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1812La Russie a ratifié la semaine dernière l’accord sur la base de Khmeimim négocié avec la Syrie en 2015. Cette base devient ainsi une base russe permanente sur le territoire syrien, dans les normes légales négocié avec le gouvernement légal de la Syrie. Alexander Mercouris analyse cette nouvelle situation dans un article du 15 août sur le site The Duran.com. Mercouris traite principalement de l’attitude des Russes, leurs hésitations devant un accord qui les engage de façon permanente en Syrie, puis il détaille les capacités de cette base qui en fond un point stratégique d’une extrême puissance (un “nœud stratégique”, comme nous l’avons déjà nommé et le rappelons plus bas) ; en termes de puissance et d'importance générale, Khmeimim est sans comparaison avec Tartus, le port syrien dont l’accès est autorisée en permanence à la flotte russe mais qui constitue plutôt un point de relais et de soutien, et nullement une entité stratégique en soi. L’idée principale de Mercouris est qu’en signant cette présence permanente et puissante dans la zone moyenne-orientale et de la Méditerranée, la Russie bouleverse l’équilibre stratégique en Méditerranée ; l’hégémonie sur cet espace naval était jusqu’ici concédé aux USA et au bloc-BAO (VIème Flotte US, flotte française et britannique) ; il est désormais gravement mis en cause.
(Le site israélien DEBKAFiles signalait en juin dernier un renforcement important des forces armées russes. Il annonçait notamment l’arrivée prochaine pour un séjour temporaire dans la base navale de Tartus du seul porte-avions russe, le Amiral Kouznetzov cet automne [déplacement confirmé]. A cette époque, l’US Navy devrait avoir retiré son seul porte-avions en Méditerranée pour une période d’entretien, ce qui réduirait singulièrement la perception symbolique de l’hégémonie US dans la zone, même si les diverses capacités des matériels impliqués sont très différentes et sujettes à des évaluations. Ce symbolisme rejoint par ailleurs une vérité-de-situation mise en évidence durant l’année 2015, avec la présence US dans la région moyenne-occidental en cours de déstructuration sinon de dissolution, et plongée dans l’atonie ou le désordre d'une politique incohérente par parcellisation des divers “Etats parallèles” régnant aux USA. Au contraire, l’intervention russe en Syrie démontre une dynamique en pleine action, et une dynamique extrêmement mesurée et structurée comme le confirme justement la ratification de l’accord sur Khmeimim.)
Pour notre compte, c’est effectivement comme un “nœud stratégique” que nous considérons la base russe de Khmeimim, dans un ensemble que nous décrivions de la sorte le 17 avril dernier, après avoir signalé l’annonce par DEBKAFiles de l’arrivée de missiles Iskander à Khmeimim, ainsi que la présence de systèmes sol-air S-400 que signale également Mercouris. (La venue de missiles Iskander n’est pas confirmée mais cela ne signifie pas grand’chose du point de vue de la situation. Au contraire, un tel déploiement, même si dans la plus grande discrétion possible, aurait tout son sens dans les conditions actuelles, y compris avec des têtes nucléaires dont peuvent être équipés les Iskander. Khmeimim deviendrait alors un pendant de la base US/OTAN d’Incirlink, devenue célèbre pour le rôle central de coordination qu’elle aurait joué durant le putsch-avorté du 15 juillet en Turquie et où l'on trouve une centaine de bombe nucléaires B-61.)
« Le site DEBKAFile, qui donne cette information [sur la présence de missiles Iskander], ajoutait : “Le 15 mars, Moscou a annoncé que les formidables missiles sol-air S-400 resteront en Syrie après le retrait. Dix jours plus tard, le 25 mars, les systèmes Iskander M sont en place. Le Iskander-M est considéré comme le meilleur missile balistique de courte portée au monde. Cette combinaison, selon les sources militaires de Debkafile, fait de la base de Khmeimim le foyer des missiles les plus sophistiqués de tout le Moyen-Orient.” [...]
