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2336Peu à peu (selon les échos que nousévoquons mais rapidement en temps réel) prend corps une complète réévaluation de la puissance militaire russe, à la lumière de la crise ukrainienne et (surtout) de la crise syrienne/Syrie-II depuis l’intervention russe de septembre 2015. Le texte de Kim Sengupta, dans The Independent du 30 janvier 2016, repris sur le site Russia Insider le 1er février, a son importance dans ce parcours conceptuel. Sengupta est le chroniqueur de politique extérieure et de sécurité nationale du quotidien londonien et, comme tel, il a ses contacts dans les milieux militaires britanniques et anglo-américanistes. S’il n’écrit rien qui soit tout à fait secret dans son texte, il met à jour une situation générale de la perception, avec des évaluations souvent inédites, qui est particulièrement révélatrice. Qui plus est, il décrit une situation spécifique en Syrie et au Moyen-Orient dont la vérité stratégique est totalement modifiée, à l’image de ce jugement qu’une source venue du renseignement israélien à ainsi décrit à l’intention de Sengupta : « Quiconque veut entreprendre aujourd’hui quelque chose dans cette région doit d’abord demander l’autorisation à Moscou. »
Le cas du Moyen-Orient est le plus spectaculaire, bien entendu, mais on le retrouve dans les régions avoisinant le Sud et l’Ouest de la Russie, que ce soit la Mer Noire avec la Crimée qui devient, depuis l’intégration dans la Fédération de Russie, un point d’appui stratégique dépassant la seule base navale de Sébastopol, ce qui démontre a contrario la stupidité stratégique de la manoeuvre USA/BAO de coup d'Etat de février 2014 à Kiev ; avec l’enclave de Kaliningrad, où les systèmes d’arme déployés constituent désormais une force contrôlant l’espace aérien de la zone, y compris d’une partie de la Pologne et d’autres pays de l’OTAN proches de la Russie. Le général Gorenc, commandant l’USAF en Europe [USAFE] estime qu’il est devenu “très, très difficile” pour les avions de l’OTAN d’évoluer en toute sécurité dans des espaces aériens de certains pays de l’OTAN, – dont la Pologne, comme nous le précisions nous-mêmes.) Là encore, il n’y a rien de fondamentalement nouveau et toutes ces informations ont déjà été publiées d’une façon fractionnée dans divers médias. Ce sont leur rassemblement et leur prise en compte de facto par des chefs militaires des pays de l’OTAN/du bloc BAO, sous le plume de Sengupta, qui est particulièrement impressionnante.
Le texte de Sengupta fait allusion aux diverses capacités qu’on connaît et qu’on a déjà dénombrées, que ce soit les capacités de l’aviation russe, avec le déploiement en Syrie des avions les plus modernes comme les Su-34 et les plus récents chasseurs Su-35S dont le déploiement a commencé la semaine dernière et qui vont trouver sur ce théâtre un terrain d’expérimentation in vivo si l'on peut dire ; avec les cruise missiles, la couverture électronique, les capacités sol-air stratégiques capables de maîtriser une zone géographique de plusieurs pays (les S-300 et S-400), etc. Il y aussi les capacités de mobilité, de rapidité et de souplesse de déploiement, les capacités du camouflage du déploiement qui ont conduit à affirmer qu’une nouvelle sorte de guerre avait été développée par les Russes (“guerre hybride” ou guerre stealthy [furtive]), etc. Il y a encore les capacités des opérations elles-mêmes, de “génération de sorties offensives”, lorsque les Russes parviennent à effectuer un nombre de sorties journalières supérieures à ce que peut faire l’USAF au mieux de ses capacités, ou bien, dans un autre sens, l’un ou l’autre jour où les Russes ont effectué plus de sorties d’attaque que toute la coalition anti-terroriste menée par les USA pendant un mois (« Russian military jets have, at times, been carrying out more sorties in a day in Syria than the US-led coalition has done in a month »). Tout cela sonne comme une confirmation d’observations déjà faites d’une façon fractionnée, ou dans des organes de presse, notamment antiSystème, moins prestigieux et moins influents que The Independent.
