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2798Une occasion nous est donnée par un gros travail du Sakerfrancophone, offrant une lecture d’une interview d’août dernier, retranscrite et traduite ces dernières semaines et derniers jours, du Saker original, celui que nous désignons aujourd'hui comme le Saker-US. Il s’agit d’une occasion de restituer l’origine, la filiation et la situation de ce site qui occupe une place importante dans les filières antiSystème. Dans l’interview, en effet, si l’on trouve les positions diverses du Saker sur différents problèmes, on trouve également, en réponse à la première question, une identification du Saker lui-même, par lui-même. (Lors de l’affirmation du site, dès le début de la crise ukrainienne, l’identité du Saker fut l’objet de divers débats et, du côté du Système, de soupçons largement développés.)
Ce qu’il dit de son identité et de son parcours (« ...presque tout le monde connaît ») vaut peut-être pour les réseaux anglophones et russes, et peut-être d’autres mais certainement pas pour nous qui ne sommes d’ailleurs guère acharnés à chercher ce qui est originellement dissimulé. Quoi qu'il en soit, puisque c'est le cas, voici le Saker dévoilé par lui-même :
« Au départ, j’ai écrit sous un nom de plume, The Saker, et pas sous mon vrai nom, Andrei Raevsky, parce que je voulais protéger ma vie privée. Maintenant, presque tout le monde connaît mon vrai nom, mais je continue à préférer mon nom de plume parce que j’y suis habitué. »
Salut donc à Andrei Raevsky, et voici l’occasion pour nous de rééditer un texte que nous avions écrit à son propos (à propos du Saker en tant que tel et rien d’autre) le 30 mai 2014, alors que le site s’était fait sa place depuis quelques mois parmi les sources importantes, essentiellement à propos de la crise ukrainienne commencée dans sa phase opérationnelle le 21 février 2014. (A cette époque, il n’y avait bien entendu qu’un site, The Saker of Vineyard, et pas encore une famille directe ou indirecte, à laquelle se rattache à l’origine LeSakerfrancophone qui nous donne la traduction de l’interview.)
Nous pensons qu’il est intéressant de publier ce texte de dedefensa.org à nouveau, pour l’avoir sous les yeux directement avant d’aborder l’interview du Saker où l’on trouve considérées diverses questions qui nous intéressaient à cette époque, à propos du Saker. Il y avait celle de l’identité du Saker, moins par curiosité indiscrète de notre part mais parce que cette question faisait l’objet de spéculations diverses ; celle des sources du Saker en Ukraine, question qui est posée dans l’interview et dont la réponse va notablement dans le sens de nos propositions hypothétiques à cet égard.
A partir de ce texte de mai 2014, de nos propres conceptions, de l’évolution des événements depuis, des réponses du Saker à l’interview, nous proposons quelques remarques.
• Le point largement débattu dans notre article de mai 2014, d’ailleurs à partir de diverses réactions du Saker-US sur son site, concerne l’appellation qu’il utilise d’“Empire AngloSioniste”, des attaques diffamatoires d’antisémitisme lancées contre lui, etc. A la différence de 2014, notre observation aujourd’hui est que ce débat est complètement dépassé, tout comme nombre d’aspects concernant les acteurs des crises, la forme de ces crises, etc.
(La rapidité, justement, avec laquelle selon nous ce débat est devenu dépassé, la rapidité si l’on veut avec laquelle il a vieilli jusqu’à devenir irrelevant, est un fait confondant de l’époque que nous vivons, qui change de forme, d’orientation, de dynamique, etc., à une vitesse considérable.)
• Pour nous, effectivement, nous sommes entrés dans l’ère de ce que nous nommons le “tourbillon crisique” où les crises s’imbriquent les unes dans les autres, perdent leurs “identités” ou leurs correspondances avec des formes identitaires, où les domaines crisiques s’étendent dans tous les sens, notamment dans les questions sociétales où la psychologie joue un rôle essentiel, essentiellement parce qu’elle devient pathologie de l’hystérie, du délire, tandis que les événements forment de plus en plus du simulacres, et de plus en plus rapidement, nous confrontant sans cesse à des paroxysmes de communication dénués de sens. Comme l’on sait, notamment au travers de sujets significatifs du Glossaire.dde, la crise ukrainienne a joué un rôle décisif dans cette évolution, jusqu’à l’explosion que constituent les présidentielles US-2016 et le phénomène “D.C.-la-folle” ; l’équivalence et l’enchaînement nous conduisent de “Kiev-la-folle” à “D.C.-la-folle”.
• Par conséquent, l’intérêt du texte que nous re-publions par rapport à l’interview du Saker-US est beaucoup plus dans la perception que nous avions alors du site, de son importance, de son apport, de sa forme, etc. que dans le débat autour de l’expression “empire AngloSioniste”. On notera par ailleurs mais complètement dans le sens de l'évolution que nous constatons que l’expression désormais remployée par le Saker-US est plus simplement “l’Empire”, et que la définition qu’il donne de ce qu’il nomme “l’Empire”, loin de correspondre au schéma classique, historique, idéologique, etc., d’un “empire”, tend à se rapprocher de ce que nous nommons, avec majuscule évidemment, – le Système :
« Je pense que le peuple américain a les mêmes intérêts que le reste du monde. L’ennemi, la menace, c’est l’Empire, pas les États-Unis en tant que pays. Je vois un empire comme une tumeur maligne, une cellule cancéreuse. Elle est hébergée par un corps, mais elle est aussi l’ennemi de ce corps. »
• Un à-côté qui n’est pas sans signification symbolique à propos du site The Saker of Vineyard : dans la section “philosophie du site” dans sa forme initiale, on trouve parmi les citations de référence (en anglais et en russe) une en français, de Bossuet ; citation déjà fort employée à cette époque, de diverses sources (notamment par Eric Zemmour) et semble-t-il sans consultations ni repiquage, mais simplement parce qu’il s’agit de l’esprit du temps : « Dieu se rit des créatures qui déplorent les effets dont elles chérissent les causes », ou bien « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ». Comme on le lit dans une longue recherche de Wikipédia, Bossuet n’aurait pas écrit cela, mais certaines citations de lui sont approchantes... Des chercheurs avancent notamment que c’est une citation de Jules Lemaître, et même Jacques Laurent est cité, dans son Histoire égoïste de 1973... Qu’importe, il ne fait aucun doute que l’esprit est là, l’esprit de toute une époque où le sapiens ne cesse de gémir des conséquences des catastrophes que ses idéologies et autres utopies réunies sous le nom de modernité ont provoquées. (“Esprit, es-tu là ?” Réponse positive.)
Enfin, voici les deux textes publiés ci-dessous, qui sont successivement :
1) Une reprise d’un texte de dedefensa.org du 30 mai 2014, dans la rubrique Bloc-Notes.
2) « Une interview du Saker par une radio slovaque libre, dans l’émission Casus Belli ». L’interview, menée par Maly Sudiar, assistée d’un interprète, s’est déroulée le 23 août 2017. Elle est en version audio ici. Sa transcription a été publiée par le Saker-US le 12 octobre 2017. Elle a été publiée en français par LeSakerfrancophone le 29 octobre 2017. (Traduit par Diane, vérifié par Wayan, relu par Catherine pour le Saker francophone... Nous avons conservé la typographie d’origine : question en gras, réponse en version normale de la police utilisée.)
