“Le Tome-III à l’horizon” : Suite en 9/11

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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“Le Tome-III à l’horizon” : Suite en 9/11

10 février 2019 – Pour replacer cette longue page dans son contexte, qui est le développement du mystérieux et énigmatique Tome-III de La Grâce de l’Histoire avec un extrait, je demande qu’on me pardonne de me citer. Il s’agit d’une partie d’une page du 11 novembre 2018, faisant une présentation précédente d’un autre extrait du Tome-III et donnant des indications sur l’évolution structurelle de la chose, – du monstre qu’est ce Tome-III, devrais-je dire... Voici donc.

 

« 11 novembre 2018 – Je sais au moins un lecteur, très actif sur notre Forum et d’une façon très souvent inventive et intrigante, et qui a plus d’une fois évoqué le Tome-III de La Grâce de l’Histoire, demandant si l’on y trouverait telle précision, telle évolution, telle réponse à une question évoquée par l’Auteur-PhG. Cela suppose qu’il y aura un Tome-III et je lui suis extrêmement reconnaissant de sembler n’en pas douter un instant car j’avoue platement, et avec une honte que certains pourraient juger “prométhéenne”, qu’il m’arrive de connaître, la triste et angoissante pesanteur de l’incertitude à cet égard, – oh certes dans des moments plus dépressifs que d’autre.

» Une certitude, par contre, est bien celle de savoir que je ne sais pas grand’chose de ce que sera ou serait ce Tome-III, s’il se fait. Je ne manque ni de matériels ni d’idées qui prétendent répondre à un rangement et à une logique, mais pour l’instant dans un certain chaos qui ne cesse de discréditer rangement et logique ; ce n’est pas pour me décourager pour autant car je sais que si je fais ce Tome-III (la seule question essentielle), les choses trouveront leur ordre en suivant la plume, – laquelle, je le soupçonne, sait déjà... Quoi qu’il en soit, qu’on se rassure pour ceux qui s’inquièteraient, les choses sont déjà en route. C’est à ce propos que je mets en page ci-après un extrait de ce qui est déjà fait, pour prouver ma bonne foi en quelque sorte...

» Les choses ont étrangement évolué, par rapport à ce que je prévoyais grosso modo, et sachant que mes prédictions ne sont que poudre d’escampette. (La plume, vous dis-je, guide la main et oriente l’esprit : au moment crucial il n’y a qu’à  suivre, c’est elle qui décide.) [...] 

 

“Les choses ont étrangement évolué”, écrivais-je, et j’ajoute qu’elles ont continué à “étrangement évoluer”, à un point où j’ai de plus en plus de mal à retrouver un historique de cette évolution à partir de l’origine du travail. Je vais tenter ici de me résumer, en l’on verra l’extrême complication du projet. Successivement, voici ce qu’il advient des choses...

• Ce qui était présenté et publié au départ comme l’Introduction, sous le titre du « Désenchantement de Dieu », tout en gardant ce titre, s’est très fortement développée à la réécriture annoncée entretemps. L’Introduction n’est plus introduction, elle est devenue la Première Partie du Tome-III. 

• En conséquence, ce qui était annoncé comme “Première Partie” reprenant de nombreux éléments de la conclusion du Tome-II, a continué à prendre des proportions considérables, à développer décisivement les idées initialement envisagées, et devient la Deuxième Partie.

• La Troisième Partie a largement démarré. Elle est inédite et ce n’est qu’avec la suivante (partie sur le langage) qu’on retrouve le classement initial, avec ce cette curieusement évolution de la Première Partie devenant Quatrième Partie, et elle aussi déjà largement entamée.

(Plus que jamais, je développe l’idée déjà exposée dans le texte référencé du 11 novembre 2018 [« Parce que je me méfie des échéances et des promesses de Gascon, – surtout si le “Gascon” a 75 ans, – j’ai décidé de faire des publications intermédiaires... »] Ce sera, pour la première de ces publications l’ensemble des deux premières parties, avec une nouvelle et courte introduction.) 

