisif du Mal; dans ce cas, par un retournement du type “contre-feu” que nous exposons souvent, une inversion sublime de la chose, la dépression devient le havre de vérité, avec toute sa dureté et toute son exigence, à partir duquel on pourra, on devra réagir contre la folie maniaque qui nous emporte vers le Mal.
Dans cette bataille, la question du Bien (qu’est-ce qui est bon) est très annexe, tant la situation est toute entière emportée par cette terrible proximité du Mal. Tout revient à cette proximité du Mal et les dangers décisifs qu’elle suscite. Il suffit donc de se situer par rapport au Mal, et donc de commencer par identifier le Mal, dans tous les cas sa représentation, et œuvrer à sa complète destruction, sans aucun esprit de compromis possible. L’avantage de cette hypothèse de la maniaco-dépression, telle que développée, est qu’elle met en évidence le rôle de ce que nous jugeons être le moteur et le nœud de notre grande crise terminale, qui est la psychologie humaine, d’une importance centrale alors que la raison s’est perdue dans ses compromissions avec la Matière, avec le Mal; [il (l’avantage)] est surtout de représenter d’une façon concrète, humaine, terrestre, la bataille contre le Mal, la puissance de cette bataille, ses effets dévastateurs sur nous; avec elle, “le Mal est nu”, comme l’on dit du roi...
En termes réalistes et concrets, tout revient donc à la question de la destruction du Système, qui est effectivement la représentation du Mal dans le contexte de la modernité, celle-ci qui en est l’inspiratrice. Quoi qu’il en soit de ce qu’on nomme “l’avenir”, la destruction du Système est une condition sine qua non de la sauvegarde, et, avec elle, de la guérison de la maniaco-dépression qui caractérise la forme de notre combat...
(1) Cette “touche personnelle” n’est ni un symbole, ni une image, ni rien qui soit du seul champ théorique. L’auteur (PhG) a effectivement connu, non pas dans son chef mais dans le chef d’une personne qui lui était extrêmement proche, le drame individuel et humain de la maniaco-dépression, la catastrophe inimaginable que cette pathologie apporte à un destin (ou à un destin commun). Il a expérimenté combien est grande la tendance intuitive à identifier l’action du Mal dans cette affection, – qui est, certes, bien autre chose que la souffrance physique. Il est nécessaire, trois ans plus tard, de donner cette précision, pour faire mieux comprendre combien cette démarche intellectuelle de porter une pathologie individuelle au niveau collectif fondamental d’une civilisation n’est pas le produit de la seule hypothèse intellectuelle. Il est par ailleurs possible, en présence d’une telle catastrophe individuelle, de nourrir son propre intellect en en tirant une telle hypothèse que celle qui est envisagée ici, et en même temps d’en faire une thérapie psychologique pour soi-même, pour faire sortir ce qu’on juge être un bien de cette manifestation évidente du Mal.
(2) Ces observations impliquent effectivement que toute prospective de la crise d’effondrement, de la forme de l’effondrement, de ce qui suivra l’effondrement, etc., est logiquement impossible. Dire le contraire serait contraire à la logique et proposer effectivement des “modèles” postcrisiques constituerait, même involontairement et en toute innocence, une proposition nécessairement faussaire. Nous dirions que cette conscience est d’autant plus nécessaire qu’une telle observation lorsqu’elle est acceptée, influe sur notre destiné même en nous forçant à des attitudes spécifiques qui perpétuent notre bataille antiSystème absolument jusqu’à son terme, nous interdisant de considérer même le Système comme un élément qui fasse partie de notre univers, pour nous interdire d’éventuellement composer avec lui. De ce point de vue, cette appréciation de la crise psychologique du monde selon la référence maniaco-dépressive, – épisode maniaque et épisode dépressif intimement liés, – constitue une sorte de “doctrine Cortez” de notre bataille contre le Système. Nous ne pouvons qu’aller jusqu’au bout, assurés que nous sommes de ne pouvoir jamais rencontrer le Système sur un terrain psychologique apaisé, mais toujours sur un terrain psychologique crisique, – épisode maniaque ou épisode dépressif. Le Système est notre poison et nous ne pouvons composer avec le poison qui nous tue.
(3) Nous disons également la “raison-subvertie” (avec tiret), selon une précision conceprtuelle qui est intervenue dans notre conception initiale, présentée le 29 novembre 2014 dans cette rubrique, à partir d’un texte dde.crisis datant du 10 juillet 2010. Les événements du monde, le caractère crisique absolu de l’époque que nous vivons, l’inversion régnante de façon systématique qui caractérise les actes des autorités en place, la subversion totale de la plupart des esprits des élites-Système, tout cela permet de conclure que la “raison-subvertie” est devenue une catégorie en soi du monde intellectuel du sapiens.
(4) Dans ce cas bien précis, il doit être entendu comme évident que les “Idées” qui sont citées sont des produits absolument subversifs, des Idées-inverties par rapport au sens que l’Idée créatrice d’idéal peut avoir dans un cadre structurant d’harmonie, d’équilibre et d’ordre comme en suggère la tradition selon notre interprétation. Ces Idées sont des ruses de la Matière (ou du Mal) pour satisfaire la raison-subvertie et ainsi achever sa subversion. Elles sont un artifice de communication, une sorte d’“hollywoodisme” si l’on veut une image convenante et facile, pour parfaire l’illusion que représente la Révolution française dans l’épisode maniaque manipulé à son avantage par la Matière déchaînée.
