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1971La genèse de la conception quasi-biologique (un peu comme l’on conçoit un petit être humain) de la narrative qui nous occupe va donc comme suit : la convention du parti démocrate US de juillet 2016 fut d’abord, lors de son ouverture, un incendie épouvantable allumé par les pyromanes de WikiLeaks. Les gardiens vigilants du Temple de la communication décidèrent que l’ampleur du sinistre semblait menacer jusqu'à la candidature Clinton elle-même, celle-ci devenue en quelques mois la bouée de sauvetage du Titanic qui venait de heurter brutalement un iceberg nommé Trump. On ne se demande pas si une bouée de sauvetage pour le Titanic cela suffira, on riposte par l’arme d’une narrative qu’on croit appropriée, qui constitue nécessairement une tactique improvisée sans souci des conséquence : l'on proclame ainsi que les pyromanes sont inspirés par un pyromane-en-chef nommé Assange, lui-même manipulé par son sur-chef, ou Commandant-en-Chef, qui utilise tous les moyens subversifs possible, dont la pyromanie. Il s’agit de Poutine, qui se dissimule sous le titre suspect de président de la Fédération de Russie. La tactique triomphe dans les jours qui suivent, la narrative est bouclée avec la convention démocrate, et Clinton sauvée dans sa pureté presque virginale. En prime, on a la Russie entrée dans le jeu.
On oublie qu’une tactique n’est qu’une tactique, adaptée à une situation opérationnelle d’un théâtre restreint à lui-même et qu’elle ne peut en aucun cas inspirer une stratégie qui, elle, embrasse la vision globale du conflit. En général et même impérativement, c’est le contraire : la stratégie donne cette vision globale dont chacun s’inspire pour déterminer des tactiques adaptées aux situation opérationnelles. Ici, c’est donc l’inverse qui s’est passé, certainement parce qu’à Washington D.C. on avait “le désordre” en guise de stratégie, et donc plus aspirateur de tactiques qu’inspirateur. La tactique est donc devenue stratégie, et la Russie de Poutine facteur central et fondamental de la campagne présidentielle USA-2016. Ce n’était pas prévu au programme mais on ferait avec...
C’est elle, la “tactique devenue stratégie”, qui guide désormais toutes les opérations de la campagne USA-2016, quelles que soient les circonstances ; c’est elle qui a déterminé l’épisode épouvantablement bâclé de la “Russie-criminelle de guerre” à Alep alors que l’on commence à organiser l’écrasement de Mossoul avec ses centaines de milliers d’habitants par les obus et les bombes du bloc-BAO ; c’est elle qui a déterminé, en un paroxysme pauvrement mis en scène, l’intervention décisive du « peloteur professionnel et inquisiteur implacable des écarts pré-sexuels de Trump, Joe Biden », pour nous présenter sous forme d’une devinette tenant plus de la charade ou de l’énigme “l’étrange ‘menace’ dont Poutine est l’objet”. Bref pour ce dernier cas qui est celui qui nous occupe : il s’agit d’une contre-attaque dans le chef de la narrative américaniste qui présuppose qu’une attaque a eu lieu (voir la convention démocrte), sous forme d’attaque globale de cyberguerre contre la Russie que certains n’hésiteraient pas à comparer à une attaque nucléaire. Ces “certains”-là ne sont pas des naïfs ou des excités, ils suivent simplement la narrative qui leur est proposée parce qu’il s’agit de la parole officielle et qu’on a encore des restes d’habitude d’en tenir compte, ne serait-ce que par politesse.
