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267516 août 2017 – ... Au fait, qui était Robert E. Lee, ce salopard fasciste dont on abat dans la plus extrême jubilation les statues encore en service dans certains État du Sud, et celle de Charlottesville qui fut la cause hautement progressiste-sociétale de l’attaque des Antifa contre la crapule nazie réunie dans cette ville pour menacer l’avenir de la Grande République ? C’est en effet un des grands mouvements culturels en cours, cette liquidation des symboles du Sud venus de la Guerre de Sécession, bien dans les habitudes des révolutionnaires de notre “déchaînement de la Matière” favori, avec comme première application le néantissement du passé effectué par la Terreur de 1793 dont la France fait une si grande fierté... (*)
A mon sens, le portrait que fait de Lee le Général Ulysse S. Grant (US Grant, le bien-nommé), commandant en chef des armées nordistes, lors de la reddition de Lee dans une petite maison en haut de la colline d’Appomatox, en avril 1865, en vaut bien d’autres, et même il surpasse tous les autres par l’intensité tragique de l’instant. Les deux hommes s’étaient combattus férocement depuis la bataille de Gettysburg de 1863.
Par ailleurs, il est vrai que Grant retrouvait un homme sous les ordres duquel il avait servi notamment lors de la campagne mexicaine de 1847-48, qui avait été major de sa promotion à West Point et l’officier le plus valeureux de l’US Army jusqu’à la Guerre de Sécession. Il est vrai que, deux jours avant d’accepter, le 21 avril 1861, le commandement de l’Armée de Virginie du Nord, Lee s’était vu proposer par le secrétaire d’État de Lincoln le commandement en chef des armées du Nord. Il avait refusé, arguant du fait que son devoir, sa dignité et ses sentiments de patriotisme l’inclinaient absolument à servir la nation et la terre dont il était issu, l’État de Virginie qui venait de faire sécession. Le texte venu des Personal Memoirs de Grant fait partie de l’article « Le paradoxe d’Appomatox », du 06 janvier 2012. (*)
« Je ne sais ce qu’étaient les sentiments du Général Lee. Comme il s’agissait d’un homme d’une très grande dignité, avec un visage impassible, il était impossible de dire s’il se sentait heureux intérieurement que tout cela soit enfin arrivé à son terme, ou s’il éprouvait une grande tristesse à propos de l’issue, parce qu’il avait assez de retenue pour ne pas montrer ses sentiments. Quels qu’aient été ces sentiments, ils échappaient complètement à ma perception ; mais mes propres sentiments, qui avaient été d’une grande jubilation à la réception de sa lettre [de capitulation] étaient à la fois de tristesse et de dépression. Je me sentais absolument étranger à la joie en voyant la chute d’un adversaire qui s’était battu avec tant d’alacrité et de vaillance, et qui avait tant souffert pour une cause, bien que cette cause fut, selon mon estimation, l’une des pires pour laquelle un homme ait jamais combattu, et l’une pour laquelle on pouvait imaginer le moins d’excuse possible. Quoi qu’il en soit, je ne mettais pas une seconde en doute la sincérité du plus grand nombre de ceux qui s’étaient opposés à nous. [...] Nous [Grant et Lee] nous laissâmes rapidement entraîner dans une conversation à propos du bon vieux temps de l’armée. [...] Notre conversation était si agréable que j’en oubliais quasiment le but de notre rencontre. Après que la conversation se soit déroulée pendant un certain temps dans ce sens, le Général Lee rappela à mon intention le véritable objet de notre rencontre. [...] Mais alors, nous recommençâmes à diverger vers une conversation complètement étrangère au sujet qui nous avait réuni. Cela se poursuivit pendant un certain temps, quand le Général Lee m’interrompit à nouveau pour me suggérer de rédiger les termes que je proposais pour la reddition de son armée... »
Le paradoxe mentionné dans le titre est, bien entendu et pour mon compte, dans ceci qu’on se demande comment un homme d’une telle stature morale et d’une telle dignité, comme le décrit Grant, peut avoir servi l’une “des pires causes pour laquelle un homme ait jamais combattu”. Le paradoxe l’est tellement qu’on se demande s’il n’y a pas contradiction, et au-delà, erreur quelque part, sur l’un des termes. Le verdict est vite rendu : si Lee était bien cet homme d’une telle qualité, la cause qu’il servit ne pouvait certainement pas être “l’une des pires...”, etc. La véritable histoire rend compte de cela (voir La désinformation autour de la Guerre de Sécession, de Alain Sanders, Atelier Fol’fer, 2012).
