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90905 décembre 2018 – On connaît l’importance que nous accordons à la communication ; là-dessus, on connaît l’importance que nous accordons à la communication antiSystème, et, dans ce contexte, à la presse antiSystème ou “alternative” ; l’on connaît, enfin, l’importance que nous sommes obligés d’accorder, dans tous ces domaines, à la langue anglo-américaine dans la communication (y compris antiSystème) et à la communication de la presse antiSystème aux USA.
(Dans ce cas, nous laissons de côté la presseSystème internationale et anglo-saxonne, et US certes, qui, elle, parle des Gilets-jaune depuis le début. Cette presseSystème est complètement orientée, sur la défensive devant tout ce qui rappelle la poussée populiste. Directement, elle n’a aucun rôle dans la recherche de la vérité-de-situation et une influence extrêmement réduite, sinon nulle dans le sens de la prise de consciences de l’ampleur de la crise.)
Dans ce contexte, il est logique et naturel que nous tenions, sans jugement de valeur dans un sens ou l’autre, un site tel que ZeroHedge.com comme une des références fondamentales des domaines que nous avons évoqués : un lectorat impressionnant et international, une documentation notamment financière (Wall Street) également impressionnante, l’intérêt porté à tous les sujets touchant à l’affrontement Système-antiSystème, la reprise systématique de la plupart des auteurs antiSystème anglophones de référence, un intérêt assez grand (pour un site US, y compris les antiSystème) pour les affaires non-américanistes, etc. Par conséquent, l’importance considérable que ZeroHedge.com accorde brusquement aux événements français, depuis dimanche et les événements de samedi, est pour nous un signe convaincant que la communication anglophone/USA/antiSystème :
1) a pris conscience de l’importance des événements français ; et
2) qu’elle leur a donné, ce faisant, c’est-à-dire par cette intervention elle-même, une importance supplémentaire en les haussant justement au niveau mondial, en en faisant par le fait de leur soudain intérêt une crise mondiale... Comme l’écrivaitWSWS.org lundi matin, effectivement « ...[c]es événements constituent un tournant décisif non seulement pour la France et l'Europe, mais pour le monde entier. »
Qu’est-ce qui a causé cet événement de la Grande Diffusion globale de communication de l’événement français depuis le week-end ? Son importance sur la durée dira-t-on, mais beaucoup plus sûrement le paroxysme de violence de samedi perceptible dans la communication, et principalement selon nous le symbolisme formidable de l’image de l’Arc de Triomphe devenu enjeu de la bataille de rue ; l’Arc-de-Triomphe, symbole de Paris-en-France, à la différence de la Tour Effel à notre sens, qui est plutôt le symbole de Paris-seul, ou Paris et la modernité. (Dans tous les cas, interprétation symbolique n’impliquant nullement dans notre chef ni un jugement de valeur, ni un jugement esthétique.)
Quoi qu’il en soit, il s’agirait d’une retombée de communication et d’interprétation symbolique d’une grande importance, qui laisserait à penser à propos des violences paroxystiques de samedi et de l’erreur grossière de perception du gouvernement de n’avoir pas “sécurisé” la place et le monument dès lors qu’il “sécurisait” les Champs-Élysées. Mais certes, le monument ne concerne comme Versailles que “toutes les gloires de la France” tandis que les Champs-Élysées concernent aussi bien les commerces de luxe, – et l’esprit de ce “régime-Macron” est ainsi bien mis à la place qui lui revient de plein droit.
