Il y a 6 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.
221829 juin 2016 – J’ai regardé hier soir, fait rarissime, tel ou tel JT sur les rencontres européennes. (Qu’importe la chaîne, ils sont tous les mêmes, comme le goût uniforme et sans goût de la viande hachée obtenue de ces usines à vaches qui existent aujourd’hui dans nos pseudo-campagnes, ces exploitations où il y a mille vaches et bientôt plus alignées en rang d’oignon, gavées mécaniquement, dans quelque lieu industrieux choisi ironiquement sur le Plateau des Millevaches.) J’ai ainsi pu faire un tour d’horizon autorisé, selon les normes en cours, de la situation post-Brexit. L’impression laissée par ces réunions de Bruxelles, toutes excellences confondues, a été tonique et volontariste : certes nous traversons une phase délicate et nous ignorons encore les modalités du divorce, mais quelle occasion superbe de “relancer Europe”, non, même de “construire l’Europe”. Il y avait un air du refrain “du passé faisons table rase” bien que ce fût leur passé à eux, et l’on jettera par conséquent le bébé britannique avec l’eau du bain ; ainsi, nous serons en bien meilleure posture pour réaliser ce qui doit l’être.
Comparant cette impression générale avec l’atmosphère qui émane de cette autre sphère à laquelle s’alimente dedefensa.org pour écrire ses articles, et notamment pour le cas le plus proche de nous et de ces réunions européennes, le contraste ne pouvait que saisir, presque prendre à la gorge pour forcer à l’angoisse, et dans quelque instant terrible, jusqu’au doute de soi-même. Il faut combattre cette angoisse, dissiper ce doute en un combat sauvage et tout intérieur, – en sachant que ce n’est qu’une bataille, et que bientôt la même bataille sera à livrer à nouveau, puis une autre ensuite, puis une autre encore, jusqu’à ce que le Ciel et notre destin tranchent enfin.
Il m’a fallu quelques heures et une courte nuit pour accomplir la besogne (écarter le doute toujours aux aguets). Ce qui m’avait été suggéré ici et là par une observation que je faisais, une remarque et une plaisanterie échangées avec un ami qui a les mêmes intérêts de l’esprit que moi, se transforma en une conviction retrouvée ce matin, qui se trouve d’ailleurs à peine entre les lignes dans tous les articles du site... Nous ne sommes pas dans le même monde ni sur la même planète ; mais non, plus encore, plus décisivement, plus massivement, plus brutalement et eschatologiquement : ce n’est pas la même réalité, ils (les excellences européennes) ont la leur, j’ai (avec tant d’autres) la mienne... Enfin, tout cela pour confirmer et retrouver d’une façon opérationnelle le fondement de cette position qui ne cesse de se renforcer, de se documenter et de se structurer en moi depuis deux ans au moins (depuis la crise ukrainienne), qui est le constat qu’il est nécessaire, à chaque occasion, de réaffirmer pour retrouver la conviction vitale que la réalité n’existe plus, qu’elle (la réalité) est devenue l’enjeu sans fin de toutes nos batailles jusqu’au terme de cette guerre finale. Par conséquent, l’essentiel au départ de cette conviction n’est pas que “deux réalités s’affrontent” mais bien que “la réalité n’existe plus”. Cela rejoint le fondement des Glossaire.dde sur le déterminisme-narrativiste et, surtout pour ce cas, sur la vérité-de-situation. Voilà un passage qui résume l’idée, à partir d’une analyse reprenant les évènements depuis 9/11 :
« Il ne fait aucun doute à nos yeux, – si l’on ose dire, – que ce processus représente une véritable entreprise réussie de destruction du concept de la réalité, par conséquent une révolution cognitive qui ne peut avoir aucun précédent par définition puisqu’avant d’être détruite la réalité existait. Ainsi 9/11 et tout ce qui l’accompagne, et notamment l’installation sur le trône de la puissance suprême du système de la communication, représentent une révolution également sans précédent, échappant complètement aux domaines de la politique, de la stratégie, de la géopolitique, de la culture, etc., pour rejoindre le domaine de l’essence même du monde qui est ainsi modifiée. »
