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21047 février 2016 – Des bruits de guerre tonnent et roulent à nouveau, pour la nième fois, comme les grondements terribles des bruits de tonnerre. Depuis combien de temps, cela ? Depuis, quoi, cinq-six jours au plus, où se sont additionnés à la fois l’échec avant de commencer des pourparlers sur la Syrie de Genève (spécialité des temps de narrative, “l’échec avant de commencer”, ce qui permet de ne pas commencer quelque chose qui se définit en général comme “du rien”) ; à la fois les succès opérationnels en Syrie de ceux que nous avons désigné comme les “4+1” (je garde cette formule facile à retenir même si l’Irak est moins présente dans cette association, mais bon, nous nous comprenons)... Soudain, pour certains nous sommes au bord du précipice, cette fois du côté d’Alep et environs, avec les roulements de tambour venus des Turcs d’Erdogan et, d’une façon moins agressive et tonitruante, des Saoudiens des mille-et-un-princes. On a donné dans un texte de ce site, hier, notre interprétation de ce brouhaha :
« La possibilité de l’extension considérable du conflit, notamment par le fait des acteurs déstructurants-dissolvants, c’est-à-dire les plus irresponsables, – Turquie et Arabie Saoudite essentiellement, – qui ne pourraient supporter de voir les manœuvres d’activation de ce conflit qu’ils déploient depuis plusieurs années réduites à néant. Ces “acteurs-déstructurants” sont bien entendu liés aux organisations terroristes diverses, qui constituent leurs pions et leurs outils dans certaines circonstances, qui sont elles-mêmes organisatrices et manipulatrices d’opérations fondamentalement déstructurantes et dissolvantes quand l’occasion s’en présente. (On les voit actuellement s'activer grandement pour intervenir contre les terroristes dans une opération qui aurait pour premier effet de tenter d'empêcher l'anéantissement des terroristes tel qu'il se profile : timing parfait, puisque c'est au moment où les terroristes sont en déroute du fait des Syriens et de leur alliés que Turcs et Saoudiens jugent nécessaires d'intervenir contre les terroristes.) »
...Brouhaha qui n’est pas sans inspirer quelques appréhensions complètement fondamentales, qui nous conduisent à l’hypothèse de la possibilité du déclenchement d’une Guerre Mondiale (la troisième, selon une comptabilité stricte et qui ne sacrifie pas aux métaphores), avec références à l’appui. Il y en a effet, des références dans ce sens, qu’elles viennent de ConsortiumNews, du Saker-US ou du Washington’s Blog (de dernier élargissant le cercle). Dans notre même texte référencé du 6 février, on évoque cette possibilité en même temps qu’une phrase toute pleine de scepticisme dans laquelle j’ai, je l’avoue sans honte ni illogisme puisqu’elle s’accorde avec un aspect de ce texte que vous lisez, une certaine responsabilité :
« Certains y voient également un champ de préparation pour une Guerre mondiale, mais il faut pour cela une résolution dans la perspective de la tragédie dont notre époque et nos contrées sont si singulièrement dépourvues. Nos véritables champs de bataille se nomment talk-shows, où l'esprit du terrorisme postmoderne peut s'exprimer dans la mesure de ses vertus héroïques. »
Par ailleurs, ou plutôt a contrario, il y a des échos divers qui tendent plutôt à réduire ces appréciations. (Je me garde d’écrire “dédramatiser ces appréciations”, tant la rapidité des choses et l’avalanche des interprétations contraires empêchent la constitution d’une situation “dramatique” dans notre perception : notre époque n’est pas celle des situations structurées, en rien et dans aucune direction.) Il y a notamment les appréciations des rodomontades saoudiennes comme étant effectivement des rodomontades des mille-et-une nuits. Quant à Erdogan, lui, c’est Erdogan-transformé comme nous le présentions en “Erdogan-Janus devenu Antechrist-2016” ; il y a dans son cas plus d’arguments pour prendre au sérieux ses rodomontades anti-Assad et devenues anti-Poutine, avec le risque que certains y voient ; pour autant, le scepticisme est toujours resté de rigueur ces derniers temps dans notre orientation, et on le lit encore, dans cet autre texte référencé ci-dessus, du 1er janvier 2016, – dans cet extrait où il est justement fait référence à la perspective d’une Guerre mondiale :
