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7803Deux parties de ce Glossaire.dde ont déjà été publiées, dans le F&C «Propos de Système», le 4 juillet 2013. On retrouvera bien entendu ces deux parties dans le texte ci-dessous, mais avec des changements, parfois substantiels. Comme nous en avions averti nos lecteurs, il y a eu entretemps plusieurs relectures, avec les corrections mais aussi, parfois, les modifications plus importantes qui vont avec.
8 juillet 2013 – C’est certainement le mot spécifique de notre “arsenal dialectique” qui est le plus souvent employé. Pourtant, il n’est pas resté intangible... Quelque part, en 2010 nous semble-t-il, nous l’avons modifié, nous l’avons adoubé, nous l’avons reconnu comme la Chose par excellence, – cela qui est notre Tout et à quoi se résume selon nous, l’essentiel de tous les événements aujourd’hui ; cela qui dispense la plus forte influence sur nos psychologies dans le temps présent, et peut-être la seule qui vaille... Ainsi “le système” est-il devenu “le Système”. Il nous semble qu’on peut déterminer formellement ce moment où nous sommes passés à la majuscule, sans encore d’intention ni de signification particulières dans notre chef, nous semble-t-il encore, comme par la force naturelle d’une nécessité qui nous dépassait... C’était le 4 décembre 2010, à propos des fuites massives dans l’affaire Assange-WikiLeaks : «Le Système se découvre et hurle de fureur»
«... Il ne s’agit plus de l’Afghanistan, il ne s’agit plus de l’Irak, ces vétilles périphériques (et objets des deux premières attaques de Wikileaks), il s’agit du “Système”, – tout le monde le dit, tout le monde emploie ce mot, et tout le monde comprend de quoi il s’agit. Il est de moins en moins question d’une attaque contre l’Amérique, contre Washington, etc., et de plus en plus “contre le Système”, – même si, bien entendu, le Système c’est l’Amérique. Le champ de la bataille se déplace et s'étend démesurément... Nous approchons du cœur de la question, qui est l'existence d'un Système né du “déchaînement de la matière”, dont les USA assurent la continuité depuis un peu moins d'un siècle.»
Pour être plus précis quoiqu’en restant dans la généralisation du concept, nous dirons que le Système est l’opérationnalisation de ce “Tout et à quoi se résument, selon nous, l’essentiel de tous les événements aujourd’hui”. Cela nous semble d’autant plus plausible que nous assistons dans les temps courants à une accélération massive de l’implication (nous n’osons dire “politisation” mais serions tentés d’accepter “idéologisation”) de tous les événements, jusqu’à ceux qui semblaient en apparence les moins susceptibles d’être impliqués ou “idéologisés”, selon un traitement-Système irrésistible destinés à les faire entrer dans la bataille en cours.
(Nous pensons notamment et particulièrement à des événements de type “sociétal” [voir le 30 avril 2013], comme le féminisme transformé de plus en plus en “sexextrémisme” type-FAMEN, l’évolution du statut et de la manipulation de ce qu’on juge être une “communauté homosexuelle” ; à des événements de type entertainment, comme l’implication de ce qu’on nomme les “people”, ou “pipol”, d’un Bono à une Angelina Jolie, dans l’activité massive de propagandistes du Système, etc. Ces événements sociétaux et de l’activité de l’entertainment doivent sans aucun doute devenir un des piliers fondamentaux de la promotion du Système, une de ses narrative les plus employées. Il s’agit de tenter de faire entendre par tous les moyens de la communication la plus vile et la plus vaine une sorte de “mélodie du bonheur”, pour habiller des atours qui conviennent à la psychologie épuisée de l’essentiel de la population son activité de type-dd&e [destruction, dissolution & entropisation] largement en phase de dissolution et d’entropisation.)
D’un point de vue métahistorique, le Système constitue l’opérationnalisation de cet événement du “déchaînement de la Matière” (voir le Glossaire.dde, du 15 novembre 2012), que nous situons à la jointure des XVIIIème et XIXème siècles et que nous avons défini très exactement selon les trois événements, – les “trois révolutions”, la révolution américaniste de 1776-1787, la Révolution Française de 1789-1799, la révolution du choix de la thermodynamique qui embrasse la période et que nous estimons symboliquement accomplie en 1825 avec ce que nous nommons le “Moment Stendhal”, – donc 1776-1825 pour les trois... (Le “Moment Stendhal” définit l’événement où ce grand écrivain français, jusqu’alors moderniste, libéral pro-révolutionnaire, pro-américain, etc., abandonne cette orientation lorsqu’il découvre que le parti qu’il avait pris est celui “de l’industrie” ; lorsqu’un obscur idéologue libéral, Rouhier, déclare, en 1824, «Les Lumières, c’est l’industrie». Dans ce cas, l’“industrie”, pour nous, c’est la transcription économique du “déchaînement de la Matière”.)
Le Système n’a pas de spécificité fondamentale, de “spécialisation” si l’on veut, puisqu’il est “notre Tout” de cette époque, qu’il est le Tout de la crise générale de la civilisation, ou “contre-civilisation” depuis le “déchaînement de la Matière”. Il n’est pas simplement technologique ou “de communication”, même si le système du technologisme et le système de la communication (voir le Glossaire.dde du 14 décembre 2012) sont ses deux “sous-systèmes” fondamentaux, – ses “adjoints”, si l’on veut, ou ses deux “bras armés” (dont l’un, le système de la communication, est d’ailleurs suspect de “double jeu”, dans certains cas qui dévoilent son aspect de Janus). Le Système est également politique, militaire et stratégique, économique et financier, social et sociétal, culturel, entertainment, etc. ; il est fondamentalement psychologique dans ses effets les plus dévastateurs de contrainte, bien plus que policier ou militariste comme il est également mais dans une moindre mesure. Il est, enfin, historique et à prétention métahistorique ; chronologiquement, substantiellement, “structurellement”, il représente nécessairement ce que nous désignons comme “le Mal” (voir le Glossaire.dde du 14 février 2013) que dispense le “déchaînement de la Matière”. Il ne peut donc être considéré en aucune façon selon des données partielles, selon des données seulement scientifiques, etc. ; il est système anthropotechnique, anthropotechnologique, anthropoculturel, anthroposociétal, anthropométaphysique, etc... En un mot qui conclut cette rapide définition par notre introduction : il est “notre Tout”, et il fait système de toutes les parties du Tout, jusqu’à être Système du Tout.