» Effectivement, Khmeimim est en train de devenir une base stratégique d’une puissance fondamentale en Syrie, dans un ensemble connecté à la base de Tartus, avec divers autres points de déploiement. Aux systèmes cités par DEBKAFile s’ajoutent des systèmes de défense antiaériennes rapprochée Pansir-1, des ensembles de contrôle et de maîtrise électronique de l’espace aérien couvrant un cercle d’un rayon de plusieurs centaines de kilomètres, ainsi qu’un reliquat d’aéronefs de combat (après le “retrait” annoncé il y a quelques semaines) qui s’avère être un contingent solide fait d’avions de supériorité aérienne et d’hélicoptères de combat, dont certains d’un nouveau type (Mil-28N et Ka-52) qui n’ont été que très récemment déployés (en février ou en mars). L’ensemble assure la défense aérienne de la base, la supériorité aérienne du domaine ainsi que les missions nécessaire d’attaque au sol, tout cela venant compléter le dispositif tactique/stratégique de contrôle offensif et d’interdiction de l’espace aérien. Un renforcement très rapide des système dans tous les champs envisagés peut être assuré en quelques heures... »
» Ainsi trouve-t-on, dans cette base, toute la graduation des champs d’action, du tactique rapproché aux limites du stratégiques, du champ offensif au champ défensif, du contrôle électronique avancé, passif et actif, de l’armement conventionnel jusqu’au nucléaire si nécessaire. Khmeimim contrôle jusqu’à la quasi-maîtrise l’entièreté de l’espace aérien syrien, plus les pays adjacents, complètement (Israël, Jordanie) ou en partie (Turquie), avec une équivalence navale sur la Méditerranée orientale. En fait, la base constitue un “nœud stratégique” qui tend à contrôler une portion importante de la région (le Moyen-Orient) avec possibilité très rapide d’expansion des capacités selon les nécessités. »
Ainsi placions-nous la base de Khmeimim dans un ensemble de “nœuds stratégiques” en arc Sud-Nord, allant jusqu’au “nœud” équivalent en capacités et en puissance stratégique de Kaliningrad, donnant à la Russie une très grande ampleur et l'infrastructure d'une profondeur stratégiques, avec une couverture défensive-offensive d’une exceptionnelle capacité et d’une remarquable intégration géographique. C’est encore dans ce cadre que nous considérerions cette ratification de l’accord syro-russe par la Russie, et bien plus encore en fonction d’événements récents, qui devraient avoir joué leur rôle dans la concrétisation de la décision russe. Le plus évident à cet égard nous semblent le putsch-avorté de Turquie et le rapprochement avec la Turquie, lesquels donnent encore plus de sens stratégique à une présence russe majeure en Syrie comme l'est celle de Khmeimim) ; ne serait-ce aussi bien que pour des tâches de surveillance électronique, de renseignement, etc., celles qui ont montré leur efficacité en permettant au gouvernement russe d’intervenir pour sauver Erdogan avant et lors du putsch ; que pour des tâches d’action armée, pour toutes les régions de cette zone, mais dans ce cas particulièrement par rapport à la Turquie, aussi bien pour la coordination que pour la surveillance du “partenaire/pseudo-allié” turc.
Bien plus et en élargissant le cadre d’appréciation, on comprend que cette décision russe signifie essentiellement à l’“autre parti”, – quand il s’en sera aperçu et s'il parvient à se choisir un président, certes, – que d’une part la Russie n’a absolument pas l’intention de céder sur l’essentiel en Syrie, que d’autre part la Russie continue effectivement à parfaire son dispositif stratégique, notamment au cas où la politique militariste US deviendrait vraiment trop aventureuse, notamment avec une présidente Clinton. (On rappelle que c’est aussi dans cet esprit que, selon nous, il faut voir l’intervention russe pour sauver Erdogan face à ce qui a été sans nul doute une agression de l’appareil-Système des USA pour établir un complet contrôle de la Turquie, et qu’il faut appréhender l’évolution des relations de la Russie avec la Turquie.)
Dans tous les cas, l’article de Mercouris nous rappelle, en citant longuement Poutine, avec quelle minutie et après quelles hésitations les Russes en sont venus à s’engager légalement par un accord en bonne et due forme en Syrie. (Pour eux, cette légalisation a une très grande signification, contrairement aux pratiques US et du bloc-BAO. Elle a une signification politique profonde et un très grand poids stratégique.) Il s’agit, compte tenu de toutes les données que nous avons rappelées, d’une indication sérieuse du caractère d’une réelle gravité de l’évolution de la situation générale, selon l’analyse minutieuse qu’en font les Russes.
Voici donc l’article d’Alexander Mercouris du 15 août sur le site The Duran.com. On prendra ses commentaires en ayant à l’esprit que Mercouris n’est pas un analyste prompt à l’hyperbole et à l’emportement ; par conséquent, ses appréciations et ses évaluations sont très mesurées et l’évaluation qu’il fait de l’importance de la décision russe a d’autant plus de poids.
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Though there has been remarkably little discussion of the subject in the Western media, Russia last week quietly acquired for the first time in its modern history a proper permanent base in the Mediterranean.
Following negotiations between the Syrian government and Russia an agreement dating to 2015 has now been ratified by Russia turning the Russian air base at Khmeimim in Syria into a permanent base. In other words Russia will retain the base at Khmeimim beyond the conclusion of the Syrian conflict, and its presence there has just been made permanent.
That the Syrian government has wanted to grant the base to Russia on a permanent basis has been known for some time. From the Syrian point of view the Russian base not only guarantees Russia’s support for the present Syrian government but also provides Syria with a measure of protection it has never had before from Israeli air incursions. These have been a continuous reality for decades with Syria lacking the capability to prevent them. The Russians do have that capability and the Syrians will be hoping that because of the presence of the base they will now use it to protect Syria from Israeli air incursions. As it happens reports suggest that the number of Israeli incursions of Syrian airspace have fallen off significantly since the Russian Aerospace Forces deployed to Syria last autumn, with the Israelis now careful to keep the Russians informed of their flights.
Whilst the Syrian government is known to have been keen to grant Russia a permanent base, the Russians have up to now been less sure. Establishing a permanent foreign base in Syria is for the Russians a major departure from their former policy given the Russian military’s overwhelming focus on defending Russian territory rather than projecting Russian military power far beyond Russia’s borders.
