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227723 mars 2017 – Ici ou là, souvent en commentaires, il m’arrive de lire des appréciations qui me font craindre que l’on comprend mal la démarche de dedefensa.org ou bien que l’on (à dde.org) ne s’en explique pas assez clairement. Il s’agit de bien comprendre ce que l’on tient pour l’essentiel, et à côté ce qui nous paraît accessoire, parce que parfois il apparaît que l’on s’arrête trop à l’accessoire. Je veux bien croire, parce que la chose est toujours de la responsabilité de celui qui écrit, qu’il s’agit d’être encore plus clair, toujours plus clair à cet égard. Bref, il s’agit de bien écrire pour notre cas ce que nous voulons dire, et pour le lecteur de de bien nous lire pour ce que nous écrivons.
Je prends un premier exemple avec cette remarque de lecteur à propos d’une Le Pen avec son programme, laquelle Le Pen n’était dans l’esprit du commentaire l’héroïne de la nouvelle que par accident collatéral et, dans ce cas, le programme et son application n’important guère. Je crois qu’il existe une réticence naturelle, presque de réflexe, à prendre en compte le fait même de la communication, ce qui est à mon avis une faiblesse mortelle dans cette époque où la communication écrase tout le reste. Il y a notamment cette idée absolument centrale selon mon appréciation, à travers la circulation forcenée de certains épisodes, confidences, chuchotements et le reste, en général d’ailleurs avec leur prestige rehaussé par la chasse aux FakeNews des incroyables flics, les impayables “Dupont & Dupond” de la presseSystème, latrines de censeur en main, il y a cette idée selon laquelle, “les effets d’un événement [en arrivent à précéder] l’événement lui-même” et, par conséquent, modifient d’une façon extraordinaire ce que cet événement attendu sera en vérité.
La remarque du texte du 22 mars 2017 consistait à observer d’une façon critique et véhémente ce que serait le programme de Le Pen si elle était élue (sous le titre « On nous enfume » : « L'orientation soi-disant anti-européenne de Le Pen, qui veut seulement renégocier les traités tout en prenant bien garde de ne pas sortir de l'UE… »). J’y ajoute une deuxième intervention, en précisant que, dans les deux cas, et comme je le fais d’habitude en toute loyauté, il n’y a aucune animosité, aucun mauvais esprit, aucune critique dissimulée à l’encontre des lecteurs, notamment dans ces deux cas, et cela d’autant plus qu’il n’y a rien dans leurs commentaires qui puisse être entendu comme accusateur pour mon cas. Il s’agit de cette seconde remarque qui accompagne le texte du 23 mars, qui n’est certainement pas fausse stricto sensu si l’on choisit de s’en tenir au premier sens de la démarche. (« Pardonnez-moi, Philippe Grasset, mais là où vous voyez des “forces de résistance nées de la Tradition et opérationnalisées sous une forme antiSystème” aux USA, je ne vois que des conflits internes au système, la fragmentation que René Guénon appelait “dissolution finale dans la pure multiplicité”. »)
Les deux cas ne sont pas similaires mais ils abordent le même problème, celui que je vais traiter bien entendu. Il s’agit de faire une différence non seulement fondamentale mais décisive, entre ce qu’on peut ou ne peut pas attendre d’actions spécifiquement humaines, dans un but politique rationnel, et aussi l’intérêt et l’importance de ces choses, d’une part ; et, d’autre part, l’existence de courants et de dynamiques puissantes en état d’antagonisme, entre les courants modernistes/postmodernistes et la dynamique-Système, et les courants traditionnalistes et la dynamique-antiSystème. Les premières (“actions spécifiquement humaines“) sont de mon point de vue extrêmement accessoires d’abord du fait de la faiblesse des sapiens face à la crise, et leurs productions étant très diverses et très difficiles à apprécier dans l’extraordinaire confusion du désordre des événements en tous sens et de toutes natures qui règne actuellement. Les seconds (“courants et dynamiques puissantes en état d’antagonisme”) sont essentiels, et leurs productions évidentes et tranchantes sans la moindre équivoque, doivent être identifiées selon la logique qui préside au jugement global (une « grille de lecture guénonienne », c’est-à-dire traditionnaliste, écrit encore, et justement, la lectrice citée plus haut).
