La folie-démence monte irrésistiblement...

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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La folie-démence monte irrésistiblement...

6 août 2016 –En cet instant, avec tant d’impressions et d’intuitions alimentées par plusieurs lectures de ces derniers jours et surtout de ces dernières heures qui décrivent les événements en cours et les psychologies en action, à la fois aux USA et selon ce qu’on peut dire des perspectives des événements selon les résultats de ces élections (singulièrement si Clinton l’emporte), je serais bien en peine de produire un texte cohérent d’analyse pour décrire mon jugement profond, celui que j'ai maintenant. Le texte d’hier sur l’“American chaos” tentait de le faire, mais il ne fait qu’approcher mon jugement général, qui est à cet égard en train d’évoluer dans le sens d’une hypothèse terrible : la folie, ou démence, est en train de gagner partout, de nous envahir, essentiellement à partir de cette bouilloire psychologique prête d’exploser que sont les USA, éventuellement dans une sorte d'implosion puisque tout est inversion aujourd'hui. (... Et les “événements” dont je parle en ont la consistance, essentiellement de la perception et de la psychologie, car tout ce qui est “de communication” dispose nécessairement d’une part, plus ou moins grande mais plutôt plus dans ce cas, du domaine du non-acte.)

Lorsqu’il est écrit dans le “chapeau” du texte référencé :  « Objectivement considérés et hors des considérations-Système, les deux candidats des présidentielles USA-2016 sont psychologiquement proches des cas pathologiques » (*), j’ai l’impression à cette heure, vingt-quatre heures plus tard, alors que la réflexion se développe et que les signes de l’affection se multiplient, de me trouver bien en-deça de la vérité-de-situation dans son entièreté, que c’est l’ensemble du système de l’américanisme et de sa population dirigeante (leurs élites-Système, si on veut) qui est “psychologiquement proche...”, et même complètement en train de basculer dans une pathologie de la psychologie qui peut être désignée d’une manière un peu frustre du mot de “folie”, ou peut-être plus élégamment du mot de “démence”. Il y a quelque chose de collectif, sans aucun doute, avec divers cas particuliers plus ou moins exotiques auxquels on s’attache un peu plus mais avec aussi cette part de mystère, dont l’on signale souvent la présence sur ce site, sans en connaître la cause et le machiniste qui la développe.

J’aurais pu faire de cette impression une “Humeur de crise”, mais comme j’ai pris pour règle de m’en tenir à des textes très courts dans cette série, et puis parce que l’objet de mon humeur est largement plus intéressante que cette humeur, et mérite un développement très spécifique, alors m’y voici... Car le spectacle, ce que je dirais être “le spectacle de la communication” qu’offre Washington D.C. et tout ce qui en dépend, est d’une telle singularité, hors de toutes les normes concevables, bien au-delà des manœuvres électorales, des coups fourrés, des campagnes orientées, des complots vrais ou faux, dénoncés ou acceptés, des narrative montées pour liquider l’un ou l’autre (et plutôt l’un que l’autre) et promouvoir l’une ou l’autre (plutôt l’une que l’autre), – bien au-delà de tout cela, voici le “spectacle de la communication” dans toute la surpuissance de son éclat et de son tintamarre.

Il y a une sorte de transe qui semble saisir toute une collectivité, et d’ailleurs cette transe que je verrais de moins en moins d’un point de vue politique. Certes, il y a toujours les grandes tendance, l’attaque générale du Système comme Trump, les éclats de Trump, etc., les sondages en cascades diluviennes qui sont aussi des “tendances” dans tous les sens du mot et jusqu’aux plus suspects de ces sens, mais l’expression de ces tendances, les arguments qui les soutiennent sont de plus en plus emportés par une totale absence de mesure, par une inconscience complète des effets ; certes, les objectifs des uns et des autres subsistent, et les moyens employés de même, sans aucun souci de bagatelles comme la vraisemblance, la réalité (inconnue au bataillon), la vérité (pfuit-pffuit), mais à un point où l’on ne réalise même plus combien ces pratiques devenues incontrôlables, folles et démentes elles-mêmes, et productrices de possibles sinon probables effets inattendus, contradictoires, déstabilisants, furieux et incontrôlables...

Voici quelques exemples de ce climat où tout devient chaotique, et il ne s’agit que d’exemples parmi la foultitude de situations similaires que nous offre “le spectacle de la communication”... Trump annonce que les élections vont être truquées par Hillary en faveur d’Hillary ; Obama observe qu’il est “ridicule” et que c’est une obsession de conspirationniste d’affirmer que les élections puissent être jamais truquées ; un ancien officiel d’Obama affirme que les élections vont être truquées par les Russes pour favoriser l’élection de Trump, – tout cela en l’espace de trois jours. En trois jours encore, Charles Krauthammer passe d’une analyse politique retenue à un diagnostic de psychiatre (qu’il est effectivement, en plus d’être commentateur), selon lequel Trump est “au-delà du narcissisme” (« ... This is beyond narcissism. I used to think Trump was an 11-year-old, an undeveloped schoolyard bully. I was off by about 10 years. »). Tandis qu’Hillary continue à clamer avec tranquillité ou dans un éclat de rire étrange que le directeur du FBI a conclu qu’elle avait dit “toute la vérité et rien que la vérité” dans l’affaire des emailgate en ajoutant (nouvelle version) qu'elle a “court-circuité la vérité” c'est-à-dire qu'elle a dit tout de même la vérité mais en plus rapide que la vérité elle-même, les réseaux continuent à disséquer la vidéo où Comey affirme exactement le contraire, et particulièrement CNN qui n’a de cesse dans ce cas de démontrer qu’elle est une “menteuse congénitale” et qui par ailleurs ne cesse de tout faire, au-delà de tout ce qu’on peut imaginer en fait de propagande et de la narrative, pour marteler qu’il faut absolument qu’Hillary soit élue parce qu’elle seule est qualifiée pour l’être.