Je crois qu’il faut bien peser ces mots pour me comprendre, mesurer la démarche, apprécier la forme de la pensée, je dirais pour mon cas non pas pour susciter des applaudissements d’approbation ou des dénonciation d’imposture, mais pour bien saisir le modus operandi de la chose. (Curieusement, en écrivant ces phrases qui sont destinées au lecteur, je réalise qu’elles sont encore plus destinées à moi-même, pour que je garde constamment à l’esprit ma façon de travailler, ma “Méthode” qui s’exerce au niveau de la perception et de la façon dont la psychologie transmet cette perception à l’esprit, et ce que l’esprit doit en faire pour rester dans la cohésion de l’essence même de l’analyse du monde qui est la mienne.) Il ne s’agit pas de deux réalités qui s’affrontent, mais bien d’une situation où la réalité est détruite et où l’on s’affronte pour imposer sa propre réalité. De mon point de vue, c’est une chose absolument essentielle parce que c’est la re-création du monde qui est en jeu ; pour cette raison d’ailleurs, je ne crains pas de parler de la Vérité (“vérité-de-situation”) comme un des “outils” dont on doit parfois pouvoir se saisir dans cette entreprise, pour disperser les embûches, les faux-semblants, les montages, voire pour monter ses propres embûches, faux-semblants et montages... Nous sommes donc bien loin de cette “guerre de la communication” dont on parle tant ; nous sommes dans une “guerre pour l’essence du monde”, guerre pour la vérité du monde, guerre dans laquelle la communication joue, et de très loin, le premier rôle, de si loin qu’on pourrait presque parler d’un rôle exclusif (ce pourquoi l’on verse si aisément, mais faussement, dans l’identification d’une “guerre de la communication”).
Je songeai à tout cela avec cette remarque d’un lecteur dans le Forum du texte du 29 juin, annonçant que nous avions utilisé une citation du président du PE Martin Schulz, qui n’était autre chose qu’un fake. (Fake ? Oui, c’est cela, dans le langage postmoderne, everybody doit comprendre ce dont il est question.) Le passage du texte de dedefensa.org disait : « Un an plus tard, l’effondrement est total, et l’on ne distingue plus une seule marque de cette arrogance et de cette surpuissance, sinon un des petits besoins type-führer postmoderne que l’indescriptible Martin Schultz se croit obligé de déposer au petit coin du Parlement européen à chaque crise (impayable tweet du Schultz, hier 27 juin : “The British have violated the rules. It is not the #EU philosophy that the crowd can decide its fate”). » Notre lecteur observe, après avoir indiqué un lien menant à un article du Monde qui démonte avec maestria la supercherie, et tout cela sous le titre de « [L]e tweet de/u [S]chulz est un fake » : « [Z]erohedge, que vous citez en source, est un des premiers à s'être fait avoir. »
Je prends ce cas comme un exemple opérationnel de cette guerre que nous menons, sans m’arrêter un instant à l’explication évidente et hypocritement vertueuse du type “notre bonne foi a été prise en défaut”, – bien que ce soit le cas, mais sans intérêt pour mon compte, – ou dans un esprit de polémique quelconque qui ne présente pour moi pas plus d’intérêt, mais en poussant à l’extrême la logique de cette guerre. Les éléments du dossier sont les suivants... On connaît bien ce Schulz, personnage étroit, diffamateur, arrogant, parfait exécutant des consignes du Système, évadés des restes des sous-fifres d’une Allemagne qui serait encore un petit peu hégémonique et conquérante, et l’on sait bien le cadre où il se trouve et pourquoi il agit ; qui plus est, la documentation à cet égard ne manque pas (voir le 3 juillet 2015 et le 13 juillet 2015). On vogue donc dans des eaux fort basses mais absolument connues et absolument poissonneuses où Juncker répète que la pratique démocratique n’a aucun pouvoir sur les traités européens, ce qui n’est dire que ce qu’on a fait dire à Schulz.