A côté de cela, se précisent pour notre compte, à observer l’empilement des confirmations des capacités russes, y compris de la part des chefs militaires du bloc BAO et avec une constance (depuis le printemps 2014) qui traduit une réelle préoccupation, plusieurs questions qui touchent au fondement des capacités selon les comportements et les choix fondamentaux, et aussi selon les influences considérables des psychologies ipliquées. En effet, la puissance militaire russe telle qu’elle s’affiche, se déploie à partir d’un budget militaire qui représente entre un dixième et un quinzième du budget militaire US. Il est très difficile d’avoir les chiffres exacts, même si certains prétendent les donner, mais il semble acquis que le budget réel US annuel tourne autour des $1.200 milliards (officiellement autour de $750 milliards) tandis que le budget de la Russie se situe entre $60 milliards et $90 milliards.
De même la supériorité russe s’affirme à partir d’une infériorité structurelle et stratégique tout à fait caractéristique. Les USA ont près d’un millier de bases dans le monde, ils encerclent la Russie avec leurs bases, ils ont bien plus de dix bases majeures au Moyen-Orient alors que la Russie n’en dispose que de deux en Syrie, et ainsi de suite. Stratégiquement, les USA (ou l’OTAN, ou le bloc BAO), n’ont cessé d’“avancer” vers la Russie, jusqu’à se trouver sur les frontières russes, officiellement (via les pays de l’OTAN qui sont une frontière commune avec la Russie) ou officieusement (via l’Ukraine, par exemple). Ce sont pourtant eux qui, les premiers, reconnaissent la puissance militaire russe, et d’une façon, ou plutôt selon une chronologie qui implique qu’il ne s’agit pas d’une manœuvre de communication. (Jusqu’en 2014, où le bloc BAO tenait déjà à peu près toutes ses positions stratégiques actuelles, la puissance militaire russe était considérée comme négligeable et absolument dépassée.)
Il ne s’agit d’ailleurs pas d’une simple rhétorique ou de la seule communication. Il est vrai que les USA semblent, sinon paralysés dans tous les cas extrêmement contraints, dans leurs actions au Moyen-Orient, de même d’ailleurs que les Israéliens par exemple. Il y a là une attitude, un comportement et une psychologie étrange, – tenant compte qu’en cette matière les Israéliens sont fortement influencés sinon américanisés par leurs vis-à-vis US et contrairement à ce qu’ils furent originellement, comme on l’a déjà souvent constaté et notamment à l’été 2006 durant la guerre contre le Hezbollah. On dirait que les USA, ou disons le bloc BAO en tant que représentant la postmodernité et notre contre-civilisation bâtie sur la puissance du technologisme, ne cessent d’occuper des positions stratégiques avancées, parfois sinon souvent au mépris de toute légalité et dans tous les cas en clamant continuellement sa supériorité et l’inéluctabilité de sa “victoire”, pour mieux s’effrayer sinon reculer en cas de ce qui paraît être une résistance sérieuse.
En effet, si l’on renverse le point de vue de l’appréciation de la puissance militaire qui apparaît aujourd’hui dominatrice, on constate qu’elle s’exerce à partir d’un espace défensif, un “espace de résistance”, pour la défense des frontières russes d’une part, et même d’autre part pour la défense du régime syrien qui se trouvait, lorsque la Russie est intervenue, – et c'est en parrie l'une des causes de l'intervention, – dans une situation d’urgence à cause des pressions des groupes terroristes-islamistes. Pourtant, dès que les Russes déploient effectivement leurs forces, ils le font sans aucun doute très bien, mais plus encore ils provoquent chez l’adversaire pourtant théoriquement bien plus puissants qu’eux et bien mieux avantagés stratégiquement, un réflexe défensif qui suggère la déroute, et un pessimisme qui tourne au défaitisme.