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Plusieurs interventions, dans des sens différents, concernent The Saker et la question de son “antisémitisme”, – est-il ou n’est-il pas (voir le Forum annexé au texte en référence, le 28 mai 2014)... Nous suivons Saker très régulièrement depuis deux bons mois. A notre connaissance et selon nos références, et avec cette restriction bien à l’esprit, c’est la meilleure source disponible pour suivre l’évolution de la situation en Ukraine. Saker est anti-Kiev et, par conséquent, pro-russe, dans une mesure que nous ne jugeons en rien trompeuse et manipulatrice, donc un élément dont l’on peut tenir compte sans difficultés pour se faire son jugement, éventuellement diverger ou rester réservé par rapport à ceci ou cela qu’il nous communique ; mais il faut ajouter qu’il est anti-Kiev et pro-russe dans une mesure qui en fait un antiSystème, ce qui est l’essentiel pour nous et justifie de le considérer en plus comme une source honnête, digne de foi et productrice d’un bon jugement, – parce que, dans cette crise comme dans tous les événements (la plupart des crises) qui comptent aujourd’hui, l’honnêteté, la bonne foi et le bon jugement sont du côté de cet engagement en toute liberté dans ce sens. Outre ces caractéristiques de base, Saker a une formidable connaissance des situations ukrainienne et russe avec, nous semble-t-il, un réseau de correspondants sur place en constant renforcement ; il a de formidables connaissances en matière militaire, en matière de psychologie, et aussi en matière “spirituelle” et des religions impliquées, avec des appréciations très intéressantes de la signification opérationnelle de ces derniers cas. C’est un mélange de savoirs extrêmement rare, qui le rend précieux à nos yeux comme source d’information, qui renforce sa dimension absolument antiSystème.
Saker a déjà publié plusieurs mises au point, notamment pour décourager certains de ses lecteurs-commentateurs obsédés par la question juive, notamment dans le contexte de la deuxième Guerre mondiale et du nazisme (on comprend dans quel sens il réagit). Il y a notamment un long texte, le 15 mai 2014, dont une importante partie («Non-Ukrainian interlude: Saker rant warning») fixe clairement et d’une façon qu’on peut juger comme complètement honorable, la position de Saker vis-à-vis de l’antisémitisme. Tout se défend parfaitement dans ce texte, y compris la résolution de Saker de ne pas céder au terrorisme des manipulateurs de l’antisémitisme dont le but est simplement d’exercer une censure de l’esprit au profit, non des juifs, mais du Système, et dont nombre de juifs sont eux-mêmes indirectement les victimes.
«So I am walking a very difficult and tight path here: I DO want to participate and support the struggle against the secular and religious manifestations of Jewish racism. But I DO NOT want to "cross the line" and do exactly what I accuse many Jews of doing: turn racist myself and deny our common humanity. I assure you that my position is a difficult one as I get labeled both an anti-Semite and a Jew-lover. I am neither. Or, I am an anti-racist and a mankind-lover if you prefer. I will go as far as saying that Rabbinical Judaism is, in my sincerely held conclusion, Satanic at its core and at least as evil as Wahabi Islam. And Zionism is nothing but the semi-secular rendition of the same racist values (at least modern Zionism, the original one was a very different phenomenon). But to bring all the evils of our times only to the actions of those Jews who are truly evil is plain ridiculous: there is AT LEAST as much non-Jewish evil out there as there is Jewish one. Need I remind you all that the favorite slogan of the Ukie Nazis is: [...] “beat the Jews and the Russians” (notice that Jews come first!).
»I am disgusted by the modern media in which no criticisms of Jews is possible or, not without at least 3 paragraphs of disclaimers. I hate the modern “Holocaust Industry” (As Norman Finkelstein called it) for constantly rubbing it in over and over and over and over again with the “Holocaust” and its absolutely mandatory figure of “6 millions” (the only case of mass murder in history which always has to be attached to a number of victims, the only one. Ever wondered why?). I find Israel an abomination whose very existence is a disgrace for all of mankind. And I am sick and tired of mediocre talentless Jews being promoted by their fellow Jews everywhere just because “he is one of us”. But NONE of that has ANYTHING to do with race, ethnicity or biology. This is simply the hijacking of an immoral and corrupt society by a particularly immoral and corrupting “tribe” which is also ruled by its own 1%. Just like non-Jews, the vast majority of Jews having no control over what their elites are doing in their name. As for their elites, they brainwash them literally from birth (just study the feat of Purim for a proof of that) and then further terrify them with the constant repetition of the mantra: “the goyim hate us, they almost exterminated us many times, we have to protect ourselves or they will exterminate us again, we need to make sure we hold all the positions of power and wealth to prevent the goying from killing us all”. And the percentage of Jews who believes that crap is about the same as the percentage of non-Jews who believe the propaganda which they are taught in their own home and schools. Guys – we are all humans, with the same weaknesses, the same inclinations and the same evil 1% ruling over us.»
... Finalement, pour poursuivre notre exploration, la seule chose que nous pourrions reprocher à Saker est l’emploi de cette expression (“AngloZionist Empire”), qui peut effectivement prêter à confusion pour ceux qui ne cherchent pas la documentation directe à cet égard. L’expression présente également, selon nous, le défaut d’être trop restrictive, sinon historiquement ambiguë (les Anglo-Saxons et les Sionistes ne sont certainement pas définitivement liés dans leurs relations historiques et actuelles, même si on les rencontre souvent dans le même sens, – voir par exemple la terrible lutte entre les Anglais et les terroristes de l’Irgoun avant l’indépendance d’Israël). Cette expression de “AngloZionist Empire” désigne, selon notre interprétation, l’entité que nous désignons comme “le Système” ou, à la limite et pour désigner le principal instrument d’opérationnalisation du Système, notre “bloc BAO” (dont Israël fait partie). Ces expressions que nous employons et qui nous sont propres (elles sont largement identifiées et définies dans le Glossaire.dde, le 8 juillet 2013 et le 10 décembre 2012) ont l’avantage à notre sens d’écarter toute ambiguïté exploitable pour le Système mais aussi de rendre compte de la puissance, de l’extension et de la diversité de notre “ennemi principal”. C’est-à-dire qu’elles rendent bien mieux compte, à notre sens, de la vérité de la situation générale... (On a noté, le 28 mai 2014, que Saker lui-même peut utiliser des expressions approchantes.)
Qui plus est, le terme “AngloZionist Empire” a le désavantage de ne pas rendre compte de la position ambiguë d’Israël dans la crise ukrainienne vis-à-vis de la Russie, qui s’est concrétisée par l’abstention d’Israël lors du vote de l’ONU condamnant le référendum de Crimée, qui a déjà valu à la direction israélienne une critique affichée de la direction-Système de Washington. (Voir le 12 avril 2014 et le 14 avril 2014.) L'explication de Saker sur l'emploi de l'expression (donnée ci-dessous) est tout à fait acceptable mais, si l’on fait le compromis nécessaire entre les fatalités de la perception dans cette époque de domination écrasante du système de la communication et les nécessités impératives d’exprimer clairement des concepts essentiels, nous persistons à penser que Saker a tort dans la mesure où d’autres concepts que “sioniste”, plus vastes et moins ambiguës (le “Système”, etc.), donc plus justes et d’une compréhension universelle, peuvent être employés en écartant les polémiques accessoires qui sont en général déployées, consciemment ou non, avec le but ou la conséquence d’empêcher d’aller à l’essentiel de la bataille en cours.
«You have no idea how sick and tired I am of constantly having to deal with idiots who simply cannot understand that I do oppose an ideology and not a race. Or take the expression “AngloZionist Empire” which I use (and find very appropriate). Do you know how many times I got an objection to the use of the word “Anglo”? Once. Do you know how often I got attacked for the second part of the expression “Zionist”? Too many to count by now. Though, think of it: “Anglo” is a cultural/ethnic term. “Zionist” is a purely ideological one. Yet it is this second, non-racial, term which gets me accused of being a racist. How frigging stupid can people be? (Pardon my frustration, but I am sooooo tired of idiots!!!). It is a special torture for me to write one thing, and then have to spend time trying to prove to semi-literate morons that I did not write what they thought I wrote but that what I wrote is actually what I wrote (would seem self-evident, but no, not to some idiots).»
