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305412 décembre 2015 – Il y a deux ans déjà, nous étions entrés dans la crise ukrainienne après la rupture entre Ianoukovitch et l’UE (18 novembre 2013). Moi, je n’avais rien vu venir très précisément, suivant d’une façon très épisodique les “révolutions de couleur“, les parcours des oligarques, la corruption, etc. La crise me prit par surprise comme une tragédie et c’en fut une effectivement ; entre l’épisode de novembre 2013 et le coup d’État de février 2014 (deux ans bientôt ou déjà ) l’Ukraine s’embrasa tragiquement. Après la symphonie brutale et orchestrée comme on est usurpé du Maidan, il y eut la “nuit des dupes” du 21 février qui aboutit à la fuite de Ianoukovitch, puis très vite la sécession de la Crimée et la guerre cruelle du Donbass, avec les tourments intérieurs au son de la croix gammée et du fric US distribué aux oligarques, et le frisson de la possibilité de l’apocalypse nucléaire qui courait dans ces sombres évènements. L’art de l’irréel et la haine de la vérité de cette contre-civilisation achevèrent de tuer la réalité et je concoctai fiévreusement le concept de déterminisme-narrativiste. Puis la crise s’est subrepticement mais irrémédiablement encalminée dans Minsk1, puis Minsk 2, etc., grâce à la patience habile de Poutine, le sens de la manœuvre couarde de Merkel-Hollande, l’incompétence stupide de Porochenko et la lourde stupidité du pseudo-éléphant (le noble animal mérite mieux) des USA dans le magasin de porcelaine. Tout ce qui se fait depuis verrouille le désastre : le sabotage de l’alimentation d’électricité de la Crimée par l’Ukraine conduit les Russes à intervenir d’urgence et à accélérer l’intégration de la Crimée dans la Russie ; l’intervention du FMI pour annuler la dette russe de l’Ukraine fait un peu plus tomber les masques (le FMI instrument des USA, cela allait mieux quand cela se voyait moins) et ne sauve l’Ukraine de rien.
La vérité-de-situation de l’Ukraine, aujourd’hui, c’est cette scène grotesque qui a eu lieu hier ou avant-hier, je ne sais, à la Rada. Le Premier ministre Iatseniouk, si séduisant avec sa tête rasée d’avorton sorti d’une fausse couche bureaucratique, parle à la tribune ; un député du parti du président Porochenko, Olej Barna, arrive d'un pas énergique vers la tribune, un bouquet de roses à la main ; désarçonné et n’y comprenant rien, Iatseniouk le laisse monter derrière lui, peut-être aime-t-il les roses et qu’on lui conte fleurette, peut-être est-ce la tendresse pense-t-il en acceptant le bouquet et ainsi les bras embarrassés ; Barna le saisit alors par les épaules pour l’éjecter de la tribune ; Iatseniouk résiste sans trop y croire ; l’autre le saisit par l’entrejambes, littéralement par les couilles puisque Iatseniouk doit être doté de ce noble instrument, pour achever le travail ; la Rada bascule avec l’orateur dans le désordre complet tandis qu’on voit Iatseniouk se remettant, contemplant la scène, posant le bouquet, puis le reprenant après tout et s’éclipsant avec la discrétion des grands hommes tandis que le baston cogne dur autour de lui entre disons une trentaine d’élus de la nation... La vérité-de-situation de l’Ukraine, aujourd’hui, c’est le trou noir du désordre (ici avec sa touche de grotesquerie très ukrainienne) qui grandit sans cesse comme s’il ne devait jamais cesser.
Ainsi vont les crises aujourd’hui : elles naissent dans un bruit terrible de tragédie puis s’étiolent peu à peu ; elles se déstructurent, se dissolvent dans cette drôle d'espèce de tragédie devenue bouffonnerie sans perdre leur caractère d’origine puisqu’il est dit qu’elles doivent durer jusqu’à l’entropisation par la néantisation du Grand Tout. La tragédie de la crise ukrainienne est devenue une tragédie-bouffe, ayant pris sa place dans le processus de déstructuration-dissolution du monde, jusqu’à la néantisation de l’entropisation. La crise couve toujours, elle peut exploser à nouveau comme font les volcans épisodiquement, car rien ne cesse jamais dans ce processus de destruction du monde enfermé dans sa contradiction de l’infinitude qui finira par engloutir le diabolus ex machina lui-même. C’est bien son propre monde que le Système réduit à la néantisation de l’entropisation, comme si c’était lui-même.
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