Humeur de crise-35

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Humeur de crise-35

22 avril 2017 – La France vaut-elle une crise, c’est-à-dire pour ce Journal-dde.crisis une “humeur de crise” ? Le seul fait de poser une telle question montre justement dans quel état de dévastation, et donc état crisique bien entendu, se trouve la France : qu’il soit concevable qu’une réflexion s’impose pour déterminer si la France est en elle-même assez importante pour encore prétendre que sa crise évidente puisse prétendre elle-même être reflet, miroir et symbole à la fois de la crise du monde... Car, évidemment, s’interroger pour savoir si “la France vaut bien une crise”, c’est s’interroger pour savoir si la France est encore assez signifiante pour que la crise où elle se trouve évidemment, – réponse de forme à la question, – ait une dimension d’universalité dans la lutte du Système contre l’antiSystème.

Il se trouve que la réponse tend à être positive. On le voit, on le sent, à l’intérêt peu ordinaire qui est porté à la France pour ce premier tour, y compris et surtout dans la presse anglo-saxonne, et particulièrement la presse antiSystème anglophone, des USA et des sites anglophones “internationalistes”, de cette sorte d’“élite” antiSystème qui a fleuri ces quatre-cinq dernières années. (TheDuran.com, Russia Insider, ZeroHedge.com, jusqu’aux plus exotiques comme Infowars.com). Les élections françaises et les événements français y sont suivis avec un réel intérêt, et la sensation qu’ils comptent sans le moindre doute pour l’évolution de l’antiSystème. De ce point de vue, il semble que la France puisse envisager d’à nouveau “tenir son rang”.

Je ne dirais pas une seconde quels sont mes sentiments ni même mes préférences sur le résultat du scrutin, ni sur l’évolution après le scrutin selon son issue. Je n’en ai aucun de véritablement structuré, fidèle à mon habitude de ne rien prétendre prévoir de formel dans les événements qui ont désormais l’habitude d’agir d’eux-mêmes, et encore moins dans les conséquences des tendances et des dynamiques. Tout juste ai-je un espoir : c’est que la France, qui fut admirable dans l’Histoire pour sa capacité ontologique et souveraine à subir et à repousser toutes les tensions sans connaître de crise structurelle à cet égard, donc en évitant le désordre pour sa propre structure, que la France, enfin, entre dans le désordre régénérateur, celui-là qui ne peut être que régénérateur pour elle. J’aimerais qu’elle cesse de s’abriter derrière une direction prodigieusement inculte, grossière et imposteuse, qui elle-même se donnait à bon compte une espèce de vertu à l’ombre salvatrice de ses “institutions” ; que la pute subventionnée qui lui servait de direction ne puisse plus se maquiller en marquise pour nous faire croire que l’Elysée est devenu autre chose que le bordel de ses inconséquences et de ses incohérences.

Bien entendu, on l’a compris, ce désordre ne signifie pas nécessairement insurrection, élection folle, trouble des foules et des rues, – bien que cela puisse aider, je le reconnais. Le désordre-en-France, d’abord, c’est la continuation de l’espèce de vertige piqué de panique, d’incertitude et d’angoisse de ceux qui ont l’habitude de susciter panique, incertitude et angoisse chez leurs administrés. Cette psychologie radicale est apparue durant la campagne, et il faut que cela se poursuive : une France en désordre aujourd’hui, c’est une France qui découvre enfin l’antiSystème... Que le désordre soit.