L’Allemagne “implore” The-Donald... Bonne chance !

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L’Allemagne “implore” The-Donald... Bonne chance !

Herr Schaeuble Wolfgang est typiquement allemand : impitoyable avec les faibles (la Grèce), larmoyant et implorant avec les forts (les USA), – sans d’ailleurs s’être aperçu 1) que les forts ne sont plus si forts qu’ils paraissent être dans les rêveries pseudo-pangermaniques, et 2) que les forts sont devenus aujourd’hui complètement fous, hors de toute plaidoirie rationnelle. Il s’agit du ministre allemand des Finances, l’homme très-fort du gouvernement allemand, qui lance une supplique sans précédent à l’intention du président Trump. On notera d’ores et déjà, avant d’y revenir, que ce ton contraste du tout au tout avec le ton assuré et furieux de Merkel, fin mai, signifiant à Washington D.C. que dans les conditions de l’orientation à la fois antieuropéenne et erratique de l’administration Trump, l’Europe se passerait désormais des USA.

Schaeuble parlait à l’American Academy de Berlin, devant un parterre prestigieux quoiqu’un peu rassis : Henry Kissinger et Lawrence Summers, tous deux hommes influents au XXème siècle (dans les trois dernières décennies, disons), et certainement pas de la sorte qui pourrait influencer Trump. A la mi-juillet, Merkel accueille à Berlin un sommet qu’on jugerait “décisif”, – un de plus, dira-t-on justement, –  celui du G20 qui rassemble les chefs d’État et de gouvernement des pays les plus importants de la planète. ZeroHedge.com présente l’intervention de Schaeuble de cette façon :

« Less than a month after German Chancellor Angela Merkel warned that “Europe must take its fate into its own hands,” Finance Minister Wolfgang Schaeuble implored US President Donald Trump to reconsider his “America First” policy, claiming that a pullback by the US would risk the destruction of “our liberal world order” by ceding influence to the Chinese and the Russians. [...]

» Bloomberg described Schaeuble’s comments as “one of the strongest expressions of concern among European policy makers that President Donald Trump’s administration is disengaging the US from its global roles on trade, climate change and security.”“I doubt whether the United States truly believes that the world order would be equally sound if China or Russia were to fill the gaps left by the US, and if China and Russia were simply given a free hand to dominate the spheres of influence that they have defined for themselves... That would be the end of our liberal world order.”

» Schaeuble also claimed that maintaining global security is in the best interest of the US. “It is surely in the United States’ own interest to ensure security and economic stability in its markets, both in Europe and around the world…[t]his is a basic precondition if the US wants to increase its exports and cut its trade deficit.” »

Remarquable, cette intervention de Schaeuble, surtout venant trois semaines après celle de Merkel qui disait le contraire. Sur ce point, nous sommes face à une alternative suivie d'une théorie d'annexe : Schaeuble n’est pas d’accord avec Merkel et il le dit (ce qui peut se concevoir en raison de la puissance de sa position), et alors la direction allemande est divisée en deux ; ou alors la direction allemande a évolué depuis l’intervention de Merkel et la chancellière a confié à son ministre le soin d’exprimer cette évolution. Ou alors, et ce serait notre hypothèse, la direction allemande est à la fois incertaine et fine (?) manœuvrière si on est indulgent pour elle, ou encore si l’on est plus réaliste, elle est le jouet des événements et de ses illusions et elle joue successivement sur les deux tableaux parce qu’il n’y a aucune réaction à Washington D.C.

Si l’on accepte la dernière interprétation, comme nous le faisons, nous y ajoutons un constat d’un probable sentiment de panique chez les Allemands devant l’attitude US qu’ils ne comprennent pas, et devant les perspectives qu’ils jugent catastrophiques de désintégration, – non pas de “notre ordre libéral mondial” qui n’est qu’un vague concept sans rapport avec la vérité du monde, mais plutôt de ce que nommons le bloc-BAO. Depuis l’intervention de Merkel, et l’absence de réactions de Washington D.C., aggravée par le vote par le Congrès de sanctions antirusses qui punissent d’abord l’UE et particulièrement l’Allemagne, la direction allemande a pu mesurer avec horreur combien sa crainte d’une Amérique qui se fiche complètement de cette dérive déconstructrice du bloc-BAO est fondée. En parlant comme elle l’avait fait, avec dureté, Merkel espérait provoquer une réaction salutaire à Washington D.C. Il n’en a rien été, et elle a pu mesurer que sa vindicte anti-Trump ne suffisait en rien à embrasser et à maîtriser la situation de tension entre les USA et l’Europe (l’Allemagne) : le Congrès, qui devrait être à la fois plus responsable et à la fois pro-européen puisque les Européens sont anti-Trump, le Congrès s’en fout... Comme nous l’écrivions le 16 juin 2017 :