Un premier appendice à ces considérations est qu’il va de soi que le Système est nécessairement notre ennemi absolu, et notre seul ennemi possible. Pour un être qui entend se réaliser dans la dignité et dans la recherche de la hauteur, la bataille, l’affrontement contre lui n’est pas un choix ni même une nécessité, bien qu’ils soient ceci et cela notamment ; la bataille et l’affrontement contre lui sont une façon d’être, et même la seule façon d’être aujourd’hui. (“Bataille” et “affrontement” sont la description opérationnelle d’une attitude fondamentale que nous définissons par le terme de Résistance, ou plus génériquement, par le mot composé d’“antiSystème”, qui comprend cette majuscule et qui est invariable par référence à l’unicité singulière du Système.) Qui refuse ou n’envisage pas la bataille et l’affrontement contre le Système (les modalités de cette bataille et de cet affrontement étant par contre infiniment variables selon l’appréciation tactique), celui-là accepte, littéralement, d’être un non-être, de se priver de son essence. Il n’est donc pas nécessaire pour entreprendre bataille et affrontement de s’interroger sur les chances de “victoire”, sur la possibilité ou non d’effondrement du Système, sur la possibilité d’une alternative et de quelle alternative, puisque bataille et affrontement contre le Système constituent la définition même de notre existence ; plus précisément dit, il n’y a pas d’alternative et nous rejetons par conséquent, nécessairement et absolument, le principe dit TINA (There Is No Alternative), qui est la principale ruse du Système pour désamorcer la résistance contre lui (l’affrontement, la bataille). Pour être le plus trivial et le moins intellectuel possible, pour descendre au plus bas, au soubassement de cette seule façon d’être dont nous parlons, nous dirions qu’on ne s’interroge pas, en fonction de l’efficacité de l’acte, de son issue, de la possibilité d’une autre façon de faire, sur la nécessité de respirer ; on respire, c’est tout.
Un second appendice à ces considérations est qu’il va également de soi que celui qui se trouve du côté du Système ne doit pas nécessairement supporter la condamnation que nous faisons du Système. Lorsque nous écrivons “Qui refuse ou n’envisage pas la bataille et l’affrontement contre le Système [...], celui-là accepte, littéralement, d’être un non-être, de se priver de son essence”, nous décrivons un état de fait et non une responsabilité. Si nous évoquions la question de la conscience et de la responsabilité, nous devrions ajouter pour être loyal et précis, “...celui-là accepte, littéralement, et passivement selon la conscience qu’il ne peut avoir par faiblesse psychologique de cette circonstance, d’être un non-être, de se priver de son essence”. Le mot “accepter” est donc lui-même de circonstance et n’engage aucune adhésion spécifique au Système parce qu’il n’y a pas littéralement “acceptation”, parce qu’il n’y a pas d’identification réelle du Système et de ses effets. Nous parlons de psychologies affaiblies, trop proches de la source du Mal, sous influence par conséquent du Mal. La personne n’est pas coupable d’appuyer une entreprise mauvaise, elle est psychologiquement trop faible pour distinguer ce qu’il y a d’irrémédiablement mauvais dans l’entreprise ; si ce n'était cette faiblesse, elle se réhabiliterait car elle distinguerait alors la vérité de l'entreprise mauvaise et n'aurait d’autre choix que de résister, de se constituer antiSystème...
Nous avons à de très nombreuses reprises défini notre perception de l’opérationnalité du Système et, par conséquent, la façon dont nous situons notre appréciation des événements du monde par rapport à lui. Il s’agit, si l’on veut d’une appréciation de la stratégie opérationnelle de l’évolution du Système, et de l’affrontement contre le Système. (Nous disons “stratégie opérationnelle”, qui est l’émanation, un cran en-dessous, de nos considérations fondamentales sur le Système ; par contre, il s’agit d’une activité d’un cran supérieure à de la simple tactique, qui est comme nous l’avons dit très diverse.) Les fondements de cette activité n’ont guère varié depuis que la spécificité du Système nous est apparue. Nous avons choisi de reprendre une partie d’un F&C datant déjà de presque trois ans, pour exposer cet aspect du problème, et montrer par là cette maturité de la conception. On y trouve, encore exprimée d’une façon sommaire, certains points fondamentaux que nous développons ici.
Il s’agit du F&C sous le titre «TINA, bien entendu…», du 19 mai 2010. Les circonstances sont celles de la signature d’un accord, à Téhéran, entre la Turquie, le Brésil et l’Iran, qui aurait pu constituer une solution très satisfaisante à la question nucléaire iranienne. L’accord fut saboté par le bloc BAO d’une façon générale, par les USA mais surtout par la France de Sarkozy-Kouchner, trahissant sa mission historique, – ce qui coûta très probablement la commande brésilienne de Rafale à la France, si l’on veut évoquer les références de la prestigieuse quincaillerie. Au contraire, l’accord était indirectement soutenu par la Russie et par la Chine. Certains, au moment de la signature de l’accord, y virent l’apparition d’un “modèle alternatif” de type-BRICS, des “pays émergents” (Stephen Kinzer parlait, le 16 mai 2010 dans le Guardian, d’un “axe Turquie-Brésil”, expliquant que l’accord montrait que “les deux pays constituent une nouvelle force globale”). Lorsque nous écrivîmes ce texte, l’accord était effectivement salué comme un facteur nouveau essentiel. Notre commentaire alla, de ce point de vue, résolument à contre-courant, définissant du même coup la stratégie fondamentale, non pas classiquement antagoniste mais de type métahistorique, pour la lutte antiSystème, – sous l’intertitre «L’implosion du système». (Nous n’avions pas encore synthétisé la formule opérationnelle du dd&e du Système, – déstructuration, dissolution & entropisation, – mais il est évident qu’elle figure in fine dans le cours de cette analyse.)
«Il s’agit d’une civilisation universelle, cela ne fait aucun doute ; et nullement d’une civilisation “universaliste” mais d’une civilisation systémique et systématiquement universelle, gouvernée par un automatisme et nullement par une ambition historique. Cela explique que sa caractéristique fondamentale, – paradoxale si cette civilisation était “une ambition historique” mais logique puisqu’il s’agit d’un système mécaniste, – est qu’elle n’est pas unificatrice mais désagrégeante ou, comme nous disons d’une façon générale et conceptuelle, “déstructurante”. La “culture américaniste” qui est proposé comme ciment culturel universel est per se une “non-culture” (encore plus qu'une “contre-culture”), dans le sens où elle fait proliférer l’apparence et la surface de l’être et qu’elle a comme seul but, de type entropique, de combler et de faire disparaître toutes les profondeurs, – notamment les cultures profondes, enracinées dans l’Histoire. C’est une “culture” de système, systémique et systématique à la fois, qui s’exerce même contre les “citoyens de l’Empire”, c’est-à-dire les citoyens des États de l’Union dite USA.
»Il n’y a aucune chance d’opposer à ce phénomène une autre civilisation, ou une nouvelle civilisation, puisque sa puissance et l’orientation de son activité empêchent la formation et le développement de toute structure et que sa culture vide interdit par définition sa propre conquête par une autre culture, – ou, comment conquérir le vide ? Opposer la civilisation musulmane ou une éventuelle civilisation islamiste, à la soi-disant “civilisation occidentale” n’est pas sérieux ; les musulmans peuvent faire de la résistance (guérilla), du terrorisme, ils peuvent s’intégrer et gagner plus d’argent que leurs éducateurs. Ils peuvent continuer à pratiquer leur religion et à gérer leurs territoires mais ils n’ont rien conquis et n’ont nullement imposé une civilisation capable de conquérir ou de remplacer la civilisation universelle occidentale. Même l’“islamisation” de certains pays occidentaux par l’immigration n’introduit que le désordre (par le bas) et l’intégration dans l’ordre du système par le haut et le symbolique. Il n’y a rien dans tout cela qui implique une offre d’alternative de civilisation.