Pour terminer, nous revenons sur un passage ci-dessus, au début du texte, concernant notre jugement sur The Saker : “A notre connaissance et selon nos références, et avec cette restriction bien à l’esprit, c’est la meilleure source disponible pour suivre l’évolution de la situation en Ukraine”. La “restriction” dont nous parlons concerne évidemment le “à notre connaissance et selon nos références”, qui implique à la fois la recherche personnelle des sources que nous faisons et le choix personnel que nous en faisons. Saker n’a aucune référence institutionnelle, aucun “crédit” officiel, direct ou indirect, etc., ce qui est en soi, déjà, un fort bon signe puisqu’en général la “référence institutionnelle” et le “crédit officiel” renvoient à un discours (la parole officielle) qui est une narrative, qui est plus qu’aucune autre narrative absolument dans le domaine de la “présomption de culpabilité” (du mensonge). The Vineyard of The Saker est un bon exemple de la nouvelle forme de journalisme et du commentaire, sinon de l’acte de la chronique en général, qui caractérise aujourd’hui le métier de l’information, complètement transformé par l’action du système de la communication et par le développement de l’information internet/réseaux, etc. Le jugement que nous portons sur Saker est substantivé par l’expérience, la logique, le bon sens et le sens de l’engagement, éventuellement confirmé par des recoupements quand c’est possible. Enfin, l’affirmation de l’engagement est claire, honnête, exprimé sans le moindre détour, dans le sens général que nous estimons indispensable dans la bataille engagée, et d’une façon qui complète l’appréciation qu’il s’agit d’une source d’information qu’on pourrait qualifier d’objective dans le sens vertueux, selon une définition de l’objectivité qui comprend effectivement un engagement, – car lorsque c’est le sort du monde qui est en jeu, un engagement contre les forces qui veulent le détruire devient un constituant de l’objectivité (c’est-à-dire de la vérité de situation) dans sa dimension vertueuse.
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Maly Sudiar : – Saker, nous venons à vous sur les ondes de Slobodny Vysielac, Radio Freedom. Merci d’être là et, pour commencer, vous pouvez dire quelques mots sur vous-même, comment vous avez commencé à écrire sur les problèmes du monde ?
The Saker : – Je suis né en Suisse dans une famille de réfugiés russes qui avaient fui la révolution bolchevique en Russie, donc je suis un Russe blanc. J’ai étudié la stratégie militaire et accompli des études stratégiques aux États-Unis et j’ai été, pendant une grande partie de ma vie, jusqu’en 1991, un militant anti-soviétique très actif. Le KGB était mon grand ennemi et j’étais un combattant de la Guerre froide.
J’ai finalement travaillé en Suisse pendant de nombreuses années comme analyste militaire en renseignement stratégique. J’ai aussi travaillé pour les Nations unies comme chercheur sur les questions de désarmement. Et c’est pendant mes années à l’ONU que la guerre en Bosnie, en Croatie et plus tard au Kosovo m’a vraiment ouvert les yeux sur combien j’étais naïf lorsque je pensais qu’un côté était bon et l’autre mauvais.
Je pouvais lire des rapports de renseignement et des rapports de la FORPRONU sur ce qui se passait vraiment en Yougoslavie et, en même temps, je lisais l’exact contraire dans la presse. Cela m’a ouvert les yeux sur la véritable nature de l’Empire anglosioniste et, à cause de mon opposition à cette guerre, j’ai perdu mon boulot, puis ma carrière.
J’ai finalement été mis sur liste noire en Suisse et c’est à ce moment que j’ai émigré aux États-Unis, parce que ma femme était citoyenne américaine. Mon épouse est, comme moi, une descendante de réfugiés russes, également de la « première vague », donc sa famille a aussi émigré après la soi-disant guerre civile. Elle et moi faisons partie de la quatrième génération d’émigrés mais nous parlons toujours russe à la maison, et nos enfants aussi.
Quand je suis arrivé aux États-Unis j’ai commencé à tenir un blog uniquement parce que c’était psychothérapeutique pour moi d’écrire ce que je voulais. J’ai écrit principalement sur le Moyen-Orient, mais lorsqu’il y a eu le coup d’État en Ukraine en 2014, j’ai commencé à écrire sur les événements là-bas et mon blog est devenu soudain et très rapidement célèbre parce que j’écrivais en anglais mais à partir d’un point de vue russe. Cela m’a surpris. Je n’avais jamais pensé, à l’origine, que mon blog aurait le moindre succès, mais comme j’étais, par ma formation dans ma carrière, un expert des questions militaires, il m’a été facile de voir que la version officielle de ce qui se passait en Ukraine n’était pas vraie.
Au départ, j’ai écrit sous un nom de plume, The Saker, et pas sous mon vrai nom, Andrei Raevsky, parce que je voulais protéger ma vie privée. Maintenant, presque tout le monde connaît mon vrai nom, mais je continue à préférer mon nom de plume parce que j’y suis habitué. Voici mon résumé. Si vous avez des questions, sentez-vous libre de les poser.
– Merci, Saker. La première question sera : dans vos analyses, n’utilisez-vous que des sources d’informations ouvertes ou avez-vous des relations dans l’armée russe ou américaine ?
– Non. Je suis une personne privée. Je n’ai absolument aucun contact ou, encore moins, accès à une source russe ou militaire. J’ai fait quelques conjectures qui se sont avérées exactes, et je n’utilise que des sources d’information en accès libre, mais je n’ai aucun accès à de l’information classifiée depuis plus de vingt ans déjà.
– Saker, pouvez-vous décrire la situation actuelle aux États-Unis en général ?
– Je ne comprends pas votre question. Pouvez-vous préciser, s’il vous plaît ?
– Comment les gens ordinaires aux États-Unis jugent-ils la situation, les événements de Charlottesville, et que pensent-ils de la politique actuelle ?
– Tout d’abord, je pense que cela dépend beaucoup si les gens continuent à écouter et à croire les médias officiels. Vous devez comprendre que les médias américains mentent plus et mieux qu’aux pires époques de la propagande soviétique. Donc vous pouvez diviser les gens aux États-Unis grosso modo en deux groupes : ceux qui les croient et ceux qui ne les croient pas. En général, l’opinion de ceux qui y croient reflète ce que vous voyez sur CNN. Ils penseront qu’ils pensent, quoique leur dise de penser la machine de propagande.
Mais c’est le second groupe qui est intéressant. Cela va de gens qui savent qu’on leur ment, mais ne savent pas ce qui se passe vraiment. C’est le genre de personnes qui pourraient avoir des sympathies pour des mouvements comme Black Lives Matter ou ce qu’on appelle l’alt-right.
Ceux qui réalisent qu’ils sont manipulés comprennent qu’aucun des côtés à Charlottesville ne représente leurs intérêts. Ils les voient comme faisant partie d’un effort de l’élite dirigeante pour créer conflits et chaos à l’intérieur des États-Unis, dans le double but de cacher qui est réellement au pouvoir dans ce pays et de justifier des mesures politiques et de soi-disant réponses à la crise. Ceux qui comprennent cela sont généralement des personnes plus âgées, je dirais 40, 50 ans et plus, ou plus expérimentées, et elles sont généralement mieux informées, aussi. Mais ce qui est certain, c’est que la majorité des Américains éprouvent une profonde aversion pour le gouvernement fédéral.
