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1776Décidément, la base US, OTAN & Cie, en territoire turc, d’Incirlik est à la fois l’enjeu et la baromètre des événements de Turquie et de tout ce qui les entoure. Depuis hier et ce matin, la base est à nouveau coupée du reste de la Turquie, encerclée, et elle redevient à nouveau l’objet de menaces et d’anathèmes. Divers thèmes sont agités, autour de le singulière situation selon laquelle Incirlik serait une sorte d’“otage” que la direction turque, Erdogan en tête, reprendrait régulièrement sous sa surveillance agressive. Les deux thèmes principaux présentés pour de tels mouvements sont 1) Incirlink comme moyen de pression sur les USA pour obtenir l’extradition de Gülen, l’ennemi à la fois désigné et juré d’Erdogan ; et 2) Incirlink encerclée pour prévenir une deuxième tentative de putsch qui est un des grands sujets de conversation médiatiques et dans les presse alternative/antiSystème en général, depuis hier également.
On va reprendre ici ce qu’en dit ZeroHegde.com, en se cantonnant à la partie concernant Incirlink. En effet, ZeroHedge.com reprend toute l’affaire du putsch avorté, y ajoutant l’affaire des déclarations Vogel-Clapper à Aspen. L’ensemble ZeroHedge.com est également intéressant à lire parce que ce site, qui est une des grandes bases de lecture dans la presse alternative et antiSystème, avait pris une position absolument hostile à Erdogan, estimant que le putsch était un coup monté (falseflag pour les intimes) par Erdogan, pour lui permettre de passer du rang d’Émir à celui d'Émir-dictateur avec tous les pouvoirs. On peut observer qu’en fonction des dernières nouvelles où il devient extrêmement difficile de ne pas distinguer diverses traces et coups de patte de la communauté de sécurité nationale US et de ses diverse réseaux d’influence, ZeroHedge.com nuance implicitement sa position. (Texte du 31 juillet.)
« ...Which brings us to today, and the news that NATO's critical Incirlik Air Base was hours ago completely blocked off by Turkey, with all inputs and outputs to the Adana base having been closed according to Turkey's Hurriyet among rumors of yet another coup. As the Turkish Minister for European Affairs, Omar Celik, tweeted moments ago, this is just a routine “safety inspection”, although it has not stopped local papers from speculating that a a second Gulen-inspired coup attempt may be underway. Hurriyet has raised concern that the closing may be tied to an attempt by the Erdogan regime to prevent a second coup attempt.
» Some 7,000 armed police with heavy vehicles have surrounded and blocked the Incirlik air base in Adana used by NATO forces, already restricted in the aftermath of a failed coup. Unconfirmed reports say troops were sent to deal with a new coup attempt. Hurriyet reported earlier that Adana police had been tipped off about a new coup attempt, and forces were immediately alerted. The entrance to the base was closed off. Security forces armed with rifles and armored TOMA vehicles used by Turkish riot police could be seen at the site in photos taken by witnesses. Indeed, the massive presence of armed police supported by heavy vehicles calls into question the Turkish government's official line that the lock down at the Incirlik base is merely a “safety inspection.”?
» Local media has focused on the base after the failed coup in Turkey occurred the night of July 15. Although the main scenes of the events were Istanbul and Ankara, Incirlik was shut down for a time by local authorities shortly after the putsch, and several Turkish soldiers from the base were deemed by Turkish officials to be involved in the overthrow attempt. The lockdown at Incirlik follows a massive wave of protests on Thursday when pro-Erdogan nationalists took to the streets yelling “death to the US” and called for the immediate closure of the Incirlik base. Security personnel dispersed the protesters before they were able to make it to the base. And while there has been no official statement from US armed forces stationed at Incirlik at this time, the situation continues to develop in front of the air bBase as more heavy trucks have been dispatched to surround and block access to the critical military facility.
» It is unclear if Erdogan is naive enough to think that he can out-bluff and out-bully the US and keep Incirlik hostage until he gets Gulen repatriated by Obama on a silver platter, a hostage “tit for tat” we first described two weeks ago. If so, one wonders, if he is doing so alone, or with the moral support of others, perhaps such recently prominent enemies of Erdogan as Vladimir Putin. Recall that just over a month ago [29]Erdogan publicly apologized to Putin for downing the Russian Su-24 fighter jet in November, and called Putin “a friend.” Finally, at least as of this moment, it appears that theairspace around Incirlik is closed.
A quel jeu joue-t-on avec Incirlink ? Cette base occupe évidemment une position stratégique exceptionnelle ; toute proche de la Syrie, mais aussi du Liban et d’Israël, à bonne portée de l’Iran et de l’Afghanistan, et à portée acceptable de la Russie et des routes suivies par les avions russes, elle abrite aussi bien des forces de combat (US/OTAN) que des forces d’appui stratégique, logistique (ravitailleurs en vol) et de reconnaissance/renseignement. Les USA en ont fait leur plaque stratégique tournante de la région et l’une des principales bases de CENTCOM autant que la connexion directe entre l’OTAN et les régions du Moyen-Orient et du sous-continent indien. D’autre part, Incirlink est fameuse pour abriter un contingent d’armes nucléaires US (bombes B-61, entre 36 et une centaine selon les évaluations). Incirlink fait partie des plus grandes bases stratégiques US dans l’énorme réseau de bases du Pentagone, dans la catégorie des bases de Ramstein, Okinawa, Guam, etc.
