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635816 février 2015 – Avec ce sujet “hyperdésordre (désordre & chaos)”, nous adoptons une démarche nouvelle pour le Glossaire.dde. Elle ne remplace en rien la méthodologie utilisée jusqu’ici mais la complète en ouvrant le champ de la rubrique. C’est-à-dire qu’au lieu d’étudier un concept qui nous est propre, nous étudions une situation selon une conception, une perception, un rangement et un classement qui sont nôtres. Puisque nous étudions une situation, nous fixons ce Glossaire.dde dans le temps historique, même si nous sous-entendons puissamment que ce temps historique est aussi et par-dessus tout un temps métahistorique. C’est-à-dire que nous introduisons dans le Glossaire.dde un sujet conjoncturel alors que cette rubrique devrait être, par définition (selon notre définition), consacrée à des sujets structurels.
Cela fixé, nous assurons aussitôt que les facteurs considérés justifient ce choix et, si l’on veut, cette dérogation. Nous vivons une époque si peu ordinaire, justement grâce à sa dimension métahistorique dont on sait que nous jugeons qu’elle s’opérationnalise directement et sous nos yeux (pour ceux qui consentent à en user en les gardant ouverts), qu’effectivement des facteurs de situation qui sont en général conjoncturels peuvent prendre des aspects structurels fondamentaux. Ainsi, au travers de cet événement de l’éruption de ce que nous nommons l’“hyperdésordre” (1), que nous allons définir, se développe une situation qui fixe un affrontement fondamental, que nous définirions également comme “antiSystème versus Système”, que nous pouvons également fixer dans notre propos comme une situation définie comme “Résistance versus Postmodernité”.
En effet, nous choisissons une approche événementielle et historique pour aborder ce problème, notamment autour de la question de la postmodernité telle que nous la comprenons, – c’est-à-dire, littéralement, en refusant de la comprendre comme elle prétend se définir (s’expliquer à son avantage) elle-même. Nous le ferons en présentant effectivement une réinterprétation historique des récents événements, notamment avec deux dates fondamentales enfantant effectivement les deux facteurs distingués : 1968 (événements de mai 68), naissance de la postmodernité ; 1973 (embargo pétrolier d’octobre 1973), naissance de la Résistance à la postmodernité...
Avant de poursuivre l’analyse du nouveau concept que nous proposons, il faut fixer un point important de sémantique, à très haute signification de prospective hypothétique selon notre appréciation. Il s’agit du choix du mot “désordre” au détriment du mot “chaos”, qui est volontiers employé aujourd’hui par les commentateurs pour caractériser la situation du monde. Nous partons de la signification des deux mots selon notre rangement.
• “Désordre” signifie sans ordre, avec “ordre” équipé du préfixe «dis- ou dé- avec un s intercalaire euphonique». “Sans-ordre”, cela implique pour notre cas une perte par rupture ou par désintégration de l’“ordre” qui régnait auparavant, quelle que soit sa qualité, sa justesse, son équilibre, son harmonie, etc. Cela signifie pour nous que le “désordre” comprend par définition des éléments, des données, des informations, des variables, dont le rangement est soudain bouleversé, transformant ordre en désordre. Cela signifie que le désordre n’est pas équipé pour créer un ordre qui soit différent en essence de celui qui a précédé, c’est-à-dire un ordre promis à l’échec puisque ce désordre ne pourrait par définition créer qu’un seul ordre et que c’est cet ordre qui s’est transformé en désordre.
• Chaos, du latin Chaos et du grec ancien Khaos. En théologie, le chaos est la «confusion générale des éléments avant leur séparation et leur arrangement pour former le monde». Dans la mythologie grecque, Khaos précède tout : «Dans la mythologie grecque, Chaos (en grec ancien Khaos, littéralement “Faille, Béance”, du verbe kainô, “béer, être grand ouvert”) est l'élément primordial de la théogonie hésiodique. Il désigne une profondeur béante... [...] Selon la “Théogonie” d’Hésiode, il précède non seulement l’origine du monde, mais celle des dieux...» Nous nous appuyons sur cette puissante référence pour considérer que “le chaos”, dans nos conceptions, est absolument différent du désordre. Le chaos est un état supérieur de désordre, un sur-désordre si l’on veut ; alors que le désordre comprend “des éléments, des données, des informations, des variables, dont le rangement est soudain bouleversé”, le chaos comprend, en désordre, tous les éléments, toutes les données, toutes les informations et toutes les variables possibles... C’est un sur-désordre, c’est-à-dire selon notre appréciation propre dans notre époque, un désordre qui se détache décisivement de l’époque dont il est issu parce qu’il contient tous les éléments (toutes les informations) pour la création d’une nouvelle époque, d’une nouvelle ère, – mais non, encore mieux, et décisivement mieux dit, – pour un nouveau cycle métahistorique... (De même il est évident que le chaos est “créateur” par définition, ou “nécessairement créateur”, mais dans un sens qui est le nôtre, sans aucun rapport avec la dialectique de Café du Commerce luxueux, comme à Davos, de l’hypercapitalisme et des neocons.)
