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5895Nous aimons bien Chris Hedges, – ou bien devrions-nous nuancer en écrivant “nous aimions bien”, partagés entre cette estime du passé qui reste justifiée, et le jugement plus nuancé auquel nous contraint, disons “le contexte du texte” de lui que nous passons ci-dessous. Dans tous les cas, nous avons déjà justifié cette estime dans, le passé, à différentes reprises, y compris lors de son entrée en 2016 à RT-USA, où il continue son émission On Contact.
Le texte ci-dessous a été publié par Hedges sur le site Truthdig.com le 17 décembre 2018, traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr et publié sous cette forme le 18 janvier 2019. Il s’agit d’une critique fondamentale de Trump, du personnage, du caractère, et même du stéréotype auquel il renvoie que Hedges considère comme, semble-t-il, “la quintessence de l’Américain”. Il s’appuie principalement, pour cette critique, sur l’archétypique H.T. Barnum, personnage répugnant et créateur du cirque du même nom, qui semble avoir rassemblé sur sa personne tout ce qu’il y a de plus détestable dans “l’Américain”, – et nous dirions plutôt, “dans l’américanisme”.
En un sens qui est le plus direct qu’on puisse imaginer, nous croyons selon les principes qui nous obligent qu’on ne peut que souscrire à cette description, à la fois de Trump-Barnum et du stéréotype de “l’Américain”. Vulgarité, inculture, artificialité, – le “bling-bling” de la postmodernité, – absence complète de ce que nous nommerions “finesse aristocratique” du point de vue du goût, de l’esthétique, des sentiments, etc., absence complète de mesure par ce qui pourrait être encore plus une caricature d’hybris que de l’hybris pur et simple, tel que les Grecs dénonçaient la chose.
De ce point de vue, Hedges ne mâchent ni ses phrases ni ses jugements. Mais Donald Trump est président des États-Unis, et l’on ne peut donc s’en tenir au seul jugement réduit à sa personnalité et à son caractère. C’est là où l’on mesure l’embarras où se trouve Chris Hedges, où il devrait se trouver dans tous les cas s’il était logique avec son jugement politique générale. En effet, nul ne peut ignorer, et Hedges en premier :
• que Trump a été élu contre tout l’establishment de Washington, sur un programme anti-establishment parce qu’il savait qu’il y avait là un bel investissement électoral. H.T. Barnum aurait fait de même dans cette situation, sans doute, mais que nous importe puisque nous sommes moins intéressé à “stopper” par tous les moyens un être humain de cette sorte, être de promotion et d’apparence, sans idéologie ni conscience politique (notamment et évidemment totalitaire), dans sa course vers le pouvoir qu’à mettre fin à un Système et à sa politique (politiqueSystème) par tous les moyens, y compris le moyen de Trump-Barnum ;
• que la politiqueSystème, contre laquelle Trump s’est engagé dans la mesure de ses possibilités parce que c’est son fond de commerce électoral, n’est pas un produit de Trump mais un produit des adversaires de Trump, que par conséquent Trump est conduit à lutter contre elle quand il le peut et s'il le peut, et qu’alors importe de le dire et de le soutenir.
Le problème pour Hedges est qu’il est et se veut “de gauche” (ou “progressiste”, etc.) et que cela l’oblige à détester Trump absolument, – ce qu’il fait à qui mieux-mieux et avec pertinence, on doit le reconnaître ; mais en arrêtant à ce point sa démarche, il se retrouve, par l’automatisme des effets et contraintes de la politiqueSystème, du côté de ceux qui alimentent la politiqueSystème depuis qu’elle existe. Sur ce fait-là, Hedges n’a pas un mot, et cela est une position bien embarrassante pour lui.
(On trouve cette même situation du fil du rasoir de la contradiction chez différentes sources de la gauche qui se veut également et résolument antiSystème. Le texte du 23 décembre 2018, de Kevin Zeese et Margaret Flowers [de Popular Resistance] sur le même site Truthdig.com, – “Comment terminer la guerre US en Syrie”, –montre le même dilemme embarrassé. En exposant la situation actuelle, le texte montre tout le Système producteur de guerres et de massacres arcbouté contre Trump qui veut faire évacuer les troupes US de Syrie, sans le moindre mot de satisfaction pour la position de Trump, ni la moindre tentative d’explication. Il y a, dans cette sorte d’esprit, – on retrouve le même phénomène chez WSWS.org, en encore plus appuyé du fait du dogmatisme de fer des trotskistes, – une incapacité de dire “ce que fait Trump dans ce cas est bien, même si cet homme est détestable absolument”. Cette impuissance d’exprimer sa pleine liberté de jugement, cette contrainte de l’idéologie vécue comme une prison est loin d’être accessoire ou anecdotique : elle conduit à une incompréhension des situations, à un aveuglement sur les opportunités.)