Comme écrit encore le 11 novembre 2018 : « Voilà... En attendant, il m’a paru de bonne guerre qu’un extrait [de ce Tome-III] » vienne donner une idée de l’évolution des choses. L’extrait vient de la Première Partie (ex-Introduction) et forme un ensemble cohérent : la façon dont l’attaque du 11-septembre a modifié profondément ma façon de travailler, ma façon de penser, enfin mes conceptions fondamentales qui sont désormais à la base de la série de La Grâce.  « Lisez cette pièce en songeant qu’elle s’imbrique dans un propos général et ne se comprend complètement, si c'est le cas, qu’en fonction du contexte ; qu’elle est soumise à d’ultimes relectures comme le reste, etc., – bref, avec toutes les restrictions possibles et votre indulgence là-dessus. Eh bien, bonne lecture tout de même. »

PhG

_________________________

 

 

Extrait Tome-III, Première Partie :

Le désenchantement de Dieu

(...)

9/11 fut à la fois un sigle et un signe, à la fois de la cause du “désenchantement de Dieu” et de la voie vers le “réenchantement de Dieu” ; et le signe encore secret lorsqu’il éclata comme un éclair et frappa comme la foudre pour signifier en même temps la catastrophe du “désenchantement de Dieu”, et qu’il faudrait au-delà entreprendre aussitôt la tâche du “réenchantement de Dieu”. Pour cette raison, il m’importe de poursuivre le récit de ma propre entreprise, de ma conversion pourrais-je dire, sinon de mon initiation, par le récit des événements de cette période singulière qui sembla nous prévenir de la Fin de Tout, tels que je les ai ressentis de façon à les classer dans la continuité de ce Tome-III.

9/11, c’est l’attaque du 11 septembre 2001, et c’est le temps ouvert par un événement d’une brutalité inouïe, rendue telle par l’amplification par des millions de fois que suscite la communication, ce qu’on désigna comme “le passage en boucle” sur les écrans télévisuels du film de l’attaque et des explosions… Cette brutalité est comptable d’un bouleversement, à la fois de l’Histoire vers la pure métahistoire elle-même, à la fois de notre perception vers notre interprétation perceptuelle par l’outil d’une psychologie exacerbée à la mesure de cet événement inouïe. (Tout est inouïe dans la chose, l’événement lui-même, et la brutalité de l’événement inouïe qui s’en dégage aussitôt, comme une sorte d’événement en soi, de second événement, d’événement de l’événement.) L’Histoire en sortit transmutée, comme notre perception elle-même.

Parce que 9/11 est comme “un trou dans le continuum espace-temps” (on verra plus loin là-dessus), il change toutes les références et toutes les perceptions à partir de lui. Il s’agit de rien moins qu’un fabuleux saut qualitatif, presque un changement de nature des choses, et ce changement s’organisant à partir de deux grands événements qui semblent exactement contradictoires et qui, pourtant, ne s’annulent pas du tout alors qu’on pourrait croire qu’ils le devraient, mais au contraire qui se complètent d’un point de vue, et qui permettent et promettent l’affrontement d’un autre point de vue. 

Le premier événement est une affirmation qu’on devrait tenir comme solennelle et au-dessus de tout soupçon, qu’on peut aisément comprendre à partir de diverses indications venues de diverses sources, et cette affirmation étant qu’on devrait admettre que la réalité n’existe plus en tant que valeur objective ; il y a désormais une ou des réalités qui sont créées par des forces dominantes, encore à ce moment de 9/11 et aussitôt après avec des débris de “réalité objective” mais rien qu’on puisse définir comme structurellement “objectif” là-dedans. La direction américaniste, qui exerçait alors une domination écrasante et tyrannique, devenue absolument totalitaire après 9/11, est le principal artisan de cette transmutation.

(L’on comprendra bien entendu, je le laisse souvent entendre mais ne perds aucune occasion de le répéter pour situer le niveau de mon appréciation d’un très grand mépris, voire de simple dégout, de ce sujet que je vois agir, – l’on comprendra que je tiens cette “direction américaniste” sans nulle conscience et presque robotisée, d’un état infiniment bas et détestable, comme un outil sans gloire et stupidement borné à ses réflexes grossiers, utilisé par d’autres forces qui lui sont supérieures bien que maléfiques, que je nomme “Système”, ou bien encore “Matière” lorsqu’il s’agit du déchaînement de la chose.)