– Comme j’ai compris vos articles, Trump était un grand problème et il y avait certains espoirs. Il y avait aussi de grands espoirs chez les gens ordinaires ici en Europe. La question est de savoir si cette tendance à la déception va persister, ou quelle est votre opinion ?
– Vous devez comprendre que ce n’est pas la première fois que cela arrive. Il y avait de véritables et très profonds espoirs avec Barack Obama. La différence entre Barack Obama et Donald Trump est que Barack Obama a toujours été un menteur et qu’il a toujours représenté l’intérêt de ce que nous appelons l’État profond, le véritable pouvoir aux États-Unis.
Donald Trump, je pense, a été élu parce que l’État profond et le Parti démocrate ont fait une terrible erreur et qu’ils ont été arrogants. Ils n’ont jamais cru que Hillary perdrait, mais une fois l’homme arrivé au pouvoir ils ont été efficaces en le détruisant fondamentalement en à peu près un mois.
Vous devez comprendre que l’État profond est plus que seulement la bureaucratie américaine. Pour utiliser une approche marxiste, l’État profond représente une classe sociale. L’État profond n’a pas de décor, de patron, de quartier général ni d’officiers qui mettent en œuvre des politiques spécifiques. Il y a de nombreux complots aux États-Unis, mais pas un complot unique. Ce qui existe à la place, c’est une collusion d’intérêts de classe. Ceux qui ont des intérêts de classe communs les défendent ensemble. L’État profond comprend, bien sûr, une grande partie de la bureaucratie, en particulier les services de renseignement et de sécurité, mais aussi la grande finance, les familles des politiciens influents et des lobbys spécifiques. Chaque élément de l’État profond pousse à une politique spécifique, mais comme des vecteurs en mathématique, il y a une somme vectorielle, à savoir la politique qui en résulte.
J’explique cela parce qu’il est important de comprendre que Donald Trump n’était pas considéré comme un ennemi seulement par la bureaucratie ; tout le système politique l’a considéré comme une menace parce qu’il a promis des choses horribles, par exemple, de mettre fin aux tensions avec la Russie, d’arrêter les guerres d’agression inutiles et de faire ce qu’il appelle « drainer le marécage », qui est un mot codé voulant dire se débarrasser de cet État profond. Il a promis d’unir les forces avec la Russie contre le terrorisme et c’est une autre chose que l’État profond ne peut pas tolérer.
D’abord, l’État profond a besoin d’une menace terroriste pour effrayer les Américains et leur faire accepter les lois anti-terroristes. L’État profond a aussi besoin du terrorisme pour diriger des terroristes contre l’ennemi de l’Empire et, enfin, l’État profond a besoin du terrorisme pour affaiblir la Russie et l’Europe. Donc les promesses de Donald Trump étaient très dangereuses et c’est pourquoi ils l’ont brisé très rapidement. Il leur a fallu environ un mois pour le faire.
Malheureusement, l’homme a prouvé qu’il était très faible et très peu honorable. Il a trahi ses meilleurs amis, comme le général Flynn et, plus récemment, Bannon. S’il vous plaît, comprenez que ce ne sont pas mes héros. Je n’aime pas particulièrement ni l’un ni l’autre mais ils étaient les alliés et les amis les plus proches de Donald Trump. Et pourtant il les a sacrifiés pour tenter d’apaiser l’État profond.
Je répondrai, enfin, à votre question sur Trump. Les gens ici sont extrêmement déçus maintenant. Ceux qui haïssaient Trump continuent à le haïr, et la plus grande partie de ceux qui avaient mis leurs espoirs en lui ont été déçus. La situation, par conséquent, est très dangereuse et instable.
Une auditrice au téléphone : – Il est évident que le complexe militaro-industriel gagne maintenant du terrain contre le président Trump et ses partisans. Comment prévoyez-vous les développements futurs au sein de la Maison Blanche, aux États-Unis, et comment ces développements influenceront-ils le monde entier ? Tout cela conduira-t-il à la Troisième Guerre mondiale ?
– Mon opinion personnelle est que Trump a été totalement vaincu, mais les principales personnes derrière l’État profond – celles qu’on appelle les néocons, les nouveaux conservateurs, si vous voulez – sont des fanatiques. Ils ne s’arrêteront pas jusqu’à ce qu’ils l’aient complètement humilié. C’est pourquoi je pense qu’ils essayeront de le destituer ou qu’ils le déclareront incapable de gouverner pour cause de folie, ou qu’ils inventeront un scandale quelconque pour le détruire politiquement. Ils l’accuseront de quelque chose, aussi ridicule que ce soit, pour l’humilier et ne pas le laisser achever son mandat. Ils pourraient aussi tout simplement le convaincre de démissionner. Quoi qu’il en soit, les conséquences du processus en cours sont potentiellement catastrophiques.
Vous devez comprendre que l’Empire perd très rapidement puissance et influence. Ce qui est particulièrement frappant, c’est de voir combien l’Empire s’est affaibli en termes militaires. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, il dirigeait le monde politiquement, socialement et culturellement. Il dirigeait aussi le monde économiquement. En ce moment, ce n’est plus du tout vrai, et depuis déjà des années, l’Empire s’est affaibli, mais c’était caché parce qu’il gardait une armée dotée d’un fort pouvoir militaire.
– Pour l’utiliser comme un jeune homme ou pour l’utiliser par obligation, comme une fonctionnalité ?
– Non, non, j’ai dit que grâce à sa puissance militaire, les gens ne voyaient pas que l’Empire s’affaiblissait déjà. Maintenant, l’Empire est vaincu partout par des forces comparativement petites et faibles, et il n’a certainement pas les moyens de combattre ses principaux adversaires.
Beaucoup de ceux qui ont voté pour Trump espéraient qu’il sacrifierait l’Empire pour garder les États-Unis forts. Malheureusement, les néocons veulent sacrifier les États-Unis pour garder l’Empire fort. Les conséquences en sont qu’au lieu de faire ce que j’appellerais un « atterrissage en douceur », le coup d’État réussi contre Donald Trump fait maintenant courir le risque d’un effondrement catastrophique.
Cet effondrement pourrait-il aussi déclencher une guerre ? Probablement oui, une sorte de guerre, oui. Les candidats possibles, bien sûr, sont l’Iran, le Venezuela et la Corée du Nord. En théorie, les États-Unis pourraient décider de reprendre l’escalade en Syrie. Je ne crois pas, cependant, que les généraux seront d’accord avec aucune de ces guerres, parce qu’à l’exception possible du Venezuela, je ne crois pas qu’ils puissent les gagner. Et au Venezuela, le mieux que nous pouvons espérer est une victoire initiale suivie d’une guérilla très douloureuse, donc ce serait une fausse victoire, exactement comme les victoires en Afghanistan ou en Irak étaient fausses.
Enfin, si les néocons sont vraiment fous, ils pourraient essayer de provoquer une confrontation militaire avec la Russie, mais les conséquences seraient absolument cataclysmiques, et les États-Unis n’auraient exactement aucune chance de l’emporter, parce que combattre la Russie signifierait se battre près du territoire russe. Après tout, les Russes ne sont pas déployés en Amérique du Sud, ou en Afrique ou en Extrême-Orient, et une attaque conventionnelle sur l’armée russe procurerait un énorme avantage géographique à la Russie.
