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1232Ce fut un acte d’héroïsme... Ainsi, dans tous les cas, certains ont-ils interprété l’arrivée du président Macron devant ses collègues de l’OTAN et la façon qu’il eut d’aller vers eux comme s’il allait d’abord serrer la main impérative du Capo di tutti Capi pour, au dernier moment, obliquer vers la joue rosissante de plaisir de la chancelière de fer et y gracieusement déposer un baiser, très French-kiss. Ainsi a-t-on interprété le body language, qui pourrait presque être un tough body language, voire un acte de diplomatie héroïque pur et simple ; ainsi en est-il, enfin, sous la plume de Nicolas Gros-Verheyde, de B2, le 26 mai 2017, accompagnée de quelques photos et vidéos montrant l’acte lui-même, de fond en comble. (Nous donnons le texte intégralement, – ce n’est pas trop long, – car on n’interrompt pas brutalement une description aussi épique d’un affrontement qui n’a guère de précédent dans nos temps de la postmodernité.)
« La vidéo de l’arrivée d’Emmanuel Macron au siège de l’Alliance atlantique est formidable en termes de symbolique politique. Le président français ne marche pas avec les autres, il va à la rencontre des autres, comme s’il était l’hôte de la réunion. Guidé par un des responsables de la communication de l’OTAN, il semble filer tout droit pour saluer Donald Trump qui l’attend… (on entend même une petite marseillaise chantée a capella).
» Mais, au dernier moment, dans un mouvement qui ne semble pas totalement improvisé, il bifurque vers Angela Merkel. Ce qui laisse baba, béat, et un rien blême, le milliardaire américain, qui s’attendait à le coincer avec sa légendaire poignée de main. Un peu comme on peut le faire avec un invité à une fête qui se comporte mal, Emmanuel Macron l’ignore. Il vient donner ostensiblement l’accolade à Angela Merkel, tout sourires, dans un clin d’œil assez irrévérencieux et complice des deux dirigeants. Le message du couple franco-allemand au président américain parait clair : l’Amérique n’est pas seule au monde, les Européens sont là, leur Union est importante et ne doit pas être méprisée.
» Le président français aurait dû normalement rejoindre le cortège – sans barguigner. Ce détour agace un autre responsable du protocole qui cherche à ramener le Français dans le rang. Mais celui-ci s’attarde encore quelque peu, dans les avants postes. Il salue le secrétaire général de l’OTAN puis le Premier ministre belge Charles Michel, tournant alors ostensiblement le dos au président américain et retardant ainsi le moment de le saluer. Et ce n’est qu’ensuite (en 4e position donc) qu’il va jouer la poignée de main, type bras de fer, avec le président américain. Celui-ci fidèle à sa tradition tente de le tirer à lui. Mais le “french guy” résiste, lui met même la main sur le bras (du style “lâche-moi la grappe”). Il rentre ensuite dans le rang des chefs d’État, accompagné d’une petite frappe sur l’épaule du chef d’État américain comme pour dire : “bien joué gamin”. »
... Par contre, Trump semble avoir remporté une victoire épique lors d’une autre séance de photos-OTAN, qui paraît effectivement être le principal terrain de confrontation entre alliés de cette Organisation, puisque ceux-ci (les alliés) semblent ainsi réunis pour pouvoir mieux s’affronter photographiquement au cours de sommets réguliers. Cette fois donc, il s’agit d’une séquence où Trump réussit à écarter le premier ministre du Monténégro pour pouvoir figurer au centre des images en train d’être réalisées par la horde médiatique de service. La chose nous est conté par un de ces sites spécialisés dans les affaires stratégiques, HollywoodLife.com, le 25 mai 2017, avec un texte à mesure de l’événement.
« Make room for ME! I’m the leader of the free world. That’s exactly what Donald Trump seemed to be saying as he shoved the Prime Minister of Montenegro out of his way so he could strike a pose in the center of a group of NATO leaders.