L’hyperdésordre est une avancée décisive et rupturielle par rapport au désordre dans la mesure où il ouvre le désordre à tous les éléments possibles, donc ouvre la possibilité à la création d’un ordre qui sera nécessairement complètement différente de l’ordre qui a précédé le désordre. Il ouvre la porte au chaos.
Comme nous le faisons assez régulièrement, nous commençons par rappeler quand et à quelle occasion, et dans quelles conditions et pour quel propos/quel but, est apparue l’expression (les expressions) en question dans ce Glossaire.dde. Pour ce cas, c’est l’expression “hyperdésordre” qui nous intéresse d’abord, parce qu’en apparaissant de façon spécifique, elle décrit une situation qui tend nécessairement à se détacher à ce qui est en général décrit comme “désordre” ; puis, bientôt, affirmant son propre sens au travers de l’évolution de notre réflexion, elle en arrive à cataloguer la situation qu’elle remplace (le “désordre”), à lui donner un sens propre, et par conséquent à se constituer avec elle en une nouvelle situation décrivant leurs rapports “hyperdésordre versus désordre”. Au-delà, nous déboucherons sur l’hypothèse du “chaos” qui constitue, selon notre appréciation et notre définition de tous ces mots et concepts, une avancée ultime de la situation vers une période “post-effondrement du Système”.
Le premier emploi de l’expression “hyperdésordre” (alors orthographiée “hyper-désordre”) est très récent dans notre travail. (Cette rapidité de l’apparition des concepts nouveaux, de leur exploitation et, très vite, de leur avenir, rencontre l’extrême rapidité des événements souterrains et fondamentaux de notre époque.) Dans ce cas, la création de l’expression et l’expression elle-même sont tout à fait innocents, c’est-à-dire n’impliquant qu’une notion de degré supplémentaire par rapport à “désordre”, et aucune modification de substance. Cet emploi, effectivement anodin, date du 30 septembre 2014, dans un texte décrivant le désordre au Moyen-Orient à partir d’un texte d’un chroniqueur politique, Bryan MacDonald. (On notera que, déjà, dans cet extrait présentant l’emploi de l’expression “hyper-désordre”, nous justifiions rapidement l’emploi du terme “désordre” de préférence au terme “chaos”.)
«“To call it a mess would be deeply unkind to messes”, observe MacDonald, ce qui implique qu’au Moyen-Orient la dynamique de désordre est parvenue à créer une sorte d’hyper-désordre repoussant les limites de la chose. (Nous préférons l’emploi du mot “désordre” jusqu’à créer des catégories d’au-delà du désordre courant, plutôt que le mot “chaos” qui a, selon nous, un sens plus complexe méritant autre chose pour son usage que la situation actuelle du Moyen-Orient.)»
Ensuite, nous revenons sur ce terme d’“hyperdésordre” en en généralisant l’emploi pour d’autres crises que celle du Moyen-Orient. Insensiblement, nous dirions par la force qu’exerce ce concept transcrivant en une idée substantivée la situation que nous décrivons, nous voyons notre définition évoluer. C’est, à notre sens, un exemple opérationnel du rôle du langage dans l’évolution d’une idée et de la compréhension d’une évolution rupturielle d’une situation ; c’est-à-dire un exemple de l’autonomie du langage, de sa vie propre, de sa participation créatrice et parfois décisive à l'appréciation de l’évolution des événements par l’intermédiaire de la perception et de la transcription parlée que l’on en a.