Je n’entends rien prouver par tout cela, encore moins étayer la description d’une situation politique, encore moins expliciter ou même seulement suggérer une position de ma part. J’entends montrer combien ce que je nomme parfois “le bruit de fond”, qui est cet espèce de brouhaha qui est le fait de la communication et fait de multiples interventions, déclarations, prises de position, etc., qui est évidemment assourdissant à Washington et aux USA aujourd’hui, combien ce “bruit-de-fond”/brouhaha-devenu-assourdissant finit pas couvrir tout le reste et devenir “le bruit de tout”, et restituer une atmosphère totale sinon totalitaire, combien il finit par devenir l’essence même de la situation, comme vérité-de-situation, et qu’il restitue une impression générale de démence. Ainsi, cette impression que nous sommes au-delà des batailles de partis opposés, au-delà même d’une batailler Système-antiSystème, que nous entrons dans une zone tempétueuse de chaos pur dispensé par les psychologies au paroxysme de leurs affections diverses, et que cela fait glisser l’ensemble dans une sorte de zone de non-raison (comme il y a des “zones de non-droit”), une sorte de trou noir de la démence.

C’est là qu’on peut commence à mesurer, non seulement la surpuissance du Système qui n’est pas une chose nouvelle, mais l’égale sinon supérieure surpuissance de la communication (du “système de la communication”) rassemblée sur un sujet précis et essentiel, dans un espace délimité et caractérisé par une tension formidable. Il est impossible d’échapper à cette sensation que l’on voit se faire, devant nos yeux, une sorte de situation de démence qui ne ressemble à rien de ce qui a précédé. En vérité, je ne peux aller au-delà dans le domaine de l’explication d’un sentiment si fort mais si diffus que j’éprouve, et Dieu sait si tel exercice d’une tentative d’explication est extrêmement difficile et délicat. Là-dessus, la remarque que nous ne sommes que début août, dans une situation qui date de quelques jours (les deux candidats désignés), et que nous en avons jusqu’en novembre...

(Peut-être, penseront certains, suis-je dans l’erreur complète et mon analyse est le produit d’une démence, la mienne, bien plus que la démonstration d’une démence à Washington. Cela fait aussi partie du phénomène que je décris : rien n’est assuré, nul n’est sûr de quoi que ce soit, et ma démence serait en soi presque une démonstration implicite de celle de Washington puisque c’est en observant Washington qu'elle se manifesterait essentiellement sinon exclusivement... Une seule certitude, alors, c’est que la folie, la démence rôde partout dans ces temps si extraordinaires.)

J’ai donc parlé plus haut du “spectacle de la communication”, comme l’on parle de ceci que le processus de monter et de montrer un spectacle soudain prend une bifurcation complète et se monte et se montre lui-même en spectacle, comme si le producteur de spectacle devenait spectacle lui-même... C’est l’achèvement d’une transmutation fantastique, c’est-à-dire une énorme déviation, une évolution déviante et invertie d’elle-même, complètement inattendue, de la fameuse “société du spectacle” de Debord. Il y a ceci que la société n’est pas transformée décisivement en spectatrice de ce qu’on veut lui faire croire qu’elle est pour la transformer en ce qu’on veut qu’elle soit, – ceci (“ce qu’on veut qu’elle soit”) n’étant pas nécessairement cela (“ce qu’on veut lui faire croire qu’elle est”) ; mais bien qu’elle est elle-même devenue le spectacle “qu’on veut lui faire croire qu’elle est pour la transformer en ce qu’on veut qu’elle soit” ; le spectacle d’elle-même qu’elle s’offre à elle-même, dans une démente expansion d’une schizophrénie géante, et, plus encore, cela précisément du fait de ceux qui étaient supposés être, qui devaient être au départ les instigateurs, les concepteurs et les metteurs en scène de l’évolution à-la-Debord, et qui en sont désormais les premiers captifs, les plus atteints finalement... Les comploteurs sont devenus les victimes les plus gravement atteintes de leur propre complot et, à l’image d’Hillary, ils croient complètement à ce qu’ils ont inventé. D’accord, The Show Must Go On, mais dans ce cas il s’agit alors peut-être bien du moyen qu’a trouvé le Système pour s’effondrer en achevant son parcours initiatique, d’atteindre le paroxysme de la surpuissance pour enfin dérouler, proclamer et appliquer la formule décisive de son autodestruction.

 

Note

(*) ... La honte indicible étant qu’au départ, une coquille malencontreuse, – les coquilles, selon certains, étant la spécialité de dedefensa.org, – avait fait écrire “... sont politiquement proches des cas pathologiques” ; tout cela promptement rectifié, de “politiquement” en “psychologiquement”, à l’occasion de l’écriture de ce Journal-dde.crisis.