Humeur de crise-28

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Humeur de crise-28

10 décembre 2016 – L’Amérique est grosse d’une guerre civile ; et la nature n’attend pas : à un moment ou à un autre, il faut mettre bas, il faut accoucher du monstre... A chaque occasion où la tension monte au travers de diverses nouvelles éparses, – car aucun courant de communication de poids n’ose ou bien ne peut offrir la synthèse évidemment catastrophique de cette tension qui serait la vérité-de-situation exposée, – à chaque fois revient en moi la phrase sempiternelle : ”Jamais, jamais la tension n’a été si forte, jamais, jamais l’enfantement n’a semblé si irrésistible...” ; et chaque fois ressort dans mon souvenir, également sempiternelle, cette remarque de Lénine au soir du coup d’Octobre, selon Trotski : “Es Schwindle...” (“J’ai le vertige”).

Dans un tel tourbillon crisique, comment s’en étonner ? Le mouvement fermé comme un cercle de feu des nouvelles affolante ne cesse d’accélérer avec de rares moments de répit lui permettant d’encore raffermir son élan. Ici un Grand électeur républicain qui a décidé de voter contre Trump avertit qu’il en connaît d’autres dans son cas ; on est instruit en détails de l’homme qui, pour le compte de Clinton et de Soros bien entendu, dirige cette opération de débauchage. Michael Moore annonce que d’ici le 20 janvier (prestation de serment), « Something Crazy Could Happen To Stop Trump Becoming President » ; mais quoi ? Un examen rapide conduit à une insurrection organisée le 20 janvier pour empêcher la prestation de serment, ou bien plus décisivement à l’hypothèse de l’assassinat. Trump a lancé une grande campagne de “remerciements” pour son élection qui rassemble des foules comme une mobilisation qui ne dit pas son nom, à la façon que l’on a vue durant la campagne. Partout la censure et les fausses nouvelles sont dénoncées. La haine et la fureur entre les deux partis qui s’opposent semblent atteindre à chaque instant un nouveau paroxysme, désormais bien au-delà de celui de l’avant-8 novembre.

Et cette lancinante question qui ne me quitte pas : comment l’Amérique en est-elle arrivée là ? J’ai en tête la dernière scène du film de Joe Dante, La Seconde Guerre de Sécession. Après un enchaînement d’événement inattendus, baroques et futiles, et partant d’une cause incertaine, un État de l’Union s’opposant au président, tout cela suivi en direct par une presse-Système non encore totalement enrégimentée dans la haine et la fureur du déterminisme-narrativiste (on est en 1997), on voit le studio d’un grand réseau qui nous a servi de fil rouge, qui a suivi en “live” les événements heure par heure, conduit en cet instant à commenter les images du premier engagement  entre l’armée fédérale (US Army) et la Garde Nationale ; et l’un des protagonistes, quittant un instant le feu des dernières nouvelles pour s’interroger, incrédule et soudain désespéré : Comment, comment a-t-on pu en arriver là ? Mais ces questions n’en sont pas ou plutôt n’en sont plus car je parle là d’une fatalité...

En cet instant, je crois et je crains que l’engrenage est désormais irrésistible ; et je le tiens pour cette fatalité que nous avons tout fait pour susciter, ou ressusciter, et qui, désormais, nous dépasse car elle va jouer son rôle inévitable sinon nécessaire... Car c’est bien là-bas que se trouve le cœur nucléaire proche de son point de fusion de la déflagration déjà en cours, qui marque l’irréversibilité que tant et tant jugeaient impensable.