Dans le propos que je conduis et qui nous rapproche dans ce passage presque de la quotidienneté de l’événement, on doit tenir pour exemplaire et symbolique cette déclaration du conseiller en communication du président GW Bush, un nommé Karl Rove, homme sans qualité et sans remord d’aucune sorte, et cette déclaration faite à l’auteur et historien Ron Suskind, à l’été 2002, telle que Suskind la rapporta dans un article du quotidien du New York Times resté fameux, du 24 octobre 2004 : « Nous sommes un empire maintenant, dit Rove, et quand nous agissons nous créons notre propre réalité. Et alors que vous étudierez cette réalité, – judicieusement, si vous voulez, – nous agirons de nouveau, créant d’autres nouvelles réalités, que vous pourrez à nouveau étudier, et c’est ainsi que continuerons les choses. Nous sommes [les créateurs] de l’histoire... Et vous, vous tous, il ne vous restera qu’à étudier ce que nous avons [créé]. »

Le cas n’a fait qu’empirer depuis ce temps déjà lointain, l’aimable mais approximative expression de “propre réalité” revenant à équivaloir à l’expression de narrative que j’emploie souvent, c’est-à-dire un récit fictif, une fable, une contine, qui est la représentation de la réalité que l’on choisit de faire, qui pourrait être considérée également, lorsqu’on apprécie l’effet général de la manière la plus structurée possible, comme l’élaboration du simulacre d’une situation générale. Cette évolution acheva de basculer d’une façon décisive avec la crise ukrainienne qui débuta dans sa dimension inscrite dans la crise du Système, en février 2014, lorsque les forces agissant pour le compte du Système, les forces occidentales du “Bloc Américaniste-Occidentaliste” (bloc-BAO), organisèrent le « coup d’État le plus flagrant de l’histoire » selon un spécialiste du genre (George Friedman, alors président de l’institut d’analyse Stratfor, très proche des “services” américanistes). A partir de cet acte, l’information bascula, du côté du bloc-BAO, dans la pure fabrication de ses causes et de ses conséquences, selon une logique absolument faussaire, sans le moindre lien avec ce qui aurait pu être perçu encore comme un élément “objectif” ; pour dire l’audace et la radicalité de la démarche, je précise d’un point de vue opérationnel que cela était réalisé sans tenir le moindre compte de la règle d’or qui enjoint d’élaborer un mensonge, pour qu’il soit bon, selon l’idée qu’il doit toujours contenir une parcelle de vérité (de réalité).

La situation d’à partir de 2014 abandonne cette règle de conduite, situant l’audace sans aucun frein ni le moindre aménagement tactique des faussaires, dont on peut juger alors que la psychologie est entrée sans ménagement ni la moindre retenue dans le vaste domaine de la pathologie ; cette situation n’est plus du relativisme, même très pur et à haut degré de substance, c’est une sorte de parabole ou d’enfant naturel  du “fictionisme” (dans le sens de « l’utilisation de technologies de diffusion rapide de faits, dans le but de créer une histoire fictive de la réalité ») ; cela devient dans mon cas, à cause de l’emploi que je fais du mot narrative (en anglais), du “narrativisme” avec une définition équivalente mais une destination toute autre, où toute la puissance de la communication se déploie : le fictionisme est destinée, selon la définition vertueuse, à développer une œuvre d’art ; le narrativisme a pour mission de fabriquer du simulacre détaché de tout lien avec le réel, qui d’ailleurs n’existe plus comme on le sait désormais, et ayant une fonction idéologique bien précise dans le cas que j’envisage.

(Pour autant, je soupçonne qu’il s’agit de la même boutique, je veux dire que je soupçonne le fictionisme d’aboutir au même résultat : c’est l’esprit de l’Art Contemporain [A.C.] qui suggère la définition qu’on a vue. L’A.C. est de la même boutique que le “coup de Kiev” et autres gâteries du genre.)