On trouve partout dans ce texte de Hedges pourtant riche et instructif, – car il est vrai qu’il y a une superbe description du stéréotype de l’américanisme dans son action d’intoxication des jugements et de perversion des âmes, – de cette sorte de faux-sens ou de contre-sens si dommageable. Prenons un seul exemple, et il y a tant d’autres dans d’autres notations et remarques... Hedges parle-t-il de « la prétendue supériorité morale de la suprématie blanche américaine », ou “suprémacisme blanc américaniste”, parce qu’il faut bien s’incliner devant le Totem-Dieu antiraciste ? Au nom de quelle logique, de quelle cohérence ? Obama n’était-il pas un “suprémaciste américaniste”, lui qui n’a cessé de parler avec une arrogance sans mesure de l’“exceptionnalisme américain”, lui qui a déclenché les guerres de Libye et de Syrie pour le compte de l’establishment/DeepState, etc., lui qui trouvé la délicieuse idée d’assassiner n’importe qui dans le monde, compris des jeunes mariés en Afghanistan et au Yemen, grâce aux drones du Pentagone ?
S’il s’agit bien du “suprémacisme blanc américaniste”, alors le “suprémacisme américaniste” est le meilleur whitewashing du monde : comme les banques “blanchissent” l’argent (au sens figuré), il blanchit (au sens propre, si l’on peut dire) les Africains-Américains avec une efficacité redoutable, du type “plus blanc que blanc”...
On comprendra que nous offririons la même sorte de raisonnement, – cette fois le Totem-Dieu est le féminisme, – avec Hillary Clinton, dite “We came, we saw, he died”, icône absolue de la corruption et du massacre du Système, – et ennemie féroce de Trump... Les “ennemis de mon ennemi”... Mauvaise fréquentation, Chris Hedges ? Finalement, son dilemme, s’il y a vraiment dilemme dans son propre jugement sur lui-même, se rencontre partout du côté de la vertu américaniste-occidentaliste de gauche (bloc-BAO), absolument partout, – y compris en “douce France”, bien entendu.
En attendant, lisez le texte de Hedges, il se goûte bien, une fois qu’on a bien pris ses marques. (Chris Hedges sur le site Truthdig.com le 17 décembre 2018, traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr et publié sous cette forme le 18 janvier 2019.)
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Donald Trump fait partie de la race particulière d’escroc qu’Herman Melville décrit dans son roman The Confidence-Man, dans lequel le personnage principal utilise des personnalités protéiformes, des flatteries et des mensonges pour gagner la confiance de ses passagers et les dépouiller sur un bateau à vapeur du Mississippi. Les Confidence-Men, comme l’a compris Melville, sont un produit inévitable de l’amoralité du capitalisme et de l’insatiable soif de richesse, de pouvoir et de puissance qui gangrène la société américaine. Le narcissisme de Trump, sa célébration de l’ignorance – qu’il confond, comme tout Confidence-Man, avec l’innocence – sa mégalomanie et son manque d’empathie sont des pathologies nourries par le milieu américain. Ils incarnent la croyance américaine, parodiée par Mark Twain dans Pudd’nhead Wilson, décortiquée par F. Scott Fitzgerald dans The Great Gatsbyet représentée par William Faulkner dans le clan dépravé des Snopes, que l’origine de votre richesse et de votre pouvoir importe peu dans la rustre société américaine. Ils sont leurs propres justifications.
La culture américaine est construite sur une duplicité volontaire, une vision que nous avons de nous-mêmes et qui ne ressemble guère à la réalité. Malcolm Bradburya écrit « qu’en Amérique, l’imposture est l’identité, les valeurs ne sont pas des croyances mais le produit de circonstances et l’identité sociale est pratiquement arbitraire, ne dépendant ni du caractère ni de l’apparence mais de la chance qui caractérise sa propre nature ou couleur ». Nous avons fondé la nation sur le génocide et l’esclavage, nous ravageons le monde par des guerres sans fin et le vol de ses ressources, nous enrichissons une élite oligarchique aux dépens des citoyens, nous autorisons la police à abattre des citoyens non armés dans les rues et nous détenons un quart de la population carcérale mondiale tout en nous vautrant dans la prétendue supériorité morale de la suprématie blanche américaine. Plus la nation s’avilit, plus elle cherche à se rassurer auprès d’escrocs véreux pour masquer la vérité par des mensonges.
