Il y a 6 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.
2155C’est bien peu de dire que nous viennent, de tous les coins de cette planète globalisée, des bruits sourds autant que des cris de souffrance, un brouhaha incessant d’instabilité et d’incertitude, des tensions furieuses et l’écho terrible, comme venu du Mordor, de sombres secousses telluriques... Donc, comme le chantaient Crosby, Still & Nash dans la jeunesse de John Mauldin, «Il y a quelque chose d’important qui est en train de se passer ici ; mais il est difficile de dire exactement quoi»... Dans ce cas, c’est des États-Unis que nous viennent ces “bruits sourds, ... ces sombres secousses telluriques”, cela sous la forme d’une lettre de John Mauldin à ses abonnés, citant un article de son ami Newt Gingrich (Speaker de la Chambre dans les années 1990). Comme l’on voit, nul n’est épargné par la tension extraordinaire qui électrise le monde, même pas “la nation exceptionnelle” dont nous savons bien qu’elle n’est pas tant une nation qu’elle veut bien le dire.
Mauldin, célèbre conseiller indépendant et analyste financier (voir son site MauldinEconomics.com), nettement à droite et proche des républicains, se fait l’écho du malaise extraordinaire qui affecte aujourd’hui encore plus les élites-Système de Washington D.C. que la population elle-même. Aucune revendication précise n’est mise en avance, sinon la revendication ultime de la révolution totale, copernicienne, d’une sorte de “tout doit changer” en éradiquant décisivement et jusqu’à la Fin des Temps le cancer de la corruption du monde politicien et du sens même de la politique. Newt Gingrich, dans son article cité par Mauldin, rappelle les conditions de ce qui conduisit à la Révolution de 1776, en examinant le concept de “corruption” tel qu’il était perçu à l’époque. (On dira que Gingrich, en son temps, dans les années 1990, et même plus tard, dans l’une ou l’autre tentative de retour en politique, se montra un orfèvre en la matière de la chose.) Il termine en conseillant aux acteurs du monde politique washingtonien, particulièrement aux républicains dont il est, de tenir compte du message révolutionnaire des électeurs américains du système de l’américanistes, – «...S’ils l’ignorent, c’est à leurs risques et périls...»
On comprend bien ce que Gingrich veut dire, et l’on émet aussitôt deux réserves qui vont de soi : 1) Quoiqu’on pense de la Révolution Américaine (nous disons “Révolution américaniste”, et nous en pensons beaucoup), on doit reconnaître qu’une génération politique qui rassembla un Jefferson, un Washington, un Madison, un Hamilton, un Adams, etc., c’est quelque chose de bien différent et cela vous a une autre allure qu’une génération qui nous accouche d’un Obama, d’une Clinton, d’un Bush (Jeb & Cie), – mais aussi, mystère mystère, d’un Trump et d’un Saunders ... Ce qu’on pouvait envisager avec la génération Jefferson-Washington, peut-on une seconde l’envisager avec le magma actuel ?
... Et 2) La “Révolution” de 1776 avait un sens libérateur, elle avait une ambition opérationnelle, un but politique qui pouvait prétendre contenir tout ce que réclamaient les citoyens enchaînés des colonies anglaises de l’Amérique, sans qu’apparaisse la trame subtile de la tromperie qui allait finalement couronner le tout. Mais aujourd’hui ? Mettre à mort la corruption, c’est exiger un hara-kiri général de tout le personnel-Système de Washington D.C., ce qui ne serait d’ailleurs qu’une satisfaction momentanée ; au-delà, qu’est-ce qui pourrait satisfaire fondamentalement la sourde colère de l’électeur autant américaniste qu’états-unien, telle que la perçoivent les dirigeants-Système de Washington D.C. ? Cette question sans réponse, elle pourrait se poser pour un Brésilien, pour un Français, pour un Ukrainien, pour un Chinois, etc., même pour un Russe ou pour un Persan comme du temps de Montesquieu, tant le malaise est général, mondial, globalisé ; parce que nous faisons tous partie du Système qui est le Tout de notre civilisation, le cancer qui fait que notre civilisation est bien une “contre-civilisation” ; que nous ressentons tous, plus ou moins fortement, des pulsions et des fureurs antiSystème dans cette prison où le Système nous enferme, mais que nous ne savons pas nécessairement tous les reconnaître comme telles et les exprimer dans ce sens ; que nous réclamons tous, la voix plus ou moins ferme, l’idée plus ou moins claire, quelque chose de différent du sort infâme qui nous est réservé, sans oser, pour nombre d’entre nous, affirmer la nécessité d’une rupture fondamentale ; parce que nous ignorons tous ce que nous devons réclamer, parce que nous ne savons pas ce que nous devons vouloir de différent, simplement parce qu’il est impossible de rien savoir de ce qu’il importe de vouloir tant que le Système qui infecte toute notre perception et nos conceptions ne se sera pas effondré de lui-même ... (Au moins, note le comptable de service, l’on peut observer que ce malaise washingtonien, lui, va dans le sens de la destruction du Système. Ce n'est pas faux, à moins qu'il y ait complot certes.)
Pour l’heure, nous ne pouvons que constater l’universalité extraordinaire du phénomène qui affecte notre civilisation, avec quelle rapidité, avec quelle puissance ! Et nous-mêmes, avec cette situation exceptionnelle d’être en même temps les acteurs sinon les victimes ou les complices de ce phénomène en train de se faire, et en même temps les spectateurs de ce phénomène en train de se faire ; c’est-à-dire en étant nous-mêmes au cœur du cyclone, et en même temps en position de nous regarder nous-mêmes étant les acteurs-victimes/complices au cœur du cyclone. Il faut avoir conscience de toutes ces situations, de toutes ces circonstances exceptionnelles, – et toujours, toujours la rapidité des choses ... Qu’il nous suffise de rappeler, une fois de plus, qu’il y a un an l’élection présidentielle US de 2016 apparaissait comme un événement couru d’avance et plié selon les consignes-Système, avec les deux figurants qui vont bien, héritiers des deux dynasties Clinton et Bush, se partageant le gâteau selon les prébendes corrupteurs dont ils disposeraient, – et aujourd’hui, les voici à la dérive, et nous-mêmes, comme Washington D.C. et comme l'électeur moyen US, placés devant un gigantesque point d’interrogation...