Notre hypothèse principale, cela est répété sous toutes les formes possibles, aussi bien sous une forme impersonnelle sur le site que dans ce Journal-dde.crisis, sous la forme personnelle du “je” de l’auteur, est bien que cette époque est d’essence métahistorique. Elle se caractérise par un formidable affrontement qui est aussi simple à définir et à décrire au contraire des “événements humains” parce que les deux forces impliquées sont les deux seules à subsister, et capables de s’affronter dans l’histoire de notre civilisation-devenue-contre-civilisation là où elle se trouve, qu'elles sont très aisément identifiables comme si effectivement nous étions au terme de cette contre-civilisation, pour le duel final, pour le “Jugement de Dieu”. Cet affrontement se fait entre d’une part la modernité/postmodernité et sa forme opérationnelle du Système, et d’autre part le courant traditionnaliste et sa forme opérationnelle qui est nécessairement, par logique antagoniste, l’antiSystème. Dans ce cas, le fait irréfutable, selon cette conception, est que les actes humains se déterminent, volontairement ou non c’est selon, en fonction de cette puissante vérité-de-situation qui les surmontent, les influencent et pèsent sur eux avec une force inouïe. C’est, il me semble, à peu près ce qui était dit dans le deuxième texte référencé (du 23 mars) :
« Les USA, au moins, sont proches de la vérité-de-situation révolutionnaire, avec un affrontement qui, même s’il mêle des groupes épars qui n'ont pas tous saisi le sens et l’essence de l’enjeu, déploie au moins les véritables composants de cet enjeu. En fait, il s'agit de la “guerre civile” fondamentale entre les deux axes de notre métahistoire, entre la modernité dans sa phase postmoderne où le Système apparaît pour ce qu’il est, créateur de ce courant déstructurant et entropique, et les forces de résistance nées de la Tradition et opérationnalisées sous une forme antiSystème. Les groupes humains sont moins les instigateurs de cette “guerre civile” que les acteurs au mieux, les figurants le plus souvent ; il s'agit essentiellement, pour eux, de bien s'y reconnaître et de choisir leur camp judicieusement, en comprenant bien ce dont il est question. »
On notera que dans ce texte, il importe peu de savoir qui sont ces acteurs-figurants et quels sont leurs buts ; leur puissance est trop faible, et la situation opérationnelle beaucoup trop complexe pour qu’ils puissent agir efficacement en fonction de leur propres buts et ambitions. Du coup, ils n’ont plus comme issue, – et cela est, je le répète et comme toujours dans ces hypothèses, volontaire ou (beaucoup plus souvent) involontaire, – qu’à suivre et soutenir la dynamique-Système ou la dynamique-antiSystème, – à mon avis, selon les influences qu’ils subissent, et la fermeté variable de leurs psychologies à résister aux influences maléfiques (celles du système, certes). Cela donne lieu à des variations imprévues et inattendues, et souvent très paradoxales et surprenantes.
Un cas récent assez amusant à Washington D.C., signalé ce même jour dans Humeur-de-crise, c’est celui du sénateur Lindsay Graham (du duo Graham-McCain), personnage détestable jusqu’ici de mon point de vue, personnage antiSystème, antirusse hystérique, pro-guerre, et jusqu’alors anti-Trump aux côtés des démocrates. Voici que Graham excédé (« Enough is enough ») rejoint le camp pro-Trump et antidémocrate, qui est dans toutes ces affaires et par logique tactique le camp de l’antiSystème : il juge insupportable l’obstruction démocrate à la confirmation de la nomination du professeur Gorsuch à la Cour Suprême proposée par Trump ; il se montre extrêmement préoccupé des écoutes téléphoniques (dont celles de Trump et de son équipe) qui viennent d’être révélées… Dans ce cas, et jusqu’à nouvel ordre, viva Lindsay Graham qui, d’épouvantable me devient tout à fait fréquentable et honorable. (…Et qui pourrait me redevenir épouvantable demain ou après, si par exemple l’on parle de la Syrie et qu’il se trémousse en faveur de l’intervention.) Il ne s’agit pas de signer un contrat avec Graham ni de faire triompher Trump ici ou là, ou faire en sorte qu'il l'emporte contre ses adversaires (d'autant que son programme est bien imprécis et parfois catastrophique), toutes ces choses assez dérisoires et qui ne sont d’ailleurs que tactiquement antiSystème ; il s’agit de continuer le travail antiSystème de déconstruction et de dissolution de l’appareil structuré mis en place par le Système pour faire avancer ses affaires.
De même, pour revenir à la première citation concernant Le Pen et l’enfumage, il m’apparaît stratégiquement complètement indifférent que la Le Pen ait telle ou telle intention. L’important est que son élection est perçue, avant même qu’elle ait lieu, si elle a lieu, comme une sorte d’explosion nucléaire politique dont nous ressentons déjà, par anticipation de communication les retombées (les effets). Si elle n’a pas lieu, cette élection, nous en aurons eu tout de même ces effets par anticipation qui, en eux-mêmes, auront fait évoluer la situation dans le sens déstabilisant (pour le Système) qui convient ; et si elle a lieu, cette élection, alors l’explosion nucléaire aura lieu, et elle sera de type antiSystème, et nul n’en peut deviner les effets qui toucheront une situation elle-même déjà touchée par les effets antérieurs, de la perception de l’événement d’avant l’événement, et donc déjà modifiée par rapport à ce que nous en croyons. Dans cette confusion que l’on décrit et qui est sans commune mesure avec celle existant, – il y à peine neuf mois ! – du temps du Brexit qui ouvrit une nouvelle époque où se sont accumulés tant d’éléments explosifs, on comprend que je n’accorde pas une place extraordinairement grande aux intentions réelles ou cachées de la candidate Le Pen, sans que cela implique un jugement de valeur particulier. Elle serait placée en cas d’élection devant des événements imprévisibles et inattendus, comme tout le monde d’ailleurs… Très vite, immédiatement, elle devrait improviser.
Cela écrit, on observera, – c’est le cas de nombre de commentaires par rapport aux textes qui sont publiés, – que le sujet n’avait aucun rapport fondamental, ni avec Le Pen elle-même, ni avec son programme, mais avec l’attitude des USA et de leurs capacités d’influence, par rapport à une élection présidentielle français marquée par des inconnues d’une très grande importance, et selon une hypothèse électorale bien précise, répercutée par des textes qui ont paru dans la presse antiSystème. Les textes de réflexion sur la dualité antagoniste Système-antiSystème sont par nature étrangers à la logique des slogans qui sont la marque des engagements politiques, et c’est là l’essence même de notre travail.
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