Il s’agirait si l’on veut d’un phénomène général que nous avons déjà relevé, qui affecte le Système, qui est celui de la transmutation de ce qui était l’hyperpuissance en hyperimpuissance. Nous avons déjà relevé ce phénomène au niveau militaire US en général, avec notamment l’exemple de l’extraordinaire catastrophe que constitue le programme JSF, avec ses conséquences budgétaires, technologiques, stratégiques et opérationnelles. Il y a, dans l’impuissance totale du pouvoir US à abandonner ce programme qui constitue une formidable gangrène de la base technologique et militaire US le même réflexe autodestructeur qui fait s’avancer l’OTAN sur les frontières de la Russie pour pouvoir paraître encore plus effrayée, et admirative finalement de la puissance militaire russe, lorsque cette puissance se manifeste. Après tout, pourrait-on résumer, si les USA et leurs acolytes du bloc-BAO ne s’étaient pas manifestés comme ils l’ont fait, la Russie n’aurait pas nécessairement rénové sa puissance militaire comme elle l’a fait, et avec le succès qu’elle a montré.
(Il va sans dire, mais sans doute beaucoup mieux en l’écrivant, qu’en évoquant toutes ces matières militaires, stratégiques, technologiques, etc., nous nous trouvons en réalité en plein dans le domaine de la psychologie. Il s’agit bien, pour tenter de comprendre toutes ces attirtudes, ces réflexes, ces pseudo-politiques, etc., d'une psychologie malade ; ou bien, si l’on veut et pour rester dans le même domaine de la pourriture, une psychologie gangrenée par le réflexe de l’autodestruction comme le JSF gangrène la base technologique et militaire des USA, – en entraînant les autres zombies-Système derrière, comme des moutons, c’est-à-dire tous les acheteurs du JSF, parmi lesquels on trouve à notre grande surprise les valeureux israéliens eux-mêmes, donc eux-mêmes largement intoxiqués comme on l’a vu plus haut.).
Voici donc l’article de Kim Sengupta, à la gloire bien méritée de la puissance militaire russe, tant il reste vrai que, malgré tous les attendus que nous avons développés, le développement militaire russe de ces 3-4 dernières années tient certainement de la prouesse, et porte la marque d’une nation qui a encore un État et dont la puissance militaire s’appuie toujours sur une souveraineté, c’est-à-dire sur une bade principielle extrêmement solide. Le texte a donc été repris sur Russia Insider le 1er février.
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Their army’s equipment and strategy was “outmoded”; their air force’s bombs and missiles were “more dumb than smart”; their navy was “more rust than ready”. For decades, this was Western military leaders’ view, steeped in condescension, of their Russian counterparts. What they have seen in Syria and Ukraine has come as a shock.
Russian military jets have, at times, been carrying out more sorties in a day in Syria than the US-led coalition has done in a month. The Russian navy has launched ballistic missiles from the Caspian Sea 900 miles way, and kept supply lines going to Syria. The air defences installed by the Russians in Syria and eastern Ukraine would make it extremely hazardous for the West to carry out strikes against the Assad regime or Ukrainian separatists.
Lieutenant General Ben Hodges, the commander of the US army in Europe, has described Russian advances in electronic warfare in Syria and Ukraine – a field in which they were typically supposed to be backward – as “eye watering”.
The chief of US Air Force operations in Europe and Africa, Lieutenant General Frank Gorenc, has disclosed that Moscow is now deploying anti-aircraft systems in Crimea, which the Kremlin annexed from Ukraine last year, and in Kaliningrad, an enclave between Lithuania and Poland. It is doing so, he says, in a way that makes it “very, very difficult” for Nato planes to gain access safely to areas including parts of Poland.
It is not just Nato member states watching the Russians with concern. Israel, too, sees the build-up of Russian weaponry across its northern border in Syria and wonders where it will all end. Their apprehension is that the advanced equipment already in situ in the Middle East will end up with Iran, viewed as an existential threat to the Jewish state, or with other Arab countries, thus eroding the air superiority that is Israel’s primary advantage over its neighbours.