• Dans le cadre d’une analyse concernant la nouvelle “Guerre contre la Terreur” (numérotée 3.0), nous observions le 11 octobre 2014 à propos de cette question du désordre (ou “désordre devenu hyper-désordre”) combien, en devenant hyperdésordre, le désordre changeait d’orientation par rapport à ses producteurs : «C’est le désordre devenu hyper-désordre qui décide tout et contrôle tout (y compris et surtout l’hyper-désordre des coups fourrés et montages sans fin des différents centres de force des USA, créant ISIS, manipulant ISIS, étant manipulés par ISIS, ne contrôlant plus ISIS, etc., et le reste à l’avenant). Ainsi, la “Guerre contre la Terreur” 3.0 a été imposée aux USA par l’hyper-désordre dont les USA sont le détonateur après avoir été le producteur de ses composants ; ils ne sont pas prisonniers d’un monstrueux Frankenstein nommé ISIS/EI/Daesh qu’ils ont engendré, ils sont prisonniers de l’hyper-désordre qu’ils ont méthodiquement développé, notamment avec le susdit-Frankenstein....»
• Le 20 octobre 2014, nous observions, à propos de comportements et de déclarations de personnalités du mouvement neocon US, dont on sait qu’il est le promoteur principaux du “désordre” qualifié pompeusement et depuis longtemps de “désordre créateur”... «C’est pourquoi nous nous posons la question de savoir si les neocons ne sont pas les “serviteurs”, voire les “esclaves” de l’“hyper-désordre” plus que leurs “maîtres”. [...] De plus en plus, à mesure que l’hyper-désordre de la politique-Système empile les crises les unes après les autres sans en résoudre aucune sinon en les transformant en catastrophe pour le système de l’américanisme (transmutation en autodestruction), quelques compartiments mentaux de l’un ou l’autre penseur neocon exprime le désenchantement qu’on voit, qui est celui d’être réduit à la fonction d’“idiots utiles” d’une politique dont ils n’obtiennent rien de ce qu’ils attendaient en fait de réarrangement du monde. Au contraire, leur action s’inscrit parfaitement, comme une contribution de première grandeur, surpuissance-autodestruction en mode-turbo, dans la perspective de l’accélération de la crise d’effondrement du Système...»
• Encore une étape, le 5 novembre 2014, lorsque nous parlons, dans la titre lui-même, de «l’hyper-désordre de la Démocratie ossifiée» à propos des élections mid-term du 4 novembre aux USA. Dans ce cas, l’immobilisme “ossifiée” de ces élections, suivant des mid-term précédentes très agitées, fixent une situation d’hyperdésordre aux USA, inscrite dans un ensemble de facteurs qui sont tous une garantie fondamentale d’interdiction d’un retour à un ordre démocratique normal. L’hyperdésordre est aussi ossifié, c’est-à-dire définitivement acquis, dans une sorte d’immobilisme apparemment paradoxal, comme l’entropisation offre une masse compacte, uniforme, insaisissable mais paraissant immobile, de la dissolution accomplie, – alors que la dissolution est par définition mouvement accéléré ... «In illo tempore, – en d’autres temps qu’il nous arriva de connaître, un tel résultat des élections mid-term était ressenti aussitôt comme une catastrophe, de la Maison-Blanche au reste du monde. Ce fut encore le cas en novembre 1994, lorsque les républicains prirent le Congrès d’assaut, provoquant chez Clinton une phase pathologique dépressive peu connue qui le transforma pendant quelques semaines en une sorte de zombie présidentiel. Aujourd’hui rien de pareil (nous parlons du ressenti catastrophique mais ne nous engageons nullement quant à l’état mental et psychologique de l’actuel POTUS).
»La sensation est très forte, relevant de l’intuition sinon de l’évidence, mais nullement exprimé car l’on n’ose trop parler en termes crus de la Grande République, que l’élection effectivement ne changera rien. A l’irresponsabilité assez mal identifiée et peu compréhensible pour ceux qui vivent à l’ombre des clichés de l’American Dream, succède la même irresponsabilité, cette fois affichée, conformée et estampillée. L’hyper-désordre que sème l’Amérique depuis des années se poursuivra, cette fois avec une sorte de légitimité acquise dans les urnes. Business as usual...»
• Nous utilisâmes également cette expression d’“hyper-désordre” pour un commentaire sur le “Moment 1/7” ou “après-11 janvier” caractérisant l’agitation française et effrénée de ce début du mois de janvier 2015, dans un texte du 18 janvier 2015: «Ce rappel signifie que nous offrons l’hypothèse, dans le contexte nouveau où la constante accélération d’affrontement symbolique et de communication en France depuis 1/7 a pris un caractère de “crise nationale” à ciel ouvert, que le “désordre” français peut parfaitement, et doit même logiquement évoluer vers cette sorte que nous offrons, d’un “hyper-désordre” de communication et de symbolisme dont l’effet ébranlera nécessairement l’Europe... [...] Il s’agit d’une dynamique évidemment, puissamment antiSystème.» Cette idée est poursuivie dans notre texte du 13 février 2015, où un lien puissant est fait entre cette circonstance et l’évolution de la psychologie française vis-à-vis de la Russie.
