Il y a 3 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.
244123 février 2016 – Jeb était censé être le meilleur de la dynastie des Bush. Son dad l’affirmait, dont il fut (et reste tout de même, je crois) le préféré aux dépens de l’“idiot de la famille”, GW avec son bonnet d’âne de 43ème POTUS (*) et les innombrables sottises et gamineries d’attardé mental tout au long de son mandat. Quoi qu’il en soit, Jeb fut prestement et impérialement éliminé, comme on l’a lu, à l’issue de la primaire de Caroline du Sud, État où, on nous l’assurait main sur le cœur, la dynastie Bush a toujours été strongly implantée. Il fit, pour annoncer son retrait de la compétition électorale, un discours plein de dignité contenue mais affirmée, et sans aucun doute de hauteur morale sans nulle prétention, où il nous confia avec force mais quelques tremblement dans la voix, quelque chose comme “Gens de l’Iowa, du New Hampshire et de South Carolina, vous m’avez fichu une sacrée branlée et je vous aime tous ... Euh, la démocratie a parlé, je m’incline”.
La “démocratie”, c’est sûr, ou bien est-ce l’argent, le fric, le pognon, le flouze, le pèze, les pépètes, the fast buck, – mais c’est la même chose, n’est-ce pas, “la démocratie” et tous ces accessoires c’est du pareil au même, de l’intimement mêlé, de la quasi-osmose jusqu’à faire ADN-commun... Quoi qu’il en soit et néanmoins, le vrai, quoi qu’en veuillent et disent les cyniques, est qu’entretemps, le Jeb nous a asséné une sacrée et rude leçon de belle et grande morale.
Le digne New York Times nous rappelle que Jeb était de loin le plus friqué de tous les candidats républicains, quant au Super-PAC (les donations des copains & des coquins pour financer la campagne du candidat) qui s’était constitué autour de lui comme une chaude et amicale, et luxueuse couverture protectrice pour assurer ses soirées de méditation sur l’avenir du pays, et donc du monde. A lui tout seul, il avait réuni au départ de la compétition, l’année dernière, plus que tous les autres républicains réunis (y compris The Donald, au fort modeste super-PAC actuel de $27,3 millions, mais il y a sa cassette perso qui l’habille d’une superbe indifférence) ; il avait finalement empoché $157,6 millions pour son seul super-PAC, Jeb Bush, comptabilité actée lors de sa défaite de la fin de semaine. Seule de tous les candidats de cette élection, tous partis confondus, Hillary le dépassait, avec $188 millions car, comme disait Sinatra, That’s why, that’s why the Lady is a Tramp (... et nullement “...is a Trump”). Ainsi était-ce la cause que Jeb, in illo tempore, il y a un an encore, occupait la place de favori chez les républicains et qu’il semblait alors d’une irrésistible et vertueuse fatalité que les deux représentants des deux dynasties occuperaient les deux places de finalistes dans une belle bataille “à la loyale”, façon conception idéale du Système. Rêve brisé, vertu bafouée.
Maintenant, on fait les comptes, et il s’avère que le candidat Jeb Bush, partout battu, malmené, presque ridiculisé, a dépensé pour cette campagne-avorton autour de $130 millions. (Dont, précise le NYT terriblement précis, parmi les comptes divers $84 millions d’annonces TV “positives” [pas méchante pour les autres mais admiratives pour Jeb] et $4.837 en pizzas pour lui et son staff, ou plutôt “pour son staff et lui”.) Soudain naît alors un constat sublime car il s’agit sans aucun doute, nous assure-t-on, d’un record : c’est sans doute la défaite la plus coûteuse de l’histoire électorale des États-Unis. (« It may go down as one of the least successful campaign spending binges in history. ») ...Et ces dépenses, sans nul doute, dépassent très largement toutes celles de ses concurrents, comme il doit se devoir. Bref, record sur record.
Vous imaginez sans doute que je vais tirer une morale de cette histoire en forme de petite pièce élaborée. Mais je ne suis pas Jean de La Fontaine, qui en aurait fait une fable ; je ne peux vous faire que la proposition d’un proverbe apparemment de piètre portée : “L’argent achète tout, même l’échec de l'argent” (“...de l'argent” ajouté après coût/coup, pour faire sonner la phrase en rythme sonnant et trébuchant). Tout de même, la morale de cette histoire, car il y en a une en vérité, n’est pas si indifférente je trouve. C’est un peu le signe que le monde, parfois, dans cette époque extraordinaire, se retrouve cul par-dessus tout malgré la forte poigne du Système, et qu'alors il est droit dans ses bottes...
Je veux dire : et si l’argent, le fric, le pognon, devenait un handicap plus qu’un avantage ? (Je parle bien de l’argent du corrompu qu’est le super-PAC, cet incroyable montage de corruption sans aucune limite, autorisé par la Cour Suprême depuis 2010, où rien ne vient du candidat mais de ses donateurs qui attendent des gâteries en échange de leurs largesses, c’est bien connu.) S’il devenait une sorte de poids insupportable, l'argent un peu à l’image du mensonge, que l’électeur commence à deviner, à identifier, à scruter et à en faire l’objet d’un mouvement de dégoût furieux, à sentir et à ressentir effectivement comme insupportable ?
Je n’ose imaginer que les choses aient été arrangées aussi minutieusement de cette façon, disons par quelque habile manipulation d’essence quasi-divine... Il n’empêche que cette occurrence de la défaite du plus riche, de celui qui avait dépensé le plus d’argent pour en arriver à cette défaite, représente comme un contrepoint très bien coordonné pour accélérer le rythme et le sens de la dynamique déjà illustrée, dans ce texte déjà référencé, du rejet du mensonge. Un poète un peu idéaliste, – mais l’idéalisme n’est point autrement qu’une faveur inattendue et souvent en désespoir de cause que la matière, épuisée d’elle-même et de ses vaines tentatives pour se surpasser, donne à l’esprit pour qu’il déploie la puissance et la beauté de ses appréciations symboliques et de ses élans spirituels ; un poète un peu idéaliste, disais-je, pourrait y voir un symbole...
... Ce poète idéaliste s’interrogerai alors pour distinguer si ces présidentielles américanistes, cette chose qui est une machine impitoyable et horriblement bien huilée par le mensonge et l’argent, ne s’avérerait pas être, finalement comme l’on dit d’une “divine surprise” que l’Histoire réserve parfois, une insurrection contre le mensonge et l’argent, au travers des mesures et des interprétations qu’il faut faire et développer pour distinguer l’essentiel de l’accessoire, jusqu’à ce paradoxe ironique d’un milliardaire devenu meneur de l’insurrection ? Ce serait donc, dans cette époque entièrement emprisonnée, cadenassée, anesthésié, atomisée, déstructurée par le mensonge et par l’argent, la grâce d’un sourire ironique que certains pourraient juger être une promesse.
Cela vaudrait la peine d’y croire... Salut, Jeb ! Finalement, tes trois p’tits-tours-et-puis-s’en-va à $130 millions n’auraient pas été si inutiles ni si amers que tu les a éprouvés sur l’instant ; tu es presque un saint qui s’ignore, ma parole, le friqué qui se sacrifie pour notre salut. Respect, pour toi aussi.
(*) Pour les ignares, POTUS pour President Of The United States, comme FLOTUS pour First Lady Of The United States, comme SCOTUS pour Supreme Court Of The United States, comme TGOTUS pour Thank God Of The United States, comme PGOTUS pour Philippe Grasset Of The United States, et ainsi de suite.
Forum — Charger les commentaires