Humeur de crise-18

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Humeur de crise-18

6 juillet 2016 – Cela pourrait s’appeler la “révolte des zombies-Système”, ou « It’s Time for the Elites to Rise Up Against the Ignorant Masses » comme le proclame Mr. James Traub, dans Foreign Policy le 28 juin. Le cas du FBI versus Clinton, dont le directeur annonce que, “oui elle a effectivement mis en danger la sécurité nationale, mais non nous ne l’inculpons pas parce que c’est elle...”, – le cas est donc époustouflant et ne nous déçoit pas. Comme l’écrit ZeroHedge.com après avoir réuni un certain nombre de témoignages d’anciens procureurs et anciens officiers du FBI disant que le FBI devait inculper Hillary, « peut-être est-ce l’ancien ministre de la Justice Eric Holder qui l’a dit le mieux lorsqu’il avait expliqué que son département refusait d’inculper ceux [les banksters de Wall Street] qu’il estimait “trop importants pour être inculpés” [‘too big to prosecute’] : “Si vous les inculpez, il y aura des effets très négatifs sur l’économie nationale, peut-être sur l’économie mondiale”... Et hop, juste comme ça, Hillary est ‘trop importante’, dans tous les cas pour ses nombreux donateurs de Wall Street. »

J’ai l’humeur-de-crise joyeuse, parce qu’après les péripéties des derniers jours (à quoi vous ajouterez qu’Hillary aurait promis au ministre de la Justice d’Obama, Loretta Lynch, de rester à son poste si elle était élue), c’est tellement énorme, superbe, grotesque que cela procure évidemment un moment de joie. On en jugera dans ce sens d’autant plus que l’attitude du directeur du FBI Comey est plus qu’ambiguë. Cette attitude pourrait être prise comme la considération que, par prudence pour la sécurité de sa propre position par rapport aux recommandations-pressions de sa hiérarchie, il n’inculpe pas ; mais que, pour se couvrir lui-même, il constate sa complète et paradoxalement criminelle irresponsabilité (“extremely careless”) en même temps qu’il confirme que des pays étrangers ont eu accès à la réserve personnelle du matériel Clinton avec conséquences possibles et préoccupantes (chantage, pressions sur la possible-future présiodente).

Humeur-de-crise joyeuse parce que le blanchiment express d’Hillary réalisé avec une lessive de très mauvaise qualité confirme à quel degré de panique se trouve le Système. Ambiance électrique garantie pour les prochaines heures, jours, semaines, mois... Le Système a riposté comme s’il était acculé, avec la très grosse artillerie mais en laissant traîner diverses bombes à retardement. Il a aussi montré, sans surprise, ses divisions, ses contradictions, ses antagonismes. Les républicains ont convoqué le directeur Comey la semaine prochain devant le Congrès, pour l’interroger durement parce que, pour blanchir la reine-Clinton, il faut entrer dans son propre royaume du mensonge. La vidéo qui en fait foi, – seule vérité en ce royaume, – en confrontant les constats de Comey et les déclarations mensongères  d’Hillary pendant trois ans doit devenir une vedette de l’internet. On pourra mesurer l’exceptionnelle conviction mise par Clinton dans l’affirmation de ses mensonges, c’est-à-dire l’incontestable vérité du mensonge chez elle.

La soirée ne fut ni perdue ni amère. Même si elle n’est pas inculpée, la reine est nue, – en tout bien tout honneur. Le dénouement n’en est pas un parce qu’il ouvre la porte à un épouvantable chaos d’accusations, d’attaques, de polémiques, où le caractère même de la reine sera l’enjeu de la bataille, et son caractère est bien ce qui constitue la faiblesse ultime de Clinton, là où se révèlent des vérités-de-situation. Le Système va se déchirer à belles dents, avec une fureur renouvelée. The Donald, s’il reste ce qu’il a été, devrait en faire ses choux-gras. Mon humeur-de-crise est toute à cette joie de mesurer une fois de plus combien il n’y a pire ennemi du Système que le Système lui-même. L’“insurrection des élites” a bien lieu, mais disons tentativement et de façon piètrement rhétorique car ne s’insurge pas qui veut : pour cela, il faut être victime d’injustice, de mensonges, de malveillance et d’oppression. Les élites n’ont rien de tout cela ; ce sont de pauvres hères chargés de privilèges, zombies-Systèmes d'infortune et souvent fortunés, et ainsi sans cause pour s’insurger.