La NSA est-elle antiSystème ?

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La NSA est-elle antiSystème ?

On n’arrête pas un train type-TGV lancé à grande vitesse. La narrative lancée par les démocrates concernant les fuites WikiLeaks sur les e-mails de la DNC (Democratic National Committee) qui avaient aussitôt provoqué la démission de la présidente du DNC, Debbie Wasserman-Schlutz, cette narrative est fixée et ne bougera plus. La presse-Système a réagi comme si elle n’était qu’une, montrant ainsi la puissance extraordinaire de l’influence du Système, agissant nullement par consigne ni machination complexe mais par une formidable pression psychologique dont l’origine de conception et de manufacture dépasse manifestement toute entreprise humaine. Cela correspond effectivement à l’appréciation que le Système est une égrégore, et l’une de ses lignes d’action de communication, notamment pour faire élire sa candidate contre l’antiSystème Trump, est l’implication fautive et comploteuse de la Russie par tous les moyens ; cette conception entre évidemment dans la ligne russophobe qui structure la politique-Système où elle se trouve actuellement, poussant dans sa logique jusqu’à l’affrontement avec la Russie si un obstacle antiSystème ne fait pas sortir le TGV de ses rails.

La narrative est donc gravée dans le marbre désormais : c’est la Russie qui a fourni sa cargaison d’e-mails à WikiLeaks, Trump est devenu une sorte de Manchurian Candidate des Russes, et le carpet bombing de la communication-Système est donc dirigé contre le faux-messager (technique du “shot the messenger” devenue “shot the fake-messenger”). Le contenu du message, qui est l’archi-corruption du DNC et le complot à ciel ouvert contre Sanders n’intéresse plus personne ; d’ailleurs, la victime la première, puisque “Bernie Tsipras” est rentré vite fait et fort glorieusement dans les rangs et engage ses troupes à voter pour Clinton, “la candidate du progrès, de l'honnêteté et de la démocratie réunis”.

Affaire classée, et passons à la suivante... Celle-ci, bien qu’ayant tous les rapports du monde avec la précédente, n’a aucune chance de susciter le moindre intérêts de la presse-Système, mais c’est moins sa publicité que sa véracité, et ce qu’elle pourrait raisonnablement laisser prévoir par conséquent, qui nous intéressent. Il s’agit des révélations d’un “lanceur d’alerte” chevronné, un officier de la NSA durant trente ans, qui a quitté l’agence en 2001, et qui s’est révélé à l’occasion de la crise Snowden comme une source annexe et discrète, comme le meilleur commentateur de cette affaire et des activités de la NSA. Il s’agit de William Binney, qui a été interviewé par une radio de New York, lors d’une émission très appréciée (“Aaron Klein Investigative Radio”) et a affirmé que les fuites qui ont alimenté WikiLeaks dans l’affaire de la DNC venaient de la NSA et nullement des Russes. L’affaire a été reprise par Breitbart.com et par ZeroHedge.com les 31 juillet et 1er août, mais d’abord par Breitbart.com, et sous la plume d’Aaron Klein lui-même, à partir de Jérusalem d’où il opère également comme correspondant de ce même Breitbart.com.

(Ce dernier point, – Aaron Klein, qui a sorti l’affaire Binney, travaillant notamment à Jérusalem, qu’on peut supposer proche des Israéliens d’autant qu’il est évidemment juif, – est extrêmement intéressant parce qu’il semble confirmer que, dans les élections US, Israël joue un rôle très spécifique et remarquable par divers relais indirects possibles mais bien découplés des sources officielles pour ne pas être mis en cause officiellement. Ce rôle semble bien être, pour des raisons restant à déterminer mais à propos desquelles on peut conjecturer, de contrer les narrative du camp démocrate et de la candidate Clinton, singulièrement antirusses. En plus de cette intervention Aaron Klein/Binney/Breitbart.com qui va dans ce sens, on doit rappeler que DEBKAFiles, proche des services de sécurité nationale israéliens, a publié le 26 juillet [voir le 27 juillet sur ce site] une nouvelle affirmant que les Russes ne sont pour rien dans l’affaire WikiLeaks/DNC. L’intervention de Klein, avec Binney comme source beaucoup plus marquante, renforce l'interprétation d'une tendance israélienne, qui serait éventuellement plus encore de soutenir les Russes que Trump, mais ceci aboutissant tout de même à cela par les logiques convergentes des engagements. L’orientation correspondrait bien à l'hypothèse d'une nouvelle orientation générale israélienne.) 