Trump, comme la plupart des escrocs, est doué pour fabriquer des informations qui lui sont utiles et un personnage fictif, qui alimentent l’aura magique de sa célébrité. Le showman P.T. Barnum est le prototype de cette souche de l’américanisme. Dans les années 1830, il exploita l’exhibition de Joice Heth, une vieille esclave afro-américaine, prétendument âgée de 161 ans et ex-infirmière de George Washington. Quand le personnage-Heth eut perdu l’attrait de la nouveauté, Barnum proclama que ce qu’il avait exhibé était un robot. « Le fait est que Joice Heth n’est pas un être humain », écrivit-il à un journal de Boston, « …mais plus simplement un automate étonnamment fabriqué, composé d’os de baleine, de caoutchouc et de nombreux ressorts ingénieusement montés et déplacés à la moindre pression selon la volonté de l’opérateur, lequel est ventriloque ». Les foules, qui à l’apogée du spectacle avaient collectivement déboursé $1 500 par semaine (alors une somme énorme) pour voir Heth, revinrent en masse pour voir la prétendue machine. Après la mort de Heth en 1836, à l’âge de 79 ou 80 ans, Barnum vendit des billets pour le spectacle de l’autopsie, qui fut ainsi vue par 1 500 personnes.
« [Barnum] avait commencé à exploiter les innombrables facettes qu’il allait maîtriser dans ses nombreuses campagnes publicitaires : la révélation brutale, le flot d’informations rapides et inhabituelles, l’exploitation maximale, – tout cela, il l’a utilisé presque immédiatement », écrit Neil Harris dans “Humbug : L’art de P.T. Barnum”. « C’est au cours de la tournée de Joice Heth que Barnum se rendit compte pour la première fois qu’un exposant n’était pas tenu à la vérité ; il n’avait qu’à paraître vraisemblable et à faire naître le doute. Le public serait plus excité par la controverse que par le fait avéré. Les seules exigences était de garder le numéro en vie et qu’on en parle dans la presse. N’importe quelle déclaration vaut mieux que le silence. »
Barnum initié à la ruse des colporteurs et des marchands yankees du Connecticut, construisit aussi les premiers théâtres de célébrités, dont, en 1841, l’American Museum de New York, surnommé « un vaste stand de clopinettes » par Twain qui souhaitait qu’« un philanthrope » le fasse brûler. Barnum était le grand prêtre de la religion polythéiste et séculière des Américains et le créateur du kitsch comme une esthétique, caractéristiques qui définissent Trump. Trump a construit ses propres temples pour les célébrités et pour lui-même, dont le casino Trump Taj Mahal à Atlantic City et les Trump Towers dans différentes villes. Comme Barnum, Trump a compris que les célébrités et leurs reliques fonctionnent dans la culture américaine comme des totems et des talismans magiques. Tout comme Barnum, il exploite la vulgarité de la masse, exaltant le salace et le sordide en prétendant qu’il s’agit de culture et d’art.
Les Confidence-Mensont doués pour colporter des fictions conçues uniquement pour attirer la notoriété et rabaisser leurs adversaires. Quand Trump demande le certificat de naissance de Barack Obama ou le test ADN du sénateur Elizabeth Warren, ce n’est pas pour découvrir des faits, mais pour dénigrer et faire diversion. La publication du certificat de naissance d’Obama et la communication de l’ADN de Warren n’ont pas mis un terme aux mensonges. Les vieux mensonges ont été remplacés par de nouveaux mensonges qui, une fois de plus, répondaient aux désirs des masses. La rumeur sordide selon laquelle Eliot Spitzer, l’ancien gouverneur en disgrâce de New York, portait des chaussettes noires lorsqu’il avait des rapports sexuels avec des prostituées, a pris corps avec Roger Stone, l’agent politique et confident de Trump, qui sort du même moule que Barnum et Trump. « Quel type de gars fait ça avec ses chaussettes ? », a déclaré Stone dans le New York Post.
Dans un documentaire d’Alex Gibney sur Spitzer intitulé Client 9, Gibney interviewe une prostituée dont l’identité reste secrète et dont les paroles sont lues par un acteur ; la prostituée dit avoir eu de nombreux rapports avec Spitzer et nie qu’il portait des chaussettes pendant les actes sexuels. A cause des commentaires de Stone, cependant, Spitzer s’est senti obligé de démentir, dans le film de Gibney et en public, qu’il portait des chaussettes lors de ses ébats avec des prostitués. La presse a été prise de frénésie. Le mensonge de Stone l’a emporté à force d’être répété.