C’est un de nos lecteurs qui nous a aimablement et fort opportunément signalé le message de John Mauldin, ce 26 août 2015 sur son son site MauldinEconomics.com, concernant le malaise américain et américaniste, comme partie intégrante de la Grande Crise d’effondrement du Système. Qu’il en soit ici remercié. Quant à nous, nous présentons ci-dessous une traduction-adaptation française de l’essentiel du message de Mauldin.
__________________________________
J’ai fait partie du processus politique, aussi bien comme acteur actif que comme observateur, pendant à peu près 40 ans. J’ai voté pour la première fois à l’élection présidentielle pour George McGovern (en 1972) mais dans les années 1980 j’ai effectué un virage conséquent vers la droite radicale. Durant la dernière décennie j’ai été beaucoup moins impliqué dans le processus politique mais je m'y suis toujours autant intéressé.
J’ai été frappé durant ces derniers mois par la popularité persistante de Donald Trump et de Bernie Sanders. Un récent sondage pour les primaires républicaines dans le Michigan donne 55% des voix à des candidats clairement non-politiciens et anti-establishment. Et il n’inclut même pas les personnes qui ont répondu en faveur de Rand Paul et d’autres politiciens avec des vues clairement hostiles à l’establishment. Du côté démocrate, Bernie Sanders, un socialiste qui ne se dissimule pas de l’être, est proche d’être en tête dans certains États. En tant qu’observateur du processus électoral durant si longtemps, je trouve ces choix à la fois préoccupants (pour diverses raisons) et comme un véritable défi à ma curiosité intuitive. Comme le chantaient Crosby, Still & Nash dans ma jeunesse, «There’s something happening there ; what it is is ain’t exactly clear» (“Il y a quelque chose d’important qui est en train de se passer ici ; mais il est difficile de dire exactement quoi”.)
J’ai eu une conversation avec mon ami Newt Gingrich la semaine dernière. Je sais que nombre de mes lecteurs ne sont pas des fans de Newt, mais je pense qu’une personne raisonnable serait d’accord avec le jugement qu’il s’agit d’un des observateurs les plus avisés de la scène politique. Son opinion est qu’une “bulle” d’opinion favorable à des changements (r)évolutionnaires s’est formée dans une portion très significative de l’électorat. Il relie cela à une récente enquête d’opinion Gallup.
Le fait que 75% des citoyens américains croient que la corruption est générale dans notre gouvernement pourrait être l’indicateur le plus important dans la course à l’élection présidentielle. L’apparition de si nombreux candidats venus d’en-dehors du monde politique est le signe que les Américains en ont assez des mots et veulent des changements décisifs.
Peut-être est-ce la suite de 2008 quand tant d’électeurs votèrent pour ce qu’ils crurent être “le changement dans lequel on peut croire”. Peut-être est-ce que nous sommes trop tôt dans le processus des présidentielles et que les gens sont frustrés et expriment leur frustration sans trop de risque, mais j’ai parlé à nombre de commentateurs politiques expérimentés et eux aussi sont d’avis qu’il y a cette fois quelque chose de décidément différent qui est en marche. Peut-être est-ce que je suis le mauvais courant de pensée mais je trouve l’actuelle orientation très surprenante. Il y a quelque chose de nouveau.
Dans “Outside the Box” aujourd’hui, il y a un court essai de Newt écrit pour le Washington Times. Le sujet est le concept traditionnel de corruption dans la politique. J’entends par cela ce que les Pères Fondateurs et les intellectuels britanniques contemporains entendaient pour la signification du mot “corruption”.
J’essaie de me tenir hors des thèmes politiques dans mes écrits, dans la mesure où je sais que mes lecteurs ne s’y intéressent guère ; mais je crois que, pour ce cas, cet essai doit nous concerner tous et nous aidera à donner un sens à ce que nous sentons être un temps politique inhabituel. Quand il y a plus d’Américains pour croire à la corruption en Amérique que de Brésiliens pour croire à la corruption au Brésil, où l’on voit tant de manifestations massives contre la corruption dans le gouvernement, c’est qu’il y a quelque chose qui ne marche pas du tout. Peut-être ne verrons-nous pas de manifestations massives ici ... sauf dans les sondages. C’est quelque chose que nous devons tous intégrer dans nos appréciations de ce que nous attendons du futur...»
L’article de Newt Gingrich auquel Mauldin fait allusion se trouve aussi bien sur le site Mauldin Economics que dans le Washington Times du 25 août 2015, sous le même titre que la texte de Mauldin, – The Corruption of American Freedom dans sa langue originale. Il commence par cette phrase «C’est mon troisième article de suite sur la corruption», développe une vision historique du rôle de la corruption dans le débat intellectuel dans les colonies américaines, cela qui prépara la Révolution Américaine et y conduisit. L’article se termine par ce paragraphe :
«Notre forme de gouvernement aujourd’hui permet la révolution par le biais du vote, plus que dans les rues et sur les champs de bataille. Quoi qu’il en soit, le message du peuple pour nos élites politiques est aujourd’hui à peu près le même que celui de 1776... S’ils l’ignorent, c’est à leurs risques et périls...»
Forum — Charger les commentaires