Pour passer maintenant au concret et nous expliquer du cas ZeroHedge.com que nous avons pris comme référence, qui signale abruptement son intérêt dimanche soir (lundi matin pour nous) : « ZeroHedge.com donne aujourd’hui toute son importance à la crise française, via Bloomberg qui ne s’attache pourtant qu’à l’aspect économique comme il faut s’y attendre : “Il y a soudain en Europe un problème bien plus important que le Brexit ou l’Italie”. »
Nous citerons deux articles extrêmement longs et abondamment illustrés sur les événements français que ZeroHedge.com a mis en page lundi, et placé en tête de lecture. Ce faisant, on passe de l’événementiel et de l’anecdotique à la lumière des seules données économiques qui était jusque-là envisagées lorsque “les événements” français étaient signalés, à l’analyse d’une crise globale (dépassant la seule France) dans le champ de l’affrontement global Système-antiSystème et à la généralisation des réactions au travers des tweets repris en très grand nombre. Les titres sont franchement “révolutionnaires”, à l’image du premier des textes de lundi : « Macron sur le fil du rasoir alors que 120 000 “Gilets-jaunes” en colère se préparent à prendre la Bastille ! » (« Macron On Edge As Up To 120,000 Angry "Yellow Vests" Prepare To Storm The Bastille »)
Dans ces textes et cette documentation, on retiendra un passage particulièrement intéressant et significatif à notre sens d’un autre texte du site, qui est en fait une reprise d’un certain nombre de tweets d’un nommé Karl Sharro, présenté par ZeroHedge.com comme “commentateur politique” et qui se définit lui-même comme « architecte, satiriste, et très-très mauvais dessinateur de bandes dessinées. Directeur de l’Institute of Internet Diagrams. Surtout tous les trucs du Moyen-Orient. » Sharro, qui semble être Libanais, dans tous les cas “citoyen du Moyen-Orient”, développe très rapidement une interprétation métahistorique et symbolique, sinon d’un point de vue d’une psychanalyse collective, du mouvement des Gilets-jaunes.
(Nous écartons toute argumentation sur le fait de savoir si le choix des différents composants [“gilets”, “jaunes”, etc.] peut être directement lié à leur interprétation symbolique ; on sait que le symbolisme s’institue essentiellement et d’abord pour sa valeur interprétative qui en grandit formidablement le sens, et très peu pour sa valeur factuelle. “Si non e vero, e ben trovato”, notamment l’expression de “Printemps Français” due à monsieur Sharro [voir ci-dessous] rappelant symboliquement le “Printemps de Prague” de 1968 aussi bien que le “Printemps Arabe” de 2011.)
... ZeroHedge.com : « ...La vraie cause, cependant, devrait être perçue comme un peu plus nuancée et complexe à développer. Comme l’observe le commentateur politique Karl Sharro dans un ‘tweetstorm’ en sept parties, le mouvement des Gilets-jeunes concerne “la marginalisation et l'impuissance ressenties par les gens ordinaires”. »
Suivent les sept tweets en tweetstorm de Sharro :
• « Un mouvement de protestation organique, sans dirigeant, sans idéologie claire a émergé en France. J'attendais cela depuis 2011. Laissez-moi vous expliquer le Printemps Français...»
• « Tout d'abord, pourquoi la couleur jaune ? Dans la culture française traditionnelle, le jaune représente les régions méditerranéennes de la France qui se sont toujours senties opprimées par Paris. Ces manifestations représentent d'anciens griefs régionaux... »
• « Deuxièmement, pourquoi les gilets? Dans la psyché française, l’absence de bras (de manches) représente ‘l’impuissance’. Les manifestations portent sur la marginalisation et l'impuissance ressenties par les gens ordinaires... »
• « Un anthropologue libanais respecté a étudié les manifestations et a conclu que l'incendie de voitures représentait une ‘colère’. Ces manifestants semblent être mécontents de quelque chose et ce n’est pas seulement la mauvaise humeur française typique... »
• « En renversant les voitures, les gilets jaunes renversent symboliquement toute la prémisse cartésienne de la France. Ce n’est pas simplement contre l’autoritaire Macron, mais une révolte contre l’ordre républicain séculaire... »
• « Les experts préviennent d’ores et déjà qu’un ‘effet domino’ devrait provoquer la propagation des manifestations de la France vers les pays voisins. Dans tout cela, il est difficile de savoir comment nous, à l'Est, devrions réagir, mis à part appeler les autorités françaises à respecter le droit de manifester... »
• « Enfin, et je le dis avec une joie suprême en tant que citoyen du Moyen-Orient, il est clairement question de pétrole. »
Autre son de cloche qui montre bien l’internationalisation et la diversification de la découverte et de la perception avec l’imagination “en marche” de la crise Gilets-jaune hors de France : la thèse selon laquelle ce mouvement est du type regime change, instrumentée par des USA extrêmement prompts à réagir et à mobiliser ”les esprits et les cœurs” devant les projets macroniens d’“armée européenne” soi-disant concurrente de l’OTAN, selon le compte-rendu du réseau TV russe Vesti Nedeli ; les Gilets-jaunes défenseurs de l’OTAN, voilà une interprétation originale, tout comme une autre thèse de la même tendance, celle où les Gilets-jaune seraient manipulés par la Grande-Bretagne, avec un parallèle avec Kadhafi...