• ... Ce même mois de janvier, nous interprétâmes de la même façon, dans le sens de l’évolution vers un phénomène d’hyperdésordre, par exemple le comportement de Netanyahou avec sa venue aux USA pour une session devant le Congrès en situation de complet antagonisme avec le président : «En l’occurrence, le désordre auquel il atteint dans les relations israélo-américanistes, après des années de désordre effectif, atteint à ce que nous nommons l’“hyper-désordre”... [...] On le sait bien selon notre rangement, il s’agit du point de désordre (désordre-Système causé par la surpuissance du Système) où le désordre, par divers effets et chocs en retour, s’invertit dans son orientation et devient un désavantage pour la cause-Système dont il est issu et qui semblait irrésistible. Ainsi, le désordre porté par Netanyahou, homme qu’on jugeait redoutable dans l’affirmation de la puissance de l’influence israélienne à Washington, finit-il par engendrer cet hyper-désordre dont sont d’abord victimes cette puissance et tous ceux qui la servent à Washington...»
A partir de là, en effet, il nous apparaît que l’évolution suggérée par le terme lui-même, par rapport aux situations qu’il décrit, implique une évolution du sens, avec un complet retournement. Nous sommes sur la voie d’identifier une modification de substance du phénomène que décrit l’“hyperdésordre”, par rapport au “désordre” dont il est issu et dont il se détache très rapidement. Nous en arrivons rapidement à suggérer une rapide redéfinition du terme “hyperdésordre”, qui intègre effectivement ce changement de substance et son retournement complet de sens.
C’est dans le texte du 9 novembre 2014 que nous allons effectivement offrir cette redéfinition, à partir d’une analyse critique d’un texte paru dans le le German Marshall Fund (GMF), «Annus Mirabilis: The Road to 1989, and Its Legacy». Nous pouvons distinguer, sous la plume même d’un expert-Système une description de la situation générale sonnant comme un constat d’échec pour le Système actant la “fin de la ‘fin de l’histoire’” (fin de la thèse postmoderniste de “la fin de l’histoire”).
«“Today, the bipolar world has become multipolar, a configuration that cannot yet be called a new order of the kind created after the Peace in Westphalia in 1648, the Congress of Vienna in 1815, the Treaty of Versailles in 1918-19, or World War II. Today’s manifestations in many societies of public disaffection with politics, growing renationalization, widening inequality, and regional independence movements prevent the pursuit of greater predictability and in the lives of governments and citizens alike. The violation of Ukraine’s sovereignty and territorial integrity and the annexation of Crimea by Russia are a testimony to the persistence of an unsettled international order. The world still reverberates with the aftershocks of the seminal events of 1989.”
»Cette conclusion ne représente, sans conscience de l’être, rien de moins qu’un aveu d’échec complet de la nouvelle ère philosophique de la postmodernité [qui a suscité tant] d’analyses philosophiques extraordinairement complexe, de la “fin de l’histoire” qu’on a vue à divers thèmes variés comme l’Art Contemporain (AC). (Cette étrange école de pensée philosophique prétend annoncer, exposer et justifier les effets attendus des conceptions qu’elle développe alors que ces “effets” ont précédé les conceptions et la pensée elle-même pour s’emboîter parfaitement dans la dynamique déstructurante et dissolvante du Système dont ils sont constitutifs d'une façon très active.) D’une façon concrète, ce paragraphe de conclusion du texte ainsi décortiqué acte l’installation du monde multipolaire, antithèse de l’artefact globalisé que nous propose la postmodernité; ce “monde multipolaire” n’est en fait rien d’autre que l’installation de l’hyper-désordre que nous décrivons depuis quelques temps. [...]
