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1340L’annonce faite par le directeur du FBI Comey de la réouverture de l’enquête sur Hillary Clinton (emailgate), cette fois en s’attachant au cas d’Huma Abedin et surtout de son mari (futur ex-mari, procédure de divorce en route) Anthony Weilner, constitue in extremis ce qu’on nomme depuis 1980 l’October Surprise d'une campagne présidentielle, cette fois de la campagne exceptionnelle USA-2016. Cette October Surprise est aussi exceptionnelle que l’électionUSA-2016 elle-même, par le désordre extraordinaire qu’elle apporte dans les derniers jours de la campagne.
La question se pose avec insistance de savoir pourquoi Comey a fait cela, à onze jours de l’élection. Des sources ont affirmé qu’il avait agi contre l’avis de la ministre de la Justice Loretta Lynch, qui s’est très fortement impliquée dans une action partisane parfois grossière pour protéger Clinton contre des problèmes légaux dans cette affaire. Dans le mémo qu’il a adressé aux officiers du FBI concernés, Comey s’est montré extrêmement vague sur les raisons qui l’ont poussé à agir de la sorte dans des circonstances politiques générales si exceptionnelles, alors que rien de légal ne l’y obligeait et qu’il est même tout à fait inhabituel d’agir de la sorte (annonce publique de la réouverture d’une enquête) pour un directeur du FBI. Le New York Times du 28 octobre précisait à cet égard ceci qui montre que Comey semble avoir agi intentionnellement avant l’élection du 8 novembre :
« It remained unclear whether Mr. Comey would reveal more about the contents of the newly discovered emails. In his memo to the F.B.I. staff, it was evident that he is keenly aware of the fraught political backdrop that he faces. “We don’t ordinarily tell Congress about ongoing investigations, but here I feel an obligation to do so given that I testified repeatedly in recent months that our investigation was completed,” Mr. Comey wrote. “I also think it would be misleading to the American people were we not to supplement the record.” »
Parmi diverses possibilités envisagées par les commentateurs, nous nous attacherons à celle-ci, qui paraît la plus plausible, qui avait d’ailleurs été déjà évoquée lorsque Comey avait rendu son fameux verdict en juillet (“Clinton mériterait d’être inculpée mais nous ne demandons pas son inculpation”) : une “insurrection” au sein du FBI, chez les enquêteurs de l’emailgate menaçant de “fuiter” des documents vers la presse. (Dans notre texte du 29 octobre, nous notions : « [Comey] explique d'une part la nécessité légale où il se trouvait d’agir de la sorte (le Congrès l’avait entendu à plusieurs reprises affirmer sous serment que l’enquête était définitivement close), et d’autre part que, dans cette période cruciale, s’il n’avait pas agi de la sorte, il était certain que la nouvelle serait parvenue à la presse d’une autre façon (fuite d’un des enquêteurs). »
Il semble que la thèse de l’“insurrection” se précise, – et une “insurrection” qui entendait obtenir du directeur qu’il agisse avant le 8 novembre. Nous notons au moins que deux sources de la presse-antiSystème, de positions politiques diamétralement opposées, citent cette explication. Une troisième donne de nombreux détails à partir d'autres sources que les évènements semblent accréditer sur l’“insurrection“ du FBI, où l’on voit que Comey agit effectivement sous la pression d’une bureaucratie qu’il ne contrôle plus et qui est en “mutinerie” ouverte ; c’est-à-dire qu’on ne doit pas le considérer comme agissant de sa propre initiative, au nom d’un FBI “mutiné“ dont il ferait partie en s’en faisant le porte-parole, mais comme un directeur qui est menacé par la “mutinerie” de ses propres troupes et qui agit en partie, – sans donner satisfaction complète, — dans le sens que veulent les “mutins” pour ne pas perdre tout contrôle et ce qu’il lui reste d’autorité... (Ce qui donne une signification encore plus large à notre remarque dans notre texte référencé du 29 octobre :« [C]’est-à-dire que tout le monde, y compris et essentiellement à l’intérieur du Système, est en mode de sauve-qui-peut, chacun ne songeant qu’à son propre sort... »)
• WSWS.org (trotskiste) du 29 octobre : « One former Justice Department official suggested that Comey was under intense pressure from within the FBI over his previous declaration that no competent prosecutor would bring charges against Clinton over her use of the private server. If true, this means that sections of the federal police agency are in open revolt against the candidate who may shortly become their nominal “commander-in-chief.” »
• Infowars.com (droite populiste dure, dit Alt-Right dans le langage clintonien) du même 29 octobre : « Upcoming leaks pertaining to Hillary Clinton have forced the hand of the FBI into re-opening their investigation into the crooked candidate. Sources speaking with Infowars say an internal struggle at the FBI has reached a boiling point following FBI Director James Comey’s original decision not to pursue criminal charges. »
• Fox.News et d’autres sources via WMD, le même 29 octobre : « Bill O’Reilly, appearing Friday as a guest on his own “The O’Reilly Factor” program, weighed in on FBI Director James Comey’s surprise announcement earlier in the day, reported Breitbart. “Well it was quite apparent you have a series of events and it is circumstantial — so much circumstantial that Comey did not want to make this indictment,” O’Reilly said. “But the big smoking gun is that Comey did not call for a grand jury. I have spoken with dozens of FBI agents to a man who have said that is highly unusual in a complicated case like this. O’Reilly also suggested Comey’s earlier handing of the email-server investigation had nearly caused a “mutiny” in the FBI.
