La politique de Trump : “destruction”

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La politique de Trump : “destruction”

Cette idée étonnante, –mais est-elle si étonnante, après tout ? – est contenue, cette fois de façon sûrement étonnante, dans un article de l’hebdomadaire The Nation, de la gauche progressiste dure. En général The Nation est anti-Trump à en mourir (ou à le faire mourir), sauf le solitaire mais ô combien valeureux professeur Stephen F. Cohen, mari de la rédactrice en chef ‎Katrina vanden Heuvel, qui publie de temps en temps, selon les variations de Trump, un article favorable à cette politique de rapprochement avec la Russie qu’il ne cesse de prôner.

(Cohen est l’homme de la raison implacable : une dégradation accélérée des relations USA-Russie, au nom de prétextes absolument simulacres et montés de toutes pièces pour dissimuler la corruption de “D.C.-la-folle” et par haine de Trump, contient en germe le risque de la guerre nucléaire d’anéantissement.)

Pourtant, c’est bien dans The Nation, et pas du tout sous la plume de Cohen, que nous trouvons une idée intéressante qui n’est pas sans analogie avec certains scénarios évoqués. Nous rappelons, piquées au hasard des nombreux textes sur le sujet USA-2016 et après, quelques évocations de cette sorte de scénarios, évoqués avec de plus en plus d’insistance dès lors que Trump était apparu, disons en gros-plan c’est-à-dire désigné comme candidat officiel du parti républicain, sur nos écrans-radar :

• Le 23 juillet 2016 : « Ainsi se poursuit l’aventure déclenchée par The Donald plutôt que son aventure à lui, déclenchée comme l’on ouvre, par inadvertance, un placard où se trouvaient rangés religieusement et hiérarchiquement un nombre absolument prodigieux de “cadavres exquis. Il faudra voir jusqu’où ira l’hérétique inconscient, – la meilleure catégorie possible, ceux qui ne savent pas ce qu’ils provoquent parce qu’ils ne sont attachés qu’au “faire” sans soucis des conséquences. Le temps, ou plutôt la Fin des Temps, est celui et celle des esprits simples ; d’ailleurs, la simplicité n’est pas nécessairement exempte de grandeur, – et si l’on regarde le monde dont nous avons hérité et que les zombies-croyants veulent défendre jusqu’au bûcher, on est encore plus affirmatif... » 

• Le 11 août 2016 : « Au contraire, cela confirme le rôle de Trump, dont nous avons dit qu’il est là, avant tout, comme un destructeur, – et nullement comme un sauveteur des USA (“America Great Again”), qui serait objectivement un sauvetage du Système, chose qui nous paraît totalement catastrophique et de toutes les façons absolument impossible. L’élection d’un Trump, qui est aujourd’hui assez improbable en raison du dispositif général du Système développé contre lui, aurait à notre sens un pouvoir de chaos sur la situation US et hors-USA que nous avons déjà envisagé, qui conduirait à une état chaotique également intéressant... »

C’est dans la dernière livraison de The Nation datée du 14 août 2017, et en pré-publication sur le site, qu’apparaît un article de Kai Wright, moins sur la politique de Trump que sur la riposte que “la gauche” doit lui opposer. L’intérêt est que, pour décrire la riposte, il faut bien comprendre l’attaque (le programme de Trump), qui est déjà bien définie dans le texte, – et justement, une attaque qui n’est pas contre “la gauche” elle-même, mais contre quelque chose qu’on pourrait nommer la politique US (en grande partie, politiqueSystème), sinon le Système lui-même : « Trump’s Main Policy Is Destruction—Ours Must Be More Than Resistance ». On choisit trois paragraphes en laissant de côté le cœur de l’article ; la “riposte de ‘la gauche’” a pour nous bien moins d’importance que ce qui peut être compris de la “politique de Trump”, – et encore, si l’on peut parler de “politique”, justement parce qu’il s’agit de détruire et non de construire... (Nous marquons nous-mêmes d’un caractère gras les mots et passages qui nous intéressent.)

« And yet none of this dooms Trump’s agenda, which is fundamentally one of destruction. It is disturbingly easy to break stuff, and incompetence is a powerful tool. That’s especially true now, when so many of the systems that govern our lives—schools, infrastructure, housing, immigration—are already collapsing from neglect. It’s hard to imagine they’ll survive the Trump era intact; some came into it broken.

» So the progressive imperative is not only resistance, but creation in the face of destruction. Not everything Trump wants to destroy needs saving: The free-trade deals and neocon foreign policy he once decried have made the world poorer and less safe. We’d do well to end both. But on just about everything else, we’ll need to rebuild.