»Il s’agit d’une civilisation universelle qui, comme l’entrevoyait notamment l’historien des civilisations Arnold Toynbee, a bloqué le processus de renouvellement des civilisations. Nous écrivions à ce propos, le 10 juillet 2002 :
« “Allons à un autre point que Toynbee met en évidence dans ces analyses, qui concerne particulièrement notre civilisation occidentale. Il parle de “ce récent et énorme accroissement du pouvoir de l'homme occidental sur la nature, — le stupéfiant progrès de son ‘savoir-faire technique’… […] Ce fait a bouleversé la marche cyclique par laquelle Toynbee définit les rapports des civilisations, et par laquelle il mesure la possibilité pour l'humanité de progresser au travers cette succession de civilisations. ‘Pourquoi la civilisation ne peut-elle continuer à avancer, tout en trébuchant, d'échec en échec, sur le chemin pénible et dégradant, mais qui n'est tout de même pas complètement celui du suicide, et qu'elle n'a cessé de suivre pendant les quelques premiers milliers d'années de son existence? La réponse se trouve dans les récentes inventions techniques de la bourgeoisie moderne occidentale.’ Voilà le point fondamental de Toynbee: notre puissance technicienne, transmutée aujourd'hui en une affirmation soi-disant civilisatrice passant par la technologie, révolutionne l'évolution des civilisations et bouleverse leur succession.”»
»La citation de Toynbee date de 1949. C’est dire si son constat s’est renforcé, et notamment du fait de l’invasion “culturelle” par la “culture vide” de l’américanisation. En fait, ce qu’observe Toynbee était déjà évident dès les années 1920 et notre “américanisation” est accomplie depuis les années 1950. Il ne s’agit pas d’une conquête au sens impérial mais d’une “mise en système” (mise aux normes du système), d’abord par le système du technologisme (la puissance brute), également par le système de la communication (la “culture vide”, qui emprunte d’ailleurs aux technologies). Mais ces systèmes, s’ils sont invincibles, s’ils écartent toute tentative civilisationnelle contre eux, créent également les conditions du désordre qui permet la contestation intérieure, la mise en cause, etc., parce qu’ils produisent des processus nécessairement catastrophiques en détruisant tous les équilibres (déstructuration). En fait, aujourd’hui, tout le monde dépend plus ou moins du système (en est prisonnier), et tout le monde le conteste plus ou moins… Le Brésil, la Turquie, l’Iran, mais aussi le gouverneur de l’Arizona qui fait voter sa loi anti-immigrants parce que Washington ne fait rien, Rand (Randall) Paul, fils de Ron et promis à devenir sénateur républicain, ou Thomas Naylor, le chef des néo-sécessionnistes du Vermont.
»Cette puissance systémique énorme, cette “civilisation” universelle qui emprisonne et empoisonne à la fois la planète, qui suit désormais une pente catastrophique, ne peut donner lieu à une succession normale (enchaînant sur une autre civilisation), même par la défaite par d’éventuels “barbares”. Elle est par définition invincible et par définition catastrophique, – et plus elle est invincible plus elle est catastrophique, et plus elle est catastrophique plus elle est invincible. Aucune autre force ne peut la terrasser et elle s’emprisonne elle-même dans un processus évidemment catastrophique puisque nécessairement axé sur la destruction de toutes les structures, – à commencer [N.B. : on dirait plutôt : “à terminer”...], bien évidemment, par les siennes propres, puisqu’elle se trouve dans la nécessité de développer des structures pour poursuivre son action déstructurante, et que cette action déstructurante détruit par conséquent ses propres structures. “Cette puissance systémique énorme” doit se détruire d’elle-même, elle doit littéralement imploser, c’est-à-dire se détruire “par l’intérieur”. Sur la façon dont se fera cette implosion, nous n’avons aucune certitude, aucune prospective, parce que l’évolution actuelle dépend trop fortement de facteurs trop insaisissables, – notamment le facteur psychologique, avec les puissants effets incontrôlables du système de la communication, qui fonctionne aveuglément et peut être retourné en désordre contre le système lui-même. (La seule conviction que nous avons, souvent répétée, est qu’un facteur fondamental d’implosion du système serait sans aucun doute la désagrégation des USA, donc la fin du facteur psychologique fondamental du système qu’est “le rêve américain”.)
»Selon cette conception générale, les pays “émergents” ne peuvent faire autre chose que de “mettre un pied en dedans” et de suivre la machinerie. Mais comme ils sont les plus fraîchement intégrés alors que le système est dans sa phase catastrophique, ils gardent “un pied en dehors” sur lequel ils s’appuient pour développer et accentuer leur critique, leur action déstabilisatrice, etc. Ils sont très actifs mais ne peuvent espérer en aucun cas être décisifs (en proposant une réforme radicale du système). Leur activité, qu’on peut qualifier d’activisme, constitue par contre un point très important pour accentuer la mécanique de l’implosion interne du système. D’une certaine façon, [...] ces pays “émergents” ne sont pas là pour changer le système mais pour accélérer sa maturation intérieure vers l’implosion. Nous dirions que c’est leur mission historique, sinon “métahistorique”, dont il n’est évidemment pas nécessaire qu’ils soient conscients, – et il est même préférable qu’ils n’en soient pas conscients, pour être plus efficaces.
»“Cette puissance systémique énorme, cette ‘civilisation’ universelle qui emprisonne la planète […] doit se détruire d’elle-même, imploser”… Après ? On verra… Cela est dit sans satisfaction ni crainte particulières, mais parce qu’il nous semble de plus en plus qu’il s’agit de constats répondant à l’évidence.»
Les conditions à la fois de viabilité en théorie infinie sans possible riposte du Système, les conditions à la fois de vulnérabilité mortelle du Système ayant été décrites sans pour l’instant être expliquées, nous apportons une précision, qui est un rapide historique de la chose, depuis le “déchaînement de la Matière”. Cela nous semble important dans la mesure où nous plaçons paradoxalement le Système comme dépendant des contingences historiques malgré ses prétentions métahistoriques et ses positions de domination sans aucune concurrence possible. (C’est là, pourrions-nous dire que se trouve le nœud de l’énigme qui n’est pas un nœud gordien qu’il faut trancher mais un nœud marin infiniment complexe, tant qu’à la fin le marin lui-même en deviendrait le prisonnier jusqu’à étouffer...)