Bien sûr, les États-Unis pourraient détruire la Russie en utilisant des armes nucléaires, mais seulement au prix de leur propre disparition, également. Je ne vois donc aucune option militaire qui serait viable pour des guerres étasuniennes. Au mieux, ils peuvent faire ce qu’ils font maintenant, une petite poussée en Afghanistan, ce qui est fondamentalement inutile. Et ce qu’ils peuvent faire, c’est ce qu’ils ont déjà fait en Syrie, c’est-dire, aggraver les choses et essayer d’empêcher la paix d’éclater. Donc ils peuvent essayer d’empêcher la paix, mais ils ne peuvent pas conquérir le pays. Ils ne peuvent pas vaincre là-bas.
– J’aimerais aborder un autre thème. La migration. Selon mes informations… J’ai entendu qu’il existe une situation similaire aux États-Unis à celle que nous avons en Europe, que des migrants sont amenés aux États-Unis et qu’ils sont placés dans des bâtiments vides, des installations vides. Quelles sont vos informations à ce sujet ?
– Je n’ai pas entendu ce genre d’information.
– Donc il n’y a pas de vague de migrants qui travaillent aux États-Unis ?
– Il y a un fort mouvement d’émigration vers les États-Unis, principalement d’Amérique latine, mais les États-Unis sont protégés par deux immenses océans. Les problèmes de l’immigration y sont complètement différents de ceux en Europe.
– Jetons un coup d’œil sur l’Europe. Qui sont, selon vous, les marionnettistes de cette vague de migration en Europe, et quel est leur but ?
– Vous présumez que l’immigration est le résultat d’une décision consciente visant à la déclencher. Je ne dis pas que ce n’est pas le cas. Je pense seulement que cela doit être établi avant de conclure que c’est le cas. Après tout, il y a une explication simple pour la vague d’immigration qui a frappé l’Europe ces dernières années. C’est une conséquence directe du chaos provoqué par l’Empire en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Était-ce ou non un élément délibéré du plan, je pense que la discussion est ouverte. Mais ce qui est certain, ensuite, c’est que pour un Empire faiblissant, une Europe affaiblie est une bonne chose, et je pense que les vagues d’immigration vers l’Europe sont extrêmement dangereuses et qu’elles affaiblissent énormément l’Europe.
Je crois comprendre qu’il y a en effet une conspiration pour aider les immigrants à venir en Europe, en particulier par la Turquie et, à l’évidence, certains pays croient qu’ils peuvent l’utiliser comme instrument politique pour mettre l’Europe sous pression. Mais la Turquie n’a pas créé cette vague de réfugiés. Ils viennent de beaucoup de pays différents. Certains sont en effet en guerre, d’autres non, donc ils viennent pour des raisons économiques.
Qu’ils aient subitement tous pris la décision de se déplacer presque ensemble en Europe est suspect. Ce pourrait être le résultat d’un plan stratégique d’opérations psychologiques. Ce pourrait cependant être aussi la conséquence involontaire de politiques capitalistes d’agression et d’exploitation dans des pays pauvres. Honnêtement, je ne sais pas.
– Comment une personne ordinaire peut-elle comprendre le soutien des élites européennes à la venue de ces masses de gens ?
– C’est très simple. Les élites européennes – ce ne sont pas des élites – les dirigeants européens ne défendent pas du tout les intérêts de l’Europe. Ce n’est qu’une classe compradore…
– Compradore ? Qu’est-ce que c’est ?
– C’est une expression. Elle vient de l’Histoire de la Chine. C’est une classe qui administre l’Europe pour les Américains.
Vous devez comprendre que l’Europe est une colonie, une colonie développée, riche et bien formée, mais une colonie néanmoins. Il n’existe rien de semblable à une politique européenne simplement parce que ce n’est pas le rôle des dirigeants de l’Europe de formuler une politique qui défend les intérêts européens.
Ils sont coincés entre deux impératifs. D’une part, ils doivent exécuter les ordres venant des États-Unis et, de l’autre, ils sont prisonniers de leur propre idéologie et de leur rhétorique. Vous ne pouvez pas parler de votre amour pour l’Afrique et dire ensuite aux Africains de ne pas venir. Vous ne pouvez pas prêcher l’égalité et dire soudain que certains sont plus égaux que d’autres. Je comparerais ce qui se passe en Europe à la maladie du SIDA, à une déficience du système immunitaire politique. Les politiciens européens ne peuvent pas dire quelque chose de politiquement incorrect, et c’est pourquoi ils ne peuvent s’attaquer à une réalité qui est politiquement incorrecte.
L’autre parfait exemple est la politique totalement suicidaire et irresponsable de l’Europe à l’égard de l’Ukraine. Ce que l’Europe a soutenu en Ukraine est un désastre pour elle, et il y aura un terrible prix à payer à l’avenir pour cette erreur. Mais tout comme dans le cas de l’immigration, les politiciens européens ont été coincés, et à quelques exceptions près, personne n’a pu dire la vérité. Donc ce dont l’Europe a besoin aujourd’hui, c’est un mouvement de libération nationale semblable à celui qui s’est produit dans d’autres pays, qui étaient des colonies. Tant que l’Europe restera une colonie, rien ne changera.
– Saker, quelle est votre estimation de ce qui sera l’avenir de l’Ukraine et ses relations avec l’Union européenne, la Russie, les États-Unis et le monde ?
– En ce moment, l’Ukraine est avant tout un pays artificiel, non viable. Le désastre est si grand qu’il faudra un effort international pour le reconstruire. La Russie, dont l’économie est petite, peut à peine absorber la Crimée. Peut-être qu’avec le temps, beaucoup d’efforts et de réticences, la Russie devra aider le Donbass. Mais l’idée que la Russie pourrait d’une manière ou d’une autre reconstruire l’Ukraine est absolument ridicule et, contrairement à ce que dit la propagande occidentale, la Russie n’a aucun intérêt à acquérir plus de territoire là-bas. Donc il n’y aura pas de solution russe pour la plus grande partie de ce qu’est l’Ukraine aujourd’hui.
Les États-Unis sont loin de l’Ukraine et ne subiront pas les conséquences directes du désastre là-bas. Et cela ne laisse que l’Europe pour assumer les coûts de toute forme de reconstruction.
Prenons un seul exemple, celui des réfugiés d’Ukraine. Déjà beaucoup d’entre eux sont allés en Russie. Vu son état démographique, ce n’est pas un grand problème pour elle de les accepter. Considérant, en outre, que la plupart des soi-disant Ukrainiens sont en réalité culturellement des Russes, cela ne pose pas non plus de problème sociologique. Il y a cependant beaucoup d’Ukrainiens qui sont très anti-russes et n’iront jamais en Russie. Où iront-ils s’ils décident de quitter leur pays à cause de la catastrophe économique et politique ? Ils ne peuvent pas aller à pied en Oklahoma, au Wisconsin ou en Californie, mais ils peuvent très certainement marcher vers n’importe quelle partie de l’Europe. De nouveau, l’Europe sera le continent qui portera la plus grande partie des coûts.
Personnellement, je pense qu’il sera impossible à un camp ou à l’autre de gagner en Ukraine, pour des raisons politiques. En outre, le principal problème de l’Ukraine est la taille importante de son territoire. Si l’Ukraine devait se diviser en entités plus petites, le problème serait beaucoup plus gérable. Il est probable que les gens en Ukraine vont lentement commencer à penser en ces termes. Après tout, si vous considérez la démocratie et l’économie des oblasts de Lvov ou d’Ivano-Frantovsk, par exemple, et si vous les comparez au Donbass, ils sont très différents. Ils sont également différents culturellement. Je remets donc en question la sagesse consistant à dilapider des ressources en essayant de maintenir unie une entité fondamentalement artificielle. En ce moment, je ne crois pas qu’il y ait moyen de convaincre le Donbass de retourner sous la souveraineté de Kiev.