De la même Russie, la Française Karine Bechet-Golovko sur son site Russie politics dédié à « l’actualité russe en français » et qui, pour cette fois, évalue l’actualité française vue de Moscou dans un article qui fait des Gilets-jaunes une insurrection contre la postmodernité macronienne, et de « Macron, la caricature de Porochenko : c’est peu dire ». On peut faire son choix dans cette étonnante diversité de perceptions et l’on constatera la vigueur avec laquelle la communication globalisée, particulièrement du côté des antiSystème, s’est emparée de cette crise des Gilets-jaunes pour la soumettre au tamis des hypothèses crisiques. La communication a ainsi adoubé la crise français en une grande crise ayant une place particulièrement importante dans le tourbillon crisique mondial.
Comme à l’habitude, on commencera cette partie du commentaire du thème exposé ci-dessus par l’affirmation sempiternelle qu’on ne peut rien prévoir de l’évolution d’un événement aussi improbable et aussi gigantesque. Mais c’est particulièrement important à dire dans le cas des Gilets-jaunes parce que cela forme une part importante de son moteur d’action, de son expansion, de sa tactique jusqu’ici extrêmement efficace. Par sa composition dite-horizontale, l’énigme de sa composition non-structurée et de son développement à partir d’on ne sait quoi, sa cohésion collective dont on ne peut saisir les mécanismes, le mouvement a fait de son imprévisibilité et de son insaisissabilité ses deux principaux caractères opérationnels. C’est d’ailleurs, on peut en faire l’hypothèse, l’une des explications centrales du processus permettant sa popularité, en n’étant à la fois “de nulle part et de partout”, ce qui lui donne cet aspect d’une collectivité de représentation et d’action où tout le monde peut retrouver la partie contestatrice de soi-même.
Par contre, on peut observer et interpréter les composants de son action puisque, évidemment, agissant comme il le fait au grand jour, l’événement désormais se laisse voir tel qu’il est... Avec lui particulièrement, l’on comprend aussitôt combien la puissance de la communication constitue un formidable instrument pour transformer un événement, et combien le symbolisme peut être un accélérateur de cette transformation, surtout lorsqu’il s’agit d’un pays comme la France qui a fait de son histoire, par le simple moyen des perceptions, une dynamique d’influence et de rayonnement, évidemment avec des périodes de hautes gloires et des périodes catastrophiques.
On a bien sûr à l’esprit, ici, le cas de l’Arc de Triomphe samedi dernier tel que nous en avons parlé plus haut. Voir un affrontement autour de ce monument, pour la “prise” de ce monument, est d’une puissance de communication beaucoup plus grande que n’importe quel spectacle de grande manifestation, de bataille de rue, d’opération de guérilla urbaine, etc. Le symbolisme est ici à son degré maximum de puissance, et il l’est à cause de la communication. L’événement en est très fortement amplifié et il devient presque normal d’évoquer des revendications d’une puissance considérable grandissant à mesure la crise, et qui, il y a deux ou trois semaines, n’étaient même pas évoquées tant elles paraissaient déplacées : dissolution de l’Assemblée Nationale, démission du président, “chute du régime”, “prise de la Bastille”, etc.