On trouve le développement de cet historique dans le Premier Tome de La grâce de l’Histoire (voir cette rubrique), où le “système” n’est pas encore majusculé (nous respectons, en nous en expliquant quand cela importe, l’évolution de la conceptualisation), et où l’“idéal de puissance” en est la représentation inspiratrice dans le cours de la période historique considérée, depuis le début du XIXème siècle avec le “déchaînement de la Matière”. (Opposé à l’“idéal de perfection”, qui serait la représentation inspiratrice de l’antiSystème, ce concept de l’“idéal de puissance” emprunté à Guglielmo Ferrero trouve aisément son équivalence psychologique dans l’hybris grecque.) A partir du “déchaînement de la Matière”, c’est l’Allemagne, d’abord sous la forme de la Prusse de Iéna ressuscitée par Fichte et Clausewitz, puis du premier Reich de Bismarck à Wagner et à Max Weber, qui porta le flambeau de l’“idéal de puissance”, avec l’habillage convenu du pangermanisme. Il ne fait aucun doute pour nous qu’il s’agissait déjà d’“un système” appuyé sur une modernité exacerbée, manifesté symboliquement par une sorte d’identification entre lui sous sa forme pangermaniste et la dimension culturelle et artistique de cette modernité exacerbée, avec comme symbole central de cette manifestation symbolique l’art révolutionnaire, néo-païen et d’une barbarie promise à emporter le “vieux monde”, du Sacre du printemps de Stravinski (voir le livre éponyme de Modris Eksteins, largement cité dans La grâce de l’Histoire). C’est cette Allemagne-là qui se précipita, avec une joie extraordinaire, dans la tuerie de la Grande Guerre dans laquelle elle voyait l’événement de rupture des temps nouveaux. (La France, par contraste et malgré la narrative historique développée a posteriori par dessein antinationaliste et intégrateur de la “globalisation européenne”, entra dans la Grande Guerre avec une sorte de fatalisme désespéré et une perception intuitive indicible de la tragédie à venir, – voir notamment nos textes du 9 mai 2008 et du 9 août 2012.)
La Grande Guerre fut l’apogée de cette phase et le début du déclin jusqu’à la catastrophe de 1939-1945 de ce premier “bras armé du Système” que fut le pangermanisme. Dès la fin du XIXème siècle et d’une façon évidente à partir des années 1919-1920, les USA s’imposèrent comme compléments puis successeurs de l’Allemagne dans ce même rôle. L’“idéal de puissance” a effectivement dominé essentiellement la développement des USA, qui n’a cessé de s’identifier de plus en plus fortement au Système jusqu’à nos jours où ils se confondent de plus en plus avec lui, en se plaçant nécessairement, comme ils l’ont toujours fait, et ouvertement, ce qui est nouveau, à son service. Le dernier développement à cet égard est ce que nous nommons le bloc BAO (voir le Glossaire.dde du 10 décembre 2012), qui voit les USA s’effacer et se fondre de plus en plus dans une communauté de soi-disant nations, représentantes évidentes du Système. Cette étape, réalisée depuis 2008, représente une véritable mise à nue du Système qui estime n’avoir plus besoin de faux-nez institutionnel, qui peut ainsi mieux impulser une politique spécifique, dite “politique-Système” bien sûr (voir le Glossaire.dde du 17 décembre 2012). C’est le Système comme nous l’avons décrit plus haut en citant cet extrait d’un texte du 19 mai 2010, dans toute sa surpuissance sans que rien ne puisse s’opposer à lui, mais aussi dans son irrévocable destinée d’autodestruction puisque son besoin de dynamisme destructeur qui n’a plus que lui-même contre qui s’exercer, exerce effectivement contre lui son processus déstructuration-dissolution-entropisation (dd&e).
On voit que le développement du Système, empruntant des dynamiques pan-expansionnistes (pangermanisme, panaméricanisme) comme on use d’outils pour s’exprimer, s’est fait de façon continue et selon le développement irrésistible de sa surpuissance qui est effectivement sa seule expression possible. Pour autant, il nous semble qu’on doive marquer un point particulier où le Système fut menacé fondamentalement, à l’occasion d’un événement que nous n’hésiterions pas à qualifier de pivot du XXème siècle et de la crise dans laquelle nous sommes engagés maintenant, – donc pivot sous la forme d’une “tragédie historique” qui nous permet d’accéder au niveau métahistorique. Il s’agit de la Grande Dépression aux USA. (On objectera que nous avons assez souvent mis en évidence notre appréciation de l’importance fondamentale de la Grande Guerre, qui fait partie du XXème siècle, pour nous trouver menacé de contradiction de nous-mêmes. La réponse à cela est que cette importance demeure à nos yeux, mais qu’elle n’affecte pas le Système directement. La Grande Guerre est un pivot également métahistorique en ce sens qu’elle révèle, – charge au sapiens de voir ou de ne pas voir, – le processus du “déchaînement de la Matière” arrivant à la maturité de son opérationnalité, et prenant bientôt la forme identifiable du Système. La Grande Guerre a une fonction d’alarme évidente, du type qu'on nommera ensuite antiSystème.)
Donc, la Grande Dépression... Certainement pas dans son aspect économique, qui n’a pour nous qu’un intérêt complètement marginal, mais dans son aspect psychologique. Ainsi faisons-nous dans la Quatrième Partie du premier tome de La grâce de l’Histoire (voir le 26 juillet 2010), cette différenciation entre ces deux aspects, sans pourtant aller jusqu’à l’interprétation actuelle du Système (la réflexion était encore évolutive), en nous cantonnant à l’observation des USA... Voici le passage qui décrit cette observation, le paragraphe précédant s’étant terminé par une courte phrase qui signifie bien cette différenciation.
«... Voilà pour le domaine économique.
»D’autre part, il y a ce que nous désignons sans aucun doute comme une tragédie historique, qui commence quelque part en 1930 ou 1931, lorsque les conditions économiques en constante dégradation ouvrent la porte à une crise sociale et psychologique aux dimensions historiques sans guère de précédent aux USA ; qui conduit au paroxysme de l’hiver 1932-1933, lorsque les USA paraissent au bord de la désintégration, entre l’élection et l’inauguration de FDR (novembre 1932-mars 1933). Cette séquence relève sans aucun doute de la tragédie. Pendant quelques mois, au paroxysme de la chose, on aurait pu croire à un processus de désintégration d’un pays qui avait prétendu être une nation chargée d’un dialogue avec Dieu qui eût mérité d’être exclusif et infini. Sans doute le contraste entre la proximité du Paradis de 1928-1929 et la chute qui suivit compte-t-il au moins pour son poids dans la puissance de la tragédie qui s’ensuit. Cette sensation de tragique est particulièrement vivace dans les esprits américains, – beaucoup moins chez les Européens, qui ont la mémoire bronzée par les vicissitudes tragiques de l’Histoire. En vérité, c’est la psychologie américaniste, – dans ce cas, le qualificatif systémique d’“américaniste” s’impose, puisque renvoyant au système de l’américanisme, – qui est frappée, qu’on croirait frappée mortellement. La psychologie américaniste de ce moment tragique serait bien décrite par cette image que Thomas Mann employait pour le peuple allemand juste après la défaite de 1918, qui lui conviendrait absolument : le peuple (américain) était “brisé jusqu'en ses profondeurs : il était mou comme un nouveau-né”.»
L’analogie, par le biais de Thomas Mann qui se disait alors (en 1918) pur nationaliste allemand, rappelant l’état du peuple allemand en 1918 pour décrire celui du peuple américain en 1932-1933 signifie bien, d’une façon très symbolique, qu’il s’agit du Système ; l’analogie décrit ainsi le Système utilisant encore le pangermanisme mais l’ayant conduit au bord de son agonie puis de sa catastrophe, puis utilisant le panaméricanisme jusqu’à mettre le peuple américain dans le même état psychologique. Cela rend compte, bien entendu, de la tension que le Système exerce par sa surpuissance sur les psychologies. Mais les USA de 1932-1933 ne subirent pas le sort de l’Allemagne de 1918 (avec conclusion catastrophique en 1945). Le “magicien” Roosevelt les retint au bord de l’abîme, – et ainsi sauva-t-il pareillement le Système, qui ne disposait certainement pas alors, en cas de dissolution des USA, d’un “outil” de substitution pour exprimer sa surpuissance.
