La Sécession face au Système

Ouverture libre

   Forum

Un commentaire est associé à cet article. Vous pouvez le consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 2056

La Sécession face au Système

RT a donc choisi, d’une façon assez justement adaptée à l’ironie tragique des temps et aux contradictions inhérentes aux politiques extrêmes qui se manifestent hors du contrôle humain, de fêter l’Independance Day aux USA (le 4 juillet) par une interview rapide des deux dirigeants des mouvements sécessionnistes des deux principaux États de l’Union en pointe dans cette dynamique, et des deux principaux États de l’Union tout court : Le Texas et la Californie. Il faut dire qu’il existe de ce point de vue une situation assez contradictoire, qui reflète effectivement les poussées du Système et les résistances antiSystème, traduisant opérationnellement ces “contradictions inhérentes et ces politiques extrêmes”. Ainsi, un site comme Infowars.com, dont la popularité est énorme quoiqu’on pense de certains aspects de son travail, a-t-il publié le 4 juillet un certain nombre d’articles contre l’action de la gauche libérale qui, selon lui, tend à désacraliser le patriotisme américain et la bannière étoilée des USA, c’est-à-dire de l’entité qui rejette absolument la sécession ; alors qu’il ne cesse de soutenir et d’encourager les mouvements sécessionnistes fortement revigorés par le Brexit qui a véritablement réhabilité aux USA la notion de sécession mise à l’index comme relaps et hérétique depuis 1865.

Mais cette contradiction n’est qu’apparente, en ce sens qu’elle concerne essentiellement des situations dont la dynamique est en cours, et avec quelle vitesse, avec quelle puissance... Cette situation dynamique fait que la notion de patriotisme aux USA est aujourd’hui en complet déséquilibre, du fait de la mise à nu de la colossale collusion entre le pouvoir washingtonien et le Système destructeur par déstructuration et dissolution de tous les principes structurants ; le patriotisme, qui est l’un de ces principes structurants, se trouve ainsi en balance entre son passé (les USA réunis) en train d’être pulvérisé et la réaction antiSystème qui s’affirme, qui est de le ramener aux États de l’Union. Un point nouveau important qui accélère ce processus est l’évolution de la gauche libérale, jusqu’alors partisane la plus affirmée d’un “centre” fédéral fort (pour ne pas parler d’“État” central, notion complètement inappropriée pour les USA) : sa tendance sociétale et globaliste qui lui fait dénigrer de plus en plus le patriotisme traditionnel affaiblit considérablement la notion de “centre fédéral” dont elle se veut partisane.

(Remarquable et insoluble contradiction dans ce cas, qui renvoie la gauche libérale-progressiste devant la contradiction de son impossible conception politique d’à la fois favoriser les forces soi-disant bénéfiques plutôt traditionnelles pour elle [dans ce cas, un “centre fort” pour mieux protéger les pauvres et les démunis], et les forces postmodernistes comme la globalisation, qui combattent avec acharnement tous les principes identitaires, dont celui de la nation etr du “centre fort”. Cela est résumé par un Robert Reich, ancien ministre de gauche et très progressiste de l’administration Clinton, qui fait une différence entre un « inclusive patriotism that binds us together » [le gentil patriotisme] et un « exclusive patriotism that keeps others out » [le méchant patriotisme] ; cette différence particulièrement sophistique, qui revient à être ontologiquement tout en n'étant pa ontologiquement, caractérise l’esprit du progressisme institutionnalisé qui se trouve dans une crise profonde du fait de sa soumission à la globalisation.)

Désormais, la sécession est dans “l’agenda politique” et devant des échéances institutionnelles ; 2018 pour le Texas, 2020 pour la Californie. Encore cet “agenda politique” constitue-t-il la norme prévisionnelle, qui peut évidemment être bousculée, c’est-à-dire précipitée, par des évènements imprévus qui forment l’essentiel sinon l’entièreté de la course métahistorique actuelle. L’interview montre que la situation est sérieuse, par exemple lorsque Louis J. Marinelli, président de YCIC (Yes California Independence Campaign) indique que son groupe vient de faire un sondage auprès d’un échantillon de 9.000 Californiens sur la question “La Californie devrait-elle être un État indépendant”, et obtient 41% de “oui” : « Certes, ce n’est pas une majorité mais nous avons encore quatre ans d’ici le référendum [que nous projetons d’obtenir par pétition] et nous avons le temps de convaincre 10% supplémentaires de la population de changer d’avis. » (Nous ajouterions que les évènements, eux, pourraient se charger de susciter cette évolution, et en beaucoup plus rapidement que quatre ans.)

