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3058C’est une vieille habitude dans les relations entre les USA et Israël depuis au moins 1973, alors pourquoi s’en priver ?... Dès que les Israéliens se heurtent à une situation qui pourrait constituer une mise en cause de ce qu’ils estiment être leur droit absolu d’intervenir partout et comme il leur plaît dans tous les pays avoisinant dans la région, ils se tournent vers les USA pour obtenir de nouveaux armements plus modernes, si possible les plus modernes que les USA ont eux-mêmes dans leurs forces aremées. Aujourd’hui, ce ne peut être que le F-35, alias JSF. Effectivement, depuis quelques temps il se chuchote beaucoup, d’un sous-ministre l’autre à Tel-Aviv (pour l’instant, le ministre de la défense a évité d’être aussi précis à cet égard), qu’Israël continuera ses attaques “illégalement légales” en Syrie, notamment et essentiellement avec ses F-35I, notamment et essentiellement pour détruire les batteries de S-300 qui sont arrivées en Syrie et seront opérationnelles autour du 20 octobre.
C’est DEBKAFile qui donne, ce 5 octobre 2018, les informations les plus précises à cet égard, avec notamment la nouvelle que l’USAF serait convenue de transférer un certain nombre (un escadron ?) de ses très-précieux F-35 à la force aérienne israélienne...
« Le président Donald Trump a ordonné de livrer à Israël de nouveaux avions furtifs F-35, en réponse aux quatre batteries de défense antiaérienne S-300 que la Russie a envoyées à la Syrie et à la modernisation de ses mesures de guerre électronique. La décision a été prise, révèlent nos sources, à l'issue de consultations entre Washington et Jérusalem au plus haut niveau de l'administration et de l'armée sur la menace accrue des récentes mesures prises par la Russie concernant les opérations aériennes israéliennes contre des cibles iraniennes en Syrie. Les F-35 proviendront des escadrons de service actifs de l’armée de l’air américaine, tout comme les S-300 pour la Syrie proviennent des stocks de missiles de défense aérienne opérationnels de la Russie.
» En plus d’informer le Premier ministre Benjamin Netanyahu de la décision du président, Washington a également informé les deux princes héritiers du Golfe, Muhammed bin Salman d’Arabie saoudite et Muhammad Bin Zayed des Emirats arabes unis, que le premier escadron américain de F-35 dans cette région serait déployé sous peu à la base aérienne Al Dhafra, à 32 km au sud d’Abou Dhabi.
» Les sources militaires de DEBKAfile jugent que ce transfert important d'avions furtifs américains avancés au Moyen-Orient et dans le golfe Persique doit témoigner de la détermination des États-Unis et d'Israël à permettre la poursuite des opérations de l'armée de l'air israélienne au-dessus de la Syrie, en dépit de la présence des S-300 et du renforcement des capacités de la défense aérienne russo-syrienne. »
La nouvelle n’a en soi rien de surprenant puisqu’un renforcement des capacités israéliennes était largement attendu, dans la mesure où Israël a annoncé après la décision russe de renforcement de la défense AA syrienne qu’il ne changerait rien à ses incursions offensives en Syrie. (A ce propos... Depuis le 17 septembre et la destruction de l’Il-20 russe, les Israéliens semblent s'être abstenus de toute incursion dans le ciel syrien ou de tirs air-sol vers la Syrie.) L’hypothèse de l’intervention du F-35 avait aussitôt été largement évoquée après l’annonce du renforcement russe de la Syrie, et nous nous y attachions au travers d’un texte de Tom Luongo et de notre commentaire, le 1eroctobre 2018.
Nous nous étions surtout attachés aux enjeux entourant l’introduction du F-35 dans des missions aériennes réelles (c’est-à-dire face à une défense aérienne d’une capacité désormais importante). Nous rappelons ce passage où nous mentionnions la position de communication dans laquelle se trouvent Israël et les USA, avec la nécessité d’obtenir des F-35 des performances excellentes sinon irrésistibles puisque c’est sur cette narrative qu’existe cet avion, qu’il est exporté, qu’il figure dans les forces aériennes US, etc. C’est là que se trouve essentiellement un des enjeux de la partie en cours, qui est un enjeu d’image et de communication, un enjeu de statut pour les acteurs de la crise, pour perdre ou ne pas perdre la face et ainsi de suite...
« Manifestement, ce sont les Israéliens, et surtout derrière eux le système de l’américanisme et le complexe militaro-industriel, qui auraient le plus à perdre dans un tel affrontement. Du fait des exagérations constantes d’un système de la communication quasi-exclusivement nourri aux narrative et enchaîné à l’affirmation constante de la supériorité de la puissance US devenue dépendante d’un réflexe du type déterminisme-narrativiste, la démonstration symbolique de l’invincibilité et de l’irrésistibilité (du F-35 dans ce cas) est pour les USA une nécessité absolue de promotion et d’influence pour satisfaire la perception de leur propre ontologie autant que pour assurer la fortune des actionnaires de Lockheed Martin. Une entorse à cette démonstration symbolique dans le chef d’un système tel que le F-35 chargé de tout le poids de la communication fortement appuyée sur le symbolisme est une perspective catastrophique ; cela alors que les USA craignent chaque jour de plus en plus de perdre leur position de leadership écrasant et tonitruant dans la vente et la manipulation des armements dans le monde pour assurer leur interventionnisme dans la souveraineté de leurs clients. »
Ces observations gardent certes leur valeur, mais le facteur de l’intervention US directe que signale DEBKAFiles introduit un élément nouveau avec de nombreuses conséquences potentielles, dont certaines politiques, d’une très grande importance. Il nous paraît logique de faire l’hypothèse que cette décision de transfert de F-35 vienne directement de Trump, par le canal de ses relations directes avec Netanyahou ; et il s’agit d’abord de communication, comme toutes les décisions de Trump, sans trop de considération pour les conséquences opérationnelles. Or, à ce niveau de l’opérationnel sous l’influence de la communication qui devrait assurer un éclairage important de la position US, la décision de transfert des F-35
1) implique de facto un engagement de soutien quasi-explicite des USA pour toute opération qu’Israël déciderait de lancer contre la Syrie, ou plus exactement selon la ligne officielle des Israéliens, “contre les Iraniens en Syrie”, mais surtout avec l’élément nouveau et fondamental de la destruction des batteries de S-300 ;
2) implique de la même façon que les F-35 seront engagés dans une telle opération...