« Erdogan, que nous jugions vertueux il y a quelques années, et malgré tout avec de justes raisons de porter ce jugement, transformé en ce qu’il est devenu à mesure que la Grande Crise se transformait elle-même et lui imposait cette voie, voilà ce que nous réserve 2016 en une nouvelle tentative de cette Grande Crise de trouver la voie vers le paroxysme d’elle-même. Simplement, et là nous séparant de la religion, nous croirions aisément que cette transformation est de pure communication, faite pour exciter des perceptions et susciter des réactions, également de communication, toujours à la recherche de l’enchaînement fatal vers l’autodestruction. Cela signifie que la Troisième Guerre mondiale n’est pas nécessairement au rendez-vous et sans doute loin de là avec leur sens du tragique réduit à la tragédie-bouffe, mais cela n’enlève rien à l’importance de la chose ; l’on sait bien, aujourd’hui, que toute la puissance du monde est d’abord rassemblée dans le système de la communication, que c’est sur ce terrain que se livre la bataille, qu’il s’agisse de la frontière turco-syrienne ou d’Armageddon. »
Voilà donc réunis les éléments du dossier à propos duquel je voudrais développer quelque commentaire traduisant et cherchant à substantiver dans ce cas, comme c’est l’une des tendances dans ce Journal dde.crisis, des réactions et des perceptions qui me sont propres. L’idée d’une Troisième Guerre mondiale est régulièrement présente depuis les périodes précédentes et à nouveau depuis 9/11, dans la psyché des commentateurs (surtout antiSystème, très souvent), et dans le cours de réflexions où la logique des événements est poussée à l’extrême. Mais c’est surtout à l’occasion du “lancement” de la crise ukrainienne (j’en parle comme si on lançait un nouveau navire ou une nouvelle mode) que la référence est devenue brusquement (j’insiste sur cet adverbe) constante, résiliente, insistante, presque obsédante, et cette fois touchant tous les partis, autant du côté du Système que de l’antiSystème. (Il faut, à cette occasion, comme doit faire un auteur qui se voudrait particulièrement loyal, effectivement dire qu’à l’occasion des débuts de cette crise uktainienne, dedefensa.org a succombé à cette façon de penser. Dont acte, mais dont acte aussi que, depuis, nous en sommes revenus.)
Je dirais d’abord qu’en un sens, cette idée de la troisième Guerre mondiale, par ailleurs absolument effrayante puisqu’elle implique classiquement, dans sa logique, l’issue de l’holocauste nucléaire, est nécessaire comme une bouée de sauvetage lancée à “un homme à la mer” à toute une catégorie de dirigeants à la psychologie exacerbée, voire à la psychologie-Système collective qui est le principal moteur de la communication et qui peut aussi bien toucher, par effet mimétique, une partie importante de la psychologie-antiSystème. Sans elle, sans cette idée-perspective pourtant affolante, nous craignons bel et bien de nous noyer corps et bien. (Je dis bien “nous”, poursuivant la parenthèse ci-dessus, parce que tous, à un moment ou l’autre, nous pouvons être touchés épisodiquement par cette psychologie ; simplement certains sont très rapides à s’en dégager sans pour autant ne pas risquer d’y retomber, tandis que d’autres sont définitivement sous son empire.) D’une certaine façon, la dimension d’une Guerre-mondiale, son extrémité absolue, son caractère définitif, apparaît comme une sorte de rangement final, sur lequel nul ne pourrait revenir, et ce rangement ayant donc raison du désordre épouvantable dans lequel nous ne cessons de sombrer.