» Health care is as good an example as any. Thus far, Senate majority leader Mitch McConnell and House Speaker Paul Ryan have failed in their efforts to get rid of Medicaid (primarily because they can’t find a fig leaf of “reform” big enough to cover up their true intent). But Trump has vowed to simply break the Affordable Care Act and leave it at that. He has a really good chance of succeeding. In fact, he’s already doing it... »

Bien entendu, comme dans les extraits cités, nous parlons d’une “politique” qui est objectivement “de destruction” mais dont le but affiché n’est pas la “destruction” et qui n’est pas rationnellement conçue comme telle. (Cependant, il n’est nullement interdit de penser que Steven Bannon, le “guénonien à la Maison-Blanche”, n’ait pas de ces pensées destructrices, – puisqu’il les a effectivement, – et que cela ne joue pas son rôle. Mais nous lui verrions plutôt un éventuel rôle d’accélérateur.) Pour une part non négligeable, ce qui serait une “politique de destruction” de Trump serait le résultat et l’effet des réactions qu’il provoque lui-même, – essentiellement ces réactions passionnelles de haine complète, et jusqu’à l’engagement du Congrès en tant que tel, votant dans les deux Chambres dans le mode stalinien (entre 96%et 99% de votes positifs) des mesures extraordinaires et déstabilisantes pour les relations du monde, à partir de situations presque dérisoires tant leur aspect de construction de simulacre est criant d’évidence.

• On a un exemple de la chose dans cette remarque que fait Ron Paul, le 28 juillet 2017, dans son texte sur les votes du Congrès sur les sanctions qui sont prétendument destinées à la Russie et qui frappent essentiellement les alliés des USA. Paul en fait, justement à notre sens et sans aucun doute, le résultat de la vindicte et de la haine du Congrès dans sa volonté de contrecarrer à tout prix la politique et l’exercice du pouvoir par Trump, bref l’effet d’une démence qui est le contraire de l’esprit froid et tortueux qui développe un complot ou une manipulation et qui entend étendre subrepticement son “empire su le monde”. (Guerre économique contre l’Europe, contrôle de l’énergie en Europe, promotion protectionniste de la production US.) Ron Paul, qui les connaît bien, croit à l’extraordinaire enfermement des psychologies de ses anciens collègues dans une sorte d’hyper-affectivisme d’où tout calcul est exclu au profit du déferlement de haine, et Trump étant la cause de cette réaction quasiment pavlovienne.

» Do they know what they are doing? When the US Congress adopts draconian sanctions aimed mainly at disempowering President Trump and ruling out any move to improve relations with Russia, do they realize that the measures amount to a declaration of economic war against their dear European “friends”? Whether they know or not, they obviously don’t care. US politicians view the rest of the world as America’s hinterland, to be exploited, abused and ignored with impunity.

» The Bill H.R. 3364 “Countering America’s Adversaries Through Sanctions Act” was adopted on July 25 by all but three members of the House of Representatives. An earlier version was adopted by all but two Senators. Final passage at veto-overturning proportions is a certainty. (n.b. final passage was approved last night in the Senate. -ed.) This congressional temper tantrum flails in all directions. The main casualties are likely to be America’s dear beloved European allies, notably Germany and France. Who also sometimes happen to be competitors, but such crass considerations don’t matter in the sacred halls of the US Congress, totally devoted to upholding universal morality. »

• Cette appréciation du comportement du Congrès, et au-delà du Deep State si l’on veut, est partagé par de nombreux commentateurs “dissidents” sur leurs sites. L’ironie de la situation dans ce cas précis est que les dirigeants européens se sont “mobilisés” contre Trump depuis son élection, espérant trouver des alliés dans les autres forces du pouvoir à Washington D.C., et notamment au Congrès ; et qu’ils se retrouvent dans ce cas avec le Congrès lui-même jouant ce rôle d’une force irrationnelle et incontrôlable qui semblait réservé à Trump, dans cette affaire des sanctions qui constitue un acte de guerre économique contre l’Europe.