Là-dessus interviennent les deux événements du jour : l’attaque contre Assange et l’attaque contre RT, auxquelles certains ajouteraient volontiers l’assassinat de “Motorola”, l’un des chefs militaires les plus fameux des séparatistes-autonomistes du Donbass. L’ensemble paraît coordonné et apparaît à certains comme le début de l’“attaque globale contre la Russie” (même si par des canaux intermédiaires pour l’un ou l’autre cas) qu’annonçait le vigoureux Joe Biden ; le début ou l’“attaque globale” elle-même ? La nuance est importante car, dans une situation si pressante, – tactique ou stratégique, nul ne peut dire, – où la campagne pour l’élection présidentielle US n’a plus que trois semaines devant elle, il s’agit d’aller vite et de frapper fort. Bref, la stratégie non-existante exige de la tactique conforme à la narrative d’être décisive, d’être très rapide, avec toute la puissance possible (toujours avoir à l’esprit le fucking conseil de “Ol’Guts’d’Blood’ [alias Patton] : « Un mauvais plan aujourd’hui vaut mieux qu’un plan parfait dans une semaine »). Mais lorsque la stratégie est née de la tactique et que les stratèges ont l’esprit encombré de désordre ? Ainsi l’“attaque globale” prend-elle (déjà), 24 heures plus tard, des allures étranges, pour ne pas dire qu’elle les avait dès les premières annonces des deux événements que nous considérons.
(Encore met-on de côté ceci qu’en fait de “cyberattaque globale”, on en est bien éloigné puisqu’il ne s’agit finalement que de mesures de pression plus ou moins improvisées, plus ou moins demi-mesures avec des reculades comme on va voir ; bref, improvisation et désordre partout, comme du business as usual. Mais puisque la narrative nous dit “attaque globale” et que ce que narrative veut... Allons-y donc.)
• Assange est un personnage héroïque, quelle que soit l’opinion qu’on ait de son action. Son destin, depuis qu’il se trouve à l’ambassade de l’Équateur à Londres, ressemble à un long martyre d’enfermement témoignant de l’héroïsme de son engagement, face à une machinerie implacable, aveugle, sans aucune pitié ni considération pour l’esprit de la loi ni pour l’esprit tout court. (On a reconnu le Système, certes.) La privation d’accès à internet dont Assange est l’objet depuis hier s’accompagne de très nombreuses rumeurs sur des pressions voulues décisives de Washington D.C. sur l’Équateur, y compris avec des précisions sur le possible transfert mystérieux de ballots importants de billets de banques suisses, et d’autres sur l’intervention également sonnante et trébuchante de Goldman Sachs qui est très ami d’Hillary Clinton comme l’on sait. Le casting est impressionnant...
Tout cela est fort bien rapporté dans le rapport circonstancié et très documenté qu’en donne ZeroHedge.com ce 17 octobre. Sans oublier de saluer le sort malheureux d’Assange qui ressemble à la fatalité d’un destin héroïque, on doit noter ce qui est l’essentiel si l’on en revient aux froides considérations tactiques, que l’on trouve souligné dans la citation ci-dessous : cet aspect de l’“attaque globale” n’a interrompu en rien les livraisons de WikiLeaks, dont l’activité ne dépend évidemment pas du seul Assange et qui a depuis longtemps en place des plans d’urgence qui ne dépendent en rien du reclus de l’ambassade de l’Équateur. Au contraire, WikiLeaks accélère ses livraisons, qui font un tort considérable à la candidate-Clinton....
« It seems that the Obama administration's efforts to save the presidential candidacy of Hillary Clinton is finally starting to yield tangible results as WikiLeaks just provided the following update that Julian Assange was cut off from using the Internet at the Ecuadorian embassy in London effective Saturday evening.
» Clearly the lack of internet for Assange hasn't slowed the release of Hillary's emails as Part 9 of the Podesta emails were released yesterday and Part 10 was just released a few hours ago.