Le second des “deux grands événements qui […] se complètent d’un point de vue, et qui permettent l’affrontement d’un autre point de vue” est une explosion formidable, gigantesque, un torrent grondant, un tourbillon d’une énorme puissance du système de la communication et, par conséquent, de la circulation des informations dont aucune référence ne peut nous dire avec certitude si telle ou telle d’entre elles est réelle, mais dont nous pouvons croire que telle ou telle d’entre elles est vraie. Ce second “grand événement” est bien entendu lié au premier, il le précède même et, en quelque sorte, il le suggère après 9/11 et selon la psychologie transmutée qui se forme du fait de 9/11, principalement aux États-Unis qui sont la matrice de tous ces événements, mais simplement comme relais de forces extérieures à l’humain, rendues opérationnelles dans “le Système”. C’est parce que les autorités et les directions concernées disposent de toute cette puissance communicationnelle déjà présente, mais qui éclate en un formidable feu d’artifice avec 9/11, qu’elles conçoivent, guidées par leur hybris déchaîné par cette attaque, à la fois blessées par elle et exaltées par elle, une voie pour désintégrer la réalité au profit de leur propre réalité qui est exactement leur création (« quand nous agissons nous créons notre propre réalité… »), – ce que moi-même, je nommerais successivement “virtualisme” et narrative. On comprend qu’il y a là un mélange de souffrance, de colère, d’ivresse, de démesure démente, on comprend que l’on se prend littéralement pour des demi-dieux, on comprend que l’on se croit comme si nous étions au cœur d’une tragédie grecque, – quelle prétention et quelle erreur naissent donc de cette grotesquerie de l’esprit !

(Nous sommes autant sur le territoire du grotesque et cette tragédie-là, je la désignerai très vite comme la “tragédie-bouffe”, à l’imitation de ce qu’on nomme opéra-bouffe. Ce temps-là est celui des extrêmes, c’est l’extrême de la tragédie qui, par instant, met les acteurs à l’extrême du bouffe, bouffons eux-mêmes.)

** 

Ainsi, dans cette époque si singulière et complètement révolutionnaire, la communication devient-elle d’elle-même source de toute puissance, au point que l’on pourra parler de surpuissance du Système, – puissance si au-dessus d’elle-même qu’elle devient source d’autodestruction, – et l’on retiendra cette logique inéluctable, l’on y revient même sans cesse. D’une façon générale, c’est-à-dire sans la possibilité de la moindre dérogation car il s’agit d’une règle de fer, il y a un prix à constamment payer pour cette surpuissance qui paraît faussement à ses manipulateurs comme la toute-puissance : nous nommons cela l’effet-Janus. Cette énorme puissance de la communication ne connaît rien ni personne à qui elle devrait unique allégeance ; elle est à prendre, et constamment à reprendre, et rien ne l’impressionne à cet égard, ni ne l’emprisonne, fût-ce un roi du pétrole, un président de l’Empire qu’on pourrait croire empereur, un général-en-chef d’une immense armée, un journaliste qui croit dire la Vérité Elle-Même ; nous avons ainsi intégré dans nos vastes plans de résistance, très vite, peut-être et même certainement sans le réaliser, sans le mesurer, sans embrasser l’immensité des territoires ainsi disponibles, nous avons intégré ceci que la communication pouvait également se mettre à notre disposition, pour multiplier nos écrits, nos pamphlets, nos apostrophes, nos cris terribles de malédiction lancés à la face de Satan. 

(Je parle ici de nous, les “dissidents”, postés et agissant comme il y avait eu l’inoubliable samizdat en URSS dans la période de décadence, qui contribua tant, à coup de feuillets ronéotypés, à faire chuter cette énorme chose vide, usée, dépassée, hideuse… Vous savez qu’ils sont nos inspirateurs, mais nous les avons grandis, avec leurs encouragements, en utilisant contre les démons du Système qui nous maudissent cette arme absolue de tous les temps de l’homme qu’est la communication, ceci qui nous fait si grands nous qui sommes si petits. Nous avons lancé la bataille contre le Système en utilisant cette technique immortelle de la philosophie stratégique chinoise qui se symbolise dans l’expression “faire aïkido”, – retourner contre l’adversaire ses propres armes, sa propre puissance, – faire cela avec le Système, contre le Système, – et le Système ainsi pris aux outils de ses propres ambitions.)