Nous citons Alex Christoforou, le 1er août 2016 sur le site TheDuran.com (site antiSystème bien structuré et alimenté, de la filière Russia Insider, qui est basé à Chypre). Le texte reprend toute l’affaire, avec une synthèse courte restituant les principaux éléments d’une affaire qui est plus complexe que la seule affirmation de Binney sur le cas WikiLeaks/DNC. (Depuis l’affaire Snowden, Binney est considéré comme une source extrêmement fiable alors qu’il avait lui-même décrit dès 2012 l’état d’avancement de la structure totalitaire de la NSA : « Zerohedge has some background on Binney, who is about as rock solid a security analyst as you could get. [...] Not surprisingly, Binney received little attention in 2012 – his suggestions at the time were seen as preposterous and ridiculously conspiratorial. Only after the fact [Snowden], did it become obvious that he was right. More importantly, in the aftermath of the Snowden revelations, what Binney has to say has become gospel. »)

Voici donc résumée cette affaire avec l’entrée en scène de Binney :

« On Aaron Klein’s Sunday radio program, “Aaron Klein Investigative Radio” (broadcast on New York’s AM 970 The Answer and Philadelphia’s NewsTalk 990 AM), US government whistleblower William Binney threw his hat into the DNC hack ring by stating that the Democratic National Committee’s server was not hacked by Russia but by a disgruntled U.S. intelligence worker. The motivation of the hacker…concern over Hillary Clinton’s disregard of national security secrets when she used a personal email and consistently lied about it. Binney was just getting started with revelations we are sure no main stream media news site will dare to cover. The “Putin did it” fairytale is just to easy for the sheep to follow.

» Binney also proclaimed that the NSA has all of Clinton’s deleted emails, and the FBI could gain access to them if they so wished.  No need for Trump to ask the Russians for those emails, he can just call on the FBI or NSA to hand them over. »

Binney estime que la NSA (et le FBI par ailleurs) dispose de toute la correspondance, à la fois d’Hillary Clinton et du DNC (le parti démocrate). Ce n’est certainement pas une surprise mais c’est une indication précieuse au regard de la conviction que Binney affiche que l’affaire WikiLeaks/DNC est venue de la NSA et de personne d’autre, et notamment, certainement pas les Russes. Toutes ces précisions sont intéressantes à une autre lumière, que résume la question : qui, à la NSA, a fuité ? est-ce un nouveau “lanceur d’alerte” ou est-ce une opération plus ou moins indirectement “autorisée” par la NSA elle-même ? En effet, l’on doit à cet égard se reporter à un article de The Observer, de mars 2016, titré : « Hillary has an NSA problem. » Problème assez simple, au demeurant, et effroyablement grave du point de vue de l’agence dont on connaît l’obsession pour le secret et tout ce qui va avec : les pratiques de Clinton ont mis en grave danger l’entièreté de a procédure dite-Gamma, qui est le programme de protection des matériels ultra-ultra-ultra-secrets de la NSA...

« Binney surmised that the hack of the DNC could have been coordinated by someone inside the U.S. intelligence community angry over Clinton’s compromise of national security data with her email use.

» And the other point is that Hillary, according to an article published by the Observer in March of this year, has a problem with NSA because she compromised Gamma material.  Now that is the most sensitive material at NSA. And so there were a number of NSA officials complaining to the press or to the people who wrote the article that she did that. She lifted the material that was in her emails directly out of Gamma reporting. That is a direct compromise of the most sensitive material at the NSA. So she’s got a real problem there. So there are many people who have problems with what she has done in the past. So I don’t necessarily look at the Russians as the only one(s) who got into those emails.