» Of course, this comes just a few days after the Obama administration announced overt plans to escalate a cyber war with Russia over allegations they were behind the hacking of Hillary's private email server. Certainly, one has to wonder what this means for the future of Assange as clearly the Obama administration has applied sufficient pressure on the Ecuadorian government such that they have started to cave on their support of him. Perhaps we should be checking flight logs for mysterious planes landing in Quito with billions of Swiss Francs on board... »
• L’attaque contre RT fait-elle partie du plan d’“attaque globale” ? Tout se passe comme si la réponse devrait être, sans la moindre hésitation, et parce que l’incohérence de la tactique développée a déjà fait ses preuves : oui, évidemment, d’autant que la banque britannique qui a bloqué son compte, ou plutôt annoncé que le compte allait être bloqué (puisqu’il semble désormais ne pas l’être encore), fait partie du groupe The Royal Bank of Scotland (RBS) où le gouvernement britannique a plus de 70% de participation. Cette attaque, qui paraît une mesure assez étrange pour ce qui est de son efficacité par rapport à l’“attaque globale”, qui vise le réseau russe qui n’a pas montré un enthousiasme particulier pour la candidature Trump, a eu comme effet de faire passer RT d’une attitude générale de mise en accusation antirusse (narrative courante) en une victime d’une violation flagrante de la liberté de la presse. RT annonce qu’il reçoit un soutien massif au Royaume-Unis même (« The news that NatWest is closing RT UK’s bank accounts without any explanation has ignited a social media storm from outraged readers and members of the public who have questioned Britain's “freedom of the press” and declared their support for RT ») ; et là-dessus, ce même RT annonce qu’il reçoit un nouveau courrier beaucoup plus aimable de la banque contredisant le premier en annonçant que, finalement, la décision n’est pas encore prise ni évidemment définitive, bref qu’on étudie le problème, – ce qui s’appelle “rétro-pédaler” en vitesse pour freiner un tantinet...
« The Royal Bank of Scotland (RBS) appears to have backtracked from its earlier statement that the looming closure of RT accounts is not up for discussion. In a letter to RT, the bank said the situation is being reviewed and the bank is contacting the customer. The e-mailed response began with apologies for the delay in the reply. “These decisions are not taken lightly. We are reviewing the situation and are contacting the customer to discuss this further. The bank accounts remain open and are still operative,” Sarah Hinton-Smith, Head of Corporate & Institutional, Commercial & Private Media at RBS Communications, wrote.
» However, the response by Hinton-Smith contradicted an earlier statement by RBS Group, which said that the decision to suspend banking services to RT was final and not up for discussion. »
A nouveau la question : tout cela est-il, ou fait-il partie de l’“attaque globale” annoncée par Biden ? Question sans importance, comme ce que nous dit Biden d’ailleurs. “Tout se passe comme si”, – puisque nous sommes dans ce monde de la narrative qu’ils ont voulu et fabriqué, – tout se passe comme si c’était bien le cas ; et alors, l’“attaque globale” prend l’allure d’une incroyable cacophonie tactique qui se croit une stratégie, où l’on fait n’importe quoi n’importe comment, pour des effets dont l’aspect contre-productif se manifeste immédiatement... S’il s’agit de prouver la puissance de Washington D.C. parce que Washington D.C. est le faux-masque mité du Système, aucun doute là-dessus. S’il s’agit de montrer que le Système surpuissant frappe partout en aveugle et sans s’inquiéter du moindre sens stratégique de ses actes, c’est fait une fois de plus. S’il s’agit de nous conduire à conclure en nous interrogeant sur la cohérence de la suggestion et de celui qui suggère que la victoire d’Hillary est tellement assurée et verrouillée qu’on en est à prendre dans l’urgence des mesures désespérées et dans tous les sens pour la “sauver” (« ...the Obama administration's efforts to save the presidential candidacy of Hillary Clinton »), voilà qui est fait.
Pour le reste, aucune conclusion n’est possible sinon le constat de la poursuite d’une même situation caractérisée par une incessante accélération du désordre, de la formidable puissance du système de la communication avec ses effets extrêmes, allant dans les sens divers et antagonistes qu’on peut aisément identifier. Effectivement, c’est bien le mot du jour, le seul capable de définir le caractère insaisissable des événements qui vont en cascade diluvienne : qu’est-ce qui peut être réellement identifié ? la seule vérité-de-situation aisément identifiable, c’est le désordre. Le seul effet tout aussi identifiable, ce sont les proportions gigantesques et monstrueuses qu’est en train de prendre la crise américaniste au travers de ce tourbillon crisique qu’est devenue l’élection USA-2016. Au plus on approche de la date fatidique, au moins l’on distingue (au moins l’in “identifie”) ce que recèle cette date, et au moins l’on peut continuer à penser justement que cette date est fatidique, mais plutôt une étape, une borne de plus dans une dynamique qui est bien entendu hors de tout contrôle humain.
Mis en ligne le 18 octobre 2016 à 11h08
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