Dans cette sorte de situation psychologique, la perspective de la Guerre mondiale, la “Troisième dernière” c’est l’alternative, si vous voulez, au complotisme pour disposer enfin d’une réponse à la question absolument démente que nous pose notre destin actuel : ou bien tout ce qui se passe en matière de désordre (apparent ou non) est l’enfant d’un complot fantastique remontant aux origines comme une véritable Cause Première et nous menant par un formidable imbroglio d’apparent désordre conçu et maîtrisé, – par disons les initiés Nouvel Ordre Mondial comme-cela-tout-le-monde-est-content, – aux Fins dernières qui supposent rien de moins qu’un esclavage général de toute l’espèce humaine transformée en une espèce d’innombrables clones ; ou bien tout se règle dans la “Troisième dernière” très vite amenée à l’affrontement nucléaire stratégique... Or, depuis qu’on nous rebat les oreilles du fameux complot originel-et-final sans autre effet que de retarder continuellement la solution du problème alors que le désordre ne cesse de s’accentuer, l’alternative-complot ne cesse de perdre de son lustre dans des dédales de plus en plus kafkaïesque ; par conséquence antagoniste, la Guerre-mondiale devient de plus en plus le dernier refuge affreusement paradoxal de la raison : un tel désordre, une telle absence de maîtrise ne peuvent se comprendre que si l’issue est un événement cosmique de la taille d’une Guerre-mondiale nucléaire et stratégique, un événement cosmique qui, par sa puissance, vaincra le désordre. Bien sûr, le propos est absurde puisqu’en un sens d'une puissance inimaginable la guerre nucléaire est une sorte de désordre final dans l’entropisation réalisée, mais nous ne sommes pas dans le territoire de logique et, par conséquent, l’absurde n’est pas pour nous arrêter...
Mais je vous rassure ... Ne vous effrayez pas, je fais de la psychologie, pas de la stratégie. Je ne suis pas en train de vous annoncer la Guerre mondiale, stratégique et nucléaire. Non, certes non...
... En effet et justement, tout au contraire. C’est là que joue à plein ma perception, qui soutient l’essentiel de mon propos. Ce désordre terrible qui est à la base de toutes les agitations de cette terrible époque n’a pas d’effet stratégique, au contraire il déstructure, il dissout la stratégie... Par contre, il a un effet psychologique colossal. Ainsi, ma perception de la situation est que ceux qui font fonction de stratèges et qui sont, si l’on peut dire, en “première ligne”, c’est-à-dire principalement les chefs militaire avec des forces et des fonctions suffisantes pour toucher du doigt au sens propre la perspective du conflit nucléaires, sont ceux-là qui sont les plus inclinés à freiner tout ce qui peut conduire, directement ou indirectement, dans le sens de la perspectives d’un conflit nucléaire.
(Ici, une indication en aparté que le lecteur se sera peut-être déjà faite : on voit bien que je parle essentiellement du bloc-BAO où règne essentiellement cette psychologie-Système déchaînée, et l’on sait, notamment mais principalement et par de nombreux exemples, que les chefs militaires US, depuis au moins dix ans, ne cessent de freiner toutes les initiatives nées de la psychologie-folle des directions et élites-Système pour éviter le pire.)
Ces chefs militaires savent le plus souvent, parce qu’ils ont en main certaines vérités-de-situation opérationnelles, que cette perspective d’un conflit nucléaire est surtout, sinon essentiellement voire exclusivement, le produit de cette psychologie notamment des dirigeants politiques et des élites-systèmes, disons la psychologie-Système qui n’a aucun rapport avec aucune vérité-de-situation pour freiner leurs penchants, et qui envisagerait une Guerre-mondiale quasiment sans y songer ni rien mesurer, comme d’autres font éclater quelques pétards le soir de la Saint-Sylvestre. Or nous sommes dans un tel désordre que la hiérarchie des pouvoirs est devenue extrêmement flottante, avec la disparition de la légitimité de toutes les autorités habituellement constituées, et par conséquent les chefs militaires peuvent avec leur seul pouvoir opérationnel opposer une barrière souvent infranchissable, dans tous les cas qui l’a été jusqu’ici, à la concrétisation d’un emportement des psychologies-Système débouchant sur une guerre nucléaire, c’est-à-dire débouchant sur la Troisième Guerre mondiale.