Les USA sauvés de la déstructuration et de la dissolution où la psychologie joue un rôle essentiel, s’employèrent à “se redresser”. En fait, ils n’y parvinrent pas par rapport à ce qu’ils avaient été et créèrent à la place une architecture nouvelle, transférant toute la dynamique du technologisme dans l’armement à partir de l’élan de la Deuxième Guerre mondiale. Les arcboutants de cette architecture qui se constitua autant pour le Système que pour les USA (leur identification en répond) comprennent notamment le complexe militaro-industriel formé à partir de 1935-1937 sans la composante “militaro” (voir le 19 août 2010) mais totalement transformé à cet égard par la guerre, le National Security State créé en 1947-1949 avec les structures qu’on connaît (Pentagone, NSC, CIA, USAF, NSA, etc.) et le sauvetage in extremis de l’industrie d’armement, durant le premier semestre de 1948, au prix du déclenchement de la Guerre froide. (Voir notamment le 12 février 2002 à propos du livre de Frank Kofsky de 1993, Harry S. Truman and the War Scare of 1948, dont nous rendîmes compte dans la rubrique Analyse du Volume 10, n°14, de notre Lettre d’Analyse de defensa & eurostratégie [dd&e] 10 avril 1995.) Le National Security State de 1947-1949 mériterait, dans la perspective, d’être rebaptisé Global Security System, comme l’on devrait transposer l’expression, pour la distinction caractérisée de la chose, de “sécurité nationale” en “sécuritéSystème”...
Ensuite, tout s’enchaîne à la manière d’un destin réglé comme du papier à musique. La surpuissance du Système dispose d’une partition sans le moindre blanc. L’“outil” est incomparable, à la fois de producteur de puissance, à la fois d’orientation exclusive vers la production de puissance. La psychologie qui l’accompagne est à mesure, qui s’installe dans l’establishment panaméricaniste et le solidifie littéralement dans une posture psychologique d’hybris sans retour, qui affecte même la perception du monde et constitue nécessairement le caractère psychologique soutenant l’“idéal de puissance”. Il s’agit du monde perçu effectivement d’une façon démesurée, où la “mesure” américaniste prise comme outil du Système consiste a dire notre Tout civilisationnel, à représenter tout à cet égard, à faire à la fois la loi et l’ordre généraux du monde dans son chef, bref une mesure qui est par substance démesure exclusive (de toute concurrence), ou “démesure monopolistique” pour adopter les termes du corporate power. Bientôt, avec les événements favorisant cette évolution, cette psychologie pénétrera les élites-Système, puis le bloc BAO lorsque celui-ci se formera. Il s’agit de la psychologie américaniste globalisée, qui devient la psychologie de la globalisation, ou la psychologie-Système.
Il n’y aucun rapport, et même un complet rapport d’inversion entre l’évolution de la dynamique de surpuissance elle-même, qui atteint son propre domaine d’inversion où elle devient autodestruction, et l’évolution de la perception et de la psychologie du processus dynamique de surpuissance dans le chef des acteurs-Système devenus de plus en plus des figurants-Système, c’est-à-dire le personnel-sapiens au service du Système. (L’“évolution de la perception et de la psychologie du processus dynamique de surpuissance” atteint son apogée avec la formation du bloc BAO, durant l’année 2008 avec sa catastrophe financière, qui est elle-même la marque chronologique de l’accélération sans retour de la crise d’effondrement du Système.) La rupture de la perception est complète, le système de la communication, manipulable à souhait et “faux-ami” par excellence (voir Janus), confirme ces erreurs tragiques en produisant autant de narrative que le système du technologisme produit de surpuissance conduite à devenir autodestructrice. Ces figurants-Système croient au triomphe de la surpuissance du Système, sans aucun intérêt pour les enseignements de l’effondrement financier de l’automne 2008 perçu comme accidentel, jusqu’à reproduire à l’identique les sous-systèmes qui engendrent les catastrophes (Wall Street en 2008) alors qu’il s’agit d’une des premières manifestations parmi les effets majeures de la transmutation de la surpuissance en autodestruction.
... Ainsi arrivons-nous, au terme de cet historique, à notre “époque” au sens maistrien du terme, ce sens où Joseph de Maistre désignait de ce mot les 5 ou 6 premières années de la Révolution Française comme quelque chose d’exceptionnel, d’unique dans l’Histoire, où la Providence se manifeste expressément. Il est évident à la lumière de ce qui précède immédiatement, que surgit une exigence d’une lumière supplémentaire concernant la dynamique de surpuissance et son enchaînement sur une dynamique d’autodestruction.
En effet, au déchaînement (“déchaînement de la Matière”) qui engendre le Système et sa surpuissance, correspond un enchaînement qui conduit à sa perte (surpuissance-autodestruction). Nous voulons donc montrer, sinon démontrer, le caractère inéluctable de cet enchaînement et donc l’irrévocabilité de l’autodestruction...
Il apparaît évident que l’affrontement fondamental que nous décrivons est identifié en termes de structures et d’anti-structures, de structuration et de déstructuration (avec les dégradations qui s’ensuivent, de type dd&e, – déstructuration, dissolution & entropisation) ; en termes de mesure et de démesure, en termes de formes et d’informes, etc. On retrouve les grandes constantes des pensées antiques fondamentales issues de la Tradition. Dans ce passage souvent cité du Traité 51 des Enneades, Plotin exprime parfaitement ce que nous percevons aujourd’hui comme un affrontement décisif : «Car on pourrait dès lors arriver à une notion du mal comme ce qui est non-mesure par rapport à la mesure, sans limite par rapport à la limite, absence de forme par rapport à ce qui produit la forme et déficience permanente par rapport à ce qui est suffisant en soi, toujours indéterminé, stable en aucune façon, affecté de toutes manières, insatiable, indigence totale. Et ces choses ne sont pas des accidents qui lui adviennent, mais elles constituent son essence en quelque sorte, et quelle que soit la partie de lui que tu pourrais voir, il est toutes ces choses...» On retrouve ces notions dans des citations de Lucien Jerphagnon, par exemple dans les textes récents du 19 mars 2013 ou du 23 mai 2013. Il y est question d’harmonie, de mesure, etc., qui sont toujours des notions accordées à la structuration, s’exprimant contre les pressions déstructurantes accordées, elles, notamment à la démesure de cette psychologie fondamentale de l’hybris qui accompagne l’“idéal de puissance” et, elle aussi, qui s’opérationnalise en une tension déstructurante et dissolvante permanente. (Jerphagon dans son discours de réception à l’Académie d’Athènes, en 1997, consacré à la gloire de la “pensée grecque”: «Ainsi, cette dialectique de l’un et du multiple, de l’illimité et de la limite, de l’absolu et du relatif, de l’universel et du particulier, du parfait et de l’imparfait, exorcisait d’avance le mauvais démon de l’hybris, de la démesure qui aimerait s’affranchir des limites du possible, et qui voudrait faire porter au discours humain une charge d’absolu qu’il ne peut contenir.»)