Il y a donc un combat gigantesque, un affrontement à ciel ouvert et à découvert, à partir de l’attaque du 11 septembre 2001. Nous avons déjà signalé notre intérêt, du point de vue “opérationnel” de l’intellect, pour l’image que l’auteur politique Justin Raimondo, un commentateur de tendance libertarienne selon les conceptions américaines (plus qu’américanistes à cet égard), a développé le 9 septembre 2011 : « La force terrifiante des explosions qui firent s’effondrer le World Trade Center ouvrit un trou béant dans le continuum espace-temps. » Cela n’est en rien adopter le point de vue de Raimondo, mais de façon bien différente adopter un point de vue de logocrate, tel que George Steiner le présentait lors d’une conférence à Bruxelles en 1981, et que nous-mêmes avons déjà définie de la sorte :

« Il s’agit d’une de ces occasions remarquables et empreintes d’une signification également remarquable où la puissance des mots ayant affirmé leur ontologie propre, où la force de l’image devenant symbole selon sa propre volonté, conduisent la pensée éclairée par l’intuition sur une voie qui n’est pas celle qui était envisagée initialement. [...] Ainsi se manifestent la richesse et la diversité du langage lorsqu’il est chargé d’une substance d’une si belle richesse qu’on y peut découvrir une essence rendant compte effectivement de l’intuition qu’on a signalée. […] Ainsi Raimondo nous restitue-t-il la seule vérité de 9/11, lui qui est éventuellement partisan d’explications cachées, de la thèse d’un certain complot ayant manipulé cette attaque, lui donc qui n’accorde aucune vérité fondamentale à l’événement tel qu’il nous apparaît : pourtant il lui reconnaît la vérité irréfragable de la puissance apocalyptique de l’attaque, jusqu’à “faire un trou”, ou créer un espace vide et perturbateur dans la continuité espace-temps... » 

Notre interprétation de l’événement (9/11) et par conséquent le récit de la période qu’ouvre cet événement, c’est-à-dire ce qu’il nous arrive de nommer la Grande Crise d’Effondrement du Système, est fondamentalement du type de la métaphysique historique (de la métahistoire), et elle le restera. De même, il nous paraît très utile de rappeler un autre extrait de ce même passage du Tome-II de La Grâce, où nous développons notre interprétation de 9/11, et de la période qui suit, c’est-à-dire du cadre métaphysique où se développe le terme du récit de son expérience personnelle de l’auteur.

« Selon cette interprétation, le 11 septembre 2001 est une nouvelle tentative, et une tentative dont il est exigé qu’elle soit décisive parce que les conditions du monde et du Système lui-même font que c’est la dernière possible, et la dernière possibilité pour un Système parvenu au sommet de sa surpuissance, de parvenir à son complet accomplissement par la quête achevée et réussie de sa propre métaphysique. On observe alors comme une découverte essentielle […] que le Système, lorsqu’il se trouve au sommet de sa surpuissance, a besoin d’être adoubé par quelque chose de supérieur à lui, qu’il prétendrait tout de même s’annexer dans une exigence contradictoire et absurde, et il n’hésite pas à jouer son va-tout pour cela… Ce faisant, il déclenche la dynamique d’autodestruction qui l’habite, qui côtoie dans une malédiction fondamentale, l’exercice extrême de sa dynamique de surpuissance. L’on découvre en effet que le Système, fait de la seule Matière, ne peut s’accomplir sans une onction métaphysique qu’il ne peut pourtant atteindre, par définition absolue et exclusive ; cette onction, cet adoubement, nous dirions que c’est pour lui une question de vie ou de mort : s’il ne l’a pas, il périt. Ainsi déchaîne-t-il toute sa puissance (Verdun [en 1916], 9/11 [en 2001]) pour l’avoir lorsque tous les autres moyens ont échoué, pour échouer à nouveau, et ainsi se comprend-il d’une manière irréfutable que l’exercice extrême de la surpuissance du Système entraîne nécessairement sa dynamique d’autodestruction lorsque la tentative est finale et sans retour, comme l’est 9/11… C’est cette situation qu’ouvre l’attaque du 11 septembre 2001. Il y a peut-être eu le percement furieux d’un “trou” dans ce qu’il reste d’ordre du monde, dans le “continuum espace-temps”, mais c’est pour laisser s’y glisser bien autre chose que l’accomplissement du triomphe du Système, ou du “déchaînement de la Matière” ; ce qui jaillit par ce “trou”, au contraire, ce sont les conditions générales de la crise ultime et d’effondrement du Système… »