Maintenant, il faut bien se comprendre : ce que j’ai exposé là n’est nullement et en aucun cas, à mon sens, une sorte de “situation stable” triomphant indirectement du désordre, une sorte d’“ordre caché”. (Une sorte de “complot-vertueux”, diraient certains.) Ce que j’ai essayé d’exposer, c’est ce que je perçois d’une situation en constante fluctuation, elle-même sensible au désordre sinon désordre elle-même. Ce que j’ai voulu montrer, et espérons-le démontrer, c’est que la question de la Troisième Guerre mondiale qui approcherait est une question psychologique et nullement stratégique, et par conséquent une situation qui a fort peu de chances, en n’étant pas stratégique, d’aboutir à une application opérationnelle. Cela ne règle rien, et notamment absolument rien de la question du désordre général qui continue plus que jamais à s’étendre et à se renforcer. Il s’agit simplement d’exposer l’hypothèse que l’appel constant à une Guerre-Mondiale a, contrairement à ce que sembleraient nous dire les tensions, les anathèmes, les haines, etc., fort peu de chance (de malchance ?) de déboucher sur cet affrontement armée ; il a au contraire les plus grandes chances de rester sur le terrain psychologique, d’autant plus que les psychologies-Système exacerbées qui ne songent qu’à cette guerre, sont faiblardes, couardes, sans fermeté, et c’est pour cette raison comme il est dit plus haut que leurs champs de bataille se situent plus dans les talk-shows que dans les silos des fusées nucléaires stratégiques.
On arrive à une situation paradoxale par rapport à ce qui a précédé. Durant la Guerre froide, la grande crainte était qu’une psychologie folle, complètement accidentelle, (un Général Le May, par exemple) se révélât au milieu d’une stratégie omniprésente et qui se battait constamment pour se protéger avec une construction rationnelle doctrinale puissante (doctrine MAD, dissuasion, etc.). (Cela n’innocente en rien la Guerre froide dans son rôle d’avancement du Système vers sa phase ultime, cela décrit simplement la situation de cette séquence.) Aujourd’hui, c’est la psychologie folle qui domine, omniprésente, et qui a investi le champ de la communication où elle exhorte à n’importe quelle aventure, y compris la guerre nucléaire s’il-le-faut, tandis que la stratégie, réduite à la portion congrue, s’est repliée sur un verrouillage extrêmement ferme de l’appareil le plus destructeur dont elle garde la maîtrise.
Cela pour arriver à la conclusion que ces constats ne réduisent en rien l’intensité de la crise, qu’ils orientent au contraire et plus que jamais dans le sens du désordre qui ne fait qu’aggraver l’état de la psychologie-Système. Je croirais bien volontiers qu’il y a là la signification que notre Grande Crise, qui a ses humeurs, son programme et ses projets, ne tient pas à déboucher sur une apocalypse aussi définitive ; elle tient à régler jusqu’au bout certains comptes bien précis... Et tout cela, finalement, pour expliquer ma réticence devant la perspective d’une Troisième Guerre-mondiale qu’en plus, j’en suis persuadé, nous sommes incapables de faire réellement même par des moyens de contrainte sur les chefs militaires, simplement parce que nous ne savons plus imaginer ce qu’est véritablement une guerre et que nous avons perdu tous les traits psychologiques qui lui sont liés, à commencer par l’héroïsme et le sacrifice qu’il faut pour affronter de façon lucide la perspective de la guerre en général. Manifestement, nous préférons l’entropisationpar déstructuration et dissolution : c’est beaucoup plus fun...
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