(5) Dans ce passage, nous avons apporté des modifications de précision pour bien marquer la rupture fondamentale de la psychologie entre “les temps d’avant” et “le temps de la modernité”. Cela correspond à un renversement complet du sens de la perception du monde, tel que nous nous le constatons à partir de la Renaissance, notamment selon notre interprétation dans le deuxième Tome de La Grâce de l’Histoire, Troisième Partie, et c’est à cela que se réfère le renversement auquel nous assistons avec la psychologie, avec la manifestation du Mal passant de la dépression où il est à visage découvert, à l’épisode maniaque où il est absolument tromperie : «La matière concrète de ces remarques concerne principalement le retournement rupturiel de la référence fondamentale de l’humanité de ce temps-là d’autour de la Renaissance. Jusqu’alors, cette référence s’inscrivait comme une poutre-maîtresse dans la Tradition fixée dans le passé comme la source spirituelle de toutes choses, nécessairement comme une trace de la lumière des origines où l’infini de la perspective nimbait la cosmologie du monde; désormais, cette référence est l’avenir, décrété sublime, lavée de tout soupçon de transcendance par la grâce interlope d’une sorte de divinité faussaire parfaitement maîtrisée, recomposée selon des normes dites “humanistes”, prétendant hausser l’univers à l’image de nos ambitions prétendues hautes, nous haussant nous-mêmes, du moins dans la prétention, selon les normes de notre hybris. La référence dite fondamentale change radicalement, du passé qui structure notre civilisation à l’avenir qui la transformera évidemment, si ce n’est en cours...»
(6) C’est un point historique que nous jugeons particulièrement important, et sur lequel nous devons toujours insister. Il s’agit du basculement de 1996, après cinq années de terrible dépression du sentiment général US, qui aurait pu faire croire à la possibilité d’une réaction salutaire, – selon l’idée introduite dans cette étude que la dépression peut et doit être salvatrice; c’eût été alors une révolte des citoyens américains contre le système de l’américanisme, forçant à des bouleversements de lui-même par ce système. Au contraire, la psychologie américaniste, à nouveau reprise par ses démons renvoyant évidemment au Système et à la tromperie moderniste, versa dans une phase maniaque absolument paroxystique. Les JO d’Atlanta de juillet 1996 furent l’événement qui permit ce renversement, comme on le lit notamment dans un texte du 2 septembre 2005 sur ce site.
(7) Nous avions souvent rappelé et commenté cette déclaration d’Alan Greenspan qui s’inscrit évidemment dans l’épisode maniaque évoqué à la note (6). On peut en trouver un rappel, par exemple le 23 juillet 2012.
(8) Paroles d’un “officiel” de l’équipe GW Bush dite à l’été 2002 au journaliste Ron Suskind, voir le 23 octobre 2004.
(9) Tout le destin d’Obama est résumé dans la formule “American Gorbatchev” qu’il repoussa malgré l’objurgation du destin. Son refus d’être un “American Gorbatchev” qui aurait écarté la psychologie maniaque de la direction politique au profit d’une démarche volontariste découvrant l’état dépressif de l’Amérique marque sans doute l’échec décisif d’une réforme possible, la dernière chance de réforme du Système. En un sens, l’épisode maniaque de la nuit suivant l’élection de novembre 2008 constituait paradoxalement un appel désespéré de la psychologie collective au président élu pour qu’il accepte de s’ouvrir à l’aspect dépressif exprimant la véritable situation des USA. (Voir notre texte du 6 novembre 2008, «L’enthousiasme fou du désespoir».) Le refus d’Obama fait de lui “le président intelligent le plus stupide” de l’histoire des USA et une sorte de deuxième mise en esclavage, de type postmoderne bien entendu, de la communauté Américaine-Africaine des USA.
(10) Voir notamment les textes du 2 avril 2011 (la “chaîne crisique” du “printemps arabe”) et du 11 novembre 2011 (le mouvement Occupy Wall Street).
(11) Nous préciserions l’idée de “gagner du terrain” de cette façon : la partie dépressive a avancé d’une façon significative dans la perception que la partie maniaque (la direction-Système) est en crise profonde. Cette façon d’attirer la partie maniaque vers une reconnaissance forcée de la réalité engendre effectivement un surcroit d’incohérence de la part de cette partie maniaque. La poursuite (inévitable par ailleurs) de l’épisode maniaque signifie une accentuation du simulacre, du poids de la vérité du monde sur la psychologie, une fatigue supplémentaire de la psychologie de la partie maniaque, une accentuation de sa crise, de la perception de sa crise par elle-même, etc. “Gagner du terrain” implique une avancée dans une bataille des psychologies, entre simulacre et vérité du monde (entre épisode maniaque et épisode dépressif).
(12) Voir notre texte du Glossaire.dde-crisis du 28 janvier 2015.
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