Voilà donc, la « crise ultime et d’effondrement du Système… », et c’est sans le moindre doute une expression qui nous suggère le récit profond des événements depuis le 11-septembre. L’immense enjeu de cette séquence métahistorique ouverte par le “trou dans le continuum espace-temps” de Raimondo, c’est sans aucun doute de savoir à propos de quoi nous nous battons, quelle est le cause de cette rage folle qui déchire notre société, notre puissance, notre civilisation ; et la réponse coule de source, comme une source claire ; l’immense enjeu c’est donc la connaissance de la Vérité, ou si vous voulez de “la vérité à cet égard”, ce que j’ai appris à nommer “vérité-de-situation” ; cela est fondamental parce que, à cause du même événement, la réalité a été détruite, et que la seule voie de la Connaissance (“à propos de quoi nous nous battons” ?) passe par la Vérité elle-même. Ainsi l’événement, qui nous prive de la connaissance du réel pour mieux négocier notre âme avec le Diable, nous permet au contraire, si nous nous battons avec héroïsme et alacrité, de nous diriger vers des connaissances d’une grande hauteur, cela permettant de mettre le Diable en déroute. Ainsi les événements nous obligent-ils à la confrontation avec les effets tragiques du “déchaînement de la Matière”, qui n’est rien d’autre que le nom d’emprunt du phénomène du “déchaînement du Diable” ; et, en contrepartie, en contre dirait-on en langage sportif, nous sommes conduits à élever notre âme jusqu’à la faire poétique, l’ouvrir à la spiritualité par cette voie de la recherche des vérités-de-situation qui recèlent toutes autant de parcelles de la Vérité qu’elles sont en nombre. Nous sommes poussés à une impérative réconciliation avec la spiritualité la plus haute.

… Ou bien, si vous voulez, nous pourrions dire en un langage plus bas que tout se passe comme si la “Vérité” était mise aux enchères, je veux dire dans l’esprit de ceux qui sont les plus vulgaires et les inspirés du Diable parmi les combattants dans cet affrontement. Ainsi en ont décidé, sans en rien savoir, par simple processus de la puissance brute, celle que favorise naturellement le “déchaînement de la Matière”, – ainsi en ont décidé ceux-là qui ont pulvérisé la réalité comme je les ai décrits, – Rumsfeld en tête, Rumsfeld le moins stupide d’entre eux, pourtant Rumsfeld l’ouvrier-en-chef du Diable, avec son sourire sardonique car lui devait bien se douter de quelque chose, et du rôle qu’il jouait, et il savait ricaner à son propre propos…