L’important est ici la perception symbolique, ce qui constitue une fois encore une défaite du règne de la quantité telle qu’on l’a déjà envisagée, et par conséquent la confirmation de la défaite en général de cet attribut essentiellement moderniste : combien étaient les Gilets-jaunes de l’Arc de Triomphe à tel ou tel moment samedi, – fort peu selon les standards des foules insurrectionnelles, – et, bien sûr, qu’importe leur nombre ? Il ne s’agit plus d’une foule comme n’importe quelle foule, fût-elle insurgée ou émeutière, il s’agit d’une transmutation et d’un insertion, dans le grand tourbillon crisique qui se creuse un peu plus sous nos yeux, et le mouvement trouvant aussitôt sa légitimité dans le grand ébranlement crisique qui est symbolisé par l’image de l’Arc de Triomphe érigé à “toutes les gloires de la France”, – à l’occasion de la bataille d’Austerlitz du 2 décembre 1805. Tout cela provoque dans l’instant, par la transmission des images, une part importante du grand choc affectant les psychologies, et donc la source des commentaires abrupts affirmant soudain que l’événement doit être placé en importance, en Europe, au-dessus du Brexit et de la situation italienne.
La communication alimentée par le symbolisme produit la légitimité crisique de l’insurrection, qui par ce fait n’est plus une insurrection mais devient une revendication logique sinon irrésistible, et peut-être même une affirmation d’une nécessité qui dépasse tout acte et toute déclaration du régime en place. L’“internationalisation” de la communication sur la crise, notamment anglo-saxonne et notamment antiSystème dans la mesure où la communication antiSystème représente aujourd’hui la dynamique principale de la perception des événements, constitue le moteur principal de ce processus. Bien entendu, il grandit en retour la crise elle-même et la hausse au niveau crisique majeur, pour la France certes, mais plus encore pour l’Europe et pour le Système globalisé.
... En contrepartie, nous assistons à une réémergence de la France comme acteur central de la situation générale, c’est-à-dire comme acteur central de la Grande Crise. C’est certainement dans ce sens que Macron est dépassé, comme il l’a été souterrainement depuis son arrivée au pouvoir par le biais de cette étrange politique de faire une promotion effrénée du système néo-libéral globalisé au moment où ce système se fendille de toutes parts et s’effrite.
(L’importance de l’évolution de l’Amérique est centrale à cet égard, et notamment l’unanimité bipartisane qui se fait jour pour soutenir la politique “néo-protectionniste” de Trump [Ceci : « [...O]n doit suivre avec attention et intérêt cette analyse de l’apparition du soutien unanime de l’establishment à la politique de Trump, – grande nouvelle et grande première à la fois »].)
Pour appuyer ce jugement sur les réactions actives et influentes hors de France, éveillées par le phénomène que nous analysons, on écoutera selon notre sélection qualitative certes, ce terrible jugement (hier sur TheDuran.com) d’Alexander Mercouris sur Macron, sur son arrogance, sa complète incompétence et les manipulations qui ont abouti à son élection selon Mercouris, enfin sur l’extrême gravité de la situation, non pas en France (cela va de soi), mais en Europe et dans les relations internationales à cause du rôle (retrouvé) de la France... Démonstration d’un intérêt soudain de la part d’une personnalité, disons “antiSystème modéré”, avec certaines connexions au sein du Système qui font penser non seulement que son jugement est au moins entendu sinon écouté au sein du Système, mais que son jugement reflète en partie ce que certains au sein du Système pensent désormais (Mercouris réside à Londres, une des place-fortes du Système).
... Ainsi les Gilets-jaunes pourraient-ils trouver d’étranges alliés “objectifs”, et par exemple les États-Unis d’un Trump qui a déjà prouvé son intérêt pour ceux qui rompent la ligne globaliste en Europe (Orban, l’Italie, etc.), parce qu’un des aspects les plus constants de cette personnalité volatile qu’est Trump est son anti-globalisme. Cela alimenterait étrangement, et par un biais inattendu, l’hypothèse d’une tendance d’influence des USA vis-à-vis des Gilets-jaunes, mais dans un sens inversé : la “révolution de couleur” qui précède les manigances, qui se fait d’elle-même, et qui intéresse les USA de Trump une fois lancée... Nous n’avons pas fini de sourire des ironies d’une Histoire fortement secouée par la valse d’un monde effréné, avec ses changements de rythme et de cavalier, de l’antiSystème par rapport au Système.
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