Some Russian military officials are also believed to have questioned the military utility of a Syrian base, pointing out that the eastern Mediterranean where the base is located is well within the range of Russian ballistic and cruise missiles. Importantly, judging from comments he made in December last year, one of the leading skeptics was none other than Putin himself:
“about the base, opinions differ, you know. Some people in Europe and the US repeatedly said that our interests would be respected, and that our [military] base can remain there if we want it to. But I do not know if we need a base there. A military base implies considerable infrastructure and investment.
After all, what we have there today is our planes and temporary modules, which serve as a cafeteria and dormitories. We can pack up in a matter of two days, get everything aboard Antei transport planes and go home. Maintaining a base is different.
Some believe, including in Russia, that we must have a base there. I am not so sure. Why? My European colleagues told me that I am probably nurturing such ideas. I asked why, and they said: so that you can control things there. Why would we want to control things there? This is a major question.
We showed that we in fact did not have any medium-range missiles. We destroyed them all, because all we had were ground-based medium-range missiles. The Americans have destroyed their Pershing ground-based medium-range missiles as well. However, they have kept their sea- and aircraft-based Tomahawks. We did not have such missiles, but now we do – a 1,500-kilometre-range Kalibr sea-based missile and aircraft-carried Kh-101 missile with a 4,500-kilometre range.
So why would we need a base there? Should we need to reach somebody, we can do so without a base.
It might make sense, I am not sure. We still need to give it some thought. Perhaps we might need some kind of temporary site, but taking root there and getting ourselves heavily involved does not make sense, I believe. We will give it some thought.”
These comments, whilst carefully leaving the option open, suggest a distinct lack of enthusiasm for the idea of a permanent base and an ongoing debate on the subject within the Russian leadership. Presumably it was these doubts and this debate that held up ratification of the base agreement for so long. It is clear that that debate has now been settled, with the agreement finally ratified and with the decision finally made to make Khmeimim into a permanent base.
It should be said clearly that this is a major shift. Tsarist Russia did operate naval bases in the Greek islands and in Piedmont in Italy in the nineteenth century, and the USSR negotiated naval and air facilities at various times with Albania, Yugoslavia, Syria and Egypt, which however all fell well short of being true permanent naval and air bases. The USSR did seek at the end of the Second World War Western agreement for a Russian base in Libya, but unsurprisingly this was refused.
All these previous projects proved ephemeral or stillborn, with whatever temporary arrangements the Russians negotiated with the various Mediterranean powers always reversed whenever these powers realigned towards the West, as they invariably did. The one exception was the Russian naval facility in the Syrian port of Tartus which dates back to 1971. Though it has attracted huge attention during the Syrian conflict, like all the other facilities the USSR acquired in the Mediterranean during the Cold War it is in no sense a base. As even the BBC has been obliged to admit, the facility at Tartus is at best a support and resupply station for Russian ships in the Mediterranean. It is too small to host Russian naval warships of frigate size and upwards, and has no facilities to host large numbers of Russian sailors or personnel such as a true base would need to do.
The military reality is that since 1943 it is the US Navy which together with its naval allies (primarily Britain and France) has been the overwhelmingly dominant military power in the Mediterranean. Since the Second World War the Mediterranean has been in military terms an American lake.
The base at Khmeimin however is different from anything that has existed before. Not only does it already host a formidable strike force of aircraft roughly equivalent to that of a US Navy carrier strike group, but it is heavily defended by formidable air defence assets including S400, BUK and Pantsir anti aircraft missiles, and contains a host of radar, electronic warfare and command facilities. It is also defended by a formidable force of Russian ground troops, said to be of battalion strength. Moreover there is talk the base is going to be significantly expanded to make it capable of hosting much heavier strike aircraft, possibly TU22M3s. Khmeimim also forms part of what is becoming a very powerful complex of Russian military bases and facilities in Syria, which obviously include the Tartus naval facility (which may also now be expanded) and a top secret Russian listening post which has long been rumoured to exist somewhere in Latakia province.
In aggregate this is a base complex of a sort the Russians have never had in the Mediterranean before, and one that has now been made permanent.
The Russian base in Syria cannot challenge the supremacy of the US Navy in the whole of the Mediterranean area. However it does have the potential to change drastically political and military perceptions in its eastern half. There is now the prospect of Russian fighters flying over the eastern Mediterranean in regular patrols, monitoring US warships and aircraft in the area, and making Russia’s presence felt in the area as it has never been felt before. It is one thing to know in the abstract that Russian ballistic and cruise missiles can reach this area. It is quite another actually to be able to see Russian military aircraft physically present there. The psychological and political impact on the countries that border the eastern Mediterranean (Greece, Turkey, Cyprus, Lebanon and Israel) and on the US Navy (in an area where it has long been accustomed to sailing unchallenged) cannot be overstated, and would be tremendous.
All this of course depends on the eventual outcome of the conflict in Syria. By establishing a permanent base there Russia has just raised the stakes, a fact that undoubtedly explains the intensity of the conflict.
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