Stone, au milieu de cette fureur auto-alimentée, a écrit un article sur le site Web du Daily Caller de Tucker Carlson, attaquant ceux qui remettaient en question son affirmation :
« Dans son film largement fictif, Gibney fait appel à une actrice pour affirmer que Spitzer ne portait jamais de chaussettes noires tombantes dans ses ébats avec des prostituées. Apparemment, l’actrice parle du démenti d’une prostituée que Gibney refuse d’identifier par son vrai nom. C’est parce que Gibney n’a aucune informatrice prête à mettre son nom sur ce mensonge. Gibney n’est ni journaliste ni cinéaste ; c’est un propagandiste de gauche qui fait preuve du même mépris pour les faits qu’Oliver Stone. Le fétichisme de Spitzer pour les chaussettes noires avait déjà été vérifié auparavant, par le New York Post du 24 avril 2008, lorsqu’une source du FBI a confirmé la passion du Démocrate de New York pour les chaussettes hautes, dont il a refusé de se défaire lors d’une relation sexuelle tarifée. Gibney a ignoré ce fait dans son film, bien fait mais faux. »
Comme Trump, Stone sait comment évoquer des images et des réponses émotionnelles pour submerger la réalité et remplacer la vérité. De tels mensonges et pseudo-événements, parce qu’ils sont si divertissants, sont largement à l’abri des démentis. Les annonceurs et publicitaires de Madison Avenue utilisent les mêmes tactiques pour saturer le paysage d’illusions savamment fabriquées et de fausses promesses. Le démasquage des duperies ne fait qu’ajouter à leur séduction et à leur pouvoir.
Une autobiographie de P.T. Barnum, Struggles and Triumphs, publiée en 1855, détaille sans vergogne les tours de passe-passe et les tromperies qui l’ont rendu très, très riche. Il a compris, comme il l’écrivait dans son autobiographie, que « le public est complètement disposé à s’amuser même s’il est conscient d’être dupé… ». Cette compréhension sous-tend la popularité des divertissements tels que le catch professionnel et les émissions de télé-réalité, ainsi que Fox News, qui sont tous basés sur des arnaques.
Les escrocs comme Barnum, Trump et Stone exploitent tout le monde et tout ce qui les entoure. Lorsque Jumbo, l’éléphant-vedette de Barnum, fut tué par un train, Barnum inventa une histoire selon laquelle Jumbo s’était sacrifié pour sauver un éléphanteau. Il acheta un autre éléphant, qu’il appela Alice, et fit réaliser des images d’“elle” debout à côté du corps empaillé de son “mari” martyrisé. L’imposture était tellement scandaleuse et éhontée que le public de l’époque, à l’instar du public actuel qui se gave d’informations selon lesquelles Spitzer porte des chaussettes noires quand qu’il couche avec des prostituées, voulut absolument y croire.
Dans notre culture “barnumesque”, ceux qui créent les fantasmes les plus convaincants dans les divertissements qui tournent continuellement en boucle sont adulés. Ceux qui dégonflent les fantasmes avec la vérité prosaïque sont condamnés pour avoir gâché le plaisir. Ces pseudo-événements et fabrications sortent les gens de leur vie quotidienne pour les projeter dans un monde fantastique semblable à celui d’Oz. Ils détruisent la parole publique enracinée dans des faits vérifiables, anéantissant tout espoir de contenir la pensée magique qui est au cœur de toutes les sociétés totalitaires.
Barnum a un jour demandé à E.D. Gilman, qui venait de rentrer des champs aurifères de Californie, de donner une conférence sur la prospection, les salaires des prospecteurs, l’équipement nécessaire et les conditions de vie. « Ce faisant, écrivit Harris, il devait passer sa main sur une pépite d’or de 11 kg, laissant entendre qu’il venait de Californie. Gilman répondit que ce serait une bêtise, car 200 grammes était la plus grosse masse dont il avait jamais entendu parler. “Mon cher monsieur”, répondit l’imprésario-Barnum, “plus le bobard sera gros, plus les gens le savourent”. »
Thomas Low Nicholsa fait le récit d’un incident où Barnum avait désespérément besoin d’un artiste pour un spectacle de “blackface” après que son chanteur blanc eut démissionné (*). Tout ce qu’il put trouver pour remplacer son chanteur blanc, c’était un jeune et talentueux garçon noir qui dansait et chantait. Il était impensable pour Barnum de présenter l’acteur authentique, étant donné la nécessité de la perception de l’illusion et son acceptation cynique des préjugés raciaux. Barnum « peinturlura de noir le chanteur et lui fit porter une perruque » , écrit Harris, dans le but de le faire passer pour un Afro-Américain imaginaire, – « parce que les New-Yorkais, qui applaudissaient ce qu’ils croyaient être un garçon blanc au visage noirci sous une perruque de laine, auraient chassé un vrai nègre de la scène et lynché l’organisateur ».