Nous pensons que l’actuelle élection présidentielle va donner une impulsion essentielle au mouvement sécessionniste, quel que soit le vainqueur, – et encore, en mettant à part tous les évènements inattendus que va encore provoquer cette élection, mais qui iront eux aussi dans le sens de la sécession. D’une part, si Clinton est élue, ce sera Washington de pire en pire compte tenu de la personnalité absolument diabolique et corruptrice de cette personne ; ce sera infiniment multiplié le Washington qui suscite par réaction naturelle et par réflexe antiSystème désormais affirmée une réaction centripète puissante, et désormais institutionnalisée. Dans ce cas, le mouvement sécessionniste sera accéléré, et il se fera dans la douleur et la violence. Si c’est Trump qui l’emporte, et en mettant à part tous les autres événements de bouleversement probable que susciterait son élection, son rapide constat de l’impossibilité agressive et furieuse du Système de se laisser transformer devrait conduire un tel président si attentif à l’opportunité et aux situations “rentables” à considérer, dans tous les cas in petto et par laisser-faire, que la sécession, – éventuellement habillée de la rhétorique qu’il s’agit d’une formule “trumpiste” très originale de “America Is Great Again”, – est la seule issue capable de résoudre l’insoluble problème de la surpuissance US. Il est alors possible qu’il se heurterait à des forces redoutables et désespérées, et serait conduit à devenir logiquement une sorte de “révolutionnaire” conduisant une insurrection sécessionniste...

A tout cela s’ajoute bien entendu l’effet de contagion qu’auraient les deux principales sécessions mises sur les rails d’une organisation structurée, qui amputeraient les USA d’une partie très importante de sa puissance, économiquement, démographiquement, territorialement. Cet ensemble nous fait penser, d’une façon générale, que si la perspective sécessionniste est aujourd’hui plus forte qu’elle n’a jamais été depuis 1860, peut-être plus forte qu’en 1860, elle doit être également envisagée comme bien improbable dans des normes institutionnalisées apaisées. Il s’agit sans nul doute d’un ferment de guerre civile, mais éventuellement sous forme postmoderne de type “agression douce”, “guerre de la communication”, etc.

D’autre part, cette perspective nous paraît, sinon normale du moins inévitable, parce qu’elle contient en soi, directement et surtout indirectement, rien de moins que la fin du Système. Plus que jamais, notre sentiment sur l’importance du fait de la sécession est extrêmement tranché : c’est l’événement le plus important qui puisse survenir parce qu’il porte en lui la destruction du “rêve américain”, alors qu’on doit absolument réaliser parallèlement que ce concept de l’American Dream constitue l’outil essentiel de formatage de l’esprit par l’attaque de la psychologie par le Système depuis le “déchaînement de la Matière”. C’est en raison de cette importance antiSystème fondamentale que nous pensons que le défi de la sécession va se poser aux USA beaucoup plus vite que ne le croient eux-mêmes ses partisans, parce que les évènements se chargeront de cette accélération.

Nous tenons depuis longtemps la conception que l’hypothèse de la sécession aux USA, qui n’a jamais véritablement disparu depuis la Guerre de Sécession prestement maquillée en Civil War, constitue la clef de voute de la crise d’effondrement du Système, par la seule puissance de la révolution psychologique qu’elle suscitera. Les citations que nous faisons ci-dessous de textes déjà anciens témoignent de cette conception, tout en devant être lus avec à l’esprit que cette conception chez nous n’a fait que se renforcer et s’approfondir avec une extrême puissance et dans une mesure considérable, qu’elle n’a fait que se “métahistoriser” en un sens... Ce n’est pas un enjeu politique, ni économique, etc., c’est un enjeu métahistorique et civilisationnel. (*)