» Another day, another bizarre move by Donald Trump, 70! The president was walking with a group of world leaders at the NATO summit in Brussels on May 25, when he did something SO ridiculous, all we can do is roll our eyes. The president just had to be in the front of the group so he put his hand on Prime Minister Dusko Markovic, 58 of Montenegro and literally shoved him out of his way so he could be the center of attention. I wish we could say we’re shocked but how can we be when this type of behavior is an almost daily occurence. »
• On peut en rire ou en sourire à défaut d’en pleurer mais on aurait tort car il semble bien que la diplomatie repose aujourd’hui sur cette sorte d’enjeux... Car il s’avère bien que l’humeur étaient, à l’OTAN, à l’UE, c’est-à-dire à Bruxelles, de pure confrontation dans le domaine des relations personnelles et transatlantiques. Il semble bien que la détestation de Trump soit, à Bruxelles, aussi forte que dans les rédactions du WaPo et du NYT réunies, et le mépris de Trump pour les Européens, à peu près à mesure inverse de la chaleur qu’il déploya pour séduire les princes saoudiens et le caverneux Netanyahou. On admettra que tout cela fait un peu désordre et l’on surprendrait plus d’un observateur disons d’une autre planète ou d’il y a à peine trente ans d’ici en remarquant que tous ces gens-là se posent par ailleurs comme des alliés indéfectibles, engagés dans les mêmes combats vitaux, de la même (contre-)civilisation du fric-corruption et de l’ultra-libéralisme, et qu’ils sont mêmes rassemblés en coalitions diverses, qui en Afghanistan, qui en Irak et en Syrie, et ainsi de suite.
Quoi qu’on fasse et quoi qu’on dise, la guerre civile en cours à Washington D.C., dont nul ne comprend la signification et dont personne ne voit la fin, se répercute, dans des positions et proportions diverses, dans toutes les capitales du bloc-BAO, – pour tel parti, pour tel parti, ou pour tel autre, etc. (Car il semble bien, somme toute, qu’il y ait largement plus de deux partis à Washington au point qu’on en perd son arithmétique aussi bien que son latin.)
• On doit donc se tourner, si l’on veut retrouver un peu du strict sérieux qui convient, vers le site WSWS.org qui n’a jamais pris Marx pour l’un des Marx Brothers. Ainsi WSWS.org nous explique-t-il que l’“offensive” de Trump auprès de l’Arabie Saoudite, des pays du Golfe et d’Israël, et contre l’Iran, représente une manœuvre géostratégique de première grandeur, dirigée... contre la Chine ; c’est-à-dire qu’en l’occurrence, le site trotskiste ne fait que relayer une thèse désormais en vogue à Washington à propos des divers excès politiques de Trump, s’apparentant au fameux “puisqu’on ne peut l’étouffer, faisons mine de l’embrasser” (“puisqu’on ne peut la comprendre, faisons mine de l’expliquer”). Il s’agit donc de donner une explication cohérente des cahots et fureurs trumpistes, et qui soit évidemment à la hauteur de la puissance et du prestige des États-Unis d’Amérique, et de ces USA préoccupés de maintenir une hégémonie absolue sur le monde.
Pour cela, pour ce simulacre de stratégie (concept utile, sans nul doute), il y a des plumes utiles comme celle de Anthony Cordesman, vieux routier de l’expertise-Système qui chanta en son temps les vertus de l’attaque contre l’Irak de 2003, puis les vertus du surge en Irak du général Petraeus de 2006, et qui nous chante aujourd’hui (en fait, le 23 mai 2017) les vertus de la Grande Stratégie anti-chinoise de The-Donald s’affirmant au départ par le raccourci d'une hostilité sans retour pour l’Iran. C’est un intéressant développement qui entend affirmer que Washington D.C. entend continuer à prendre en charge la stabilité (!) du Moyen-Orient via Ryad, – on croyait que cela était le cas depuis 1945 et la rencontre Roosevelt Saoud, – pour empêcher la Chine d’assurer à son compte cette prise en charge. L’ensemble du raisonnement semble assez peu intéressé par le fait même, disons la vérité-de-situation, à savoir que c’est la Russie qui, sans aucun doute ni aucune discussion, a pris en charge la recherche de la maîtrise de la stabilité de cette région tandis que les restes d’influence US sèment le désordre et trahissent régulièrement les engagements renouvelés partout où cela se peut... Si l’on comprend bien, l’on attaque l’Iran pour assurer la stabilité du Golfe en y semant le désordre, et conquérir d’un même souffle l’Asie, tout cela en ignorant superbement que la Russie existe.