Donc à mon avis, cela ne laisse que trois options possibles : une guerre civile sans fin, une explosion du pays ou peut-être une confédération très, très lâche. Mais même en termes purement politiques, s’il y a la paix en Ukraine, les différentes régions tireront dans des directions différentes. C’est pourquoi je crois qu’une sorte de rupture du pays est finalement inévitable.
– Nous avons une question : lorsque vous écriviez sur la situation en Ukraine en 2014, quelles sources utilisiez-vous pour garder vos informations à jour ?
– Un mélange de sources ouvertes et de contacts personnels que j’avais en Russie et au Donbass. J’ai aussi eu quelques contacts avec des gens qui étaient de l’autre côté en Ukraine, mais je n’avais pas accès à de l’information classifiée ou spéciale.
– J’aimerais revenir à Trump avec des questions que nous recevons de nos auditeurs. La question est si Trump a du soutien chez les politiciens ou s’ils lui tournent le dos à cause des profits qu’ils obtiennent du complexe militaro-industriel.
– Bon, tout dépend de qui vous parlez. Trump a certainement des gens qui le soutiennent, y compris des politiciens. Par exemple, ceux qui veulent que les États-Unis commencent effectivement à produire, aient une industrie qui produit quelque chose et ne fassent pas que spéculer sur les marchés financiers, ceux-là soutiennent Trump. De même, une partie de l’armée soutient Trump. Mais ce sont des gens, pour la plupart des militaires à la retraite, qui ne veulent pas plus de guerres.
Je dirais qu’il y avait des espoirs de la part des Américains libertariens, qui voulaient que les libertés soient restaurées et respectées dans ce pays. Mais il est fondamental, je pense, de comprendre que la raison principale de la victoire de Trump est Hillary. Je pense que beaucoup de gens qui ont voté pour Trump et l’ont soutenu l’aimaient moins qu’ils ne craignaient vraiment Hillary.
Voyez, c’est assez simple. Si vous regardez ce qui se passait l’été et l’automne derniers, Hillary paraissait apocalyptiquement dangereuse. Mais Donald Trump a dit beaucoup de très bonnes choses. Il a dit de bonnes choses. Bien sûr, les gens connaissaient sa personnalité, et pour beaucoup, il avait l’air d’un clown milliardaire, mais entre la certitude de l’horreur de la présidence Hillary et l’espoir que Trump ferait peut-être quelque chose de bon, les gens ont choisi Trump.
Enfin, beaucoup de gens ont remarqué à quel point la propagande médiatique haïssait Trump. Et je veux vraiment insister là-dessus, sur le fait que la campagne de haine contre Trump ici est absolument incroyable. Beaucoup de gens ont conclu… [interruption – un auditeur pose une question par téléphone]
– L’auditeur dit qu’il a entendu à la télévision ukrainienne ou russe qu’il y a déjà des accords entre la Russie et les États-Unis sur le fait que dans l’espace ukrainien, un nouvel Israël doit être créé ou sera créé. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
– Tout d’abord, permettez-moi de vous dire que si j’étais juif, le dernier endroit où je voudrais aller est celui où les sentiments anti-juifs sont les plus forts. Ensuite, j’ai entendu parler de ce rapport. Je sais exactement à quoi votre auditeur fait référence et c’est une absurdité totale. La réalité, malheureusement, est que personne dans un avenir proche ne voudra de l’Ukraine et encore moins la contrôler.
– Nous avons une autre question d’un auditeur. Elle porte sur le changement climatique, il désire savoir si cette opinion est raisonnable ou si elle est portée seulement par la vague des milliardaires, les partisans du Parti républicain.
– Je dois présenter des excuses et admettre mon incompétence totale sur ce sujet, je ne peux faire aucun commentaire. Je ne suis pas un scientifique.
– Quelle est l’influence du lobby juif de gauche sur Donald Trump et depuis quand en a-t-il sur lui ?
– Ce que je peux vous dire est que la communauté juive est majoritairement contre Trump. Le fait que son gendre Jared Kushner soit un sioniste inconditionnel et un partisan du Likoud ne change rien. Il est assez frappant de voir la haine que la plupart des organisations et des médias juifs éprouvent pour Trump ici. Je connais personnellement et j’ai même des amis juifs qui ont soutenu Trump, mais c’est une minorité. La plupart des juifs de base, les simples juifs aux États-Unis votent traditionnellement démocrate. Ils ont généralement tendance à défendre des idées qu’on appelle libérales ici, et ils sont déjà hostiles à Trump.
Ensuite vous avez les néocons, qui sont majoritairement juifs, mais pas exclusivement. Certains néocons ne sont pas juifs mais la plupart le sont, et ils haïssent passionnément Trump. Donc je dirais que l’influence juive principale aux États-Unis, qui est très forte, est vraiment contre Trump. Par exemple, les juifs sont très influents à Hollywood et dans les médias, et les médias et Hollywood sont à 99% anti-Trump. Et le dernier truc est qu’ils accusent maintenant Trump d’être un raciste et un suprémaciste blanc. Donc le coup d’État des néocons contre Trump et la campagne de haine résultent beaucoup des actions des intérêts sionistes en Amérique.
Une remarque finale : c’est intéressant, une rumeur affirme que Jared Kushner a joué un rôle essentiel dans l’éviction de Bannon et de Flynn. Donc il semble que même les juifs qui sont prétendument pro-Trump sont largement contre lui. Cela dit, c’est une généralisation. J’ai personnellement des amis juifs qui ont voté pour Trump, donc ce n’est pas du 100%.
– Nous avons une question d’un auditeur qui veut savoir si vous ne projetez pas de retourner en Russie avec votre famille.
– La raison pour laquelle je ne peux pas le faire en ce moment est tout simplement que, d’une part, je n’ai pas la citoyenneté russe. Personne dans ma famille n’a jamais eu la citoyenneté soviétique. La dernière que nous avons eue était la citoyenneté impériale. D’autre part, j’essaie de mettre mes trois enfants à l’université ici. Donc en ce moment, ce n’est pas du tout une option pour moi.
Je ne sais pas ce que l’avenir me réserve. Jusqu’à présent, les autorités n’ont jamais fait quoi que ce soit contre moi ici, mais avec le retour des néocons au pouvoir, cela pourrait changer. Donc nous verrons ce que l’avenir me réserve.
– Les tensions entre la Russie et la Chine, et les États-Unis, ressemblent parfois à du théâtre ou à des mises en scène pour des troupeaux de moutons. La raison principale est que ce commerce d’armement continue, tout cela dans les empires, et tous gagnent de l’argent dans ces guerres et ils utilisent ces guerres dans leur intérêt. Donc la question : est-ce du théâtre ou est-ce réel ?
– Ce n’est très certainement pas du théâtre. Premièrement, ni la Chine ni la Russie ne sont des empires. Ce sont de grands pays, mais ils n’ont pas d’intérêts impériaux. En plus, au moins en Russie, il n’y a pas de soutien pour aucune sorte d’idées impériales. La Russie a payé trop cher en jouant à l’empire. Les empires sont une catastrophe pour les pays qui s’engagent dans des politiques impériales. Tout comme l’Empire soviétique a été un désastre pour le peuple russe, aujourd’hui l’Empire anglosioniste est un désastre pour le peuple américain. Donc je pense que votre supposition est erronée lorsque vous comparez la Russie, la Chine et l’Empire américain.