On comprend bien que cet ensemble de nouveaux facteurs complique singulièrement la situation. Il y a effectivement deux problèmes qui s’imposent, qui sont connectés l’un avec l’autre, dans un environnement extrêmement sérieux puisque les Russes sont désormais directement impliqués dans les opérations de défense aérienne de la Syrie, avec tout ce que cela suppose à la fois d’expertise et de recherche de l’efficacité pour la réputation et le prestige de la Russie.
• Le premier de ces problèmes est le soutien de facto des USA aux opérations israéliennes. Selon la façon dont il est considéré du côté US, selon les influences dans la direction US, il implique soit une relative position en retrait des USA, soit un engagement actif qui peut conduire à la participation de forces US à l’engagement israélien, ou le soutien actif/logistique de cet engagement. Dans ce cas, on trouve bien entendu la possibilité d’un affrontement direct entre les USA et la Russie.
• Le second de ces problèmes est la participation des F-35, avec toute la problématique technique et polémique qu’on connaît déjà avec ce système, qui implique à la fois des aspects technologiques et commerciaux, à la fois des aspects politiques internes et externes (prestige de l’armement en fonction des exportations, statut du programme F-35 dont on sait la position délicate, etc.). Il nous paraît également évident qu’une telle participation des F-35, après l’intervention US pour que l’USAF fournisse des exemplaires supplémentaires, constitue un facteur politique liant les USA à des opérations israéliennes.
• Bien entendu, le fonctionnement de tous ces armements constitue en lui-même un problème opérationnel et politique fondamental, qui met là aussi les USA (F-35) et la Russie (S-300) en confrontation directe au travers du prestige de leurs armes.
Il n’est nullement assuré que tout le monde soit satisfait, dans la direction US, de la décision de livrer directement des F-35 de l’USAF à Israël ; il n’est nullement assuré que la coordination sera parfaite entre l’USAF qui a ses propres matériels, et les Israéliens qui ont l’habitude de réaliser certaines modifications qui leur sont propres sur les modèles d’avions de combat qu’ils importent. Dans le cas du F-35, il s’agit d’un aspect qu'on jugerait presque fondamental et pas seulement technique, dans la mesure où la question du contrôle de ces avions constitue un facteur de première importance, et où l’on peut envisager certains heurts et certaines difficultés de coordination. Enfin, il y a le facteur, également fondamental, des doutes que certains militaires israéliens ont vis-à-vis du F-35, doutes qui devront s’effacer, ou paraître s’effacer devant l’obligation où ils sont désormais d’utiliser le F-35 pour ces opérations.
De leur côté, les Russes se retrouvent devant le problème qu’ils connaissent depuis leur déploiement dans la région : comment éviter des heurts directs avec les USA. Mais cette fois, ils y sont avec des enjeux très importants, notamment politiques et opérationnels, et cette importance des enjeux concerne évidemment leurs adversaires potentiels également. DEBKAFiles annonçait le 3 octobre que les S-300 livrés aux Syriens étaient non seulement intégrés au système C3 (commandement, contrôle et communications) de défense aérienne et de contrôle de l’espace aérien de la base (russe) de Khmeimim, mais au système C3 global de la défense antiaérienne russe.
« Les sources militaires et de renseignements de DEBKAfiles rapportent que Poutine a saisi l’occasion de l’affaire de la destruction de l’Il-20 pour établir en Syrie un système de défense antiaérienne avancé lié non seulement à la base aérienne russe de Khmeimim à Lattaquié, mais intégré au système C3 global de la Russie assurant toutes les défenses antiaériennes, y compris contre les attaques nucléaires. Cette décision est un élément décisif pour les opérations des Américains et des Israéliens en Syrie. Ces deux acteurs ne doivent plus seulement veiller à ne pas être engagés par les batteries de missiles russes et syriens en Syrie, ils se trouvent désormais devant la perspective du premier affrontement direct avec le système de défense aérienne global des forces armées russes en général, qui défend la sécurité de la Russie. »
Brièvement dit pour conclure, on observera que la situation impliquant la Syrie, Israël, la Russie et les USA après l’affaire du Il-20 et le durcissement russe est un baril de poudre d’une importance considérable ; une fois de plus, certes, mais toujours plus lourd et volatile... On y trouve réunis un certain nombre de facteurs explosifs fondamentaux, jusqu’au F-35, alias JSF, qui n’en espérait sans doute pas tant, – c’est-à-dire rencontrer si vite l’occasion d’une telle véritable situation de combat aérien. On imagine les retombées déstabilisatrices possibles de cet ensemble, tandis que Washington poursuit sa course folle autour de ses élections midterm et de sa “guerre civile de communication”...
Mis en ligne le 5 octobre 2018 à 17H00
Bien entendu, il existe la possibilité pour les USA d'une utilisation directe de F-22 contre les batteries de S-300 syriens contrôlées par les Russes. Il semble que le scénario soit envisagé. C'est un tout autre cas de figure que celui qui est envisagé ici, et ses implications politiques apparaissent immédiatement comme considérables.
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