Le pétrole plonge et la crise règne...

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Le pétrole plonge et la crise règne...

De quoi faut-il parler en premier ? Allons-y pour le pétrole qui, dans un volteface mémorable, semble se rapprocher des prix les plus prodigieusement bas qu’on puisse imaginer, qui nous rappellent cette époque de l’antéchrist, par exemple lorsque le Shah d’Iran, au tout début des années 1970, complotait avec ses amis-d’alors, les Saoudiens, alors que le cadre de l’OPEP s’installait, pour lancer le premier “choc du pétrole” (automne 1973) qui allait voir le prix du baril sortir de ces incroyables $4-$5/baril qui était la norme avant-1973. Aujourd’hui, des “experts” agitent les prix incroyables de $20/baril, voire $10/baril pour demain matin et pour les années à venir... Et il s’agit d’une catastrophe sans précédent dont on cherche déjà l’issue, – qui pourrait être une guerre, cette issue, si seulement quelqu’un était capable encore de faire la guerre...

ZeroHedge.com de Tyler Durden reprend un texte de Raul Ilargi Meijer, de The Automatic Earth, le 15 janvier. Meijer vient de nous expliquer les aléas et circonstances catastrophiques diverses de ce prix très-bas du pétrole. Il termine par les perspectives non moins, sinon encore plus catastrophiques, si catastrophique que même le black swan classique (une guerre remettant les choses en selle) semble difficile à réaliser, car même la guerre n’est plus ce qu’elle était...

« ...The consequences of all this will be felt all over the world, and for a long time to come. All of our economic systems run on oil, so many jobs are related to it, so many ‘fields’ in the economy, and no, things won’t get easier when oil is at $20 or $10, it’ll be a disaster of biblical proportions, like a swarm of locusts that leaves precious little behind. Squeeze oil and you squeeze the entire economic system. That’s what all the ‘low oil prices are great for the economy’ analysts missed (many still do). Entire nations will undergo drastic changes in leadership and prosperity. Norway, Canada, North Dakota, Russia. But more than that, Middle East nations that rely entirely on oil, a dependency that won’t allow for many of their rulers to remain in office. Same goes for all OPEC nations, and many non-OPEC producers.

» We can argue that a war of some kind or another can be the black swan that sets prices ‘straight’, but black swans are supposed to be the things you can’t see coming, and Middle East warfare for obvious reasons doesn’t even qualify for that definition... [...] Even a war will be hard put to turn that trend around at this point. Unless production facilities are destroyed on a large scale, war may just lead to even more production as demand keeps falling... [...]

» And when, in a few years’ time, all the production cuts due to shut wells become our new reality, and eventually they must, then no, there will still not be an oil shortage. Because the economy will be doing so much worse by then that demand will have fallen more than supply. »

• Cette affaire des prix très-bas du pétrole, vécue comme une catastrophe, est également analysée par le grand spécialiste des questions énergétiques ; le professeur Michael T. Klare, qui écrit régulièrement sur TomDispach.com. Il nous décrit, ce 13 janvier 2016, les considérables bouleversements géopolitiques que nous devons attendre de cette situation où le pétrole est descendu à un prix si bas, et cela pour longtemps sans doute sinon certainement, avec les bouleversements géopolitiques à attendre.

Le même Michael T. Klare commençait le 15 avril 2008, sous le titre « Le pétrole règne ! » une série d’articles sur le nouveau monde avec le pétrole très-cher (« The End of the World as You Know It, – and the Rise of the New Energy World Order »), à $117 le baril en avril, et $137 en juillet (2008), tout cela ouvrant sans vraiment qu’on s’en avise les portes sur le catastrophique effondrement de Wall Street du 15 septembre 2008.

• Tout le monde était d’ailleurs d’accord, même après une légère baisse du pétrole en août 2008 qui n’impliquait absolument aucune amélioration selon les experts, à peine une rémission pour le mois d’été. Ainsi nous en instruisait un expert du prestigieux RUSI britannique, de cette façon que nous rapportions le 8 août 2008 : « Alors que la baisse du prix du pétrole dans ces deux dernières semaines a introduit une sorte de sentiment d’euphorie en laissant penser que la crise du prix du pétrole est passée, et que la “crise” n’était d'ailleurs pas une vraie crise, un prestigieux institut britannique publie un rapport avertissant que la perspective d’un baril de pétrole s’établissant structurellement autour de $200 est très probable d’ici 5-10 ans. Il s’agit du RIUS, institut célèbre pour ses séminaires dits “de Chatam House”. Le rapport est nommé “The Coming Oil Supply Crunch” et il est écrit par le professeur Paul Stevens. »

Au reste, ces prévisions n’avaient rien d’original ni d’exceptionnel puisque nous vivions sous l’empire de la réduction de la production de pétrole, avec le “pic de production” atteint et dépassé en 2007. C’était à un point tel que des experts estimaient qu’on pouvait craindre en 2005 un prix du baril à $380 en 2015 (l’année dernière), – dans tous les cas, comme nous nous en faisions l’écho nous-mêmes le 24 avril 2005 : « Un rapport réalisé par les économistes français Patrick Artus and Moncef Kaabi envisage qu’en 2015 le prix du baril de pétrole pourrait atteindre $380. “A report prepared by energy economists at the French investment bank Ixis-CIB has warned crude oil prices could touch $380 a barrel by 2015. Analysts Patrick Artus and Moncef Kaabi said in the next 10 years demand for oil will outstrip supply by around 8 million barrels per day (mbpd). ‘If one takes into account the level of previous oil shocks such as in the 1970's, we don't think a price level of $380 per barrel is out of the question,’ they said”... »