»Pour nous, cette “multipolarité” est mal nommée, et nous lui préférons le concept de “apolarité” ou de “antipolarité” que nous avons développé et tenté d’expliciter dans plusieurs textes (voir le 10 novembre 2013, le 16 novembre 2013 et le 11 janvier 2014). Il s’agit d’un concept de “mise ordre” de ce qui est une situation générale de désordre qui tend à devenir un concept sous l’expression d’“hyper-désordre”... [...] Il s’agit bien entendu de concept paradoxaux, – nous parlons pour l’“antipolarité” d’une “‘mise en ordre’ du désordre”, – dans la mesure où tous ces concepts sont des réactions de résistance de type antiSystème non organisées ni voulues par les opérateurs-sapiens, à la tentative postmoderniste d’instaurer un ordre globalisant lui-même paradoxal. (Cet “ordre” globalisant est d’abord une systématisation de la déstructuration et de la dissolution de toutes les formes et de tous les principes, – donc, pour nous, une tentative absolue d’instauration de pur désordre dont le but ultime est l’entropisation selon la formule “dd&e” définie dans le “Glossaire.dde” du 7 novembre 2013.)
»L’hyper-désordre qui est en train de détruire cette tentative d’“ordre” postmoderne qui est en vérité un pur désordre, est donc paradoxalement une poussée dont le sens antiSystème pourrait être jugé effectivement à finalité de “remise en ordre”. Même si les moyens sont totalement anarchiques et d’hyper-désordre, le sens, involontairement ou volontairement antiSystème c’est selon, est bien décrit selon cette orientation de la remise en ordre par le simple fait de la destruction du désordre que sème le Système, dans ce cas au travers de sa philosophie postmoderniste dont la pseudo-essence a été précédée par sa pseudo-existence. Au simulacre d’une fausse philosophie s’est ajoutée l’inversion de son opérationnalisation.»
Nous choisissons pour expliciter cette dynamique opérationnelle fondamentale une séquence historique et symbolique qui devient effectivement fondamentale selon ce point de vue que nous adoptons. L’idée de la séquence “désordre-hyperdésordre” se concrétise historiquement dans la séquence 1968-1973, en s’appuyant sur une interprétation des événements principaux de ces deux années.
• 1968, avec l’événement de Mai-68 en France, apparaît comme la matrice du concept total qui, aujourd’hui, porte l’idéologie sociétale du Système et fournit ainsi un faux-nez présentant l’apparence d’une mise en ordre conceptuelle. Le principal apport de Mai-68 est l’introduction de l’idéologie comportementale libertaire, essentiellement pour les mœurs, pour le champ désigné aujourd’hui comme “sociétal”. Il s’agit d’une déstructuration sociale accélérée conduisant à la mise en place de l’individualisation de la société, la dislocation des références, la dissolution des courants de solidarité. Le courant libertaire a trouvé sa place naturelle auprès du libéralisme, créant l’hyperlibéralisme dont le champ embrasse tous les aspects de la société et des activités humaines. L’hyperlibéralisme désigne donc la manufacture du libéralisme libertaire qui détruit toutes les structures en les dissolvant, pour installer un désordre conceptuel qui caractérise fondamentalement le “nouvel ordre”. Le paradoxe, devenu un oxymore idéologique, est donc que le “nouvel ordre” est essentiellement fait de désordre ; il est la marque idéologique fondamentale du Système et acte dans l’organisation humaine les effets déstructurants et dissolvants du “déchaînement de la Matière”. L’on dira que “le désordre règne” comme l’on disait l’“ordre règne” pour désigner l’action achevée d’une dictature. Ce désordre touche principalement les psychologies en leur faisant accepter comme un “ordre nouveau” cette situation d’un désordre paradoxalement structurel. Il annonce la postmodernité en ceci qu’il désamorce toute contestation du Progrès en proclamant que le Progrès est arrivé à son point d’accomplissement et est sorti du champ de toute critique fondamentale possible.
• Pourtant, dès 1973, un événement aux conséquences tout aussi profondes et inattendues que celles de Mai-68 a lieu, en octobre. Il s’agit de l’embargo pétrolier qui, au contraire des événements de cette sorte qui se produisirent précédemment, constitue un “choc de civilisation” touchant la situation du Système. L’interprétation de l’événement, bien au-delà des manœuvres politiques, stratégiques et géopolitique, indique un immense phénomène de communication et elle est ressentie comme telle par les psychologies. La perception est aussitôt celle de la possible finitude du principal moteur du Progrès, donc du Système fondé sur le choix du feu (titre du livre d’Alain Gras), – essentiellement la production d’énergie à partir du combustible fossile. Il s’agit d’un événement psychologique d’une extrême importance, dont la première “réplique sismique” aura lieu en 1978-1979 (pseudo-crise pétrolière avec la prise du pouvoir par les islamistes en Iran), qui se déroule avec ses diverses situations crisiques dont la gravité est d’une très grande variabilité dans sa perception, mais qui s’installent d’une façon structurelle (crise de l’environnement, crise de la production pétrolière, crise de la finitude des ressources, etc.). La puissance de cet événement est dans ceci qu’il est un événement d’abord psychologique, dépendant donc de la perception et non d’une vérité de situation. Cette perception constitue une mise en cause permanente de la situation du moteur du Système/du Progrès, et, par conséquent, il installe un nouveau désordre dans le “désordre structuré” qu’est la postmodernité/hyperlibéralisme, qui met en cause cette forme de “désordre structuré”. Ce “nouveau désordre” sera conceptualisé sous la forme d’un “hyperdésordre” caractérisé par son effet antagoniste du “désordre structurel”, enfantant ainsi nécessairement un effet antiSystème.