Ainsi trouve-t-on tous les éléments cités replacés à la fois dans une perspective historique, métaphysique et psychologique. Par conséquent, il apparaît que le Système, identifié sans le moindre doute comme l’expression opérationnelle du déchaînement de la Matière, expression opérationnelle du Mal par conséquent, ne peut que rechercher le contraire de cette harmonie, de cette mesure, de cette “forme”, de cette structuration ; c’est ce que nous synthétisons et symbolisons avec le sigle “dd&e” (“déstructuration, dissolution & entropisation”). Par conséquent, le caractère constituant du Système, cette production nécessaire et irrésistible de surpuissance, est irrévocable et inéluctable. C’est le principe même de ce que nous désignons comme sa dynamique de surpuissance, où tout se passe comme si le Système (la Matière “déchaînée”), ayant le champ libre grâce impérativement à diverses circonstances historiques exceptionnelles que nous avons souvent détaillées en les interprétant, ne pouvait que se développer sans frein ni retenue, par l’intermédiaire de ses deux “adjoints” et courroies de transmission, les systèmes du technologisme et de la communication.
La (sur)puissance intrinsèque du Système s’exprime nécessairement, sans autre but et objectif possible dans le sens de la déstructuration enchaînant sur le reste, selon le processus dd&e. Nous l’avons désignée comme “surpuissance” pour marquer à la fois le caractère dynamique fondamental du Système, et sa tendance évidente à toujours vouloir surpasser les effets qu’il produit, par logique évidente de sa dynamique. En quelque sorte, plus il déstructure-dissout, plus il doit déstructurer-dissoudre. Nous estimons que les grands événements historiques des deux derniers siècles et au-delà peuvent aisément être interprétés de cette façon, et même éclairés décisivement, et ainsi exprimer effectivement ce phénomène. Nous estimons que notre époque, marqué par l’accélération de l’Histoire et la contraction du temps, approche très rapidement d’un état d’achèvement de l’action du Système dans le champ de la déstructuration très certainement, dans le champ de la dissolution vers l’entropisation secondairement et non encore accomplie quoiqu’en cours accéléré d’accomplissement... (C’est pourquoi nous interprétons tous les événements, comme la globalisation, l’effondrement des principes tels que souveraineté et légitimité, le développement du désordre financier et du “capitalisme sauvage”, le recours aux moyens de force dépendant de moins en moins de normes légales, les phénomènes d’éclatements sociaux et sociétaux, le multiculturalisme, etc., du point de vue de l’affrontement entre la déstructuration et les structures, – au-dessus de toute autre interprétation et influant radicalement le jugement qu’on en peut avoir, sans aucun soucis des contradictions possibles par rapport aux classements “terrestres“, – politiques, idéologiques, etc..)
C’est alors qu’apparaît le phénomène essentiel de basculement, d’inversion paradoxale puisque inversion vertueuse, de “surpuissance-autodestruction”. La surpuissance du Système impliquant inéluctablement et irrévocablement la destruction de tout ce qui est organisé, structuré, selon le processus dd&e, poursuit dans cette voie quand tout est effectivement devenu victime de dd&e. Or, le Système, pour mener depuis deux siècles son entreprise, a été obligé lui-même de se structurer en “machiner à déstructurer” ; en d’autres termes, il est devenu paradoxalement une entité structurée. Son besoin, son dynamisme surpuissant exponentiel de déstructuration se poursuivant, le Système qui ne rencontre plus rien à déstructurer, finit alors par s’attaquer à lui-même puisqu’il reste la seule chose à déstructurer. Il entre alors dans cette logique de basculement et d’inversion surpuissance-autodestruction puisque sa surpuissance s’emploie désormais à se détruire lui-même.
Cette entrée dans la “logique de basculement et d’inversion surpuissance-autodestruction”, sans appréhension de ce changement de fortune, est d’autant plus évidente qu’aucun ordre ne règne dans l’attaque de surpuissance menée par le Système, – puisque le Système reste intrinsèquement désordre dans sa propre perception de lui-même et démesure dans son opérationnalité comme il l’est par définition. Cette circonstance générale est accélérée, décisivement dans sa forme, par le développement de ce phénomène que nous appelons antiSystème (effectivement sous cette forme grammaticale, avec la majuscule au milieu du mot et en mode invariable puisque le Système est unique).
Ce phénomène de l’antiSystème n’est pas ordonné ni coordonné, il ne répond à aucune hiérarchie, aucune centralisation ; il est une réaction “en désordre” à la poussée du Système ; il affecte des éléments divers dont certains sont souvent paradoxaux (des éléments-Système se trouvant en posture antiSystème en telle ou telle circonstance). Enfin, du point de vue de son opérationnalité, il se constitue selon les circonstances, puis se dissout lui-même toujours selon les circonstances avant de réapparaître selon d’autres circonstances ; ou bien des antiSystème peuvent se constituer parallèlement selon des circonstances différentes, mais toujours sans coordination entre eux. Il s’agit d’une sorte de “guérilla” naturelle, spontanée, qui naît de réactions à la poussée du Système, comme une résistance naturelle à la poussée déstructurante-dissolvante. Il s’agit de l’équivalent, par rapport à la situation politique qu’on constate depuis plusieurs années, d’une sorte de G4G (Guerre de 4ème Génération) fondamentale, une G4G métahistorique opposant la force naturelle des principes aux politiques de désordre engendrées par les forces politiques au service du Système et suivant les consignes de la politique-Système.
L’important à retenir pour notre propos dans ce phénomène antiSystème est son désordre (qui devient dans ce cas une vertu), son absence de formation structurelle de résistance qui interdit au Système d’exercer son action déstructurante. (Son désordre devient une amorce d’ordre en étant l’antithèse du désordre causé par le Système selon la formule géométrique du “moins plus moins égale plus”.) L’antiSystème apparaît spontanément selon les circonstances dans tous les domaines, disparaît, reparaît, etc., et cela de plus en plus fortement à mesure qu’avance le Système, entravant la démesure opérationnelle fondamentale de la surpuissance du Système et empêchant de ce fait une déstructuration systématique qui rendrait l’action de surpuissance du Système d’une efficacité régulière et inarrêtable. Cela implique que le Système est confronté à des stades différents dans son avancée, et qu’ici le processus de surpuissance continue tandis que là le processus d’autodestruction a déjà commencé. Cette situation est l’élément ultime qui verrouille l’incapacité du Système d’accomplir l’œuvre de sa surpuissance sans passer à son autodestruction, elle achève le caractère inéluctable et irrévocable du passage de la dynamique de surpuissance à la dynamique d’autodestruction, elle permet l’entame de l’œuvre d’autodestruction avant l’accomplissement de l’œuvre de surpuissance (dd&e) et achève ainsi d’interdire l’accomplissement total du Système.