• Ainsi, depuis le début de l’année, le prix du pétrole est à nouveau devenu un signe de grande alarme, mais cette fois à l’inverse absolue de la période décrit immédiatement décrite ci-dessus, et semblant ridiculiser les prévisions faites alors. Le ridicule n’a pas sa place ici, ou plutôt pas la place qu’on serait tenté de lui assigner ; le ridicule ne devrait concerner que le fait même de la prévision, qu’elle soit dans un sens (le baril à $380) ou dans un autre (le baril à $4). Cela n’a rien à voir avec le pétrole, son prix, son abondance ou sa rareté, son accessibilité et sa vulnérabilité à la spéculation, etc. Il s’agit de l’époque elle-même, qui est littéralement en état d’insurrection contre toute prétention humaine à la prévision, à l’appréhension de l’avenir, comme si l’avenir était entrée en dissidence en nous laissant nos bavardages, nos illusions et nos promotions bombastiques sur notre futur qui change du jour au lendemain et semble passer de main en main pour satisfaire tous les “acteurs ” de la postmodernité. Dans le contexte d’une part du désordre du monde et du nombre très élevé de facteurs crisiques erratique intervenant dans ce désordre et de l’écho qui en est fait, d’autre part de l’exacerbation extraordinaire des psychologies en constant état de paroxysme, la prévision raisonnable devrait être qu’il est impossible de développer une prévision raisonnable ; dans les faits, ce serait plutôt le contraire, jusque dans l’outrance, avec la prévision considérée inconsciemment comme l’on respecte, voire implore une divination derrière l’apparence de la rationalité.

Il est bien entendu évident qu’aujourd’hui, et cela depuis la crise de l’automne 2008, le prix du pétrole n’est plus l’indication directe de ce qui serait un facteur essentiel et une crise fondamentale (le pétrole lui-même, ses réserves, son accès, donc son prix) mais une indication indirecte d’un facteur essentiel qui n’est pas lui-même puisqu’il s’agit de la manifestation de notre Grande Crise (la consommation de pétrole comme indicateur du niveau d’activité, donc de la crise générale accélérée d’une façon irréversible à l’automne 2008). La “crise du pétrole“ n’existe plus per se, elle s’est intégrée dans la crise générale, – et ainsi devrait-il en être sur toutes les supputations géopolitiques autour du pétroles, des oléoducs stratégiques, etc., qui n’ont plus de valeurs stratégiques que relativement à l’environnement de la Crise Générale.

... Par conséquent, la question du prix du pétrole aujourd’hui est une référence fondamentalement différente de ce qu’elle était en jusqu’en septembre-2008. Depuis septembre-2008, le prix du pétrole est une conséquence d’une crise qui dépasse la question du pétrole alors qu’avant septembre-2008 il était considéré comme la référence (la conséquence) d’une crise en soi, qui était la “crise du pétrole” (réserve, prix, etc.). Il n’y a donc aucun facteur de comparaison, ni aucun rapport direct, entre ce renversement signalé par les comparaisons faites plus haut. Ainsi WSWS.org par exemple (Barry Grey, le 16 janvier) peut-il présenter comme l’une des causes principales de la “panique” observée à la fin de la semaine dernière le prix extrêmement bas du pétrole, seulement comme indicateur de la situation crisique générale, ce qui réduit effectivement à peu de choses la prétention de faire du niveau du prix du pétrole et des réserves de pétrole un facteur central de prévision de notre avenir.

« Stock markets in the US and around the world ended the week with massive selloffs, rocked by fears that the slowdown in China and plunging oil and commodity prices will trigger a new financial crisis on the order of the 2007-2008 disaster. Another sharp fall on Chinese markets, with the Shanghai Composite Index dropping 3.55 percent, followed by a 6 percent fall in oil prices to $29 a barrel, set off a wave of panic selling. The mood was summed up by the chief strategist at Federated Investors, who said, “Investors are scared to death, and the fact that it’s happening at the beginning of the year has some historical significance.” »

Poursuivant son analyse ce 18 janvier, le même Barry Grey du même  WSWS.org donnait donc son appréciation générale de cette période intense, “la plus désastreuse première quinzaine d’une nouvelle année dans l’histoire”, cela pour 2016 dont la Royal Bank of Scotland annonçait il y a peu qu’elle pourrait être “une année cataclysmique”. Sur le même ton et la même dialectique employés par Klare titrant en avril 2008 “Le pétrole règne !”, on pourrait donc proclamer aujourd’hui dans un sens inverse de l’esprit de la chose, mais sur un mode toujours et de plus en plus catastrophique : “La crise règne !”.

« Friday’s panic sell-off on stock markets from China and Europe to the US, with the Dow giving up 391 points and crashing through the 16,000 point barrier, capped off two weeks that erased $5.7 trillion from global share values. The current sell-off, which has officially thrown stocks in the US and Europe into correction territory (more than 10 percent below recent highs) and the Chinese exchanges into bear market mode (down by more than 20 percent), has been fueled by mounting signs of stagnation and slump in the real economy. These include a sharp slowdown in China, plummeting prices for oil and other industrial commodities and new signs of economic deceleration in the US.

» The mood spreading within financial circles was summed up by the Royal Bank of Scotland’s credit team, which sent a note advising clients that 2016 could be a “cataclysmic year” and urging them to “sell everything except high quality bonds.” Warning that “in a crowded hall, exit doors are small,” the note predicted that major stock markets could fall by 20 percent and oil could drop from its current already depressed level of $29 a barrel to $16. “China has set off a major correction and it is going to snowball,” the note added... »

 

Mis en ligne le 18 janvier 2016 à 10H19