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1487C’est un bon signe de l’excellente santé de l’“encadrement général” des forces armées US : le plus d’étoiles possibles, comme un véritable ciel d’été sans nuage, sur les côtes grecques, au milieu du débarquement des migrants-réfugiés. Selon The Daily Beast, qui donne une comptabilité précise à cet égard, il y a, dans la “guerre” (dénomination officielle) menée par les USA contre Daesh, actuellement, pour les 5.000 soldats US de diverses utilités recensés, un général pour tous les 416 soldats : 5.000 “militaires”, dont 21 généraux. (L’Irak mène la course : pour “aucune force US combattante” en Irak, selon le Pentagone, on trouve 12 généraux des forces armées US.) Selon les chiffres officiels, le rapport est même plus impressionnant puisque le Pentagone affirme qu’il y a seulement 3.870 soldats affectés à la “guerre” contre Daesh, – ce qui donne un général pour 323 soldats. (C’est le décompte du même Daily Beast, qui corrige le chiffre officiel et le porte à 5.000.)
C’est un pourcentage à la fois remarquable et exceptionnel comme il sied pour les USA, qui laisse loin derrière lui les multiples exemples d’“armées mexicaines” dont l’histoire nous donne la référence. L’article de Nancy A. Youssef mérite d’être lu avec la plus grande attention, d’autant qu’il détaille les positions, les spécialisations, bref l’utilité sinon la nécessité de cette pluie d’étoiles permettant ainsi d’avoir une mesure de l’extraordinaire imbroglio, et donc l’extraordinaire lourdeur du labyrinthe bureaucratique que sont devenues les forces armées des USA.
Ces généraux sont répartis sur le théâtre des opérations, – si tant est qu’on puisse parler de “théâtre” et d’“opérations”, – dans les pays adjacents à ce “théâtre” et bien entendu aux États-Unis même. (C’est aux USA également que se trouve le quartier-général de Central Command [CentCom], qui couvre la zone géographique du Proche- et du Moyen-Orient jusqu’au Pakistan, avec autant de points de commandement. Les généraux de CentCom “se comptent par douzaines”, précise l’article, ce qui pourrait bien nous mener largement au-delà de la centaine.) Le Pentagone donne diverses explications à cette situation, qui est jugée comme “normale” sinon “utile” et “nécessaire”. L’une d’elles est que les réductions massives des effectifs US depuis un demi-siècle n’ont affecté que les soldats et les sous-officiers, tandis que les effectifs des officiers et, surtout, des officiers-généraux restaient en l’état. Une autre est l’addition de la complexification et la multiplication : la complexification du technologisme et de ses développements, des systèmes, de la gestion des systèmes, de l’utilisation des systèmes, de la comptabilité et des imbroglios contractuels afférant à ces systèmes ; la multiplication des services annexés aux forces armées selon l’évolution des conflits, avec le système de la communication, la guerre psychologique, les diverses missions de cyberguerre, les relations publiques, les questions sociétales, la politisation voire la militarisation de certaines de ces activités, et bien entendu les bureaucraties de contrôle et de gestion contrôlant tous ces services de contrôle et de gestion.
Le résultat de cette évolution est la création constante de services annexes, et de “services annexes des services annexes”, concernant toutes les branches de la bureaucratie, de la logistique à la comptabilité, à l’analyse, au renseignement, à la prospective, etc. Cette évolution constitue une sorte de cercle vicieux : le développement bureaucratique est en partie justifiée par la nécessité de placer les généraux constamment en surnombre par la création de postes à mesure, tandis que ce développement bureaucratique justifie lui-même le maintien de l’impressionnante pléthore de généraux et la nécessité de laisser en activité dynamique le processus d’accroissement du corps des officiers généraux. Deux secrétaire à la défense ont tenté de s’attaquer à ce problème récemment : Robert Gates avaient proposé en 2008 la suppression de cinquante généraux et amiraux. Nul n’a jamais pu dire si cette recommandation avait abouti et la chose restera un des secrets de polichinelle classé “Secret défense” de ce début de XXIème siècle tant on en peut deviner l’issue. Hagel, qui succéda à Gates, avait entrepris de réduire de 20% l’effectif des généraux (autant que de la bureaucratie civile), mais, selon la phrase convenue, « il n’est pas resté assez longtemps à son poste pour mener à bien cette réforme ».