Trump, dans une vidéo promotionnelle de 2005 pour une arnaque qui lui a rapporté environ 40 millions de dollars, utilise l’hyperbole familière de l’escroc pour déclarer : « À l’Université Trump, nous enseignons le succès. C’est bien de ça qu’il s’agit, du succès. Ça va vous arriver à vous. Nous allons avoir des professeurs et des auxiliaires absolument fantastiques, des gens fantastiques, des cerveaux fantastiques, qui ont réussi. Nous allons avoir le meilleur des meilleurs. Ce sont des gens que j’ai moi-même triés sur le volet. »
Mais il n’y avait pas d’université.
« La fausse université n’avait pas non plus de professeurs, pas même des auxiliaires à temps partiel, et les “professeurs” (comme on les appelait) n’étaient certainement pas “les meilleurs des meilleurs” », écrit David Cay Johnstondans ‘The Making of Donald Trump’. « C’étaient des vendeurs payés à la commission, dont beaucoup n’avaient pas d’expérience dans l’immobilier. L’un d’eux gérait un fast-food…. deux autres instructeurs étaient en faillite personnelle tout en collectant des honoraires de la part d’aspirants-diplômés de l’Université Trump avides d’apprendre comment devenir riches. »
Johnston écrit que l’« une des conclusions d’un enquêteur a été que les étudiants qui assistaient au séminaire “de niveau supérieur” apprenaient à s’attaquer aux propriétaires [de leur maison] surendettés et à cibler les biens saisis ». Ils ont également reçu comme consigne, le premier matin d’un cours de trois jours, « d’appeler leurs sociétés émettrices de cartes de crédit, leurs banques voire leurs organismes de crédit pour demander un relèvement du plafond ou une prolongation du crédit afin qu’ils puissent financer l’achat du forfait “Gold Elite”. Le conseiller de l’Université Trump devait même demander en tête-à-tête aux participants d’appeler leur banque pendant qu’un représentant [de Trump] attendait. L’objectif principal de ces 3 jours de séminaire semble été de les pousser à acheter le forfait “Gold Elite” au conseiller de l’Université Trump, pour $35 000. »
Les projets et les séminaires de Trump pour s’enrichir rapidement, y compris ses livres, étaient une escroquerie. Ses casinos étaient des arnaques. Ses discours rémunérés au nom de gourous du développement personnel tels que Tony Robbins étaient une arnaque. Les récits de ses prouesses sexuelles, diffusés par lui-même en se faisant passer pour un porte-parole de Trump, ont été une escroquerie. Ses projets de construction étaient une arnaque. Trump avait même, écrit Johnston, des “employés imaginaires”. Trump, ses kleptocrates et ses arnaqueurs triomphent aujourd’hui, et ni les normes démocratiques ni la simple décence humaine n’entraveront leur avidité pathologique
Il était peut-être inévitable que ce poison vienne à dominer notre culture et notre politique. C’est le triomphe de l’artifice. Nous vivons à une époque où le faux, le frauduleux, le fabriqué et le théâtral supplantent la réalité. Le personnage fabriqué par Trump a été porté par une émission de télé-réalité. Il a vendu ce personnage fabriqué, alors que ses audiences diminuaient et qu’il risquait d’être retiré des ondes, pour devenir président. Il y a des légions d’agents, de publicitaires, de consultants, de scénaristes, de célébrités, de producteurs de télévision et de cinéma, de conseillers vestimentaires, de sondeurs et de personnalités de la télévision qui se consacrent à créer les myriades d’illusions qui saturent les ondes de mensonges à la Barnum. Nous ne pouvons plus faire la différence entre illusion et réalité ; en effet, lorsqu’une version de la réalité n’est pas confirmée par nos écrans électroniques et par nos manipulateurs de réalité, elle n’existe pas. La création habile de l’illusion et la manipulation de notre réaction émotionnelle, des actions qui profitent aux élites à notre détriment financier et politique, se sont infiltrées dans les domaines de la religion, de l’éducation, du journalisme, de la politique et de la culture. Ils renforcent la loi de la foule et la pensée magique. La vulgarité crasse, la cupidité, l’hédonisme et l’amoralité incontrôlés de Trump, ainsi que son auto-vénération, font partie intégrante de l’Amérique, mais son ascendant, et l’ascendant des personnages qu’il incarne, représente une mort culturelle.
(*) “Blackface” était une pratique théâtrale consistant à faire jouer – pour s’en moquer – des acteurs blancs grimés en Noirs. [NdT].
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