Il semble bien qu’Erdogan, d’ailleurs avec les conseils appuyés des Russes supposerions-nous sans audace excessive, ait bien mesuré de quel poids stratégique énorme Incirlink pèse dans la besace de l’occupation stratégique et des réseaux US, et quel rôle peu ordinaire ce point stratégique peut jouer dans un jeu d’affrontement et d’antagonisme de communication avec les USA et avec l’OTAN. Il est assez probable que les cris d’alarme et autres avertissements venus de Aspen, Colorado, ces trois derniers jours, aient encore fortement accru cette perception d’Erdogan. Plusieurs chefs US n’ont pas caché qu’ils étaient très inquiets de la situation en Turquie, de la situation de leur influence en Turquie, et par conséquent du sort d’Incirlink, montrant par là une position de faiblesse qui doit enchanter Erdogan. La polémique touche bien entendu, mais tout de même avec une rapidité qui en dit long, la rivalité interarmes : l’US Navy lance ses relais selon la logique que la situation d’Incirlik montre l’avantage des porte-avions navigant en eaux internationales sur les bases terrestres qui ne sont jamais à l’abri d’un pouvoir local soudain devenu incontrôlable (voir les déclarations du vice-amiral d’escadre retiré de l’US Navy, Peter Daly, le 28 juillet, à Sputnik.News).
Il semble bien qu’on voit se dessiner une situation nouvelle du point de vue des affrontements postmodernes de communication, par rapport à un point stratégique de cette importance devenant un enjeu de pression et de contrainte dans une situation de grande tension. (Par exemple, si l’on admet qu’il existe la possibilité d’un second coup de force, ou si Erdogan croit qu’il peut y en avoir la possibilité, les manœuvres autour d’Incirlik [successivement ou simultanément fermeture des fournitures d’électricité et d’autres fournitures de base, enquête à l’intérieur de la base et arrestation d’officiers turcs stationnés sur la partie turque de la base, encerclement et interdiction d’accès, etc.] deviennent une tactique, voire un moyen de chantage du type “s’il y a réellement amorce d’un nouveau coup de force, j’interviens sur la base”, ou entre les tractations avec le sort de Gülen.) Ainsi l’atout stratégique considérable que constitue pour les USA une base de cette importance devient brutalement un handicap qui compromet gravement les capacités de leur diplomatie, aussi bien ouverte que secrète, en même temps qu’un révélateur embarrassant des activités US, ouvertes ou secrètes.
Encore n’a-t-on pas parlé de l’aspect otanien, qui joue un rôle très important. Depuis le 15 juillet, dans tous les cas en matière de communication, l’OTAN est paralysée dans cette situation où deux de ses principaux membres sont en situation d’affrontement si direct. Ses relations publiques sont dans le plus grand embarras et ne donnent plus guère d’indications, dans une occurrence qui peut s’avérer comme catastrophique à un moment où la cohésion de l’Alliance est extrêmement fragile à cause des pressions antirusses forcenées de certains membres, et du freinage de plus en plus net contre cette tendance de la part d’autres membres. Justement, la crise d’Incirlik (Turquie-USA) se fait sur le fond d’un rapprochement de la Turquie et de la Russie, à un moment où la politique générale US est dans une phase de complète incertitude, sinon de paralysie et d’impuissance, avec la fin du mandat Obama et les présidentielles en cours, dont le résultat sera extrêmement important pour l’orientation de la politique extérieure des USA. Dans ces conditions, on peut envisager les remarques de ceux qui n’excluent pas qu’une aggravation continue de la crise conduise à un retrait de la Turquie de l’OTAN, et par conséquent à la plus grave crise de l’OTAN de toute son histoire, – bien plus grave que la crise française de 1964-1966 (retrait de la France du commandement intégré), parce qu’à le reprise complète de sa souveraineté par la Turquie (cas similaire à la France), s’ajouterait un renversement d’alliance (avec la Russie), absent du cas français.
Le cas-Incirlik nous ouvre de nouvelles et amusantes perspectives : comment un formidable avantage stratégique peut devenir un embarras et même un lien stratégique dont le dénouement peut conduire à une catastrophe menaçant tout un édifice. Mais l’on comprend la cause centrale de cette situation, qui se trouve dans l’effondrement de la puissance US, et la cause technique de cette situation, qui est l’importance considérable prise par la communication. On ne se trouve pas loin d’un cas de rupture entre les USA et la Turquie, et d’une menace de dislocation de l’OTAN, tout cela d’une façon éventuellement très rapide, selon un processus dont l’aggravation a été d’abord le fait de processus de communication, que les acteurs les aient voulus ou pas.
Mis en ligne le 31 juillet 2016 à 17H16
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