Cela m’engage à progresser encore dans la citation du texte d’où est extrait la citation de Grant. Il était écrit en commentaire de cette citation, justement à propos du “paradoxe” auquel il est donné une autre signification, mais rejoignant bientôt celle que j'ai mentionnée :
« Le paradoxe d'Appomattox tient à ceci que Lee dut encourager Grant qui semblait défaillir, le soutenir, l'exhorter à accomplir cette cérémonie horrible de la reddition que lui-même allait devoir subir parce qu'il était le vaincu. L’anecdote a peut-être plus de signification qu'il y paraît, et c'est dans cet état d'esprit que nous la présentons. Un monde disparaît à Appomattox. C’est une surprise réelle de constater combien cette issue pèse, à l'instant, sur celui qui représente le nouveau monde. L'attitude de Grant pourrait paraître également symbolique, comme si l'esprit de l'homme était chargé d'une prescience des drames à venir. Elle résume le drame américain au moment où l'Amérique, parallèlement à l'Allemagne, cède à son tour au vertige de devenir un système. [...]
» Appomattox ouvre une période d’intense expansion de la puissance industrielle et économique de l'Amérique. Plus rien ne freine désormais l'expansion des conceptions américaines, sinon quelques tribus d'Indiens que Sherman, le vainqueur d'Atlanta et de la Géorgie, ira prestement liquider comme il faut (“Un bon Indien est un Indien mort”). L'époque du “capitalisme sauvage” commence. Elle va faire des fortunes colossales et hisser l'Amérique au premier rang des nations industrialisées, dès la fin du XIXème siècle. A quel prix ? L'anecdote d'Appomattox semble nous le suggérer. Le général Grant, “triste et dépressif”, devant sa victime qu'il admire, qui s'est battue pour une cause dont le même Grant nous dit pourtant qu'elle est “la pire” qu'on puisse imaginer ; comment concilier ce jugement catégorique sur l'horreur de la cause défendue, et la noblesse, et la grandeur de celui qui la défend, y compris dans cette adversité, et si admirables noblesse et grandeur finalement que c'est Lee qui rappelle le vainqueur à son devoir cruel ? Comment, sinon en se référant à la contestation, très active aux États-Unis aujourd'hui encore, de la présentation qui est faite en général des causes profondes de la guerre de Sécession, c'est-à-dire en s'interrogeant sur la validité du jugement de Grant sur la cause que défend Lee. De même, le sentiment dépressif et triste de Grant ne représente-t-il pas, d'une façon symbolique et comme par prescience à nouveau, une indication du fardeau dont va être désormais chargé le caractère américain ? En 1879, le docteur Beard, éminent psychologue, établit le diagnostic de la neurasthénie et définit cette maladie comme “la nervosité américaine, [qui] est le produit de la civilisation américaine. [...] Notre immunité contre la nervosité et les maladies nerveuses, nous l'avons sacrifiée à la civilisation. En effet, nous ne pouvons pas avoir la civilisation et tout le reste : dans notre marche en avant, nous perdons de vue, et perdons en effet, la région que nous avons traversée”. »
(*) Pour alimenter la chronique et l’exotisme de la campagne de liquidation de la mémoire du Général Lee, j’ajouterais qu’il est encore heureux que l’U.S. Navy ait eu le bon goût de décommissionner son sous-marin lanceur d’engins [SSBN] Polaris, baptisé USS Robert E. Lee, le second de la classe USS George Washington ; le USS Robert E. Lee, mis en service en 1961 et retiré du service en 1983. Le rapprochement des deux hommes, Washington et Lee, dans la succession des noms de baptême des premiers SSBN de l’US Navy, provoquerait un scandale majeur si les Antifa et les progressistes-sociétaux réalisaient que le monde existait avant l’élection de Donald Trump, et conduisaient une enquête liquidatrice des archives de l’US Navy. On demanderait la dissolution de l’US Navy en même temps, d’ailleurs, que l’anéantissement de la ville Robert Lee, située dans le Texas et nommé en souvenir du déploiement d’une unité qui se fit en ce lieu, sous le commandement du colonel Robert E. Lee, affecté à un poste de l’US Army au Texas de 1856 à 1861.
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