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293226 décembre 2015 – Celle-là qui concerne les Russes, ils l’on ratée à dedefensa.org, alors je supplée... C’est une histoire de zombie(s), qui date du 23 décembre, et de zombies qui frappent avec insistance à une porte ouverte. Je vais insister sur l’image, sur le langage, sur la perception, – j’allais dire, emporté par la fougue du langage, “sur le concept”.
Réglons vite les détails d’intendance. Il s’agit des dernières sanctions antirusses que viennent de prendre les gens de Washington. Elles n’ont aucune justification politique, aucun contexte d’action politique qui les rendent cohérentes, elles contredisent une autre politique officielle, la porte d’à-côté, où les mêmes qui prennent de nouvelles sanctions s’exonèrent d’eux-mêmes, exactement au même moment, des contraintes pour eux-mêmes de leurs propres sanctions par des textes secrets en achetant aux Russes du matériel hautement stratégique (d’énormes moteurs de fusée porteuses de satellites). Cela déclenche la rage pour une fois du meilleur sens du monde du sénateur McCain (« C’est le comble de l’hypocrisie ! Comment notre gouvernement peut-il dire aux Européens qu’ils doivent tenir bon en maintenant leurs sanctions antirusses, qui leur sont beaucoup plus coûteuses que pour nous, alors que nous orientons notre politique dans cette voie ? Comment pouvons-nous dire aux Français de ne pas vendre de vaisseau d’assaut amphibie aux Russes, comme nous avons fait, et puis nous-mêmes changer complètement notre politique pour négocier l’achat de moteurs de fusées avec la bande de Poutine ?»). Si je donne ces précisions, c’est pour bien montrer que l’appréciation des Russes, auxquelles je vais venir et qui sont le sujet de ce Journal dde.crisis aujourd’hui, ne sont pas dites en l’air, qu’elles concernent des évènements bien réels, concrets et précis. La folie, aujourd’hui, a la couleur de la quotidienneté de nos jours, jour après jour et sans plus jamais se lasser d’être folle.
C’est en effet à propos de toutes ces péripéties qu’un personnage très officiel a fait, ès qualité, un commentaire public sur ce comportement. Il s’agit du vice-ministre russe des affaires étrangères Sergei Riabkov, parlant à l’agence Interfax, et voici la partie de son commentaire qui m’intéresse : « Les agences du gouvernement US ont agi et agissent avec entêtement comme des zombies qui frapperaient à une porte ouverte. Elles devraient se préoccuper d’exercer une influence [de restriction] sur Kiev mais il semble inutile de répéter cela à ces gens qui se comportent comme des zombies. Ils tournent en rond, cherchant à prouver quelque chose non pas tant à nous qu’à leurs employés à Kiev et à leurs obligés en Europe qui, comme le département US du Trésor le rapporte explicitement, sont uniquement préoccupés de suivre la ligne de Washington. » (*) L’ambassade de Russie en Angleterre a repris la citation sur son tweet et l’a illustrée de l’affiche d’un film sur les zombies (“The Walking-Dead”). Il s’agit vraiment d’une déclaration intéressante, qui n’a manifestement pas été improvisée spontanément, qui a vraiment une signification très spécifique.
... Il s’agit de déclarations vraiment très intéressantes, si l’on ajoute celle de McCain. Si vous ajoutez les deux effectivement, vous vous apercevez qu’elles disent la même chose selon des points de vue et des intérêts absolument opposés, – cela constaté sans porter de jugement sur l’esprit et la nature de chacun des deux côtés, ce qui est un autre débat. Elles décrivent une politique complètement incohérente selon l’entendement d’une raison hors de la subversion, caractérisée par une absence complète de logique et une pensée complètement éclatée et dont les débris sont précieusement cloisonnés, par un esprit littéralement mangé par une sorte de pourriture immatérielle sous la forme d’une attraction presque fascinée et évidemment fatale vers la néantisation d’elle-même ; elles décrivent des comportements qui ne peuvent être que ceux de personnes dont on peut raisonnablement déduire qu’elles sont affreusement perturbées dans leurs affaires mentales, qui devraient suivre un sérieux traitement, une thérapie décisive qu’on pourrait décrire comme psychiatrique si l’on veut, mais qui relèverait plus sûrement et bien plus efficacement de la pratique évidente de l’exorcisme.