It is this military might that is underpinning President Vladimir Putin’s strategic triumphs. His intervention in Syria has been a game changer and what happens there now lies, to a large extent, in his hands. The Ukraine conflict is semi-frozen, on his terms. The Russians are allying with the Kurds, unfazed by the Turkish anger this has provoked. And, crucially, they are now returning to Egypt to an extent not seen for 44 years, since they were kicked out by President Anwar Sadat.
One of the most senior analysts in Israeli military intelligence told The Independent in Tel Aviv last week: “Anyone who wants anything done in this region is beating a path to Moscow.”
Mr Putin has relished pointing out the significance of the West seeing “for the first time that these weapons do exist, that they are of high quality, and that we have well-trained people who can put them to effective use. They have now seen, too, that Russia is ready to use them if this is in the interest of our country and our people.”
In Syria the Russians have been conducting as many air strikes a day, up to 96, as the US-led coalition has carried out in a month. This is in marked contrast, Western military planners have noted, to how quickly Nato began to feel the strain when bombing Libya and Kosovo.
One reason for the dearth of coalition sorties is that its Sunni state members are carrying out scarcely any missions, focusing instead on Iranian-backed Houthi rebels in Yemen. Operations by Turkey, meanwhile, have been overwhelmingly against the Kurds rather than Isis.
Western defence officials also contend that the Russians are hitting other rebel groups in the guise of attacking Isis and that they are more indiscriminate in their targeting because they are less sensitive to any evidence of civilian casualties and because of their lack of precision-guided weaponry.
But Russia had never promised it was going to attack only Isis. Instead, it declared that “all terrorists” would be targeted. This, conveniently for Mr Putin and President Bashar al-Assad, has included more moderate rebel groups. Experience of the Chechen wars show that the Kremlin is, indeed, more prepared to shrug off “collateral damage” than the West. It is also true that there were not enough Russian guided bombs and missiles in the first stage of the Syrian mission: Moscow’s claim that it has used precision weapons alone does not stand up to scrutiny.
The aircraft, missiles and bombs used at first were a mix of old, dating from the Soviet era, and relatively new. There are 34 fixed-wing aircraft based at Latakia: 12 Su-25s and four Su-30SM fighter-bombers; 12 ageing Su-24M2s and six Su-34s. There are also helicopters and an unspecified number of drones.
However, more of the most advanced of these, the Su-34, codenamed Fullback by Nato, have been replacing older aircraft. One reason for this is that aircraft such as the Su-25, a veteran of the wars in Chechnya and Georgia, are vulnerable to Manpads – shoulder-fired surface-to-air missiles – which Moscow suspects the Turks and the Saudis have been supplying to Sunni rebels.
The introduction by the Kremlin of advanced air-defence systems has gained impetus since the shooting down of a Russian jet by the Turks. The S-400 Triumph system is a source of great Israeli worry should it fall into “wrong hands”. This has an array radar that continuously monitors the skies, and a missile battery which can shoot down targets 250 miles away. One such array is positioned at the Russian base at Latakia and covers half of Israeli airspace.
The deployment of Russian electronic warfare equipment in Ukraine and Syria, such as the Krasukha-4 which can jam Awacs and satellite radar systems, has been another sobering experience for Nato. Ronald Pontius, deputy to the US Army head of cyber command, stated: “You cannot but come to the conclusion that we are not making progress at the pace the threat demands.”
Gen Gorenc, while bemoaning the proliferation by Russia and worrying about Nato’s capabilities, acknowledged that Russia was not breaking any international agreements and “has every right” to deploy these systems. In Syria, he said, the Russians were using “cruise missiles, they are using bombers. It is clear that they are desiring to show the ability they have to affect not just regional events, but worldwide events.”
That, indeed, is the point. The question for the West is whether to react to this by initiating a new chapter of confrontation with Moscow, or one of greater accommodation.
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