L’armée US est aujourd’hui l’armée la plus lourde, la plus lente, la plus bureaucratisée, la plus sclérosée du monde et, d’une façon générale, de toute l’histoire militaire, certainement plus que l’armée soviétique avant l’effondrement de l’URSS. Elle est aussi celle qui possède le budget le plus haut, sinon le plus monstrueux, dépassant très largement les deux tiers de toutes les dépenses militaires du monde avec un budget réel proche de $1.200 milliards par an (près du double du budget “officiel”). Selon le GAO (Goverment Accountability Office) de 2013, le seul poste de l’entretien disons “domestique” (nettoyage, entretien des machines distributrices de Coca-Cola, etc.) des postes de commandement généraux et des quartiers-généraux des forces armées US a doublé entre 2007 et 2012, pour atteindre $1,1milliard par an. En 2001, la veille du 11 septembre, un secrétaire à la défense fameux, Donald Rumsfeld, avait averti que la plus grave menace contre les États-Unis, plus grave même que l’URSS durant la Guerre froide, se trouvait être “la bureaucratie du Pentagone”. Rumsfeld est parti, la menace est bien entendu plus que jamais en train de proliférer.
Voici quelques extraits concernant la plus forte concentration de généraux au kilomètre-carré, et même au mètre-carré dans l’histoire du monde (The Daily Beast, le 31 mars) :
« In the war against the self-proclaimed Islamic State, the U.S. military is notably short on soldiers, but apparently not on generals. There are at least 12 U.S. generals in Iraq, a stunningly high number for a war that, if you believe the White House talking points, doesn’t involve American troops in combat. And that number is, if anything, a conservative estimate, not taking into account the flag officers running the U.S. air war, the admirals helping wage the war from the sea, or their superiors back at the Pentagon.
» At U.S. headquarters inside Baghdad’s fortified Green Zone, even majors and colonels frequently find themselves saluting superiors at a pace that outranks the Pentagon and certainly any normal military installation. With about 5,000 troops deployed to Iraq and Syria ISIS war, that means there’s a general for every 416 troops, give or take. To compare, there are some captains in the U.S. Army in charge of that many people.Moreover, many of those generals come with staffs and bureaucracy that some argue slows decision-making against an agile terror group. [...]
» There is the three-star general in charge of the war, Army Gen. Sean MacFarland, and his two deputies, one of whom is in Iraq at any given time. There is the two-star Army general in charge of the ground war, Army Maj. Gen. Gary Volesky, and his two deputies, who also travel between Iraq and Kuwait. There is the two-star general in charge of security cooperation—things like military sales—and his deputy. Then there are the one-star generals in charge of intelligence, operations, future operations, targeting, and theater support. There also are an untold number of Special Forces commanders in the battlefield whom the military does not speak publicly about; the dozen figure presumes at least one one-star Special Forces general.
» And that is just the beginning of the top-heavy war fight. That figure doesn’t include the bevy of generals stationed in places like Bahrain, Kuwait, and Qatar to support the mission. Nor does it count the three-star Air Force general and his two-star deputy in charge of U.S. Air Forces Central Command, which is headquartered at Shaw Air Force Base, South Carolina. Then there is a three-star Marine in charge of Marine Corps Forces Central Command, based out of MacDill Air Force, Florida, and his deputy and their Navy counterparts. All three commands are responsible for the Middle East. Finally, there are a number of generals from the other roughly 60 coalition countries. The Daily Beast knows of three who support the U.S. generals—from Australia and the United Kingdom.
» Once all those additional generals are included, there are at least 21 flag officers in Iraq, a number even military officials concede is conservative, as there likely are other coalition generals and possibly other Special Forces commanders. Officially, there are only 3,870 U.S. troops, or the equivalent of a heavy brigade, which is usually led by a colonel. One colonel... »
Mis en ligne le 2 avril 2016 à 12H07