« L’hypothèse de l’éclatement des USA est l’hypothèse centrale de la crise de notre temps, même si elle est rarement évoquée et encore plus rarement prise au sérieux, – mais ce serait plutôt un signe de son importance, cette façon de l’éviter. La cause de la réelle importance de cette hypothèse n’est pas essentiellement économique, ni militaire, ni technologique, ni même culturelle; sa réelle importance est psychologique. Depuis trois-quarts de siècle, la psychologie de la civilisation est enfermée dans l’impasse du système de l’américanisme, qui est le dernier avatar de la modernité monté en une universelle délusion. On nomme cette délusion American Dream. Un éclatement des USA, de l’Amérique de notre inconscient, nous en libérerait. Il s’agirait d’une révolution sans précédent et c’est cela qui est en cause. » (Le 3 janvier 2009.)

« Nous l’avons déjà écrit et nous le répétons avec force : il ne peut y avoir, aujourd’hui, d’événements plus important pour la situation du monde qu’une dynamique de dislocation des USA. Nous pensons que la crise actuelle est à la fois, et contradictoirement, formidablement amplifiée et formidablement bloquée dans sa compréhension par la puissance de la communication. Ce phénomène ne cesse de dramatiser et d’attiser les conditions de la crise tout en renforçant la pression du conformisme de la pensée dominante pour ne pas mettre en cause les éléments qui sont les fondements de cette crise.

» L’un des fondements est psychologique, avec le phénomène de fascination – à nouveau ce mot – pour l’attraction exercée sur les esprits par le “modèle américaniste”, qui est en fait la représentation à la fois symbolique et onirique de la modernité. C’est cela qui est résumé sous l’expression populaire mais très substantivée de American Dream. Cette représentation donnée comme seule issue possible de notre civilisation (le facteur dit TINA, pour “There Is No Alternative”) infecte la plupart des élites en place; elle représente un verrou d’une puissance inouïe, qui complète d’une façon tragique la “fascination de l’américanisme pour sa propre destinée catastrophique” pour former une situation totalement bloquée empêchant de chercher une autre voie tout en dégringolant vers la catastrophe. La fin de l’American Dream, qui interviendrait avec un processus de parcellisation de l’Amérique, constituerait un facteur décisif pour débloquer notre perception, à la fois des conditions de la crise, de la gravité ontologique de la crise et de la nécessité de tenter de chercher une autre voie pour la civilisation – ou, plus radicalement, une autre civilisation. » (Le 14 octobre 2009.)

Nous voulons ajouter ceci, qui revient à insister sur un point évoqué plus haut en l’élargissant, que cette question de la sécession ne peut désormais plus être considérée per se, hors de toutes références conceptuelles. Les évènements de cette année présidentielle-2016 aux USA sont si formidable, si déstabilisants, qu’ils sont en train de modifier de fond en comble, dans le sens de l’exacerbation, un climat déjà extrêmement tendu au niveau structurel des USA, certainement depuis 2009. Il convient donc d’envisager la question de la sécession comme étant un des centres homothétiques, et peut-être très vite le seul centre, de la crise politique colossale qui affecte les USA et qui ne pourra se résoudre que d’une façon rupturielle fondamentale, éventuellement avec violence. La sécession est la seule forme rupturielle disponible pour les USA, et ainsi nous trouvons-nous en vérité devant l’échéance de l’effondrement du Système, – à commencer là où cela importe le plus, dans nos psychologies.

On verra dans l’interview rapide de RT (en fait deux interviews : les deux chefs des mouvements sécessionnistes au Texas [Texit] et en Californie [Calexit]) que les arguments pour la sécession sont très rationnels, économiques, institutionnels, etc. Cela, c’est la base rationnelle du phénomène. Nous pensons donc que cette base rationnelle sera considérablement secouée, transformée, peut-être et même sans doute avec violence (dans tous les cas au niveau de la communication), mais toujours dans le sens de la sécession parce que toute la crise va désormais dans ce sens, faisant apparaître au grand jour une poussée souterraine qui s’est fortement renforcée depuis 2009. Outre Marinelli déjà cité pour la Californie, RT interviewe ce 4 juillet Daniel Miller, dirigeant du TNM (Texas Nationalist Movement).

dedefensa.org

 

Note

(*) On trouve aussi deux développements importants de la symbolique et de l’effet politique et métahistorique de l’American Dream, du “Rêve Américain”, dans deux Parties du Tome I de La Grâce de l’Histoire : « Le “rêve américain” et vice-versa » et « Du “rêve américain” à l’American Dream ».

