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2375Les présidentielles 2016 aux USA, auxquelles personne ne prêtait la moindre attention il y a encore un an parce qu’elles paraissaient absolument sans surprise et complètement cadenassées par le Système, paraissent devenir aujourd’hui, dans un retournement que personne ne met vraiment évidence mais qui représente pourtant un événement inouï méritant bien des commentaires et bien des analyses en profondeur, les présidentielles de toutes les surprises. On connaît très-bien désormais l’ouragan qui secoue le parti républicain, grâce à Donald Trump, la dévastatrice “bestiole” qui s’affiche ouvertement et insolemment anti-establishment, sinon antiSystème, et qui domine les sondages depuis maintenant huit mois. Voilà que la situation du côté démocrate se dégrade également, du point de vue de l’establishment ; c’est une situation qui a évolué discrètement ces dernières semaines mais qui a pris désormais une tournure publique. Il s’agit essentiellement de la situation d’Hillary Clinton, considérée depuis deux ans comme super-favorite, quasiment désignée d'avance par le parti démocrate sinon élue par les USA, – un peu comme elle l’était déjà en 2006-2007, – et qui se trouve désormais dans une position pour le moins délicate.
Il y a deux fronts où la position d’Hillary Clinton ne cesse de s’effriter, ou dans tous les cas semble bien être dans ce processus. Bien entendu, ces deux fronts s’alimentent l’un l’autre puisqu’ils se complètent, puisque le premier est celui du statut et de la posture officielle de la candidate qui ne cesse de s’effriter dans la perception d’une corruption professionnelle et psychologique épouvantable ; tandis que le second est celui de sa popularité au sein des militants du parti, qui ne cesse de se dégrader à son tour, semble-t-il.
• Le 13 janvier, ZeroHege.com relayant l’ancien procureur fédéral Joe DiGenova, rapporte, dans l’affaire des e-mails de la secrétaire d’État, des appréciations et des prévisions extrêmement pessimistes sur le sort légal à venir d’Hillary Clinton, autant que sur son comportement lors de son passage au département D’État. (L’accusation générale, évaluée à la lumière de la fuite de dizaine de milliers [autour de 50.000] de ses e-mails officiels [utilisant la ligne officielle de sa fonction couverte par les restrictions de secret et les obligations de cette fonction], porte sur plusieurs points, autant sur l’affaire de Benghazi du 11 septembre 2011 que sur l’utilisation qu’elle a en a faite pour solliciter des soutiens privés, notamment en faveur de la fondation établie par les époux Clinton.) Comme on le voit, on se trouve à un point critique où tous les éléments nécessaires à une inculpation sont proches d’être réunis, et alors que les possibilités d’“étouffement” de l’affaire (pour peu qu’Obama le veuille, ce qui est loin d’être assuré) apparaissent de plus en plus minces ; et tout cela, bien entendu exacerbé par l’atmosphère de tension électorale où les adversaires de l’ancienne secrétaire d’État vont utiliser à fond cette affaire.
« The leaking of the Clinton emails has been compared to as the next “Watergate” by former U.S. Attorney Joe DiGenova this week, if current FBI investigations don’t proceed in an appropriate manner. The revelation comes after more emails from Hilary Clinton’s personal email have come to light.
» “[The investigation has reached] a critical mass,” DiGenova told radio host Laura Ingraham when discussing the FBI’s still pending investigation. Though Clinton is still yet to be charged with any crime, DiGenova advised on Tuesday that changes may be on the horizon. The mishandling over the classified intelligence may lead to an imminent indictment, with DiGenova suggesting it may come to a head within 60 days. “I believe that the evidence that the FBI is compiling will be so compelling that, unless [Lynch] agrees to the charges, there will be a massive revolt inside the FBI, which she will not be able to survive as an attorney general,” he said. “The intelligence community will not stand for that. They will fight for indictment and they are already in the process of gearing themselves to basically revolt if she refuses to bring charges.”
• Le second “front” est celui de la popularité d’Hillary-candidate, particulièrement dans sa base populaire (“grassroots”). Des indications statistiques des organisations chargées de rassembler la base populaire pour les candidats démocrates montrent que l’adversaire principal de Clinton, le sénateur Bernie Sanders, est de mieux en mieux placé et la distance largement, tout en renforçant considérablement le financement de sa campagne par un appel au soutien de cette base populaire. C’est la confirmation d’un coup très rude pour Hillary, qui avait basé la stratégie de sa campagne sur un tournant vers “la gauche”, justement sur la recherche d’un rassemblement populaire solide pour la soutenir. Le site Washington’s blog relaie le 13 janvier les dernières nouvelles venues de l’organisation MoveOn.org, la principale organisation “populiste”-progressiste démocrate.