« Au-delà de la volonté de se confronter militairement à l’Iran, un des principaux rivaux de l’impérialisme américain au Moyen-Orient, et des énormes profits que les achats saoudiens rapportent au complexe militaro-industriel américain, il existe des considérations stratégiques plus larges aux États-Unis pour une alliance plus étroite avec Riyad.
Certaines de ces questions ont été abordées à la veille du voyage de Trump dans un article publié par le Centre for Strategic and International Studies (Centre d’études stratégiques et internationales, un think tank particulièrement influent à Washington) et écrit par Anthony Cordesman, un ancien conseiller du Pentagone. La première d’entre elles est, selon Cordesman, “le maintien de la dépendance des États-Unis à l’aide saoudienne pour assurer l’approvisionnement stable en pétrole du Golfe”.
Alors que les importations américaines du Golfe ont fortement chuté au cours du dernier quart de siècle, Cordesman cite la “dépendance indirecte” en ce qui concerne l’effet des perturbations des exportations de pétrole sur les prix mondiaux de l’énergie et l’économie capitaliste mondiale. En particulier, il souligne la dépendance des économies asiatiques à l’égard des exportations de pétrole du Golfe.
» Si les États-Unis étaient incapables de “fournir des capacités de projection en armes et en forces” dans la région, écrit-il, leur principal rival mondial, la Chine, pourrait combler ce vide. “La Chine pourrait ne pas encore être prête pour tenter d’assumer le rôle, mais toute la crise de la mer de Chine méridionale paraîtrait insignifiante si la Chine devenait le garant de facto de la stabilité du Golfe.”
» Cordesman poursuit : “La nature du monde réel de l’influence et du pouvoir des États-Unis dans le Pacifique serait considérablement réduite, l’influence de la Chine sur d’autres grandes économies asiatiques comme le Japon et la Corée du Sud s’accroîtrait fortement et la montée potentielle de tension entre la Chine et l’Inde, et la diminution relative de la position de l’Inde, aurait un impact massif sur l’équilibre des pouvoirs en Asie du Sud et dans l’Océan Indien.”
» En d’autres termes, le tournant vers des relations plus étroites avec l’Arabie Saoudite et les autres monarchies pétrolières du Golfe est lié au conflit croissant de l’impérialisme américain avec la Chine, qu’il a identifié comme le principal défi à la conquête de l’hégémonie mondiale américaine. Washington est résolu à dominer l’Asie, y compris la Chine, en maintenant la puissance militaire capable d’étrangler les importations d’énergie de la région.
» Le fait que la Maison sclérosée des Saoud, l’une des dernières monarchies absolues du monde, soit devenue un élément essentiel de la stratégie impérialiste de Washington, non seulement au Moyen-Orient mais à l’échelle mondiale, donne une mesure de la crise du capitalisme américain et du monde. »
• Quoi qu’il en soit, tout cela a déplu et déplaît souverainement à l’Allemagne, ce qui explique en assez bonne partie l’effroyable climat du sommet de l’OTAN et les joutes terribles pour figurer ou non, ou bien figurer plutôt que mal, pour l’objectif des appareils et caméras destinés à la production d’images qui nous instruiront des pensées secrètes des zombies-Système. Le même WSWSD.org a donc confié le reportage sur le sommet de l’OTAN à son correspondant en Allemagne, qui s’occupe plutôt à nous décrire la virulence anti-Trump qui règne actuellement dans le monde politique allemand, – et, comment faire autrement dans un pays si vertueusement pro-américaniste, – cette virulence se traduisant nécessairement par de l’antiaméricanisme.