En un sens, par le désordre et l’imprévisibilité de sa résistance, l’antiSystème a contribué et contribue comme dernier élément décisif à mettre en question la structuration du Système et donc à orienter sa surpuissance qui ne trouve plus d’autres structure à détruire vers la déstructuration de sa propre structure, c’est-à-dire de lui-même (autodestruction). On peut se demander, dans le cas où le phénomène antiSystème n’existerait pas, si le Système n’arriverait pas à englober le Tout de notre univers-sapiens dans son basculement surpuissance-autodestruction... A cette question angoissante, l’antiSystème répond décisivement : “cette question est inutile puisque j’existe nécessairement, comme production antagoniste nécessaire du Système lui-même, et puisque j’existe comme le grain de sable ultime, celui qui interdit au Système d’accomplir dans une démesure décisive qui nous emporterait tous dans son acte ultime de basculement surpuissance-autodestruction”. L’acte antiSystème, dont l’existence est avérée autant qu’elle est nécessitée par l’existence même du Système puisque produite par lui, et dont l’action implique par conséquent une essentialité, constitue l’essence même qui interdit définitivement au Système de tout emporter dans son autodestruction. Nous avons là une marque indubitable de l’imprescribilité et de l’importance de l’acte antiSystème. Par définition, il dépasse la mesure humaine, donc dépasse ceux-là même qui le posent. Il constitue un acte dépendant de “forces supérieures” pour mettre en échec décisivement le Système dans sa mission de destruction.
(Le fait que l’antiSystème “dépasse la mesure humaine” justifie par exemple que des individus posant des actes de cette sorte au péril évident et accepté de leur vie doivent être considérés dans la catégorie des martyre, comme l’est par exemple Snowden. Cela ne signifie pas que nous dussions mettre en place une sorte de “culte terrestre” de Snowden, parce que notre contre-civilisation est à un stade d’une telle bassesse qu’un tel culte se ridiculiserait par lui-même, par les moyens qu’il emploierait, notamment par le canal du système de la communication. Cela signifie que l’individu a été inspiré, éclairé par les “forces supérieures” citées plus haut et qu’il constitue par son acte accompli volontairement et en toute liberté la preuve rationnelle de la réalité de cette puissance antiSystème qu’on décrit. Dans ce sens, son martyre est un acte rationnel d’une raison libérée de l’empire du Système, d’une raison éclairée par la mesure et la recherche de l’unité qu’implique la référence implicite à la Tradition comme origine de tout. Ce jugement vaut quelles que soient les manigances, manœuvres, etc., qui entourent le cas Snowden et Snowden lui-même.)
A toutes ces affirmations, on opposera l’argument inévitable : où sont, disons, les preuves qui les attestent ? Il n’y en a pas, par définition, parce que, justement, nous nous plaçons dans le cas de cette analyse à l’intérieur du Système lui-même, nous dirions d’une manière quasiment expérimentale pour mieux le décrire, et nous ne pouvons par conséquent, pour ce cas, penser rationnellement hors de lui, selon d’autres références du point de vue rationnel que les siennes. Il faut donc rompre la pensée pour s’orienter décisivement et en toute liberté vers d’autres références hors de portée du Système... (“Rompre”, plutôt comme on dit “Rompez les rangs” que “Rompez les amarres”, mais en “rompant les rangs” avec la puissance qu’il faut pour “rompre les amarres”.) ... Pour le reste, le Système s’apparentant nécessairement au “Mal” tel que nous avons tenté d’en commencer la définition, il est évident qu’il est de même facture et qu’il suit le même destin. Son caractère nous conduit à l’interrogation métaphysique envisagée dans ce cadre (voir le Glossaire.dde du 14 février 2013).
«Le Mal est la référence fondamentale qui nous conduit au champ de la métaphysique, où nous pouvons identifier son caractère d’inversion, sa représentation dans le Système, d’où seulement nous pouvons nous libérer du Système pour mieux l’affronter. Il s’agit d’une approche opérationnelle et pragmatique mais qui, à cause de la présence dynamique et universelle du Mal, nous conduit bien au-delà de la réalité opérationnelle du monde, justement vers la métaphysique. Dans cette époque extrême, la confrontation avec le Mal détermine le sens de la vie elle-même et, par conséquent, conduisant vers ce qu’on pourrait distinguer sous le nom de Bien.
»On notera enfin que tout cela est constant chez nous…Notre attachement à la problématique du Mal tient à une circonstance “opérationnelle” qui est l’exceptionnalité de cette époque, d’une part ; ce constat, et l’étude que nous en faisons nous conduisent à conclure que le Mal est le problème métaphysique fondamental auquel sapiens est confronté pour le temps présent, et qu’à partir de ce point et de l’étude qu’on en fait le reste, y compris le Bien, doit en être déduit, d’autre part. Ainsi pouvons-nous terminer en citant à nouveau le numéro de “dde.crisis” du 10 septembre 2010 (nous avons rajouté le souligné en gras), montrant que cette appréciation est évidemment naturelle à notre démarche générale.
»“[…L]a ‘crise de la civilisation’ en général, est une crise dont nombre de caractères, si pas tous les caractères sont fondamentaux, à ce point qu’ils nous paraissent être d’une certaine façon ‘ultimes’, – si bien que l’on pourrait parler d’une ‘crise ultime’ et, d’un point de vue presque objectif, débarrassé de l’urgence de l’instinct de survie, – d’une ‘crise sublime’ en ceci qu’elle rassemble tous les mystères de l’humanité et de l’espèce. Il nous semblait intéressant, de ce fait, de tenter d’en approcher le point central de fusion plutôt qu’évoquer les possibilités de sauvegarde (certains diraient ‘rédemption’), parce que ce ‘point central’ rassemble ce qu’il y a à la fois de plus profond et de plus réel dans notre crise d’une part ; parce que son évocation suggérera évidemment, sinon imposera, par logique antinomique, les ‘possibilités de sauvegarde’ d’autre part, comme le mal suscite le bien par nécessité antinomique, – ce qui est exactement le cas, finalement. La conjonction de la profondeur et de la réalité de la crise rapproche de la vérité de la crise.”»
L’important à réaliser avec le Système est qu’il permet, dans notre conception et dans notre volonté de spéculation, d’“opérationnaliser” le Mal, par l’intermédiaire de son ascendance directe du “déchaînement de la Matière”. De cette façon, il démythifie le Mal, notamment de son enveloppe religieuse. Cela n’est pas dire que la conception religieuse est critiquable ou non, – là n’est pas le problème, – mais elle nous semble être un frein pour la réflexion métaphysique sur le Mal en faisant surgir nombre d’interdits propres à notre époque. Avec le Système, le Mal a figure humaine, – “figure inhumaine”, disons plutôt, bien entendu, mais qui se regarde selon la référence humaine. Le Système arrivé au point où il est oblige la raison à envisager le problème du Mal d’un point de vue métaphysique, alors qu’elle (la raison) l’avait platement abandonné à la morale selon les consignes de la modernité. Avec le Système arrivé au point où il en est, et si impérativement et opérationnellement représentatif du Mal via le “déchaînement de la Matière”, sapiens ne peut plus échapper à l’épreuve suprême de l’appréciation métaphysique de la chose... Et, de cette épreuve quasiment initiatique, la raison pervertie par la modernité ressort presque apurée, rendue à sa vocation originelle d’outil d’exploration du Mystère du monde en-dehors des consignes du Système, et libéré du Système. “Rompez les rangs”, disions-nous plus haut, mais “avec la puissance qu’il faut pour ‘rompre les amarres’”. Nous ne rompons pas la solidarité imposée par notre destin mais nous imposons une vision de notre destin hors des normes faussaires de la décadence de notre contre-civilisation, opérationnalisées par le Système.