Je crois qu’il faut très sérieusement s’arrêter à de tels jugements (celui de Riabkov) faits publiquement parce qu’ils mettent à jour une situation peu ordinaire. Bien entendu, je dis cela après bien d’autres exemples de tels comportements, depuis maintenant plusieurs années faites de désordres terribles et d’incohérences affreuses, à ce point qu’on ne peut en aucun cas parler d’accidents, ou d’interprétations hasardeuses. Ce point-là doit être une fois pour toutes acté, c’est-à-dire qu’il faut se débarrasser une fois pour toutes de ces analyses épuisantes, depuis des années également, développées par les raisons raisonneuses de tant d’analystes, de commentateurs, d’auteurs de fiction, d’apprenti-prophètes de la prospective, surtout parmi les antiSystème malheureusement, qui ne cessent de débusquer derrière le comportement complètement chaotique des acteurs de la politique US de subtiles et complexes manœuvres faites pour réaliser de formidables plans d’investissement et d’hégémonie. Depuis que toutes ces “subtiles et complexes manœuvres” se soldent par de si complètes catastrophes, il est bien assez temps de se débarrasser de ce réflexe devenu quasiment pavlovien qui finit par faire penser que le raisonneur est peut être bien aussi fou que celui dont il prétend mettre à jour les intentions secrètes.
Ce n’est pas la première fois que cela est dit mais cette fois, c’est vraiment éclatant : les Russes de la direction politique pensent vraiment que ceux qui appliquent la politique US sont des fous, des “zombies”, des gens absolument dérangés. Qu’un vice-ministre des affaires étrangères prennent la peine de décrire publiquement leur comportement comme Riabkov le fait, si minutieusement, en observant et détaillant toutes les absurdités qui en découlent, est extrêmement significatif du degré d’irritation, de moquerie sarcastique, mais aussi d’inquiétude extrême, d’angoisse quasiment existentielle puisqu’ils ont nécessairement affaire à eux, des Russes. Là où l’on voit que la déclaration est très mesurée, très calculée, et donc d’autant plus significative de la conviction des Russes de se trouver devant un cas extraordinaire, c’est le soin que Riabkov prend à parler des “agences du gouvernement US” et non des dirigeants US en général, ce qui est désigner la bureaucratie, les cabinets, les services, etc., toute la machinerie soi-disant humaine chargée d’appliquer la politique US, devenue complètement incontrôlable et agissant d’elle-même, selon ses propres conceptions, ses propres buts même et même surtout si ces buts sont absurdes et nihilistes. (Il y a un exemple récent autre que les sanctions, et assez enlevé par sa parfaite coordination, qui, aux yeux des Russes, doit justifier encore plus cette caractérisation précise du phénomène, lorsque Kerry vient publiquement annoncer à Moscou le 15 décembre que Russes et Américains vont coopérer en Syrie sans conditions préalables, – notamment plus d’“Assad Must Go”, hein ; et que le porte-parole du Pentagone affirme très fermement et vertueusement le 24, et comme allant de soi hein, qu’il n’est pas question de coopérer avec les Russes en Syrie tant que Assad sera au pouvoir.) C’est-à-dire que les Russes sont fermement convaincus qu’il existe un phénomène extraordinaire à l’intérieur de l’ensemble de la communauté de sécurité nationale US, quelque chose qui sort des limites de la raison telle qu’ils la conçoivent pour faire de la politique, qui sort du débat politique pour la coopération, des négociations pour tenter de régler des querelles, etc.
C’est bien cela, il existe un phénomène qui échappe à la raison telle qu'on la conçoit avec mesure et bon sens dans la situation et le comportement de la politique et de la direction américanistes. Ceux qui prétendent être à la source du phénomène (les neocons & affiliés, pour faire court) et n’ont absolument pas les moyens ni le moindre esprit pour justifier cette prétention, font eux-mêmes partie du phénomène. Les plus hauts dirigeants, selon leur degré de résistance de leur psychologie, sont aussi plus ou moins embrigadés par cette énorme succion de l’action insensée et nihiliste. Certains parviennent à s’en échapper temporairement et vont se réfugier un instant, par exemple dans les bras d’un Lavrov, comme on voit Kerry faire parfois ; je suis prêt à croire que certaines confidences de Kerry à Lavrov, voire à Poutine, essentiellement lorsqu’ils sont en tête-à-tête, éventuellement sans interprète (Lavrov parle suffisamment l’anglais pour cela, et Poutine de même), doivent être d’un très, très grand intérêt, je dirais presque exotique dans le registre de l’extraordinaire.
Fort bien, voilà le cas complètement exposé, avant d’en venir à mes observations... Il est alors grand temps pour moi d’ajouter que ces observations des Russes et les réflexions qui vont avec rencontrent complètement mon jugement depuis déjà un certain nombre d’années, et si souvent exprimées sur ce site. Il est surtout temps d’ajouter que ce jugement de moi-même, pour être entendu dans toute sa force et compris dans toute sa plénitude, doit nécessairement dépasser complètement le phénomène américaniste même si ce phénomène reste le cas en pointe, pour s’appliquer à toute une époque eschatologique, à toute notre civilisation qui est cette civilisation qui se trouve au terme de la rencontre du terme de son destin.