Sur son site LibertyBlitzkrieg, Mike Krieger met en évidence la forme même du vote, la quasi-unanimité dans une affaire aussi douteuse et aussi complètement manipulée en un simulacre de politique que le Russiagate lancé contre Trump, tout cela indiquant que le Congrès est devenue une entité instable et ingouvernable, et à laquelle on pourrait alors attribuer le jugement d’“inaptitude mentale” pour l’exercice du pouvoir, comme certains le font à propos de Trump : « We supposedly live in a “representative democracy,” but 99% of our so-called representatives voted for this bill. Does this really represent the will of 99% of the public? These are the kind of numbers you’d expect to see in totalitarian states, and the ironic thing is the vote was driven by a desire to put a stop to supposedly fascist Trump. We’ve got much bigger problems than Trump. Michael Tracey put it perfectly on Twitter earlier today: The complete conformity of views in the political/media class – virtually no dissent at all – should be a major warning sign. [...]

» These are major EU allies furious with this bill, which makes you ask the obvious followup question. Did 99% of the House of Representatives not realize the implications of what they were voting for in their blind rage against Russia? If so, these people are extremely dangerous and have no business making important decisions for 320 million of us. »

• Cette sorte d’appréciation concernant l’état psychologique des adversaires de Trump est reprise par le commentateur de radio Rush Limbaugh qui commente les déclarations de John Brennan lors du séminaire d’Aspen. (En rapportant ce commentaire de Limbaugh, Infowars.com rappelle cette révélation de CNN en 2016, selon laquelle Brennan était à l’origine proche du Parti Communiste US : « John Brennan recalled being asked a standard question for a top security clearance at his early CIA lie detector test: Have you ever worked with or for a group that was dedicated to overthrowing the US?” “I froze,” Brennan said. “This was back in 1980, and I thought back to a previous election where I voted, and I voted for the Communist Party candidate.” »)

Rush Limbaugh : « “A ‘coup’ is moving in there and ridding the government of the guy; a coup is moving in there and taking the guy out – that’s why many coups occur with the military, you need force behind it,” prefaced Limbaugh. “I will openly state – I am just speculating using intelligence guided by experience – these people are so far gone over what’s happened here to their precious town, to their precious power base, to their precious control of things, that I wouldn’t doubt if a couple of them are making phone calls to retired generals who still get up and put the uniform on every day… and soliciting their assistance, should it even become necessary, to lead a rebellion.” “I have no evidence of it… but clearly there is an uncontrolled rage and irrationality in the anti-Trump forces on the left.” “I think these people are so unhinged now, that in their minds – ‘whatever it takes, man,'” he continued. “The takeaway here is that a former CIA director is essentially asking for a coup against the sitting President if the sitting President fires the special counsel – which he is entirely, constitutionally, entitled to do.” »

Les rumeurs et spéculations vont donc également bon train dans ce sens d’une attaque contre Trump, y compris, toujours selon Infowars.com qui rend pour coup dans la “guerre de communication“, une attaque contre Trump par des moyens directs et coercition physique : « Infowars recently reported on statements made by a prominent evangelical pastor who warned that a plot to “remove Trump suddenly from office” had been confided in him by a ranking member of Congress. [The Congressman] said there is a plot on Capitol Hill to take the president out,” relayed Pastor Rodney Howard-Browne. “I said, ‘You mean by impeachment or by indictment?’ He said, ‘No – to take him out, he will be removed suddenly from office.’” »

• Bien entendu, la Maison-Blanche elle-même n’est pas à l’abri de soubresauts directs, avec durant cette semaine des mises à pied et des remplacements de personnels de très haut niveau, là aussi appréciés selon des points de vue complètement opposés. « La Maison-Blanche est en train d’imploser », expose Ruth Marcus, l’un des attaquants directs les plus abruptement anti-Trump d’un quotidien (Le WaPo) dont la profession de foi quasi-rétribuée directement par la CIA est sa vindicte anti-Trump. « La seule inconnue de ce constat est le rythme. Dire “la Maison-Blanche a explosé” est certainement discutable. Pourtant, comme l’on voit dans les événements des quelques derniers jours, l’implosion, en politique comme en physique, n’est pas un moment mais un processus. Les destructions se poursuivent. Elles se renforcent à mesure que l’édifice s’effondre... »

• Il s’agit principalement de la liquidation du chef de cabinet Priebus après celle du porte-parole Sean Spicer, Priebus qui venait directement de la direction du parti républicain et qui est remplacé par le général Kelly venu du ministère de la sécurité intérieure. ZeroHedge.com tire divers enseignements de cette élimination, dont le plus assuré est certainement la rupture de Trump et du parti républicain, en liaison directe avec l’échec du vote sur l’abrogation d’Obamacare grâce à la “trahison” de John McCain venu directement de son hôpital pour voter, – croyait-on pour assurer la majorité du parti républicain alors qu’il fit le contraire et vota avec les démocrates. L'une des conséquences de cette sitution est perçue comme un enfermement de Trump dans une forteresse assiégée, pressé par l'enquête du Conseiller Spécial Mueller sur Russiagate, coupé de toutes les forces politiques (dont les républicains), avec comme seule possibilité de sortie de cette impasse le déclenchement d'un conflit comme “diversion”, la Corée du Nord est l'hypothèse retenue le plus volontiers...

