La Russie et sa mobilisation spirituelle, face au Système

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La Russie et sa mobilisation spirituelle, face au Système

Igor Panarine continue et accentue sa campagne pour pousser à une transformation fondamentale de la direction et de la politique russes, notamment avec l’adjonction de la dimension spirituelle, pour faire face aux pressions déstructurantes du Système, représentées dans ce cas par les entreprises de subversion et de dissolution du bloc BAO. On a déjà signalé une première intervention de Panarine dans ce sens (voir notre texte du 3 mars 2012). Dans le cas cité ici, il s’agit d’une nouvelle intervention dans Russia Today (le 20 avril 2012) où il insiste sur la nécessité d’une réforme révolutionnaire de la direction politique russe, sous la forme d’une “nouvelle idéologie”, concrétisée par une sorte de rassemblement populaire de mobilisation fondé aussi bien sur le patriotisme, sur l’histoire russe, sur la spiritualité russe…

Panarine a la vision d’une dynamique déstructurante à laquelle il donne implicitement une dimension spirituelle maléfique, orientée contre la Russie, venue des forces anglo-saxonnes (et, par conséquent, du Système en général) ; en cela, il ne fait d’ailleurs que constater l’orientation anti-russe qu’on peut qualifier d’idéologiquement et de psychologiquement haineuse du monde de la communication anglo-saxon (voir notre texte du 20 avril 2012). Il estime absolument nécessaire de renforcer structurellement la psychologie et la conscience russes face à cette attaque, et organiser le pouvoir en fonction de cet objectif. Il présente pour ce faire un programme hautement significatif de mobilisation psychologique, culturelle et spirituelle (Russia Today, le 20 avril 2012), cela pour organiser une “nouvelle idéologie” pour la présidence Poutine, en suggérant des dates extrêmement précises... (Ce dernier point signifie-t-il que Panarine a des indications précises à ce sujet ? La question est posée, comme on le voit plus loin.)

«Putin’s electoral triumph signifies Russia’s victory in countering a foreign media aggression. It means that Russia’s consolidated forces of reason have effectively prevented a British-led scenario for crippling Russia, February 1917-style.

»However, the media warfare carries on. That suggests a key priority for Russia’s newly-elected president, which is to promote the nation’s spiritual development while maintaining stability, securing the state and the public against a global crisis in a situation of profound change in the global architecture. Russia’s spiritual progress would encourage positive change worldwide. A spiritual Russia is capable of accommodating all the basic human and social values, such as justice, patriotism, diversity, etc.

»Mass media and ideology are admittedly the weakest spots of modern-day Russia’s statehood. A number of Russia’s public institutions and practices apparently beg to be reformed in the nearest future, and proper interaction between the state and civil society is a desperate necessity. All the more so since the recent election has demonstrated that Vladimir Putin and his policies no longer enjoy the kind of popular support they had some five or 10 years ago. In this situation, the Russian government should adjust some of its policies, as well as propose a national agenda to the public, as in a set of underlying values in charting the nation’s strategic development goals.

»Such a national agenda should draw a nationwide discussion, enjoy extensive media coverage and ideological promotion, and be finalized through an all-Russian Representative Assembly. Vladimir Putin could announce the convocation of such an assembly while paying tribute to Kuzma Minin’s monument in Nizhny Nogorod on 4 November 2012, scheduling the meeting for 7 January 2013. A new Russia could find its major national symbols in the great personalities of the past, such as Aleksandr Nevsky, Reverend Sergius of Radonezh and Reverend Seraphim of Sarov, scientist and educator Mikhail Lomonosov, Generalissimo Alexander Suvorov, poet Aleksandr Pushkin, writer Fyodor Dostoyevsky, chemist Dmitry Mendeleev, cosmonaut Yuri Gagarin, etc…»

Il est assez remarquable de noter que Panarine offre, pour sa proposition d’une sorte de convocation des “États Généraux” de la Russie, comme il y avait ceux de la France sous l’ancien régime selon une analogie volontairement choisie pour remonter effectivement à une époque très ancienne. Là aussi, la démarche est de type historique et spirituelle, en tentant de faire renaître des valeurs anciennes comme forces d’exorcisme contre les pressions déstructurantes du Système : «Successful examples of such crucial deliberation in the middle of a crisis can be found in world history, including Russia’s own history. Nizhny Novgorod citizen Kuzma Minin spearheaded a historic process of national consolidation and revival that enabled Russia to resurge from the Time of Troubles in the early 17th century. That why it is so important to analyze the historic experience of the all-Russian Representative Assembly of 1613…»