(Le plus étrange dans cette séquence que je décris, comme je la perçois, – d’abord “trou dans le continuum espace-temps”, ensuite déchaînement de surpuissance et désintégration de la réalité disons-objective [“nous créons notre propre réalité”], par conséquent nécessité de la recherche des vérités-de-situation, c’est-à-dire et enfin rencontre de la Vérité, – le plus étrange c’est cette notion largement justifiée de “complot” au fondement de la perception de 9/11. Il y aurait donc ceux qui auraient machiné un complot si l’on croit en cette thèse qui est plus de la probabilité que de l’hypothétique, et ce serait les mêmes qui croiraient à la réalité de l’attaque pour s’en saisir dans un geste vertueux de légitime défense, et déployer leur puissance, et au nom de l’extrême violence du choc où ils verraient d’une façon schizophrénique une véritable agression, tout cela créant au bout du compte les conditions de notre affrontement décisif dans le cadre de la « crise ultime et d’effondrement du Système… », entreprendre une croisade catastrophique dans le but implicite de la destruction du monde, – et donc d’eux-mêmes, – par l’entropisation. [Le vice-président et comploteur-chef Cheney recevait l’ambassadeur de France quittant son poste en novembre 2002 ; il dit à son interlocuteur, avec la plus extrême franchise j’en suis absolument convaincu car la grossièreté et l’hybris brutal de l’homme exclut toute subtilité machiavélique et s’il n’avait été sincère il aurait déployé sans vergogne sa volonté de puissance : « Vous autres, Européens, vous n'imaginez pas l'ampleur de l'effet qu'a produit sur nous l'attaque du 11 septembre. »] Ainsi, les comploteurs auraient réussi leur complot pour pouvoir mieux croire absolument au choc catastrophique creusant “ce trou”, qu’ils avaient eux-mêmes mis en scène, et ainsi changer leur psychologie d’hégémonie régnante au profit d’une sorte de psychologie de l’effondrement par attraction du vide. Qui dira la main qui guida leur étrange projet dont l’aboutissement est l’effondrement de leur pseudo-“Empire” régnant sans partage avec la soumission-servitude volontaire-empressée des autres avant le 11-septembre, et qu’ils compromirent ainsi irrémédiablement ? Qui dira quel esprit pervers leur inocula le venin de l’hybris jusqu’à la dose mortelle par la tentation de l’entropie ? Mais nous le savons tous et nous nous le disons à nous-mêmes silencieusement ; certains entendent, d’autres n’écoutent pas, et qui dira la pose préférable…)

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Ainsi doit-on constater que toute notre immense aventure métahistorique se fixe dans cet affrontement gigantesque, qui prend parfois pour les oreilles critiques des aspects puérils, qui semble ne manier que des ondes et des frémissements intemporels, qui trouve son accomplissement dans nos temps épiques et obscurs en une terrible explosion qui dépasse en intensité la diablerie nucléaire elle-même. Ainsi voit-on le terme de notre récit, puisque c’est de cela qu’il est question, se régler avec ce phénomène absolu de la postmodernité qu’est la communication, alors qu’il est question, pour ceux qui l’utilisent le plus subtilement et bien au-delà encore, de porter avec jubilation un coup mortel et sublime à la postmodernité en tant que rejeton cannibale de la modernité.

Ce combat, à l’heure où j’écris ce que lit ici le lecteur, – je crois pouvoir dire décembre 2018-printemps 2019 pour les corrections, – a une autre envolée, une issue inattendue avant même d’être tranché. Je ne veux surtout pas parler de ce mauvais jeu de mots qui serait de parler d’une “issue de secours”, mais bien autrement, d’une envolée vers les cieux… Ici, je veux parler de la nostalgie, c’est-à-dire en vérité introduire l’une des poutre-maîtresses, ma propre Voie Sacrée si l’on veut bien m’accorder cette expression, de ce Troisième Tome de La Grâce.

Car c’est bien là, pour mon compte, le destin que m’ouvrit ce “trou dans le continuum espace-temps”, comme si le 11-septembre m’avait été adressé personnellement, destins ainsi confondus entre la marche du monde et moi-même ; et ce trou, comme une ouverture sur un royaume nouveau dont je n’avais eu que des échos lointains, et dont on m’avait appris à mépriser la signification profonde, par réflexe moderniste d’abaisser tout ce qui n’est pas du parti de la modernité. Soudain, ce qui n’avait été jusqu’alors qu’une sorte de vague-à-l’âme de guère d’intérêt, un spleen à peine baudelairien, une sorte d’attachement suspect et pathologique pour le passé, m’apparut resplendissant d’une éclatante lumière. L’âme devenue poétique ne permettait plus rien de cette estompement réducteur qu’est le vague-à-l’âme dans leur langage : la nostalgie m’était née comme un don du ciel, elle se déployait devant moi, elle chantait la persistance du monde et figurait ce qu’on nomme Éternité. J’avais trouvé mon destin.