____________________

 

 

California dreaming: '“Movement to secede... continues”

• Louis J. Marinelli, Président of YCIC (Yes California Independence Campaign)

RT : Do you think that will be positive for any state to exit the US?

Louis J. Marinelli : « I wouldn’t necessarily say that all states would benefit from becoming independent. Our campaign is focused on California’s future as an independent country. And we certainly believe that California, perhaps Texas, could become an independent country and it would benefit their people. »

RT: « Why do you think it is better for California to become an independent country? »

Louis J. Marinelli : « We are here in California subsidizing the other states of this union. And as a result losing tens and sometimes hundreds of billions of dollars every year, giving our taxpayer money to states like Alabama, Mississippi and some of the other states. And as a result we can’t have the money we need in California to build roads or pay for universal health care or education. So, our independence will allow us to keep this money here in California and allow us to spend it on these priorities. »»

RT : « How do you think you could organize this exit? »

Louis J. Marinelli : « Here in California, it is a unique system. We have a ballot initial system that allows citizens to propose a ballot initiative by collecting a couple hundred thousand signatures. We intend starting next year to collect those couple of hundred thousand signatures and qualify an independence referendum for the 2020 ballot.  We did an informal poll and asked 9,000 Californians ‘Should California become an independent country?’ And the response at that time was 41 percent saying ‘Yes’. So it’s not a majority yet but we’re four years away from an independence referendum and so we have that time to change the minds of nine or 10 percent of the population...

One important aspect of [our efforts to form a separate nation] is that the United States is part of the United Nations, and the UN Charter guarantees people the right of self-determination. Because of the American Constitution it says that treaties ratified by Congress are the supreme law of the land, therefore the UN Charter is also the supreme law of the land and therefore we intend to invoke that charter and to demand our right to self-determination…

» This is an entirely peaceful, legal and constitutional method that we intend to mimic and that is why we take such encouragement from what happened in the Brexit vote... We say, ‘Let the people vote’ to decide the issue. »

 

• Daniel Millier, president of the TNM (Texas Nationalist Movement).

RT : « Why do you think Texas should become an independent country? »

Daniel Miller : « At the end of World War II, there were 54 recognized countries around the world and at the end of the 20th century, there were 192. Across virtually every measure that is used to rank independent nation states, Texas is near the top. We have the ninth or tenth largest economy in the world; we currently pop about $400 billion every single year into the federal coffers. I think the question people should be asking is: ‘If Texas couldn’t make it as an independent nation, then exactly who could?’ 

» Let’s be honest, a referendum is not just a statement or protest. A referendum is a statement of political will and what we have seen in virtually every independence movement around the world is culminating in a referendum. Letting the people decide how they want to govern themselves…We are seeking out the people who are ready to see Texas as an independent nation because we are ready to take this to a vote. Our stated goal has been since our inception to get and win a binding referendum on Texas independence and that’s exactly what we intend to do. »

RT : « Could the Brexit vote become an inspiration for your movement program? »

Daniel Miller : « There is no doubt about it that there are many states in the US that are donor states. What you find interesting is how those sentiments were also exhibited or expressed in the Brexit vote - the people of the UK felt like they were paying more into the EU than they were getting out of it. And that is exactly as it is here in Texas. Texas sends about $400 billion a year into the federal coffers. We get back only a fraction of that and what we do get back is not spent to address the problems and challenges that we are facing right here. There is a growing discontent and that is part of the fuel… We bristle at the fact that we have to live under 180,000 pages of federal laws, rules and regulations that are administered by 440 separate agencies and commissions with 1.5 million federal bureaucrats – 90,000 of which make more than the governor of Texas. So while we are having these issues here in Texas – whether it be immigration and the border, education or infrastructure, no matter what it is, we’re having a harder time justifying the fact that we’re sending that money to Washington, D.C. There is this growing sentiment in Texas that the best people to govern Texas are Texans. »

Interview RT