La proposition de Panarine recouvre, comme il l’exprime, une crainte très profonde des attaques déstructurantes contre la Russie. Sans cesse, il revient sur les attaques extérieures des médias (du système de la communication), anglo-saxons naturellement. Dans une précédente chronique, immédiatement après l’élection, il développait déjà ce thème, cette fois en donnant une précision datée dont il ne s’est pas expliqué et qui reste, à notre estimation, tout à fait énigmatique : une menace contre Poutine d’ici août 2014 (le seul aspect particulier de cette date, qui n’est pas nécessairement une coïncidence comme on en conviendra aisément, est qu’il s’agit du centième anniversaire du déclenchement de la Grande Guerre, qui est le conflit par excellence détonateur de la phase actuelle de la modernité dans le prolongement observé aujourd’hui de sa crise ultime). (Dans Russia Today, le 10 mars 2012.)

«The new objective of the media campaign against Russia, including the rally on March 10, is to undermine Putin’s legitimacy and force him to resign, with the ultimate goal of destroying Russian statehood. The nearest deadline is supposedly August 2014.

»Vladimir Putin’s deposition would mean turmoil for Russia. He is the only political personality in today’s Russia capable of accomplishing economic integration across Eurasia, making Russia a global center of gravity in political and economic terms. However, to that end Mr. Putin would need to respond to certain challenges and get rid of some dead weight among his entourage. In fact, the recent protests were largely aimed against a certain personnel policy rather than Putin personally. What irritates people is the fact that certain ministries or state-owned companies are headed by incompetent and unprofessional executives who keep their offices merely thanks to being close to Vladimir Putin.

»Thus, I believe, there are attempts at destabilizing Russia being orchestrated from abroad. Their purpose is to weaken Putin’s standing as much as possible, ideally removing him from power, with the ultimate goal of preventing further integration in Eurasia. With that in mind, Russia urgently needs an efficient system of media defense which would include both state-owned and private assets, to protect the legitimacy of the Russian president.»

Il est difficile, d’un point de vue politique spécifique, de jauger ce que valent les appréciations d’un Panarine par rapport au pouvoir russe, même si Panarine appartient par ses fonctions (ancien officier du KGB, professeur, membre de l’académie diplomatique du ministère des affaires étrangères) à des milieux organiquement liés à ce même pouvoir. Il n’est même pas sûr qu’on puisse donner une appréciation objective de l’influence ou de sa capacité de reflet des préoccupations de la direction, même en connaissant les tenants et aboutissants des relations de Panarine avec le pouvoir. Il n’empêche que son insistance à développer ces thèmes véritablement tragiques, et à se concentrer sur ces seuls thèmes, dans cette tribune de RT qui représente tout de même un canal proche du pouvoir, à forte diffusion et large audience, a une signification générale qui plaide pour qu’on considère ces chroniques comme un reflet d’un débat extrêmement profond à l’intérieur du pouvoir russe. Par ailleurs, on a eu suffisamment de signes de la part de personnalités comme Rogozine ou comme Poutine lui-même, pour admettre ce point fondamental : il existe une préoccupation qu’on qualifierait de systémique et de spirituelle, voire d’eschatologique, au sein du pouvoir russe, en même temps qu’une conscience aigüe que les attaques du bloc BAO ont pris, justement, un aspect systémique engendrant une mécanique de déstructuration, de dissolution et de pression de désordre qui reflète une dynamique issue du Système lui-même et complètement incontrôlable. Dans ce cas, effectivement, la seule réaction possible est un appel tragique à la mobilisation spirituelle de la Russie face à des menaces elles-mêmes eschatologiques.

(Il faut noter également que ce même climat de mobilisation spirituelle commence à toucher la population, comme le montre ce grand rassemblement de 65.000 personnes, hier 22 avril 2012, à Moscou, à la demande du clergé de l'Eglise Orthodoxe russe, pour protester contre diverses attaques récemment enregistrées contre elle.)

 

Mis en ligne le 23 avril 2012 à 05H22