Les propos rapportés, les déclarations faites, en pleine bataille électorale, conduisent à aligner la cause européenne, et même européiste, sur cet antiaméricaniste d’autant plus virulent qu’il est par inadvertance, enfermant la perception de Trump dans celle d’un adversaire absolument déclaré de l’Union Européenne. Il est possible que Macron s’épanche, lundi, dans les bras de Poutine et que l’on esquisse face à l’ignominie trumpiste un revenez-y avec nos “amis russes”, dont toute l’histoire montre naturellement la proximité de la cause européenne... On pourrait donc proposer Marine Le Pen ou François Fillon, deux amis de Poutine, aux affaires étrangères, et laFrance En Marche ! serait-elle ainsi rassemblée.
Dans tous les cas, voici quelques lignes du WSWS.org du 26 mai 2017 sur le sommet de l’OTAN, et sur l’exigence menaçante de Trump que les “alliés” de l’OTAN fabriquent moins de voitures (qu’ils exportent aux USA) pour acheter plus d’armements (qu’ils peuvent importer des USA) :
« There can be no doubt that Trump’s statements were directed above all at Berlin. According to the German news magazine Der Spiegel, during a meeting with European Commission President Jean-Claude Juncker and Council President Donald Tusk, Trump declared, “The Germans are bad, very bad.” He reportedly added, “Look at the millions of cars they sell in the US. Terrible. We’re going to stop that.” Shortly after Merkel’s visit to Washington in March, Trump wrote on Twitter, “Germany owes vast sums of money to NATO & the United States must be paid more for the powerful, and very expensive, defense it provides to Germany!”
» Since then, the economic and geostrategic conflicts between Washington and Berlin have intensified. Trump’s speech in the Saudi Arabian capital of Riyadh last weekend, in which he described Iran as “the most important state sponsor of terrorism,” was met with sharp criticism in Europe. Berlin is not seeking war with Iran, but rather an opening up of the country in order to secure new energy supplies and markets for German exports.
» Berlin is also opposed to the US confrontation with China, which had already accelerated under the Obama administration, but has been aggressively intensified under Trump. China is a major source of profits for the German auto industry, and Berlin is also interested in Beijing’s new “silk road” project, which aims to integrate the Gulf region and Russia to develop trade ties with Europe. »
• On ne sortira pas de cette écrasante et exaltante vérité : récupéré ou pas par le Deep State, Trump est le plus formidable producteur de bordel que l’industrie américaniste ait connu depuis les Pères Fondateurs. Le Deep State a favorisé exponentiellement l’effet général du Deep Mess.... Le plus exaltant est effectivement que Trump affirme une politique, inversion du véritable America First, qui constitue la politiqueSystème courante des USA, surtout depuis 9/11, que les alliés acceptaient jusqu’ici au garde-à-vous, le petit doigt sur la couture du pantalon ; il suffisait qu’on y mette des formes et que le coup de pied de cul soit asséné par une charentaise particulièrement douce et souple au contact.
Ce n’est pas la méthode de The-Donald, qui capitule en général d’une façon sélective devant les pressions du Deep State puisque seul lui importe le prime time de la téléréalité ; mais justement il entend capituler, quand il capitule, selon ses propres formes, son humeur, ses pressions et ses coups de gueule, justement pour être en vedette sur les photos et en rejetant ses abandons et ses retraites sur le compte des autres, et notamment des Européens de cette UE qu’il hait littéralement, quasiment à l’égal de l’Iran. (Dire qu’on parvient à faire de cette bouillie pour les chats une belle théorie stratégique et cohérente...)
Du coup, l’incontournable et inconcevable dépendance européenne des USA prend l’allure d’une servitude imposée par un maître grossier et furieux, et les zombies-européens se trouvent dans l’obligation de ruer dans les brancards, – ne serait-ce que pour rassurer leurs troupeaux d’électeurs, – et à cette obligation inimaginable d’en arriver à des positions antiaméricanistes. Ainsi tout le monde est-il mécontent et les humeurs finissent par mettre au grand jours les problèmes latents entre “alliés” du bloc-BAO qu’on rangeait jusqu’alors avec élégance (spécialité de BHO) comme on fait des cendres sous le tapis.
Mis en ligne le 26 mai 2017 à 13H35
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