En plus, la vente d’armes n’est pas suffisante en soi pour justifier le coût d’un empire. La plupart des guerres aujourd’hui n’exigent pas des armes chères, et la plupart des parties dans les conflits modernes n’ont pas les moyens de se procurer des systèmes d’armement avancés. Dans le cas de la Russie, par exemple, les deux partenaires les plus intéressants pour le complexe militaro-industriel sont la Chine et l’Inde. Les ventes d’armes russes, par exemple au Venezuela, à la Syrie ou au Yémen, sont dérisoires. Enfin, alors même que le complexe militaro-industriel pourrait peut-être vouloir la guerre, il ne représente qu’un intérêt. Il y a beaucoup d’autres intérêts qui ne veulent pas la guerre. Je dirais que la dernière chose que veulent la Russie et la Chine est n’importe quelle sorte de guerre.
Maintenant, pour revenir à l’opposition entre les États-Unis – ou plutôt, dirais-je, l’Empire américain – et la Russie aujourd’hui, vous devez comprendre que c’est une lutte existentielle des deux côtés. Le but de l’Empire est de soumettre la Russie et de la transformer de nouveau en une colonie, comme la Russie l’était dans les années 1990. Le but de la Russie est de faire s’effondrer l’Empire américain parce qu’elle le perçoit à juste titre comme une menace existentielle. C’est aussi le but de la Chine. La Chine et la Russie veulent un monde multipolaire, et pas un monde unipolaire dirigé par une seule puissance hégémonique. L’État profond et les néocons en Amérique le comprennent très bien, et c’est pourquoi ils perçoivent à raison la Russie et la Chine comme des menaces existentielles.
Enfin, la Russie représente aussi des menaces civilisationnelles. La Russie rejette entièrement le modèle civilisationnel occidental, et c’est une autre menace existentielle pour l’Empire. Lorsqu’un pays relativement petit comme l’Iran – petit, en comparaison − choisit un autre modèle de développement, ce n’est pas un problème pour l’Empire. C’est un problème pour la région, oui. D’où l’hystérie des Saoudiens et des Israéliens, qui sont terrifiés par le modèle civilisationnel iranien. Mais l’avenir de l’Empire n’en dépend pas.
Mais lorsqu’un pays de la taille de la Russie s’allie avec d’autres grands pays, comme la Chine ou le Kazakhstan, ou d’autres, cela constitue un défi civilisationnel dangereux pour l’Empire.
Donc, contrairement à votre auditeur, je pense que c’est ce que nous voyons en ce moment, une guerre entre l’Empire et la Russie, mais c’est une guerre informationnelle à 80%, économique à 15% et peut-être militaire à 5%. L’exemple évident en est la Syrie. C’est une différente sorte de guerre, je suis d’accord, mais c’est une guerre dans laquelle un des camps l’emportera et l’autre s’effondrera et disparaîtra.
– Nous ne pouvons pas partir de l’idée que les États-Unis envisageront le scénario suivant pour la troisième guerre mondiale. Elle se passera principalement en Europe et les conséquences principales seront supportées par l’Europe. Les États-Unis souffriront moins et leurs pertes seront supportées pour l’essentiel par leurs citoyens. Là-bas, beaucoup de soldats, ou presque tous, ont la possibilité de choisir entre la prison ou l’armée. Et voici une question supplémentaire : pouvez-vous imaginer l’avenir dans le cas de la mort du président Poutine ?
– D’accord. Ce sont deux questions différentes. Permettez-moi d’essayer de répondre à la première d’abord. L’OTAN est une organisation politico-militaire, mais si vous la considérez en termes de capacités militaires, l’OTAN est à peu près à 80% américaine. Il ne s’agit pas seulement de compter les blindés ou l’infanterie ; cela comprend les ressources essentielles telles que le renseignement, la reconnaissance, la mobilité, le transport. Si une guerre devait intervenir entre la Russie et l’OTAN en Europe, la section étasunienne de l’OTAN jouerait de loin le rôle principal. Les Russes le savent et se défendraient en conséquence, avec des moyens qui provoqueraient immédiatement des victimes du côté de l’armée étasunienne. Les Américains auraient ensuite le choix de l’accepter, ce qu’ils ne feront jamais, ou de monter très rapidement en intensité.
Donc si les États-Unis espéraient qu’une guerre pourrait ne se passer qu’en Europe, c’est une erreur. Avec l’OTAN déployée à l’avant et souvent à une très courte distance de la frontière russe, y compris des forces américaines, une guerre se déclencherait immédiatement et très rapidement aux États-Unis. Donc je ne pense pas que les États-Unis pourraient mener une guerre et espérer qu’il y aura une OTAN en Europe qui ne les impliquera pas très rapidement.
En plus, je dirais, en fait, que l’un des plus importants développements récents de la guerre sont les complexes stratégiques de renseignement, qui sont conventionnels.
– Vous devez répéter mot à mot parce que je ne sais pas ce que c’est.
– Des armes non nucléaires à longue portée, par exemple, des missiles de croisière. Si une guerre devait se produire entre les États-Unis et la Russie aujourd’hui, les Russes seraient en position de frapper les États-Unis comme pays avec des armes conventionnelles. Donc pour la première fois dans leur histoire, les Américains seraient menacés à l’intérieur de leur propre patrie.
Souvenez-vous aussi que la plupart des infrastructures américaines se trouvent le long des deux côtes des États-Unis. Par conséquent, toutes seraient à portée de frappe des missiles de croisière conventionnels des Russes. Donc si les généraux étasuniens pensent qu’ils peuvent utiliser leur déploiement en Europe de l’Est pour combattre uniquement sur le terrain russe, ils se trompent gravement. N’importe quelle attaque étasunienne conventionnelle sur, par exemple, Novgorod, Pskov ou Mourmansk (n’importe laquelle), aurait pour résultat des attaques semblables sur des cibles américaines aux États-Unis. Donc de nouveau, l’idée que la guerre serait limitée à l’Europe est erronée.
– La seconde partie de la question était de savoir si les relations changeraient au cas où Poutine mourait. Et j’ajouterai, si possible : beaucoup de gens idéalisent la Russie à cause de Poutine. Si vous comparez, quelle est la relation entre Trump et le Congrès et celle de Poutine avec la Douma ? Y a-t-il des similitudes entre eux ?
– Tout d’abord, je dois vous dire que lorsque Poutine a été nommé par l’entourage d’Eltsine pour devenir le président en exercice, j’étais extrêmement méfiant à son égard. Il m’a fallu de nombreuses années pour modifier ma position, mais aujourd’hui, je dois confesser sincèrement que je suis un fan de Poutine et que je l’admire énormément.
Ce que je crois qu’il s’est passé est ceci : à la fin des années 1990, la Russie était dans un état d’effondrement semblable à ce que vit l’Ukraine aujourd’hui. Les deux grandes forces qui restaient, l’argent et les services de renseignement, se sont réunies et ont désigné conjointement deux personnes représentant chaque groupe pour gouverner ensemble. C’est clairement Medvedev qui représente Gazprom et les grands intérêts financiers, et Poutine qui représentait les services de renseignement et l’armée. Il a fallu plus de 10 ans à Poutine pour commencer lentement à l’emporter sur Medvedev. Je décris ces deux camps en les appelant d’une part les intégrationnistes atlantiques – ceux qui veulent que la Russie fasse partie de l’Empire en tant que partenaire à égalité – et le second que j’appelle les souverainistes eurasiatiques. Ils veulent que la Russie devienne une puissance eurasiatique souveraine.