« The recent member vote conducted by progressive organization MoveOn.org is downright devastating for Hillary Clinton. The numbers speak for themselves, and demonstrate in no uncertain terms that Hillary Clinton has absolutely zero grassroots support. There isn’t a person in this country who is genuinely excited about Hillary, while Bernie Sanders continues to pack rooms and, as we learned in December, broke the fundraising record for most contributions at this stage in a political campaign at 2.3 million... [...]
« From MoveOn: “More than 340,000 MoveOn members participated in our endorsement process. Sanders won with 267,750 votes, or 78.6 percent. “Fellow Democrat Hillary Clinton garnered 49,811 votes (14.6 percent). Martin O’Malley earned 2,949 votes (0.9 percent). There were also 20,155 MoveOn members, or 5.9 percent, who voted against MoveOn making an endorsement now. Bernie’s vote total and percentage are MoveOn records — the best any presidential candidate has performed in our 17-year history.
» “Finally, MoveOn is endorsing Bernie for president because MoveOn is our members. MoveOn only endorses candidates for office after formal membership votes, and in this case, the outcome of our internal democratic process was overwhelming: the vast majority of voting MoveOn members want the organization to support Bernie, so that’s what we’re going to do. We’ve pledged to run a 100% positive campaign”. »
Le destin d’Hillary Clinton est singulier. Son sort, pour cette campagne de 2016 commence effectivement à ressembler à celui de la sa campagne de 2008, mais en pire si c’est possible, – et ce l’est, effectivement ! Il y a une position de départ d’hyper-favorite, gratifiée d’un financement extraordinaire venu de puissances d’argent de l’establishment, qui semblait devoir conduire la candidate avec un sentiment d’assurance à mesure, comme si sa nomination démocrate était acquise d’avance. Puis on assiste à une érosion à l’approche des primaires, qui fut assez discrète en 2008 avant d’être accélérée par la concurrence inattendue et très efficace d’Obama durant les primaires, qui est beaucoup plus évident pour cette année 2016 où l’érosion est d’ores et déjà largement effective comme on peut le voir. Il y a le sentiment qu’Hillary Clinton est en train de perdre sa position de favorite avant que les primaires aient pleinement débuté, alors que ce phénomène s’était manifesté à plein en 2008 seulement durant les primaires. Cette fois, la concurrence de Sanders, à la différence du cas Obama en 2008, s’est manifestée avant les primaires et n’a cessé de s’affirmer de plus en plus nettement alors qu’au départ Sanders était considéré comme un candidat marginal.
Lui aussi, Sanders, comme Trump chez les républicains, a une forte image anti-establishment, quasiment de “socialiste” [pseudo-“socialiste”], et cela bien que son programme de politique étrangère et de sécurité nationale soit très peu anti-establishment, et d’ailleurs encore mal précisé. Or l’establishment est encore plus détesté par la base populaire en 2016 qu’en 2008, et Clinton le représente bien plus qu’en 2008 ; c’est-à-dire que s’est accumulé sur elle le poids de ce qu’elle croyait être un avantage et qui s’avère être le contraire. Son expérience de secrétaire d’État, qu’elle jugeait être un avantage indiscutable et très puissant, s’est transformée en un boulet terrible qui l’entrave à chaque instant. L’affaire de la fuite de ses e-mails officiels constitue un élément déterminant, en donnant d’elle une image d’intense corruption, ce qui transforme son argument de l’expérience de la direction des affaires étrangères des USA en une caricature terrible de corruption de cette position, – d’ailleurs, semble-t-il, très largement justifiée par la situation qui est mise à jour. Ainsi sa position de force, – expérience de l’État et soutien populaire, – s’invertit-elle complètement : corruption de l’État et hostilité de la base populaire.
Hillary Clinton devient ainsi à la fois le symbole et le symptôme d’une évolution importante, et cela assez marquant lorsqu’on compare 2016 à 2008. L’attitude anti-establishment n’est pas nouvelle mais elle se nourrit désormais, à la fois d’un sentiment populaire plus actif, à la fois de circonstances de plus en plus chaotiques au niveau de l’establishment, à la fois de la perte de repaires (des bornes, si l’on veut) de la part des membres de l’establishment dans l’exercice de leurs privilèges. Ainsi Clinton deviendrait-elle, par sa carrière et les excès de son comportement, une parabole illustrant l’évolution du pouvoir à Washington durant ces dix dernières années. Du fait de sa situation et de son évolution, ce pouvoir a perdu complètement, jusqu’à l’inversion complète désormais, les capacités d’impunité et de puissance par rapport au public qu’il conservait encore jusqu’ici malgré une réduction régulière depuis plusieurs décennies.
Mis en ligne le 14 janvier 2016 à 07H26
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