Nous terminons par un point de méthodologie qui aurait aussi bien pu figurer en forme d’avertissement, qui est une répétition de nombreuses affirmations déjà faites dans ce sens, dont nous sentons qu’il faut que nous le répétions avec constance, qui est le problème de la forme du destin du Système. Nos lecteurs, s’ils veulent nous lire, doivent accepter nos conceptions formelles et conceptuelles très précisément et comprendre les conclusions que nous en tirons pour nos analyses. (Ensuite, la chose lue, ils sont tout à fait libre de conclure pour leur compte : “cet homme est fou/malade/faussaire/et ainsi de suite.)
En effet, nous constatons très souvent, dans les remarques amicalement critiques qui nous sont faites, et dans les arguments qui nous sont opposés, la très grande difficulté sinon l’absence complète de la prise en compte de notre argument fondamental, sinon exclusif : la mort du Système est dans le Système et nulle part ailleurs ; et sa mort passe par sa (sur)puissance (c’est le fameux binôme, ou la fameuse équation c’est selon, surpuissance-autodestruction). Il est inutile de nous opposer des défaites conjoncturelles de forces qualifiées (à tort ou à raison) antiSystème, ou bien encore l’atonie du public, l’absence de réaction, d’organisation de tel fait antiSystème, les fausses “révolutions” avortées, etc. Là n’est ni l’enjeu ni le sort de la bataille, qui ne s’expriment en aucun cas par des notions de “victoires” ou de “défaites” ; ces “victoires” ou “défaites” se feraient nécessairement, dans les cas envisagés, dans le cadre du Système puisque le Système est partout, et donc nécessairement contrôlées ou récupérées par le Système à son avantage.
Il se trouve comme un élément fondamental pour nous que, dans notre système de pensée, nous croyons, pour notre compte, par intuition sans nul doute mais aussi par confirmation rationnelle selon une réflexion suivie et argumentée, voire éventuellement par expérience selon notre point de vue, à l’existence de forces supérieures échappant à la maîtrise humaine. Par ailleurs, tout dans notre perception, notre réflexion, notre expérience, et bien sûr notre intuition, nous conduit à avancer très fermement le jugement qu’aujourd’hui, le sapiens, guidé en cela par son hybris producteur notamment de narrative faussaires sans nombre, n’a jamais, – nous disons bien jamais, – été aussi peu maître de son destin, et du destin de la part du monde qui lui est attribuée, par rapport à l’Histoire que nous connaissons, et même, et surtout, dirions-nous, par rapport à l’histoire de ce qu’on nomme les Temps Anciens (l’antiquité). Ce n’est pas une question de conquête ni de puissance technologique, etc., mais une question de mesure de l’esprit, qui est le clef de la perception structurée du monde. Sapiens a perdu tout sens de la mesure du monde au profit de cette hybris diabolique, par conséquent tout ce qu’il croit maîtriser est pure illusion.
... Par conséquent, ces “forces supérieures” absolument hors de la maîtrise humaine dont nous parlons sont effectivement plus actives et influentes que jamais, comme cela est le cas lors des “époques” de rupture fondamentale et métahistoriques ; elles le sont sans qu’il soit nécessaire à ce point que nous les identifions et les habillions d’acronymes type-Pentagone et traduisions leurs pensées et objectifs grâce au brio des trillions de trillions de tristes mégabits de la NSA. Cette conviction s’appuie, chez nous, sur ce que nous considérons être un arsenal intuitif et rationnel. Ainsi sont nos règles du jeu, et elles doivent être respectées pour appréhender complètement nos textes, – encore une fois jusqu’à ce qu’un verdict d’internement psychiatrique soit prononcée contre nous. Mais, jusque là, lisez ce que nous écrivons exactement. Le destin du Système est en lui-même ; la seule dynamique qui importe pour le résultat final est ce subtil déplacement si bien aidé par le phénomène antiSystème, en train de se faire inégalement selon les domaines mais toujours selon la même tendance, cette dynamique transversale faisant donc évoluer, et quasiment transmutant cette dynamique fondamentale de la surpuissance en cette autre dynamique fondamentale de l’autodestruction.
Là-dessus, nous ne prétendons pas avoir raison, comme s’il s’agissait d’un débat du Café du Commerce, entre qui a tort et qui a raison. Pour nous, il y a une conviction (certains diraient “une foi”) basée sur l’intuition et la raison, qui nous dit que cela est, et cette conviction ou cette foi est le limon essentiel de notre travail. Nous affirmons que ce “limon” n’entrave en rien ni n’influence en rien, dans leur mécanique paradoxalement libérée certes, ni notre jugement de raison, ni notre esprit critique qui sont alors les outils de l’intelligence.
Que nos lecteurs soient peinés par telle nouvelle du monde, découragés par telle autre, conduits à des conclusions de défaite irrémédiable par telle autre encore, n’a aucune importance pour notre propos, – même si nous compatissons à leur sentiment d’abattement. Nous-mêmes subissons les mêmes assauts de cette sorte de faiblesse, qu’il nous faut à chaque fois écarter. Le doute nous habite chaque jour, mais, finalement, nullement à propos de l’objet central de notre pensée mais à propos de notre capacité à être digne et à hauteur de cet objet dans nos analyses, – et c’est un exercice bien plus épuisant que le “j’ai raison” ou le “il a tort”. Cette idée fondamentale est la clef de notre liberté...
La complexité de l’exercice que nous proposons est de confronter immédiatement, en “temps réel” comme ils disent, c’est-à-dire en temps courant et banal, cette conception fondamentale qui ne peut être que métaphysique avec le cours de ce même temps courant/banal, en tentant d’identifier les événements souvent vulgaires et très bas selon cette référence incontestablement d’une très grande hauteur ; rechercher les signes épars de cette hauteur dans la bassesse générale... (De là l’importance de l’emploi que nous faisons du terme “opérationnaliser” : il s’agit d’activer, de faire agir une perception métaphysique dans les événements courants, à propos de ces événements courants.)
Cette méthodologie est notre choix et elle est essentielle, et la lecture qu’on fait de nos textes ne peut en faire l’économie une seconde, pour une seule phrase. C’est ainsi et ce ne peut être autrement. Encore une fois, au bout du compte, vous pouvez toujours passer à autre chose en conseillant à l’auteur de ces lignes “va jouer avec ta poussière...”. A chacun sa liberté intellectuelle, ce qui est la vraie valeur de la liberté de l’esprit ; un fardeau bien plus qu’une licence, parce que la liberté ne se définit dans toute sa puissance qu’à travers un certain nombre de contraintes qu’elle est dans l’obligation de respecter.
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