On observera que, dans cette réinterprétation des événements considérés, l’élément principal étant la perception de la psychologie qui est une dynamique inconsciente, les événements sont d’abord des artefacts de communication et sont fabriqués autant que dynamisés hors de toute manipulation humaine consciente et calculée. L’hyperdésordre est bien, à sa naissance en 1973, l’acte de naissance de la Résistance par la fonction antiSystème à la postmodernité achevée dans sa formule complète par 1968... Si 1968 offre la formule décisive du désordre, 1973 suggère le désordre-du-désordre, c’est-à-dire l’hyperdésordre comme dynamique absolument antiSystème. (Que l’embargo de 1973 ait été initié par une sorte de complot embrigadant les Saoudiens, le Shah et Kissinger, chacun dans des rôles de composition avec plusieurs faux-nez, chacun serviteur honorable et sans faille du Système, – tout cela est d’autant plus goûteux et doit satisfaire le palais des antiSystème.)
A travers divers avatars fondamentaux qui ont marqué ces dernières années, nous sommes arrivés, quelque part en 2013, au moment où s’est installée d’une façon ouverte et, estimons-nous, systématique, cette situation du désordre-Système suscitant un hyperdésordre, puis cet hyperdésordre se révélant comme hyperdésordre-antiSystème. Comme on l’a vu, ce changement ne tient pas à une situation spécifique ou à une crise précise mais constitue au contraire une sorte de “nouveau paradigme opérationnel” de la situation générale, qui se reproduit de plus en plus rapidement et de plus en plus nettement dans toutes les situations crisiques.
Le surgissement de l’hyperdésordre-antiSystème correspond parfaitement à une fin de course de la première période post-2008, s’achevant effectivement avec le conflit syrien se transformant en désordre complet et essaimant comme une nébuleuse dans l’essentiel du Moyen-Orient. Bien entendu, c’est avec la crise ukrainienne que s’installe décisivement ce “nouveau paradigme opérationnel”, en même temps que s’ouvre la période de maturation de la déstructuration explosive entreprise par le système de la communication, de plus en plus contre le Système, sous la forme de ce que nous allons nommer le “déterminisme-narrativiste” dans notre prochain Glossaire.dde. Désormais, tout désordre causé évidemment par la surpuissance du Système, engendre son double supérieur de l’hyperdésordre-antiSystème.
Cette situation devrait non pas perdurer, mais s’accentuer irrésistiblement, transformant de plus en plus la surpuissance du Système en processus d’autodestruction. La question centrale qui se pose alors est de savoir quand l’hyperdésordre arrivera à sa phase finale qui est sa transformation en chaos, c’est-à-dire en un “sur-désordre”, – “un sur-désordre, c’est-à-dire un désordre qui se détache décisivement de l’époque dont il est issu parce qu’il contient tous les éléments (toutes les informations) pour la création d’une nouvelle époque, d’une nouvelle ère, – mais non, encore mieux, et décisivement mieux dit, – pour un nouveau cycle métahistorique...”
On a compris par conséquent que l’hyperdésordre n’est pour nous qu’une phase transitoire, avec évidemment la fonction essentielle de contribuer à accentuer décisivement la tendance autodestructrice du Système. Mais sa fonction essentielle est bien de servir de passerelle vers le chaos, ou sur-désordre, portant en lui le matériel pour une transmutation fondamentale.
(1) A partir de ce Glossaire.dde, nous proposons de supprimer le tiret d’“hyper-désordre” et d’utiliser le mot créé pour l’occasion d’“hyperdésordre”, de façon à mieux rendre compte, par l’orthographe, de sa conceptualisation. On trouve encore, dans le texte, les deux formes puisqu’il est fait appel à des textes précédents où la forme avec tiret était employée.
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