« Assuming Priebus was indeed fired first, that would mark the11th time Trump has told someone “you’re fired” since the election... [...]

» What happens next is a great unknown for this rollercoaster administration, but with a military veteran now whispering in Trump's ear every day, Kim Jong-Un’s days are now numbered. Meanwhile, the message from today's events seems to be that Trump has largely cut most – if not all – ties with the Republican party. »

On observera que, des mêmes événements exactement, TheDuran.com tire exactement le point de vue contraire, différent de celui de ZeroHedge.com, complètement opposée à celui du WaPo. Pour ce site, tous ces bouleversements, qui touchent directement des personnalités liées au parti républicain et donc à l’establishment, au Deep State, constituent le début du nettoyage du cloaque dont Trump avait parlé  durant sa campagne, – bien qu’ici il aurait accepté lui-même de se mettre dans ce cloaque puisque la composition de la chose est faite de personnalités nommés par lui...

« The elimination of Priebus, who was previously chairman of the Republican Party could only be the first of several firings at top levels of the government, as the news broke on July 27 that the FBI’s top lawyer was under investigation for leaking classified information. After much preparation, draining the deep state Washington swamp, or what Trump recently called a “cess pool” and a “sewer,” may have finally begun. »

• On verra et on écoutera un intéressant débat le 29 juillet 2017 sur RT, dans l’émission CrossTalks de Peter Lavelle. L’émission est intitulée “l’ouragan Trump”, avec cette présentation : « Pour beaucoup, particulièrement ses critiques, l’administration Trump est rien de moins que “du chaos aux stéroïdes”. Pour certains, qui connaissent le président, c’est une sorte de “business as usual”, la méthode du businessman Trump... » Il est difficile de trancher, sauf dans le sens de l'observation de l'extension de la chose, du chaos courant comme l'incendue d'une forêt en saison sèche... Lavelle commence son émission en citant un titre de Politico.com de mardi dernier, lorsqu’on parlait de démission envisagée (Sessions), de départ possible (Tillerson), de “You're fired !” à venir (Spiecer, Priebus), et ce titre allant dans le sens d’une des hypothèses présentées ci-dessus mais aussi d’une vision objective de la situation : « For America it’s chaos, for Trump it’s Tuesday » ; car ne pourrait-on pas faire un titre du même sens et de même rythme, après le vote extraordinaire d’irresponsabilité du Sénat jeudi, et en admettant que le Sénat représente Washington D.C. contre qui désormais Trump se bat : « For America it’s chaos, for “D.C.-la-folle” it’s Thursday » ?

Nous voulons dire par là que la méthode (?) folle de Trump, qui peut être aussi bien considérée comme une réponse aux pressions incroyables exercées contre lui pendant la campagne, entraîne des ripostes qui sont également folles, comme le vote du Congrès sur les sanctions. Dans ce cas, nous approchons alors du jugement à partir duquel s’est échafaudé cet article de “la destruction de la politique US”, “destruction de la politiqueSystème“, “destruction de Washington D.C.”, toutes ces expressions rencontrant la puissante dynamique de l'autodestruction du Système. On n’est alors plus tant intéressé par telle ou telle politique suivie, tel choix ou tel autre choix, telle ou telle tendance, etc., mais par le seul fait de l’observation de cette destruction qui est, au sens propre de ce terme si lourd de signification, une déconstruction d’un processus, d’un système. Encore une fois pour ce cas désormais bien connu, ceci doit être répété : il n’est absolument pas assuré, et même plutôt le contraire, que l’un ou l’autre acteur de la chose, et Trump en particulier, veuille cela et travaille explicitement dans ce but. Ce qui se passe sous nos yeux est un processus qui dépasse une conception de la raison, y compris la plus machiavélique, y compris la plus conceptuelle se nourrissant des balivernes sur le “chaos créateur” qui est nécessairement un “chaos contrôlé”. Personne ne contrôle plus rien dans le sens de la connaissance du but à atteindre, et là sont bien la beauté et la sublimité de la chose.

 

Mis en ligne le 30 juillet 2017 à 12H45