Ils sont donc tous prisonniers d’une machinerie, voilà la première de mes convictions, la plus primaire, la plus évidente, la plus naturelle. Ils sont pour la plupart prisonniers consentants, à-la-La-Boétie version postmoderne, sans la moindre réalisation de leurs conditions de prisonniers mais au contraire complètement sous l’influence de leur geôlier parce que leurs psychologies est trop faibles pour résister aux pressions de la machine et l’on peut alors effectivement parler de “zombies”. Voilà ma seconde conviction, qui est un peu plus élaborée. La troisième conviction, qui nous fait pénétrer dans un autre domaine, est que cette machine est évidemment le Système ; c’est-à-dire qu’il s’agit d’une entité autonome, si autonome qu’on peut parler d’égrégore, totalement imperméable aux pressions et orientations humaines, et les méprisant totalement, presqu’en ricanant, non plutôt en persiflant ; et cela, et avec toutes les caractéristiques qu’on a si souvent détaillées à propos du Système, notamment et principalement cette impulsion irrésistible qui le pousse à ne vouloir rien d’autre comme effet de son action que l’enchaînement déstructuration-dissolution-entropisation d’une part, le sort inéluctable qui caractérise sa vie opérationnelle aujourd’hui parvenue au sommet de ses effets avec l’enchaînement surpuissance-autodestruction d’autre part.
Ma quatrième conviction est que l’origine du Système autant que son expression terrestre nous conduisent nécessairement dans le domaine le plus haut, hors de l’expression terrestre, de la métaphysique, dans la métahistoire pure. Le Système, il s’agit de la réalisation opérationnelle du Mal, qui ne peut se mesurer en termes de morale humaine et de tout ce qui s’en rapproche même si son action là-dessus est évidente, puisque le Mal est hors de toute influence humaine ; mais qui se mesure en termes de forme et d’informe, avec cette dynamique irrésistible comme un instinct et comme une raison d’être absolument invertis, qui le pousse à détruire tout ce qui est une forme, – c’est-à-dire la chose créatrice naturelle d’équilibre, d’harmonie et d’ordre, – dans les domaines de la matière comme de l’esprit pour ce qui nous concerne, de l’environnement général du monde aux psychologies humaines et aux pensées qu’alimentent ces psychologies.
Cette conviction finale implique nécessairement que ma pensée ne peut se satisfaire des seules données qu’autorisent la raison et le domaine identifié par l’esprit humain lorsqu’il se soumet aux impératifs de cette raison, – et cela est d’autant plus aisément acceptable pour mon compte qu’il m’apparaît évident que pour avoir évolué comme elle l’a fait, et accepté sinon favorisé le Système jusqu’à ce que le Système ôte son masque pour montrer sa face immonde de gorgone, cette raison laissée à elle-même a été nécessairement subvertie par lui. Je m’aventure nécessairement au-delà de la raison, ce qui a pour premier effet de me débarrasser des chaînes de cette raison qui est aujourd’hui une raison-subvertie par le Système, et pour second effet ceci qui est naturel au déchaînement de sa propre condition, c’est-à-dire la jouissance d’une complète libération de la pensée, avec un but et une cause fondamentales pour l’usage de cette liberté de la pensée. Je n’ai pas pour autant prouvé que Dieu existe et d’ailleurs je ne pense pas car je suis bienheureux et apaisé à cet égard qu’Il lui importe de disposer d’une telle preuve pour exister éventuellement si cela Lui importe, hors de toutes nos spéculations raisonneuses ; mais je me suis démontré à moi-même, et cela importe plus pour mon compte, qu’il n’est pas nécessaire de se soumettre aux règles de son adversaire le plus mortel pour prétendre pouvoir le combattre, et qu’il faut au contraire le dépasser dans le domaine de ses propres raisons d’être et d’agir pour justement donner un sens à cette libération de l’esprit et ainsi mieux le combattre avec l’espoir de le vaincre ; et cela, déjà, est en soi une victoire, sinon la victoire tout court et dans toute son ampleur.
Pendant ce temps, le zombie, après avoir poliment ôté l’entonnoir qui va à ravir à son crâne de sapiens bien éduqué, frappe à la porte ouverte et se trouve satisfait du bruit qu’il entend comme ces cartons qui interrompent le cours d’un film muet pour nous faire savoir ce qu’il faut entendre : toc-toc-toc... Chacun son monde.
Note
(*) Ma traduction de cette déclaration donnée en anglais « “U.S. government agencies have been stubbornly acting like zombies knocking at an open door,” Ryabkov said. “They should be concerned with influencing Kiev, but it makes no sense to repeat this to people who act like zombies. They are fussing around, trying to prove something not even so much to us as to their clients in Kiev and their charges in Europe, who, as the U.S. Treasury explicitly reports, are only too eager to toe Washington’s line.” »
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