» The Observer defined the GAMMA classification: “GAMMA compartment, which is an NSA handling caveat that is applied to extraordinarily sensitive information (for instance, decrypted conversations between top foreign leadership, as this was)”. »

Ainsi est-on conduit à comprendre la gravité du problème : qui est donc ce “someone inside the U.S. intelligence community angry over Clinton’s compromise of national security data with her email use” ? On est là dans l’anti-Snowden (et dans l’anti-Binney en un sens) et la pièce qui se joue serait plutôt “les hyènes se dévorent entre elles”, – nous voulons dire à l’intérieur du Système. La but de la démarche de ceux qui ont lâché la cargaison WikiLeaks/DNC n’est pas du tout, mais alors pas du tout de torpiller la NSA et de la clouer au pilori, – comme un Snowden ou comme un Binney éventuellement, – mais bien au contraire de défendre la NSA contre des hyènes irresponsables-hystériques type-Clinton, qui disposent du matériel ultra-secret dont elles se jugent redevables comme de leur premier tube de rouge à lèvres. Cela conduit donc à s’interroger et de conjecturer sur le fait de savoir si l’opération est le fait d’un “loup solitaire” à l’intérieur de la NSA, ou bien de la NSA elle-même montant une classique opération de “fuites” destinées à attaquer une personnalité terriblement gênante pour elle... Poser la question dans le sens hypothétique qu'on a choisi, ce n’est pas loin d’y répondre.

La NSA se fiche du tiers comme du quart de l’opération-narrative montée par Clinton/DNC contre les Russes à propos de l’attaque de WikiLeaks ; ce n’est pas son problème et elle n’a aucune estime particulière, ni pour Poutine, ni pour le respect d’une vérité-de-situation si c’est le cas. Par contre, il semble bien qu’elle ne se fiche pas du tout du comportement de Clinton lorsqu’elle était secrétaire d’État et même depuis, et qu’elle serait par conséquent conduite à tout craindre d’une présidence Clinton où la présidente toute-puissante, pleine de l’ivresse et de la fièvre de sa toute-puissance, serait encore plus amenée à disposer des secrets de la NSA de la même façon, sinon pire, que ce qu’elle en fit. Connaissant la personnalité de Clinton et son degré d’énervement psychologique confinant à la pathologie, son extraordinaire sentiment d’impunité et de droit divin pour tous les privilèges possible, sa certitude quasi-ontologique de ne dépendre en rien des lois de son pays, et notamment des lois qui régulent la bonne marche de l’oligarchie au pouvoir, cette crainte n’est pas infondée comme il n’est pas infondé de conjecturer que la NSA l’éprouve dans les transes de son obsession pour le secret.

Cela nous conduit à une conclusion, toujours dans le même domaine hypothétique (NSA effectivement impliquée en tant que telle) selon la ligne de réflexion que nous avons adoptée, sous forme de trois questions chronologiques, aussi intéressantes l’une que l’autre :

1). Va-t-il y avoir d’autres fuites contre Clinton/DNC pendant la campagne électorale ? La NSA, ou ce (celui/celle) qui la représente, entend-elle jouer un rôle actif pour tenter d’empêcher l’élection de Clinton ?

2). Si Clinton est élue, trouvera-t-elle face à elle un adversaire résolue, capable des pires manœuvres, dans la NSA elle-même, plus que jamais angoissée à l’idée de la façon dont la nouvelle présidente traiterait les informations ultra-secrètes engageant la même NSA, dont elle disposerait évidemment ? Ce ne serait pas une mince affaire, tant un monstre bureaucratique comme la NSA dispose effectivement de moyens considérables, au niveau de la communication, contre la fonction de la présidence toute entière exposée à de telles attaques. 

3). Si la réponse à la deuxième question est positive, un tel conflit, avec manoeuvres vicieuses et fuites à l'appui, ne pourrait-il conduire à une situation qui mettrait en danger la nouvelle présidente, déjà dans une position affaiblie à la lumière de l’enquête emailgate du FBI déjà réalisée, notamment au risque d’une procédure de destitution lancée par un Congrès où les républicains vivraient évidemment au rythme d’une haine corse contre elle ? (Là aussi, on doit rappeler un autre précédent, qui est celui du Watergate, issu d’un montage bureaucratique de l’élément militaire [la présidence du Joint Chiefs of Staff] du complexe militaro-industriel et portant effectivement sur le comportement d’un président par rapport à des informations secrètes.)    

Comme l’on voit, la fonction antiSystème reste un artefact baladeur capable de se fixer dans des occurrences bien inattendue, puisqu’effectivement dans ce cas ce serait la NSA qui aurait l’honneur de cette charge, Hillary tenant indiscutablement la position du Système. C’est tout le charme de ces monstres postmodernes où pullulent les “États parallèles” et manifestement concurrents, et extrêmement sensibles à la protection de leurs prérogatives.