« Ce que vient de signifier le vote du Sénat est qu’il n’en est rien : bien qu’anti-Trump en général et malgré ses contradictions, en tout état de cause le Congrès se fiche complètement des Européens, de leurs intérêts, de leurs humeurs, et de les aider à sauver la face de leur prétendue indépendance face à leur opinion publique. Il n’a y a plus personne à Washington D.C., pour s’intéresser à l’Europe. “L’Europe, quel numéro de téléphone ?” interrogeait ironiquement Kissinger en 1974 ; l’Europe peut dire aujourd’hui : “Washington D.C., quel numéro de téléphone ?”. Mais la satisfaction est piètre car la question est dépourvue d’ironie ; car enfin l’absence de réponse est une tragédie pour cette Europe-là, celle qui est actuellement en place. »

C’est évidemment cette dernière phrase qui nous importe pour donner un jugement de l’attitude allemande, – et nous insistons bien : encore plus “allemande” qu’“européenne”, – selon l’hypothèse que nous favorisons. L’attaque de Merkel de la fin-mai qui était stratégiquement fondée se transmue en un simple élément de tactique, et la soumission par-avance de Schaeuble la complète. Les Allemands n’ont pas assez d’autorité, d’audace, de souveraineté, pour aller au bout d’un processus de rupture. Ils sont depuis 1945 une annexe en Europe des USA, plus qu’aucun autre pays. Leurs capacités d’actions, hors des domaines mercantilistes, sont quasiment nulles et ils ignorent quasi-complètement les vertus régaliennes. Ils sont donc incapables, ni de s’émanciper des USA, ni de fonder un “IVème Reich”, ni d’envisager un renversement d’alliance. Alors, ils supplient comme fait le très-puissant et très-respecté ministre des Finances, en arguant que les USA ne peuvent sacrifier leur propre œuvre, “notre-ordre-libéral-globalisé”, dont on sait qu’il est un océan de calme, d’équité, d’équilibre, d’harmonie, de stabilité, etc.

Mais les Allemands sont devant un problème kolossal : le maître ne veut plus de son esclave, littéralement il s’en fout. Washington D.C. est un bateau ivre où l’on a installé un asile d’aliénés, conduit par un capitaine multimilliardaire qui navigue sans compas, sans boussole, sans radar, sans rien sinon une croyance sans fin dans son instinct de l’instant et la puissance bombastique de ses tweets ; et le même bateau ivre est servi par un équipage qui bruisse de rumeurs complotistes et qui ne conçoit la navigation qu’en fonction du fait absolument prouvé et démontré que le capitaine est en liaison-radio avec un sous-marin (russe) qui s’apprête à lancer ses torpilles. Bien entendue et bien qu’étant à Washington D.C., le bateau devrait s’appeler Titanic et le sous-marin (russe) “Iceberg”.

Il est évident qu’une telle situation est, pour la direction allemande, absolument inconcevable malgré les confidences régulières des Russes à cet égard. Même s’ils étaient bien renseignés, ce qui n’est pas très probable parce qu’aucun fonctionnaire de cette bureaucratie n’est capable d’embrasser la situation de Washington D.C. dans toute sa vérité, les Allemands de cette génération et de cette catégorie sont absolument inaptes à concevoir une telle situation ; mais qu’elle soit inconcevable pour eux n’empêche pas que cette situation soit vraie, c’est-à-dire une vérité-de-situation. Cette totale incapacité de se comprendre de part et d’autre de l’Atlantique d’abord par complète incapacité de percevoir la vérité-de-situation est l’un des aspects les plus réjouissants et les plus dévastateurs de la querelle transatlantique qui file à très grande vitesse vers son point de non-retour.

 

Mis en ligne le 23 juin 2017 à 10H45