» Reports of “dismayed and disgusted” agents and Department of Justice investigators, angry over Comey’s July 5 announcement not to recommend prosecution for Clinton, had surfaced two weeks ago. A source told Fox News, “No trial level attorney agreed, no agent working the case agreed, with the decision not to prosecute – it was a top-down decision.”
» Former U.S. Attorney Joe DiGenova, citing FBI sources close to the investigation, called the internal dissension “a big development,” in an interview with Hotair. “This is a big development. This means there are some great, traditional, honest people inside the FBI and DOJ who will not let this stand, said DiGenova, who still practices law in D.C. “They know that Comey is a dirty cop and they are disgusted. Inside the bureau I had a meeting today with a senior former FBI agent who told me this exact story. That people are starting to talk. They’re calling their former friends outside the bureau asking for help. We were asked, today, to provide legal representation for people inside the bureau and we agreed to do so. And, to former agents who want to come forward to talk.” “Comey thought this was going to go away. It is not. People inside the agency are furious. They are embarrassed. They feel they are being led by a hack. But, more than that, they think he’s a crook. They think he’s fundamentally dishonest. They have no confidence in him. The bureau, inside, right now … is a mess.”
» Now it appears the anger and the mess may have turned into outright resistance. »
Quoi qu’il en soit des raisons qui ont poussé Comey à agir, il reste que cette action officielle transforme complètement les conditions disons institutionnelles de l’élection présidentielle USA-2016. Il semble qu’il s’agisse d’une situation sans précédent, notamment et particulièrement bien sûr si Clinton était élue (hypothèse aujourd’hui extrêmement mise en question). Le même texte WSWS.org résume d’une façon générale cette situation (toujours dans l’hypothèse de l’élection de Clinton) en précisant simplement que la nouvelle administration entrera en fonction dans une situation de crise institutionnelle complète, sans compter les circonstances exceptionnelles, notamment l’état d’insurrection anti-Clinton régnant au sein d’un des organismes de sécurité centraux du système de l’américanisme. (« Whether the intention of Comey’s letter was to inflict fatal damage to Clinton’s candidacy, shore up endangered Republican majorities in the Senate and House, or fire a shot across the bow against an incoming Clinton administration, it makes clear that the next administration will be mired in crisis from the day it takes office. »)
La situation d’une Hillary Clinton élue ressemblerait à celle d’un Nixon élu pour son premier mandat en novembre 1968 dans la situation où il se trouvait le 1er mai 1973, lorsque le scandale du Watergate devint public. Cela signifie quasiment une paralysie de l’exécutif, même si le Congrès sorti des élections du 8 novembre était à majorité démocrate dans les deux Chambres (hypothèse d’ores et déjà hautement improbable), dans la mesure où, justement, des pans important de l’appareil du pouvoir américaniste (le FBI notamment) seraient en complète insurrection contre la présidente.
En fait, la situation est si exceptionnelle que d’autres hypothèses doivent être explorées, également pour le cas d’une victoire de Trump, et cela sans tenir compte des “unknown unknowns” (« les inconnues inconnues, – les [événements] dont nous ignorons que nous les ignorons »). On peut lire à cet égard le texte de Tom Tancredo sur Breitbart.News, le 29 octobre : « Hillary Clinton devrait abandonner pour [nous] éviter une crise constitutionnelle », – ce qu’elle ne fera en aucune façon, évidemment. L’historien libertarien Thomas DiLorenzo note sur son blog, sur le site LewRockwell.com, le 29 octobre, dans une envolée de dérision horrifiée : « Imaginez ma surprise en apprenant qu’Hitllary avait menti entre ses dents à la cinquième seconde de sa “conférence de presse” [de 3 minutes 47 secondes] la nuit dernière, concernant la réouverture par le FBI de l’enquête sur les e-mails de la “Clinton Crime Familly”. »
Dérision, mensonges, “mutinerie” dans les services de sécurité, désordre complet, situation rocambolesque (le FBI a saisi “des dizaines de milliers” d’e-mails d’Huma Abedin dans l’ordinateur de son mari Anthony Weiner), ainsi en est-il alors que s’amorce l’ultime semaine avant la semaine du vote du 8 novembre. A certains moments, on en arrive à penser que le résultat de l’élection du 8 novembre pourrait s’avérer désormais moins important que la dynamique crisique qui prend des allures de tempête aux USA, qui se développerait alors quel que soit l’élu parce qu’une tempête de cette sorte et de cette force, les météorologues vous le diront, semble absolument inarrêtable.
Mis en ligne le 30 octobre 2016 à 11H43
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