Les élites russes soutiennent largement Medvedev et haïssent Poutine. Mais le peuple russe, dans son immense majorité, soutient fortement Poutine, au moins à 80%. C’est la véritable lutte interne qui se déroule en Russie. La vraie opposition à Poutine, ce sont les intégrationnistes atlantiques et ils représentent le plus grand danger pour lui. La Douma est principalement une farce, qui ne s’occupe pas vraiment de ces questions et dont les partis d’opposition sont plus ou moins loyaux au Kremlin. Il existe aussi une minuscule opposition non systémique, pro-américaine et pro-occidentale. Ils l’appellent opposition non systémique, elle est désespérément pro-américaine, elle recueille un certain soutien à Moscou mais ne peut pas envoyer un seul député à la Douma. Donc j’estime que les sentiments pro-américains ne représentent peut-être pas plus que 2% ou 3% de la population. Le reste de l’opposition à Poutine vient soit des communistes soit des nationalistes. Mais grâce à Dieu, il les garde à peu près sous contrôle.
Donc pour comparer Poutine et Trump, vous pourriez penser Poutine comme un Trump qui réussit, ou Trump comme un Poutine qui a échoué. Dès que Poutine est arrivé au pouvoir, il a efficacement et rapidement écrasé les oligarques qui dirigeaient la Russie. Et c’était aussi la seule option pour Trump. Trump aurait dû faire comme Poutine et utiliser la loi pour se débarrasser de ces gens corrompus et les jeter en prison. Je vous assure que le niveau de corruption au sein des élites américaines n’est pas inférieur à celui des élites russes. Malheureusement, Trump n’a jamais compris qu’il devait sévir contre les néocons immédiatement après avoir pris le pouvoir. En revanche, Poutine l’a parfaitement compris et l’a fait tout de suite, dès qu’il est devenu président.
La mauvaise nouvelle pour la Russie est qu’il n’y a pas de successeur à Poutine. Généralement, les Russes ont une très mauvaise histoire avec les successeurs. Même si Xi Jinping, le président chinois, est un homme très intéressant et compétent, ce qui gouverne la Chine est un système. La Chine est dirigée par un système, des institutions. Malheureusement, la Russie est aujourd’hui dirigée par un seul homme. La plus grande partie de ce qui se passe aujourd’hui en Russie dépend directement de Poutine. Vous pouvez le voir dans la manière dont les gens lui téléphonent pour lui demander de résoudre même des problèmes locaux. En Russie, nous disons qu’il règne dans un « régime manuel », « v ruchnom rezhime ». C’est potentiellement très dangereux. Il y a quelques personnes très bien autour de lui, mais aucune n’a le genre de personnalité qui ferait d’elle un successeur.
Si quelque chose devait arriver à Poutine, je crains que les intégrationnistes atlantiques ne tentent immédiatement de s’emparer du pouvoir. Cela pourrait avoir pour résultat une lutte pour le pouvoir très néfaste dans le Kremlin. Mon espoir est que Poutine le comprend et qu’il a pris des dispositions pour éviter une telle situation. Pourtant j’ai peur qu’il soit tout à fait irremplaçable en ce moment.
– S’il y a une attaque conventionnelle de l’Europe sur la Russie, serait-elle forcée d’utiliser des armes nucléaires ?
– Non. La Russie a une supériorité conventionnelle écrasante, pas en nombre, mais en qualité. Les forces de l’OTAN ne sont pas très efficaces, en réalité. Elles sont mal formées, mal commandées et ne tiendraient pas longtemps face à l’armée russe. Maintenant, bien sûr, je veux préciser cela en disant que je suppose une attaque occidentale de l’OTAN contre la Russie. Les Russes n’ont pas la capacité de projection de puissance pour mener une attaque conventionnelle sur l’Europe occidentale. L’idée que la Russie pourrait attaquer l’Europe est ridicule. Même les trois républiques baltes n’ont absolument rien à craindre de l’armée russe, non parce que les Russes sont des gens intrinsèquement gentils, pacifiques et doux, mais parce qu’il n’y a tout simplement pas d’intérêt ou de scénario rationnel sur la base duquel la Russie voudrait acquérir ces territoires. La Russie n’a pas besoin de plus de terres ou de payer plus d’allocations chômage, donc l’idée d’une attaque russe est tout à fait stupide.
Cependant, si vous pensez que l’OTAN est capable, sous commandement étasunien, de lancer une action militaire contre les forces russes, la Russie riposterait très certainement, et très durement. Donc c’est une possibilité. Cela ne laisserait que deux options aux États-Unis, passer au nucléaire ou renoncer. Comprenez s’il vous plaît que je ne parle pas d’une invasion de toute l’Europe, jusqu’au Portugal et à la France, comme je le craignais pendant la Guerre froide. Je parle d’une opération russe défensive, qui se produirait des deux côtés de la frontière russe. Sur cette partie du territoire, la Russie a un avantage conventionnel écrasant. Mais je peux vous promettre que les blindés russes n’arriveront pas à Prague.
– Dans ce cas, à Bratislava.
– Ni à Bratislava ni dans aucune autre ville d’Europe.
– Si les États-Unis rappelaient tout leur personnel militaire au pays, cela provoquerait-il l’effondrement du système social américain ? Et que pourraient-ils faire de tous ces gens ?
– Non, les États-Unis sont un pays extrêmement riche. Ils dilapident des ressources dans le maintien d’un Empire ruineux. Regardez comment la population soviétique vivait sous l’Empire soviétique. Les empires sont une catastrophe pour l’économie. Si les États-Unis retiraient toutes leurs forces du monde entier et les rapatriaient, cela permettrait des économies absolument fantastiques. Ajouter quelques millions de gens à un pays qui en compte 300 millions n’est pas un grand problème. Mais les économies réalisées en stoppant le financement de l’Empire se chiffreraient en plusieurs milliards de dollars. Ce serait énorme. Nous ne parlons pas seulement de l’argent dépensé pour la machine militaire, mais aussi de celui dépensé pour les sanctions, la subversion, le contrôle économique. C’est immense. C’est un énorme gaspillage d’argent. Pour la propagande, pour tout.
Les empires ont aussi des conséquences sociales terribles. Vous pouvez voir ici des gens dont chacun a perdu un membre de sa famille ou un ami ou qui a été blessé au combat ou qui est pauvre ou sans logis à cause de ces guerres. C’est essentiel à comprendre – si vous êtes la victime d’un empire, vous devez comprendre que le pays qui abrite cet empire est aussi une victime.
Je pense que le peuple américain a les mêmes intérêts que le reste du monde. L’ennemi, la menace, c’est l’Empire, pas les États-Unis en tant que pays. Je vois un empire comme une tumeur maligne, une cellule cancéreuse. Elle est hébergée par un corps, mais elle est aussi l’ennemi de ce corps. Je reçois tous les jours des lettres de vétérans américains qui disent : « J’aime mon pays et je suis un patriote, mais… ». Puis ils commencent à dire combien ils haïssent l’Empire. Exactement comme de vrais patriotes russes seraient opposés à l’Empire russe, de véritables patriotes américains sont opposés à l’Empire américain. Nous avons le même ennemi, l’impérialisme.
– Oh, nous en sommes à la dernière minute, donc nous voudrions vous remercier d’être venu, et nous avons encore beaucoup d’autres questions.
– Merci. Ce fut un plaisir et un privilège.
– Nous avons énormément de questions auxquelles il n’a pas encore été répondu, donc si ça ne vous dérange pas de revenir une prochaine fois et de terminer avec des questions sur la Syrie et autres…
– Avec grand plaisir.
– Seriez-vous d’accord de revenir pour la prochaine émission ?
– Oui, je le ferai. Absolument.
– Nous vous saluons, en Californie, aux États-Unis.
– Non, en Floride. Je suis en Floride.
– Oh, la Floride, désolé. En Slovaquie, c’est bonne nuit et en Floride…
– Bonne soirée.
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