Pour moi, cela signifie que ce fake-là est une fabrication correspondant à une vérité-de-situation, presque d’inspiration divine si vous voulez : s’il ne l’a pas écrit, Schulz, c’est parce qu’il a failli à ses devoirs, et le faker n’a fait que redresser la vérité à cet égard ; à la limite, le faker doit être remercié par Schulz parce qu’il a fait le boulot à la place de ce président du PE qui manque à ses devoirs. Là-dessus, je signale ceci en goûtant ce que je considère comme la cerise sur le gâteau : que ce soit Le Monde qui démonte la supercherie, ce canard de caniveau absolument fake-Système, cela rend la pantalonnade encore plus effrénée. Vraiment, l’hôpital se scandalise de la charité sans même savoir ce que l’expression veut dire, et je ne prends même pas la peine de lire l’article référencé, et tout juste la peine de dire que d’une telle source-fake, la dénonciation d’un fake a après tout autant de chance d’être un fake que Le Monde lui-même... Et il reste la vérité-de-situation qui dit que Schulz, s’il ne l’écrit pas éventuellement dans ce cas précis, pense évidemment comme cela pour tous les cas envisageables parce qu’il ne peut faire autrement, et que cela doit être dit d’une façon ou l’autre.
Tout cela paraît-il un brin provocant ? Il n’est absolument pas assuré que je ferais moi-même jamais cette sorte de falsifications parce que l’exercice ne m’inspire guère mais il est assez assuré que je ne m’en plains pas, et surtout d’y avoir cru jusqu’à publier sans le moindre état d’âme, et pas plus après le message de notre lecteur. (D’ailleurs, ce message a été publié sans que nous fassions la moindre rectification ni excuse, ce qui indique bien que la trouvaille du Monde nous est totalement indifférente. Les lecteurs feront leur choix de ce qui est l’essentiel et l’accessoire dans le débat.) Sur d’autres cas plus ambigus, d’ailleurs émanant aussi bien de l’antiSystème que du Système, il y aurait et il y a lieu de procéder avec plus de prudence, de mesure et de perspicacité, jusqu’à prôner dans les cas-limites de la complexité la doctrine fameuse de l’inconnaissance. Il est évident que Schulz, personnage-bouffon par excellence, n’y a pas sa place.
Enfin, la réflexion doit aller au-delà de ce cas-limite où l’on peut trouver des embarras de conscience malgré tout, puisqu’un faux reste un faux si c’est effectivement le cas. La réflexion doit aller jusqu’à ceci, qui apparaissait évident dès le début du propos, que nous sommes dans une guerre pour réinstaller dans un monde dont la réalité a été pulvérisée, la réalité qui nous importe, qui est celle de la vérité du monde, alors que nous affrontons le Système qui, après avoir été celui qui a pulvérisé la réalité, voudrait y mettre sa propre réalité-fake et qui n’est lui-même que fake (tromperie, faussaire, simulacre, inversion, etc.). C’est pour cette raison que j’ai fait cette remarque sur le faux qui, malgré sa nature de faux, établit une vérité-de-situation. (“Et il reste la vérité-de-situation qui dit que Schulz, s’il ne l’écrit pas éventuellement, pense évidemment comme cela pour tous les cas envisageables parce qu’il ne peut faire autrement, et que cela doit être dit d’une façon ou l’autre.”) En vérité, comme c’est le cas de dire, nous sommes engagés dans une guerre dont les pratiques sont infiniment délicates et diverses, alors que l’enjeu est absolument colossal. Le jugement doit être à mesure, habile dans les nuances des pratiques, sans vergogne quand cela importe, adepte de l’inconnaissance quand cela s’impose, et sur le fond des choses d’une fermeté exemplaire et coulée dans le bronze.
Forum — Charger les commentaires